Par Ron Unz — Le 22 juillet 2024 — Source unz.com
L’objectif explicite de notre site d’information alternative est d’apporter un accès pratique à des « perspectives intéressantes, importantes ou controversées, largement exclues des médias dominants étasuniens. » Pour mener à bien cette mission, nous couvrons régulièrement des sujets hautement controversés qui ne sont que très rarement présentés par d’autres publications, tout en modérant également les discussions qui s’ensuivent de manière très légère. Conséquence inévitable de ces deux choix de fonctionnement, nous attirons une gamme très large de lecteurs et de commentateurs, allant de personnes extrêmement érudites à des gens absolument dérangés.
On ne peut trouver de meilleur exemple de cela que notre couverture très honnête des sujets juifs, largement considérés comme des sujets mortellement glissants, et que l’écrasante majorité des autres publications ou sites Internet évitent ou délimitent donc très soigneusement. Comme les commentateurs entretenant des idées obsessives ou extrêmes sur les sujets juifs se font le plus souvent bannir presque partout, ils gravitent naturellement autour de notre plateforme relativement peu limitative, pour le meilleur ou pour le pire.
On a eu une illustration de cela il y a une semaine ou deux, après que j’ai publié un très long article surtout consacré à la carrière du président Richard Nixon, à ses relations avec son rival et prédécesseur John F. Kennedy, et au scandale du Watergate qui finit par lui faire quitter ses fonctions.
• La Pravda américaine : JFK, Richard Nixon, la CIA, et le Watergate
Ron Unz • The Unz Review • 9 juillet 2024 • 16,700 mots
Cette analyse s’étale sur presque 17 000 mots, mais ne fait guère mention à des sujets juifs, car je ne les considérais pas du tout comme pertinents par rapport au sujet de l’article.
Certains commentateurs ont fortement objecté à cette évaluation, et insisté sur l’idée que Nixon était connu pour ses positions fortement anti-juives, et que pour résultat, « les Juifs » avaient utilisé le scandale du Watergate pour le détruire. Je me suis vertement opposé à ces affirmations, et certains de mes critiques ont répondu en produisant de très nombreux éléments soutenant leur thèse conspirationniste.
Parmi ces commentateurs rares sont ceux dont les opinions sont alignées avec la majorité, et ce dans la majorité des domaines, mais en cette instance particulière, leur opinion de Nixon était très proche de celle qui est présentée dans les organes de presse dominants. Par exemple, faire une recherche Google sur la phrase « Nixon anti-sémitisme« génère un déluge d’articles majeurs, avec en tête un récit publié en 1999 par le Washington Post sous le titre « De nouvelles écoutes révèlent la profondeur de l’anti-sémitisme de Nixon« , et un article du New York Times endossait une position semblable. Quelques années plus tard, d’autres enregistrements de Nixon furent publiés, et un long article parut dans Slate, dénonçant encore davantage Nixon pour les opinions terribles révélées par les enregistrements secrets de ses conversations privées, et dont la première phrase donnait un avant-goût de la suite de l’article :
La réputation d’antisémite haineux et vindicatif affublant Richard Nixon a été renforcée en fin de mois dernier lorsque les Archives Nationales, qui ont publié les 3700 heures de conversations enregistrées de Nixon à la Maison-Blanche par épisodes depuis 1996, en ont produit un nouveau lot.
Sur les sujets controversés, Wikipédia reflète le plus souvent la vision de la réalité officielle et propre à l’establishment, et un autre des premiers liens remontés par ma recherche Google était une page Wikipédia décrivant les projets de Nixon de purger des branches de l’administration fédérale des Juifs, décrits par un auteur de Slate comme « le dernier acte connu d’antisémitisme par un gouvernement des États-Unis. »
Bien que je n’ai exploré qu’une poignée de ces premiers résultats de recherche, je suis certain que j’aurais facilement pu trouver pléthores d’articles dans des médias dominants prenant la même position et dénonçant Nixon comme un « antisémite » perfide et notoire. Ainsi, le Washington Post, le New York Times et tout le reste de nos médias dominants sont tout à fait d’accord avec les nombreux commentateurs anti-juifs de notre site internet : Richard Nixon détestait les Juifs.
Si tel était bien le cas, il est très plausible que les Juifs le détestaient également, et utilisèrent le scandale du Watergate pour lui faire quitter le pouvoir. Après tout, les deux publications qui avaient mené les campagnes pour mettre les faits en lumière et l’éjecter — le Post et le Times — étaient toutes deux détenues par des Juifs, et comptaient parmi leur personnel beaucoup de Juifs, et on pouvait en dire autant de nombre des organes d’information qui jouèrent un rôle aussi important, comme les réseaux de télévision CBS et NBC. Carl Bernstein et Seymour Hersh n’étaient que deux personnalités parmi les nombreux Juifs étant à la pointe de l’enquête médiatique concernant le Watergate.
Pourtant, malgré les éléments apparemment écrasants qui soutiennent cette perspective dans les médias dominants, je pense qu’elle est complètement fausse.
