Le «choix de civilisation» de l’Ukraine: une victoire à la Pyrrhus pour la Russie?

Par le Saker original – Le 24 novembre 2013 – Source thesaker.is

 

Cet article a été écrit trois mois avant les événements sanglants de la place Maïdan à Kiev, lorsque le gouvernement de Ianoukovich a décidé d’abandonner l’accord prévu avec l’Union Européenne. Le Saker analyse en détail la situation de l’Ukraine avant le putsch, et l’évolution probable des événements. Il ne s’agit pas vraiment de prescience. La configuration en place ne pouvant pas avoir d’autre issue logique que celle que le Saker anticipe.

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La dernière décision prise par le gouvernement Ianoukovitch pour retarder toute décision sur l’éventuelle signature d’un accord d’association avec l’Union européenne a été accueillie avec un mélange de choc et d’indignation par la presse d’entreprise occidentale. À l’unanimité, il a été décrété que ce renversement apparent par Ianoukovitch lui-même était le résultat d’un chantage russe, d’une politique de puissance impitoyable et de menaces à peine voilées. Enfin, les médias ont présenté ce dernier développement comme une victoire personnelle de Poutine et une victoire stratégique pour la Russie. Dans un nouvelle manifestation du triomphe de la forme sur le fond, les commentateurs occidentaux ont beaucoup insisté sur le drame et l’hyperbole et donné très peu d’explications sur ce qui s’est réellement passé. Je propose de mettre de côté tout le battage idéologique et de commencer par quelques rappels de base.

Qu’est-ce que l’«Ukraine», réellement?

L’Ukraine dans ses frontières actuelles est une entité complètement artificielle créée par le régime soviétique, dont les frontières n’ont absolument aucun fondement historique. À bien des égards, la République socialiste soviétique d’Ukraine était une mini-Union soviétique, en pire, dont la population avait souffert horriblement pendant la majeure partie du XXe siècle (et avant). En outre, on néglige qu’au début du régime soviétique, puis sous l’occupation nazie et le régime soviétique après la Seconde Guerre mondiale, et enfin à partir de l’indépendance acquise après la chute de l’Union soviétique, l’Ukraine a subi un processus constant d’ouest-ukrainisation: la langue, la culture politique et même les mythes nationaux  associés historiquement à l’Ukraine de l’Ouest ont été imposés aux autres parties du pays, ce qui a entraîné des tensions constantes entre l’Ouest, globalement pro-occidental, et l’Est et le Sud, généralement pro-russes. Enfin, dire que l’économie ukrainienne est dans une crise profonde serait un euphémisme. Non seulement l’Ukraine a hérité d’une industrie soviétique lourde et obsolète, mais elle a été totalement incapable de l’utiliser pour lancer la production locale de biens et de services. Les seuls segments de l’économie ukrainienne qui s’en sont raisonnablement tirés sont ceux qui produisent des biens et des services pour l’économie russe, qui est beaucoup plus grande. Au cours de ce processus, cependant, ces meilleurs segments sont soit devenus totalement dépendants des investissements russes, soit ont été acquis par des sociétés russes. Aucune de ces réponses, toutefois, ne suffit à expliquer la catastrophe absolue qui s’est abattue sur l’Ukraine depuis son indépendance. Pour cela, nous devons jeter un regard sur les élites politiques ukrainiennes.

Qui a dirigé l’Ukraine depuis son indépendance?

Formellement, les présidents Kravtchouk, Koutchma, Iouchtchenko et Ianoukovitch. En réalité, cependant, depuis son indépendance, l’Ukraine a été dans la poigne de fer des oligarques ukrainiens. C’est la chose la plus importante à garder à l’esprit pour comprendre toute la dynamique à l’œuvre actuellement entre l’UE, la Russie et l’Ukraine. En Russie, le régime présidentiel a vaincu les oligarques, en Ukraine les oligarques ont vaincu le régime présidentiel. En fait, les oligarques ukrainiens sont très semblables à leurs homologues russes de l’ère Eltsine. La tragédie de l’Ukraine est qu’il n’y a pas eu de Poutine ukrainien, et ce qui aurait pu se produire en Russie sans Poutine a effectivement eu lieu en Ukraine. Dire que les élites politiques ukrainiennes sont corrompues serait un euphémisme. La réalité est bien pire. Tous les politiciens ukrainiens sont des prostitués politiques absolument sans scrupule, qui peuvent être achetés et vendus et qui n’ont aucun idéal personnel quelconque. Aucun. Il est assez pathétique de lire dans la presse occidentale que Ioulia Timochenko est une sorte de pasionaria nationaliste, alors que Ianoukovitch est pro-russe. C’est risible! Timochenko et Ianoukovitch et, franchement, tous les autres (Klitschko, Symonenko, etc.), sont des caméléons politiques qui ont changé plusieurs fois d’affiliation et qui se feront un plaisir de recommencer. Et, tout comme le peuple russe a été essentiellement manipulé, impuissant et apathique sous le régime des oligarques d’Eltsine, les Ukrainiens le sont aujourd’hui, à qui on ne présente aucune personne décente pour qui voter ou simplement soutenir.

