Le fait que la Grande-Bretagne sorte de l'Union européenne pourrait entraîner le dépoussiérage des vieux plans de création d’une force de défense paneuropéenne, écrit le journal norvégien Aftenposten. Directement concernée, l'OTAN a déjà mis en garde contre une « concurrence inutile et un gaspillage de ressources militaires limitées. »
Par Sputnik News – Le 12 juillet 2016
Au cours du dernier sommet de l’OTAN à Varsovie, l’intensification de la coopération du bloc européen avec l’Alliance de l’Atlantique Nord a été beaucoup encensée. Les parties ont déclaré leur intention de renforcer la coopération dans des domaines tels que le terrorisme et la cyber-sécurité, rappelle l’Aftenposten.
« Au cours de ces derniers mois, nous avons réussi à en faire plus qu’au cours des dix dernières années », a déclaré au journal le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, en parlant de cette coopération renforcée entre l’OTAN et l’UE.
« Mais la relation n’est pas sans complications », nous explique le correspondant de l’Aftenposten, Oystein K Langenberg.
« Certains pays de l’UE, comme l’Allemagne et la France, aimeraient voir une coopération de défense bien plus renforcée et placée sous les auspices de l’UE, qui se ferait indépendamment des États-Unis et l’OTAN », remarque le journaliste. En outre, « les Britanniques, qui sont parmi les critiques les plus virulents contre cette idée, ont voté pour quitter l’UE, permettant de nouvelles discussions » concernant une force européenne de défense.
« Le lendemain du jour où les Britanniques ont voté non à l’adhésion à l’UE, les ministres des Affaires étrangères de l’Allemagne et de la France ont mis en avant l’idée d’un pacte de sécurité européen ». La proposition, explique Langenberg, renforce l’idée d’une UE dans sa position de pouvoir mondial indépendant, et demande à l’UE d’établir un poste de commandement mixte civil et militaire permanent.
« La nouvelle stratégie globale de l’UE, présentée quelques jours plus tard, appelle également à une coopération militaire plus étroite sous les auspices de l’UE, et suggère la nécessité pour le bloc européen d’avoir des forces militaires qui puissent agir indépendamment des États-Unis. »
Interviewé par Aftenposten, Sven Biscop, le directeur de l’Institut royal belge d’Egmont pour les relations internationales, a expliqué la logique qui sous-tend l’idée d’une force militaire européenne. « Je pense que l’UE doit développer sa capacité d’effectuer ses propres opérations militaires avec leur propre centre de commande. L’Europe doit être en mesure de mener des opérations sans les Américains. » Ce qui, nous rappelle l’analyste, est pratiquement impossible aujourd’hui.
Évidemment, Langenberg ajoute : « Les diplomates de l’OTAN ne sont pas vraiment ravis par cette idée. Stoltenberg lui-même s’est personnellement prononcé contre la création d’un siège militaire et d’une structure de commandement européens. »
« La chose importante est d’éviter les doublons. Les structures de commandement de l’OTAN ont été largement testées pendant des décennies », met en garde le secrétaire général.
Des sources au sein de l’OTAN estiment, qu’en plus, une force de défense européenne dilapiderait encore plus les ressources militaires limitées.
« La dernière chose dont l’Europe a besoin en ce moment est de modifier ses structures de sécurité sous-jacentes. Dans le pire des cas, cela pourrait conduire à la renationalisation de la politique de sécurité et à l’affaiblissement de l’OTAN », a déclaré un fonctionnaire anonyme de l’OTAN à Aftenposten.
Le thème de la sécurité pan-européenne a été discuté pendant le dîner du sommet de l’OTAN de vendredi. Selon la Premier ministre norvégien Erna Solberg, alors que l’UE a certainement des secteurs sur lesquels se concentrer sur le plan de la politique de sécurité, l’accent devrait être porté sur le soft power, la construction institutionnelle et une force de police commune. « Il n’y a aucun sens à commencer à créer des structures de commandement alternatives », a-t-elle averti.
Le fonctionnaire anonyme de l’OTAN a ajouté que même s’il est peu probable que l’UE soit capable de créer une infrastructure de sécurité efficace, la tentative de le faire gâcherait du temps et de l’énergie. « Il y a une raison pour laquelle l’UE n’a pas été en mesure de faire quoi que ce soit dans ce domaine : ils n’y ont pas inclus les États-Unis », nous a dit ce fonctionnaire.
De son coté, M. Biscop a suggéré que certaines structures doubles seraient possibles, mais a également souligné que ce n’était qu’une question à remettre à plus tard. À son avis, la possibilité que les pays de l’UE fusionnent leurs défenses pourrait même être une bonne chose pour l’Alliance de l’Atlantique Nord.
« Ces forces pourraient agir sous différents commandements – celui de son propre gouvernement, de l’UE, de l’OTAN ou de l’ONU », déclare l’analyste. Il a en outre suggéré que Washington ne s’opposerait pas nécessairement a une coopération de défense plus étroite entre les pays de l’UE, indépendante de l’OTAN.
« Mon impression est qu’ils sont devenus plus pragmatiques sur cette question. L’OTAN a cessé d’être une sorte de religion. Pour les Américains, la chose la plus importante est que l’Europe prenne de plus en plus la responsabilité de sa propre défense. Sous quel drapeau cela doit se faire leur est moins important », note Biscop.
Stoltenberg en était moins certain, en disant au journal que ce n’est pas le moment de dilapider de maigres ressources. « … Étant donné les budgets de défense serrés, et sachant que 90% de la population de l’UE vit dans un pays de l’OTAN, il serait stupide de ne pas s’organiser de façon à tirer le meilleur parti de nos ressources. » Un système de défense paneuropéenne, selon le secrétaire général, « serait en contradiction avec notre décision de dépenser plus pour la défense, et d’utiliser l’argent de façon plus judicieuse. »
Le ministre norvégien des Affaires étrangères Borge Brende a, de son coté, suggéré qu’il ne craint pas une concurrence accrue entre l’UE et l’OTAN, mais a souligné que les organisations doivent se compléter les unes les autres. Le ministre a également souligné que les membres de l’UE doivent trouver un consensus sur l’approfondissement de la coopération de défense de l’UE.
Mais il reste encore un problème. « Les pays d’Europe de l’Est, comme la Pologne, ont clairement fait savoir qu’au sujet de la politique de défense, ils ne veulent travailler que dans le cadre de l’OTAN », a conclu Langenberg.
Traduit par Wayan, relu par Catherine pour le Saker Francophone