Une difficulté à laquelle ces commentateurs sont confrontés est que nombre d’entre eux peuvent être relativement jeunes, et ont donc une notion anachronique de la manière dont les Étasuniens considéraient les Juifs et l’influence juive durant les générations précédentes, ou parlaient de ce groupe. Ils ne peuvent donc pas imaginer des figures politiques exprimant des préoccupations acerbes et critiques envers les Juifs, et ont pour tendance naturelle de supposer que quiconque put en exprimer, même en privé, devait partager leur hostilité obsessive envers les Juifs, et penser que Nixon faisait partie de cette dernière catégorie. Mais bien que cet état de fait se soit avéré de plus en plus vrais au cours des deux ou trois générations suivantes, les choses n’étaient certainement pas les mêmes par le passé, et les remarques privées très critiques de Nixon envers les Juifs ne démontraient en aucune manière qu’il fût profondément antagoniste envers tous les Juifs ni « antisémite » quelle que soit la signification que l’on prête à ce terme.
De même, bien qu’il soit tout à fait exact qu’une vaste majorité de Juifs étasuniens actifs politiquement aient sans doute méprisé, voire détesté Nixon, cela résultat principalement de leurs penchants libéraux ou vers la gauche, alors que Nixon était fermement anti-communiste. Nixon avait commencé sa carrière politique de météore en réussissant à révéler au public qu’Alger Hiss était un agent communiste, ce qui avait provoqué l’emprisonnement de ce dirigeant de premier plan sous Franklin Delano Roosevelt, un énorme scandale qui resta durant presque deux générations une cause célèbre [en français dans le texte, NdT] importante chez les libéraux. Je doute donc, pour un grand nombre de Juifs hostiles à Nixon, qu’ils fussent au courant de ses remarques anti-juives formulées en privé et relativement modérées, ni qu’ils s’en seraient beaucoup préoccupé s’ils les avaient connues. Notre régime national de censure extrême sur ce sujet n’était alors pas encore complètement mis en place, si bien que de nombreuses personnes importants faisaient encore à l’époque des remarques anti-juives, parfois en public et pas seulement en privé.
Il faut se souvenir que les sentiments considérés comme ordinaires ou inoffensifs à une époque peuvent devenir scandaleux à une autre époque, et de nombreux cas illustrent l’inopportunité d’appliquer rétroactivement les nouveaux standards au temps passé.
Par exemple, à son époque, l’auteur Mark Twain était considéré comme un grand libéral sur le plan racial, mais comme dans son œuvre Les Aventures de Huckleberry Finn les Sudistes blancs du Sud emploient régulièrement le terme « nègre », des demandes répétées ont été faites d’interdire ou de censurer ce roman classique. Durant plus d’une décennie après la fin de la guerre du Vietnam, la série télévisée populaire M*A*S*H était considérée comme à la pointe de l’anti-militarisme et du progressisme, aussi bien par les libéraux que par les conservateurs, mais un de ses principaux personnages, le caporal Klinger, portait une robe et faisait semblant d’être travesti, dans l’espoir de se faire démobiliser pour raisons mentales, ce qui faisait de lui l’objet de blagues et de situations ridicules ; en notre âge de transgenrisme, ce type d’humour serait sans doute considéré comme extrêmement offensant et serait censuré sévèrement.
Les postures publiques au sujet des Juifs ont été particulièrement sujettes à changements au fil du temps. E.A. Ross était un intellectuel progressiste de premier plan et l’un de nos premiers grands sociologues, mais des décennies après sa mort, ses observations franches au sujet du comportement des Juifs ont conduit à sa diabolisation et à ce qu’on le qualifie désormais d’antisémite fanatique. Chose plus absurde encore, bien que les grands-parents de Karl Marx fussent d’éminents rabbins et qu’il figure sans doute parmi les Juifs les plus influents à jamais avoir vécu, et considéré comme un prophète idéologique par un grand nombre de Juifs socialistes et communistes, il a parfois été condamné comme antisémite pour les insultes cinglantes qu’il lança en direction d’hommes d’affaires juifs avides et de membres de la bourgeoisie juifs.
Dans ce contexte élargi, je pense que le sujet de l’antisémitisme supposé de Nixon me rappelle la célèbre boutade lancée par Joseph Sobran, le célèbre conservateur, après qu’il se fit purger de National Review pour n’avoir pas fait preuve d’assez de respect vis-à-vis des Juifs et des sujets juifs :
Par le passé, on qualifiait d’antisémite celui qui n’aimait pas les Juifs. De nos jours, c’est ainsi que l’on désigne celui qui n’est pas aimé des Juifs.
Dans ma première réponse à ces commentateurs qui affirmaient que Nixon était démesurément hostile envers les Juifs, j’ai évoqué quelques simples faits :
Personne ne considérait Nixon comme anti-juif. Chotiner, son premier directeur de campagne, était juif. Swifty Lazar, son agent, était juif. Kissinger, son principal conseiller, était juif. De nombreux autres assistants et rédacteurs de discours de son administration, comme Arthur Burns, Herbert Stein, Len Garment et William Safire étaient juifs.