L’Ukraine entre l’Union européenne et l’union douanière avec la Russie

La raison pour laquelle l’accord d’association entre l’UE et l’Ukraine a été présenté par tous les partis politiques (sauf les communistes) comme un choix de civilisation, une décision stratégique et une étape inévitable est qu’il était très bénéfique pour l’oligarchie ukrainienne, qui est absolument terrifiée par Poutine et qui veut garder sa position actuelle de pouvoir à tout prix. Certes, la majorité des Ukrainiens occidentaux veulent rejoindre l’UE, mais ils n’auraient jamais eu l’influence politique et, franchement, l’argent pour forcer Ianoukovitch et le Parti des régions à être les premiers à le soutenir. Non, le véritable centre de gravité de l’activisme pro-UE se trouve dans l’oligarchie ukrainienne et ses discrets mais puissants amis de l’Occident – les mêmes forces qui avaient jeté leur dévolu sur Eltsine entre 1990 et 2000: l’empire anglo-sioniste et ses États vassaux européens.

En revanche, l’opposition à cet accord d’association avec l’UE a existé principalement dans le milieu des petites et moyennes entreprises de l’Ukraine orientale, essentiellement dépendante de la Russie, et qui seraient immédiatement tombées en faillite si la Russie avait réduit ses investissements dans les programmes communs.

Peu importe: la façon dont les élites ukrainiennes ont traité cette question a rendu l’opinion du peuple fondamentalement sans importance.

Un choix de civilisation opéré par une petite élite corrompue?

En tentant de convaincre le peuple ukrainien de soutenir l’association avec l’UE, les  oligarques ukrainiens et leurs partisans occidentaux ont très habilement cadré la question à un degré tel qu’il en est devenu méconnaissable et a rendu impossible aux gens d’exprimer leur opinion. Pensez-y – si le choix entre une association avec l’UE et une participation éventuelle de l’Ukraine à une union douanière avec la Russie, la Biélorussie, le Kazakhstan, l’Arménie et d’autres était vraiment un choix de civilisation – est-ce qu’un référendum populaire ne serait pas l’unique bonne manière de prendre une décision si dramatique? En réalité, cependant, la décision a été prise par un seul homme: Ianoukovitch. En outre, est-il même correct de parler d’un choix de civilisation? La plupart des sondages demandent aux Ukrainiens s’ils veulent adhérer à l’UE, mais ce n’est pas du tout ce qui leur est proposé. Ce qui leur est offert n’est qu’une association avec l’UE: un accord du même type a également été proposé à des pays tels que le Chili, l’Afrique du Sud ou l’Égypte. Ce n’est pas du tout une première étape vers une adhésion à l’UE. (La Turquie a signé un accord en 1964 et elle attend toujours; y a-t-il quelqu’un pour croire que le Chili va adhérer à l’UE?). Quant à l’entrée dans une union douanière avec la Russie, elle doit encore être négociée et, au point où nous en sommes, il est impossible de savoir avec certitude ce que seraient les conditions définitives d’une telle union (même si le schéma général est assez clair). Pourtant, sondage après sondage après sondage, la même question est posée: Voulez-vous que l’Ukraine adhère à l’UE? En voici un exemple dans Wikipédia:

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Support populaire comparatif en Ukraine pour l’adhésion à l’UE et à l’Union Economique Eurasienne

Qu’est-ce qui est vraiment en jeu ici? La réponse courte est que ce qui est en jeu ici est l’avenir de l’oligarchie ukrainienne. La réponse plus complexe est que l’enjeu est ce que l’Occident peut gagner en cooptant l’oligarchie ukrainienne dans sa sphère d’influence. Pratiquement, cela signifie que tant que l’Occident a décidé de maintenir les oligarques au pouvoir, il pourrait tirer de nombreux avantages très réels de l’Ukraine, comme un marché pour les produits de l’UE, le travail pas cher, la possibilité de déployer des forces de l’Otan en Ukraine (sans nécessairement offrir à l’Ukraine de rejoindre l’alliance) et, surtout, la garantie solide comme le roc de pouvoir dicter ses conditions à l’oligarchie ukrainienne. qui n’aurait pas d’autre choix que de se conformer absolument à toutes les exigences des pays occidentaux.

En outre, l’Occident voit beaucoup cela comme un jeu à somme nulle, ce que l’Occident gagne, la Russie le perd. Bien que ce ne soit pas catastrophique à tout point de vue, la rupture des liens économiques actuels entre la Russie et l’Ukraine nuirait certainement à la Russie, au moins à court terme. En outre, l’Occident croit aussi qu’une association avec l’UE empêcherait toute poursuite de l’intégration de la Russie et de l’Ukraine. C’est probablement vrai, à mon avis, tout simplement car aucune véritable intégration entre l’Ukraine et la Russie n’est possible tant que les oligarques ukrainiens restent au pouvoir. Juste avant que Barak Obama ne se débarrasse d’elle, Hillary Clinton a fait l’aveu étonnamment candide sur les objectifs exacts de l’Empire anglo-sioniste en Europe de l’Est. Voici ce qu’elle a dit:

«Il y a une tendance à la  re-soviétisation de la région. On ne l’appellera pas comme ça. On parlera d’une union douanière, de l’Union eurasienne et toute cette sorte de choses. Mais ne nous y trompons pas. Nous savons quel est l’objectif et nous essayons de trouver des moyens efficaces pour le freiner ou l’empêcher.»

Simple, directe et claire. Même l’utilisation de l’expression re-sovietisation montre que Hillary et, franchement, la plupart des élites occidentales sont encore complètement coincés dans un paradigme de la guerre froide dans lequel chaque acte de la Russie est nécessairement un mal, où l’Occident et la Russie jouent un jeu à somme nulle. Dans la logique de ces gens, toute perte pour la Russie est, par définition, un résultat positif et hautement souhaitable pour l’Occident. Quoi de mieux pour l’Empire, dans le but de freiner ou d’empêcher toute intégration de la Russie et de l’Ukraine, que d’offrir à l’oligarchie ukrainienne un accord d’association avec l’UE, qui ne coûterait rien et qui déclencherait inévitablement une guerre commerciale entre la Russie et l’Ukraine?

Les objectifs russes en Ukraine

Les objectifs russes en Ukraine sont assez simples. Premièrement, la Russie estime qu’une union douanière avec l’Ukraine serait mutuellement bénéfique. Deuxièmement, la Russie espère également qu’avec le temps, une telle union mutuellement bénéfique permettrait d’atténuer les sentiments anti-russes (qui sont toujours agités par les élites politiques ukrainiennes) et qu’avec le temps, l’Ukraine pourrait devenir un membre de la future Union eurasienne. Troisièmement, échaudée par son amère expérience avec les pays d’Europe centrale, les États baltes et la Géorgie, la Russie espère certainement empêcher l’Ukraine de devenir la prochaine colonie de l’Empire anglo-sioniste en Europe. Enfin, une majorité de Russes croit que les peuples russe et ukrainien sont sinon une nation du moins deux nations sœurs partageant une histoire commune et dont la vocation naturelle est de vivre dans l’amitié et la solidarité.

Les objectifs russes en Ukraine sont-ils réalistes?