J’avais remarqué sans jamais le vérifier le grand nombre de Juifs qui figuraient parmi les collaborateurs les plus proches de Nixon, ou parmi les personnes qu’il avait désignées à des positions élevées de son administration, qui semblaient dépasser de loin le total de tout président républicain, ou même de la plupart des présidents démocrates. De fait, bien que l’écrasante majorité des Juifs fussent des Démocrates connus, dix minutes de recherche sur Internet ont rapidement confirmé ce que je soupçonnais : sur le sujet des nominations à des postes élevés, l’administration de Richard Nixon fut sans doute celle à compter le plus grand nombre de Juifs de toute l’histoire des États-Unis, certainement bien plus important que sous ses prédécesseurs démocrates comme Roosevelt, Truman, Kennedy ou Johnson. Cataloguer certains noms n’a pas été chose difficile :
- Henry Kissinger, premier secrétaire d’État juif des États-Unis, et principal conseiller politique de Nixon.
- James Schlesinger, premier secrétaire de la Défense juif des États-Unis
- Arthur Burns, deuxième président juif de la Réserve Fédérale des États-Unis, et premier Juif à occuper ce poste depuis 1933.
- Herbert Stein, deuxième président juif du Conseil des Conseillers Économiques, après Burns.
- Casper Weinberger, directeur semi-juif de l’Office of Management and Budget et secrétaire à la Santé, à l’Éducation et aux Affaires sociales.
- Leonard Garment, Conseiller juif de la Maison-Blanche et conseiller proche de longue date
- William Safire et Ben Stein, rédacteurs de discours juifs pour la Maison-Blanche, Safire étant le plus notable
- Murray Chotiner, consultant de campagne de Nixon de longue date, et mentor politique personnel
- Irving Swifty Lazar, agent littéraire personnel de Nixon
J’ai ensuite décidé de comparer le répertoire des nominations de haut niveau de personnes juives par Nixon avec celles de ses prédécesseurs à la Maison-Blanche, un travail grandement facilité par une page Wikipédia qui liste tous les membres juifs du Cabinet aux États-Unis. Comme je m’y attendais, avant Nixon, le nombre de Juifs tenant des postes de ce niveau avait été nettement plus faible, quelles que fussent les administrations :
(*) Le premier membre juif d’un Cabinet étasunien avait été Oscar Straus, nommé secrétaire du Commerce et du Travail par Theodore Roosevelt en 1906, et Herbert Hoover avait désigné Eugene Meyer comme premier président juif de la Réserve Fédérale en 1930.
(*) Franklin Roosevelt avait remplacé Meyer par Eugene Black, un non-Juif, mais nomma par la suite son voisin semi-juif Henry Morgenthau Jr. au poste de secrétaire du Trésor. Malheureusement, Morgenthau était un dilettante ignorant mais fortuné, qui n’avait jamais obtenu de diplôme, et laissa Harry Dexter White, son subordonné juif, agent soviétique notoire, diriger son département
(*) Harry S. Truman maintint brièvement Morgenthau dans son Cabinet, cependant que Lewis Strauss était désigné président de la Commission à l’Énergie Atomique. En addition, David Niles, un agent sioniste juif qui avait à l’occasion collaboré avec des espions communistes, fut nommé conseiller du Cabinet.
(*) Dwight Eisenhower maintint Strauss comme président de l’AEC, puis le nomma brièvement comme secrétaire du Commerce, cependant que Maxwell Rabb était secrétaire du Cabinet et Arthur Burns président du Conseil des Conseillers Économiques.
(*) John F. Kennedy nomma Abraham Ribicoff secrétaire à la Santé, à l’Éducation et aux Affaires Sociales, et Arthur Goldberg comme secrétaire du Travail. En outre, Kennedy nomma le républicain C. Douglas Dillon comme secrétaire au Trésor, mais Dillon n’était juif qu’à un quart, et était également le riche héritier patricien de Dillon Read, l’une des plus prestigieuses banques d’investissement WASP, et je doute donc que quiconque à l’époque l’ait considéré comme juif. De fait, son nom résolument anglo-saxon n’a pas non plus été porté sur la liste Wikipédia précitée.
(*) Lyndon Johnson a maintenu Dillon comme secrétaire au Trésor, et nomma par la suite brièvement Wilbur J. Cohen secrétaire à la Santé, à l’Éducation et aux Affaires Sociales. Il a également nommé Goldberg ambassadeur aux Nations Unies et Walt Rostow conseiller à la Sécurité Nationale.