Ironiquement, la Russie est confrontée exactement au même problème en Ukraine que l’Empire anglo-sioniste: l’Ukraine dans ses frontières actuelles est une création totalement artificielle. Tout le monde est à peu près d’accord que l’Ukraine occidentale et l’Ukraine de l’Est ont presque exclusivement des objectifs opposés. À tous les niveaux – la langue, l’économie, la politique, l’histoire, la culture – les parties occidentale et orientale de l’Ukraine sont totalement différentes. Le centre et la capitale de Kiev est un mélange de l’Est et de l’Ouest, alors que le Sud est vraiment une entité culturelle unique, différente du reste du pays, et encore plus diversifiée que le reste du pays. Un stratège en chambre pourrait suggérer que la solution évidente serait de partager l’Ukraine en deux ou plusieurs parties et laisser chaque partie choisir, mais cette solution a deux inconvénients majeurs: d’abord, briser un pays artificiel est une chose extrêmement dangereuse (rappelez-vous la Bosnie ou le Kosovo!) et, deuxièmement, il n’y a absolument aucun moyen que l’Occident et ses marionnettes nationalistes ukrainiennes acceptent jamais une telle solution (ils soutiennent même que la péninsule de Crimée doit être considérée à jamais comme partie intégrante de l’Ukraine, même si Khrouchtchev ne l’a donnée à la République soviétique d’Ukraine qu’en 1954!).

En outre, je crois même qu’il faudrait procéder à une analyse plus fouillée des conséquences de l’intégration de l’Ukraine à la Russie avant de sauter aux conclusions. Si, en effet, l’Ukraine est une grande Bosnie, cela a-t-il un sens pour la Russie d’intégrer cette grande Bosnie à l’union très prospère qu’elle forme avec la Biélorussie, le Kazakhstan et d’autres pays à l’est? Je ne suis pas contre l’argument que l’histoire montre clairement l’Ukraine, la Biélorussie, le Kazakhstan comme faisant tous partie d’un même corps historique et culturel. Ce que je dis, c’est que la partie ukrainienne de ce corps souffre d’une forme très dangereuse de gangrène et que je ne vois pas comment la Russie et le reste de la (future) Union eurasienne pourraient guérir ce membre. Alors que certains segments de l’économie ukrainienne ont un potentiel intéressant pour la Russie, la plus grande part de celle-ci est un désastre, sans aucune chance de réforme. Politiquement, l’Ukraine est un désastre au ralenti, où les politiciens corrompus se battent entre eux pour avoir la chance d’obtenir de l’argent et le soutien des oligarques locaux et de leurs clients occidentaux. Socialement, l’Ukraine est une bombe à retardement qui devra exploser tôt ou tard, et si la Russie peut continuer à renflouer l’économie ukrainienne en lui accordant prêt après prêt après prêt, cela ne peut pas durer éternellement. Enfin, l’Ukraine occidentale est une boîte de Petri, un bouillon de culture où germe une hystérie russophobe de la pire espèce,  passant souvent par du nazisme pur et simple, qui n’acceptera jamais le moindre accord avec les Moskals haïs (les Russes ou les Moscovites dans le vocabulaire nationaliste) .

Ce qui fait peur, c’est que l’Ukraine, dans sa configuration actuelle, est condamnée à l’échec, peu importe qui l’emporte, de Ianoukovitch ou de l’opposition. Il suffit de regarder ce que les libéraux et démocrates ont fait en Russie sous le règne des oligarques d’Eltsine: l’effondrement complet de l’économie russe, le quasi éclatement du pays en de nombreuses petites entités, toute l’économie souterraine dans les mains de parrains mafieux, tandis que des oligarques juifs pillaient littéralement la richesse de la Russie et la transféraient à l’étranger, et que les médias étaient occupés à gaver le peuple russe de mensonges absolus et de non-sens. Eh bien, aujourd’hui, ce sont exactement des personnes du même type qui mènent le jeu en Ukraine.

La grande différence

Si on regarde ce qui s’est passé au cours des vingt dernières années ou à peu près, la raison du cauchemar actuel vécu par l’Ukraine devient évidente, tandis que la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan ont fait beaucoup mieux. La réponse est dans le nom des trois dirigeants: Nazarbïaev, Poutine, Loukachenko. Je cite Nazarbïaev en premier parce qu’il a toujours été pour une intégration avec la Russie et ses alliés – le Kazakhstan n’a jamais vraiment voulu son indépendance au départ, il a été littéralement poussé dehors par Eltsine et ses alliés démocratiques, Kravchuk et Shushkevich). Poutine n’est apparu sur la scène politique que dix ans après que Nazarbaïev avait essayé de faire de son mieux pour maintenir un seul pays post-soviétique. Quant à Loukachenko, c’est une personnalité complexe et excentrique qui suit une politique plutôt bizarre envers la Russie: il veut intégrer le Bélarus à la Russie très orientée sur le business, tout en conservant son économie et sa société dans une situation néo-soviétique. Pour toutes leurs différences, Nazarbaev, Poutine et Loukachenko ont émergé comme trois personnages puissants qui ont mis leurs des oligarques locaux sous contrôle et qui ont ainsi empêché leur pays de devenir des colonies de l’empire anglo-sioniste.