Ainsi, Nixon a nommé des Juifs aux postes de secrétaire d’État, secrétaire à la Défense, et président de la Réserve Fédérale, trois postes parmi les plus cinq ou six plus importants de l’administration fédérale, et aucun président avant lui, démocrate ou républicain, n’avait nommé de personnes juives dans ces proportions, loin s’en faut. Et si les postes élevés de l’administration Nixon furent clairement les plus occupés par des Juifs dans toute l’histoire des États-Unis, il apparaît comme absurde de le qualifier d’anti-juif.
Je soupçonne que le nombre tout à fait considérable de nominations de Juifs par Nixon a pu échapper à l’attention de nos jours du fait que le total restait relativement modeste selon les normes plus récentes, la sur-représentation des Juifs au sommet de notre gouvernement étant devenu tellement extrême. Par exemple, l’an dernier, j’ai noté que les postes les plus élevés de l’administration Biden étaient presque tous occupés par des Juifs, alors que cette ethnie ne constitue qu’environ 2 % de notre population nationale :
Prenons par exemple les figures dominantes de notre administration Biden en place, qui jouent un rôle central pour déterminer l’avenir de notre propre pays et du reste du monde. La liste des départements du Cabinet a nettement proliféré depuis l’époque de Washington, mais supposons que nous cantonnions notre attention à la demi-douzaine de postes les plus importants, dirigés par les personnalités qui contrôlent la sécurité nationale et l’économie, et ajoutons-y les noms du président, du vice-président, du directeur de Cabinet, et du Conseiller à la sécurité nationale. Bien que la « Diversité » soit devenue un mantra sacré pour le parti démocrate, l’historique des personnalités qui gèrent notre pays frappe par son caractère non-divers, surtout si nous excluons les deux figures politiques les plus haut-placées.
- Président Joe Biden (juif par alliance)
- Vice-présidente Kamala Harris (mariée à un Juif)
- Chef de Cabinet Jeff Zients (juif), qui remplace Ron Klain (Juif, Harvard)
- Secrétaire d’État Antony Blinken (Juif, Harvard)
- Secrétaire au Trésor Janet Yellen (Juive, Yale)
- Secrétaire à la Défense Lloyd Austin III (Noir)
- Procureur Général Merrick Garland (Juif, Harvard)
- Conseiller à la Sécurité Nationale Jake Sullivan (Non-Juif blanc, Yale)
- Directrice des Renseignements Nationaux Avril Haines (Juive)
- Secrétaire à la Sécurité Intérieure Alejandro Mayorkas (Juif)
Il existe également des éléments d’importance concernant l’attitude des Juifs de l’époque envers Nixon et son administration. La Jewish Virtual Library propose un graphique assez pratique qui montre les affinités électorales des Juifs dans chacune des élections présidentielles depuis 1916, et le soutien juif de 17% envers Nixon face au vice-président Hubert Humphrey en 1968 était relativement typique pour les candidats républicains après que la victoire éclatante de Franklin Delano Roosevelt de 1932 produisit un réalignement majeur des Juifs. Mais lorsque Nixon se présenta pour être réélu en 1972 face au très libéral sénateur George McGovern, le soutien des Juifs à sa candidature doubla pour atteindre les 35%, l’un des niveaux les plus élevés pour un Républicain dans la période moderne.
Encore plus significatif, le mouvement néo-conservateur juif, jeune mais en croissance rapide a rompu de manière décisive avec le parti démocrate durant cette dernière campagne, et s’est rallié à Nixon avec enthousiasme, en grande partie parce que ce mouvement considérait McGovern comme bien trop faible sur la défense nationale, alors qu’on tenait ce sujet pour critique vis-à-vis de la sécurité d’Israël au Moyen-Orient. Bien que Nixon ait nommé de nombreux Juifs à des positions très élevées, peu d’entre eux, voire aucun, n’étaient alignés avec les néo-conservateurs, et je doute donc que cela constitua un facteur d’importance pour le soutien qu’il obtint de ce mouvement, même si le rôle important qu’il a accordé à Daniel Patrick Moynihan, un néo-conservateur irlandais de premier plan, ait pu y contribuer. Mais comme les néo-conservateurs avaient tendance à tirer leur soutien des éléments les plus fièrement ethnocentriques de la communauté juive, des personnes souvent en état d’alerte maximale vis-à-vis de tout signe d’antisémitisme, si Nixon avait été perçu comme particulièrement anti-juif, il semble peu probable qu’ils auraient abandonné leurs racines démocrates de longue date pour le soutenir.
En outre, certains des articles parus par la suite dans des médias, et fustigeant Nixon pour ses remarques privées hostiles envers les Juifs restent stupidement autocentrées, comme l’a indiqué à l’époque l’éditorialiste Alexander Cockburn. Ce dernier, qui était l’un des principaux journalistes de gauche radicale des États-Unis, se sentait plus libre d’écrire sur toutes sortes de sujets, et dans un éditorial du mois de mars 2002, il a noté la réaction médiatique totalement différente à des rapports faisant état d’échanges privés entre le président Nixon et le Révérend Billy Graham, l’un des pasteurs chrétiens les plus éminents des États-Unis.
En 1989, un mémo secret envoyé par Graham à Nixon fut rendu public, au sein duquel le prêcheur suggérait que si Hanoï restait obstiné sur les négociations concernant la guerre du Vietnam, le président devrait bombarder les digues du Nord-Vietnam et inonder le pays, une action dont notre gouvernement avait estimée qu’elle pourrait provoquer la mort d’un million de civils vietnamiens. Pourtant, bien que Graham soutînt l’un des pires crimes de guerre de l’histoire humaine, les médias ne critiquèrent pas sa position de manière significative, et Cockburn n’a pu trouver qu’un petit journal local ayant couvert le sujet, le Syracuse Herald-Journal.
Mais Cockburn a noté :
La réception d’un nouvel enregistrement montrant Graham, Nixon et Haldeman palabrant sur le sujet de la domination des Juifs sur les médias, et Graham évoquant la « mainmise » des Juifs sur les médias, a été reçue de manière très différente.
Grâce à James Warren, du Chicago Tribune, qui a produit d’excellents récits au fil des années sur les enregistrements de Nixon dans sa session de 1972 au Bureau Ovale entre Nixon, Haldeman et Graham, le président a soulevé un sujet dont « nous ne pouvons pas parler publiquement, » à savoir l’influence juive à Hollywood et dans les médias.
Nixon cite Paul Keyes, un conservateur qui est producteur exécutif de l’émission à succès de NBC, « Rowan and Martin’s Laugh-In, » comme lui ayant dit que « sur 12 rédacteurs, 11 sont juifs. » « Est-ce exact? » demande Graham, amenant Nixon à affirmer que Life magazine, Newsweek, le New York Times, le Los Angeles Times et d’autres journaux sont« totalement dominés par les Juifs. »Nixon déclare que les présentateurs télé Howard K. Smith, David Brinkley et Walter Cronkite sont des« hommes de paille qui ne sont peut-être pas de cette obédience, »mais que leurs auteurs sont« à 95 % juifs. »
« Il faut briser cette emprise, sous peine de voir ce pays s’effondrer, » déclare le prêcheur le plus connu de la nation. « Vous croyez cela ? » demande Nixon. « Oui, monsieur, » répond Graham. « Oh, mon gars, » s’exclame Nixon. « Moi aussi. Je ne pourrai jamais le dire, mais je le crois. » « Non, mais si vous êtes réélu, nous pourrions peut-être faire quelque chose, » répond Graham.
Nixon concède avec magnanimité que cela n’implique pas « que tous les Juifs sont mauvais » mais que la plupart d’entre eux sont des radicaux orientés à gauche qui veulent « la paix à tout prix hormis lorsque le soutien à Israël est concerné. Les meilleurs Juifs sont en fait les Juifs israéliens. » « C’est exact, » concède Graham, qui convient ensuite avec l’affirmation de Nixon selon qui un « puissant bloc » de Juifs s’oppose à Nixon dans les médias. « Et ce sont eux qui publient des trucs pornographiques, » ajoute Graham.
Par la suite, Graham affirme qu« un grand nombre de Juifs comptent parmi mes meilleurs amis. Ils essaiment autour de moi et se montrent amicaux envers moi. Parce qu’ils savent que je suis amical envers Israël et cætera. Ils ne connaissent pas mes véritables sentiments par rapport à ce qu’ils sont en train de faire dans le pays. » Une fois Graham parti, Nixon déclara à Haldeman, « Vous savez, c’est bien qu’on ait abordé ce sujet sur les Juifs. » « C’est un sujet choquant, » répond Haldeman, « Ma foi, » reprend Nixon, « c’est aussi que les Juifs sont une bande de bâtards irreligieux, athées, et immoraux. »
Dans les journées qui ont suivi la publication de ces conversations, on a sorti un Graham âgé de 83 ans de sa semi-sénilité et on l’a contraint d’exprimer publiquement des regrets. On a cité des « experts » « choqués » par les propos tenus à la Maison-Blanche par Graham.
Pourquoi choqués ? Ne savent-ils pas que ce genre de chose est conforme à la teneur des conversations tenues dans 75% des country clubs des États-Unis, sans parler des soirées baptistes ? Nixon pensait que les Juifs étasuniens étaient des pacifistes de gauche dominant le parti démocrate, et ourdissant les attaques lancées contre lui. Graham reconnaissait que c’étaient les Juifs de Hollywood qui avaient fait couler la nation dans la pornographie. Haldeman était d’accord avec les deux hommes. Chacun à leur niveau de représentation, ils formalisaient l’existence d’un pouvoir. Mais ils n’affirmaient pas vouloir tuer un million de Juifs. C’est pourtant ça que Graham a dit, mais en ciblant des Vietnamiens, et pour cela, personne n’a proféré le moindre bêlement.