En revanche, aucun leader national réel n’a émergé en Ukraine: chaque politicien ukrainien est un gag et une marionnette aux mains d’intérêts privés.

Le «choix de civilisation» de l’Ukraine – une victoire à la Pyrrhus pour la Russie?

En ce moment précis, les médias occidentaux s’efforcent de présenter la décision de Ianoukovitch pour retarder d’autres négociations sur l’association avec l’UE comme une énorme victoire stratégique pour Poutine et la Russie. Personnellement, je suis en désaccord. S’il est vrai que cette décision de Ianoukovitch a retardé l’effondrement de l’économie ukrainienne, ce n’est qu’une tactique dilatoire, rien n’a changé fondamentalement.  En outre, alors qu’il est essentiel pour l’Ukraine de ne pas rompre ses liens économiques actuels avec la Russie, ce n’est pas vrai pour la Russie, en particulier à long terme. Bien sûr, un effondrement économique de l’Ukraine serait aussi une mauvaise nouvelle pour la Russie, qui n’a vraiment pas besoin que son grand voisin s’engage dans un scénario bosniaque de peur d’y être attirée, ce qui se produirait presque inévitablement.

Mais avoir évité une catastrophe immédiate en Ukraine est quelque chose que je pourrais difficilement qualifier de victoire stratégique pour la Russie. On pourrait faire valoir que la meilleure option pour la Russie serait de prendre d’énormes ciseaux, de faire une profonde découpe le long de la frontière actuelle entre la Russie et l’Ukraine, et de déplacer cette dernière quelque part au milieu de l’océan Pacifique. Comme ce n’est pas une option, la meilleure chose serait de permettre à l’Ukraine de se scinder en ses composantes naturelles et d’intégrer l’Ukraine de l’Est dans l’Union eurasienne. Hélas, en ce moment précis, cette option est tout aussi impossible que la première. Que reste-t-il alors pour la Russie? Quelle est la moins mauvaise option dont la Russie peut essayer de tirer le meilleur? Exactement ce qu’elle fait aujourd’hui: tenter d’empêcher un effondrement complet de l’économie ukrainienne tout en espérant l’émergence éventuelle d’un Poutine ukrainien. Un Poutine ukrainien serait un vrai patriote, dont la première priorité serait de se débarrasser des oligarques ukrainiens, la deuxième serait d’indiquer clairement aux Anglo-sionistes qu’ils ne sont plus les bienvenus en leur qualité de maîtres coloniaux, et la troisième d’essayer d’obtenir le meilleur accord possible pour le peuple ukrainien dans une future Union eurasienne. Jusqu’à présent, il n’y a absolument aucun signe d’une telle figure émergente en Ukraine.

Alors oui, le changement de mentalité de dernière minute de M. Ianoukovitch est une bonne nouvelle pour l’Ukraine et pour la Russie, mais ce n’est guère une victoire pour Poutine ou la Russie. Premièrement, je ne serais pas surpris que Ianoukovitch change encore une fois d’avis (l’homme n’a pas de principes ni de valeurs à proprement parler). Deuxièmement, nous voyons déjà que l’Empire va absolument étouffer de rage devant ce dernier développement, et que les États-Unis et l’UE ne ménageront pas leurs efforts pour orchestrer une autre révolution à Kiev. Même chose pour l’opposition ukrainienne qui va maintenant recevoir un énorme afflux de dollars de l’Ouest pour provoquer autant de chaos que possible. Quant au peuple ukrainien, il n’aura pas d’autre choix que d’exprimer son opinion dans des sondages posant la mauvaise question. Enfin, tant que l’oligarchie ukrainienne actuelle restera au pouvoir, il n’y aura aucune raison d’espérer des améliorations significatives dans la situation difficile de l’Ukraine et de ses habitants.

Le Saker

Traduit par Diane, relu par jj pour le Saker Francophone

 

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