C’est apparemment très dangereux d’avoir la moindre discussion sur la portée du contrôle des médias par les Juifs. Comme trois des principaux fondateurs de Hollywood était des Juifs polonais qui avaient vécu leur enfance dans un rayon de 80 kilomètres en Galicie, on peut supposer qu’il n’est pourtant pas déraisonnable de parler du pouvoir juif à Hollywood, même si cela provoque chez les gens une agitation malaisée.
Il est indéniable que Nixon considérait de nombreux Juifs libéraux et de gauche comme ses ennemis politiques. Sa tristement célèbre Liste d’Ennemis contenait vingt noms, dont environ un tiers étaient des Juifs qui constituaient alors moins de 3 % de la population des États-Unis. Mais en fait, il se peut que sa liste ait considérablement sous estimé le pourcentage de ces opposants de premier plan provenant de ce groupe, ce qui constituait possiblement le reflet d’une tentative menée par Nixon d’éviter de laisser paraître ce groupe comme trop visiblement juif.
Les préoccupations entretenues par Nixon sur ce sujet sont démontées par des remarques qui ont été enregistrées en 1971, et qui sont décrites par un article très hostile paru dans le New York Times, au sein duquel le président assiégé se lamentait qu’une aussi vaste fraction de ses principaux opposants politiques fussent juifs. Il en avait été ainsi également des espions communistes sur lesquels il avait enquêté lorsqu’il était membre du Congrès à la fin des années 1940, ce qui l’avait placé dans une position très difficile. Ces remarques ont amené le journaliste du Times, apparemment juif, à condamner Nixon pour son antisémitisme, bien que la signification fondamentale des mots utilisés par Nixon semblât indiquer précisément le contraire.
Daniel Ellsberg, analyste du département de la Défense, figurait parmi les personnes soupçonnées par la Maison-Blanche d’avoir été à la source des Pentagon Papers. Au sujet de M. Ellsberg, Nixon affirme, « Au demeurant, j’espère mon Dieu qu’il n’est pas juif, n’est-ce pas ?
Une autre voix, non identifiée, répond : « Je suis sûr qu’il est juif. Ellsberg ? »
Nixon affirme alors « J’espère que non, j’espère que non, » et d’ajouter, « C’est mauvais pour nous. » Le président oriente ensuite la conversation vers des personnes soupçonnées dans le cadre d’enquêtes anti-communistes.
« Les deux seuls non-Juifs dans la conspiration communiste, » dit-il, « étaient Chambers et Hiss. Beaucoup de gens pensaient que Hiss était [juif]. Il aurait pu l’être à moitié, mais pas par religion. Les deux seuls non-Juifs. Tous les autres étaient des Juifs. Et ça nous a plongés en enfer. »
Hiss, un haut dirigeant du département d’État, a été condamné pour parjure pour avoir réfuté être communiste, et la réputation de Nixon a été établie sur sa détermination à faire condamner Hiss.
Bien que le journaliste du Times et quasiment tous ses lecteurs considèrent les affirmations de Nixon comme des preuves de sa paranoïa hystérique, les faits véritables en allaient très différemment. Il y a six ans jour pour jour ce mardi, le 23 juillet 2018, j’ai publié un long article à ce sujet, qui décrivait le rôle absolument écrasant que les Juifs ont joué dans la révolution bolchevique, ainsi que leur présence tout aussi énorme dans les rangs du parti communiste étasunien, des faits qui avaient été quasiment totalement expurgés de notre récit historique, mais que Nixon n’était certes pas sans connaître, pas plus que les autres personnes bien informées de sa génération :
La mesure dans laquelle des faits historiques établis peuvent apparaître ou disparaître de la mémoire mondiale devrait certainement nous obliger tous à être très prudents lorsqu’il s’agit de croire tout ce que nous lisons dans nos manuels scolaires standard, sans parler de ce que nous absorbons dans nos médias électroniques encore plus éphémères.
Dans les premières années de la Révolution bolchevique, presque personne ne remettait en question le rôle écrasant des juifs dans cet événement, ni leur prépondérance dans les prises de pouvoir bolcheviques en Hongrie et dans certaines parties de l’Allemagne. Par exemple, l’ancien ministre britannique Winston Churchill dénonçait en 1920 les « juifs terroristes » qui avaient pris le contrôle de la Russie et d’autres parties de l’Europe, notant que « la majorité des personnalités sont juives » et déclarant que « dans les institutions soviétiques, la prédominance des juifs est encore plus étonnante », tout en déplorant les horreurs que ces juifs avaient infligées aux Allemands et aux Hongrois qui souffraient.
De même, le journaliste Robert Wilton, ancien correspondant russe du Times of London, a fourni un résumé très détaillé de l’énorme rôle juif dans son livre Russia’s Agony de 1918 et The Last Days of the Romanovs de 1920, bien que l’un des chapitres les plus explicites de ce dernier ait été apparemment exclu de l’édition anglaise. Peu de temps après, les faits concernant l’énorme soutien financier fourni aux bolcheviks par des banquiers juifs internationaux tels que Schiff et Aschberg ont été largement rapportés dans les médias grand public.
Les juifs et le communisme étaient tout aussi fortement liés en Amérique, et pendant des années, le journal communiste le plus diffusé dans notre pays a été publié en yiddish. Lorsqu’ils furent finalement rendus publics, les Venona Decrypts ont démontré que, jusque dans les années 1930 et 1940, une fraction remarquable des espions communistes américains provenait de cette origine ethnique.
Une anecdote personnelle tend à confirmer ces documents historiques arides. Au début des années 2000, je déjeunais avec un informaticien âgé et très éminent. En parlant de ceci et de cela, il en vint à mentionner que ses deux parents avaient été des communistes zélés et, étant donné son nom irlandais évident, j’ai exprimé ma surprise en disant que je pensais que presque tous les communistes de cette époque étaient juifs. Il a dit que c’était effectivement le cas mais, bien que sa mère ait une telle origine ethnique, ce n’était pas le cas de son père, ce qui faisait de lui une exception très rare dans leurs cercles politiques. En conséquence, le Parti avait toujours cherché à le placer dans un rôle public aussi important que possible, uniquement pour prouver que tous les communistes n’étaient pas juifs et, bien qu’il ait obéi à la discipline du Parti, il était toujours irrité d’être utilisé comme un tel « symbole ».
Cependant, une fois que le communisme est tombé en disgrâce en Amérique dans les années 1950, presque tous les « Red Baiters » comme le sénateur Joseph McCarthy ont fait d’énormes efforts pour obscurcir la dimension ethnique du mouvement qu’ils combattaient. En effet, de nombreuses années plus tard, Richard Nixon parlait en privé de la difficulté qu’il avait rencontrée, ainsi que les autres enquêteurs anticommunistes, à essayer de se concentrer sur des cibles non juives puisque presque tous les espions soviétiques présumés étaient juifs, et lorsque un enregistrement de cette conversation est devenu public, son antisémitisme présumé a provoqué une tempête médiatique, même si ses remarques impliquaient manifestement le contraire.
Ce dernier point est important, car une fois que le dossier historique a été suffisamment blanchi ou réécrit, tout fil conducteur de la réalité originale qui pourrait survivre est souvent perçu comme une étrange illusion ou dénoncé comme une « théorie du complot ». En effet, même aujourd’hui, les pages toujours aussi étonnantes de Wikipédia fournissent un article entier de 3 500 mots attaquant la notion de « bolchevisme juif » comme étant un « mensonge antisémite ».
Je me souviens que, dans les années 1970, les énormes rafales de louanges américaines pour les trois volumes de L’archipel du Goulag de Soljenitsyne ont soudainement rencontré un vent de contestation temporaire lorsque quelqu’un a remarqué que l’on trouvait au milieu de ses 2 000 pages une seule photographie représentant plusieurs des principaux administrateurs du Goulag ainsi qu’une légende révélant leurs noms juifs sans équivoque. Ce détail a été traité comme une preuve sérieuse de l’antisémitisme possible du grand auteur puisque la réalité du rôle extrêmement important des juifs dans le NKVD et le système du goulag avait depuis longtemps disparu de tous les livres d’histoire standard.
Autre exemple, le Révérend Pat Robertson, un télévangéliste chrétien de premier plan, a publié The New World Order en 1991, une attaque enflammée contre les « mondialistes impies », qu’il considérait comme ses plus grands ennemis, rapidement devenu un best-seller national massif. Il s’est avéré qu’il avait inclus quelques brèves mentions un peu vagues des 20 millions de dollars que le banquier de Wall Street, Jacob Schiff, avait fourni aux communistes, en évitant soigneusement toute suggestion d’un angle juif et en ne fournissant aucune référence pour cette affirmation. Son livre a rapidement provoqué une vaste vague de dénonciation et de ridicule dans les médias d’élite, l’histoire de Schiff étant considérée comme une preuve de son antisémitisme délirant. Je ne peux pas vraiment blâmer ces critiques puisqu’à l’époque pré-Internet, ils ne pouvaient consulter que les histoires standards concernant la Révolution bolchevique, et ne trouvant aucune mention de Schiff ou de son argent, ils supposaient naturellement que Robertson ou sa source avait simplement inventé cette histoire bizarre. J’avais moi-même eu exactement la même réaction à l’époque.
Ce n’est qu’après que le communisme soviétique est mort, en 1991, et n’a plus été perçu comme une force hostile que les universitaires américains ont de nouveau été en mesure de publier des livres grand public qui ont progressivement restauré la véritable image de cette époque passée. À bien des égards, un ouvrage largement salué comme The Jewish Century de Yuri Slezkine, publié en 2004 par Princeton University Press, fournit un récit assez cohérent avec les œuvres longtemps oubliées de Robert Wilton, et marque un écart très net par rapport aux histoires en grande partie obscures des quelque quatre-vingts années précédentes.
Pour exemple absolument extrême de cette totale expurgation du récit historique, chacun, durant les années 1920 et 1930, savait que la Révolution bolchevique russe avait été largement financée par Jacob Schiff, le banquier de Wall Street juif le plus puissant des États-Unis, et ce fait était régulièrement rapporté par les médias dominants de l’époque. Jusqu’en 1949, l’un des principaux journaux de New York avait rapporté que le petit-fils de Schiff estimait que le vieux Schiff avait englouti l’équivalent contemporain de quelque 2 milliards de dollars pour faire advenir « le triomphe final du bolchevisme en Russie, » alors que ces faits ont rapidement disparu de nos livres d’histoire standards et de nos médias, et n’étaient plus guère considérés que comme « une théorie du complot dérangée » au moment où j’ai commencé à étudier cette ère historique dans les années 1980 :
Quand les gens plaisantent avec désinvolture sur la folie totale des « théories du complot antisémites », il n’y en a pas de meilleur exemple que l’idée, qui paraît si évidement absurde, que des banquiers juifs internationaux aient créé le mouvement communiste mondial. Et pourtant, selon toute norme raisonnable, cette affirmation semble être plus ou moins vraie et, apparemment, elle a même été largement reconnue, au moins sous sa forme grossière, pendant les décennies qui ont suivi la Révolution russe, mais elle n’a plus jamais été mentionnée dans les nombreuses histoires plus récentes qui ont façonné ma propre connaissance de ces événements. En effet, aucune de ces sources par ailleurs très complètes n’a jamais mentionné le nom de Schiff, bien qu’il ait été universellement reconnu pour avoir financé la Révolution de 1905. Mais alors, quels autres faits étonnants pourraient-ils cacher de la même façon ?
Quand quelqu’un rencontre de nouvelles révélations remarquables dans un domaine de l’histoire où ses connaissances sont rudimentaires, n’allant guère plus loin que des manuels d’introduction ou des cours d’histoire pour les nuls, le résultat est un choc et un embarras. Mais quand la même situation se produit dans un domaine où il a lu des dizaines de milliers de pages, les principaux textes faisant autorité et qui semblaient avoir exploré chaque détail mineur, son sens de la réalité commence fortement à s’effriter.
En 1999, l’Université Harvard a publié l’édition anglaise du Livre noir du communisme, dont les six co-auteurs ont consacré 850 pages à documenter les horreurs infligées au monde par ce défunt système, dont le nombre total de morts s’élève à 100 millions. Je n’ai jamais lu ce livre et j’ai souvent entendu dire que ce prétendu décompte des corps est largement contesté. Mais pour moi, le détail le plus remarquable est que lorsque j’examine l’index de 35 pages, je vois une vaste profusion d’entrées concernant des individus totalement obscurs dont les noms sont sûrement inconnus de tous sauf du spécialiste le plus érudit. Mais il n’y a aucune d’entrée pour Jacob Schiff, le banquier juif de renommée mondiale qui a apparemment financé la création de l’ensemble du système en premier lieu. Ni pour Olaf Aschberg, le puissant banquier juif suédois, qui a joué un rôle si important en fournissant aux bolcheviks leur survie financière pendant les premières années de leur régime encore instable, et qui a même fondé la première banque internationale soviétique.
- La Pravda américaine. La révolution bolchevique et ses conséquences
Ron Unz • The Unz Review • 23 juillet 2018 • 6,900 mots
Après la publication de mon très long article sur Nixon et le Watergate, quelqu’un m’a recommandé un livre publié par Roger Stone en 2014, sous le titre Nixon’s Secrets. Stone, un républicain de longue date, avait rallié la campagne de réélection de Nixon de 1972 alors qu’il était encore étudiant, et au cours des décennies, il est devenu très proche du « Vieil Homme, » et il relatait déjà des informations d’initiés dans son best-seller précédent, publié en 2013 sous le titre LBJ : The Man Who Killed Kennedy. Praticien notoire des sales coups politiques, Stone ne constitue certes pas une source impeccable, mais j’avais considéré que ce qu’il avançait dans ce livre était très crédible, et j’ai donc décidé de lire également son livre sur Nixon, écrit avec le même co-auteur, Mike Colapietro.
Ce livre m’a beaucoup impressionné et je le considère comme une mine d’informations importantes, dont j’estime que la plupart sont sans doute avérées. Malheureusement, ce livre semble avoir été écrit en hâte après la réussite inattendue du best-seller sur LBJ, si bien qu’il est paru sans index et qu’il n’a pas été très bien édité ; il contient de nombreuses fautes de frappe et des idées ou des phrases redondantes, même si la valeur du contenu dépasse de loin ces problèmes stylistiques dans le texte. Malgré sa réputation douteuse, Stone produit un récit qui apparaît comme plutôt honnête, défendant parfois son vieux mentor politique d’accusations par lui considérées comme fausses ou comme injustes, mais relatant également de très nombreuses histoires négatives ou sordides que je n’avais jamais vu mentionnées où que ce soit. Donc si Nixon mentait au sujet de Nixon, il le ferait d’une manière extrêmement rusée, en y intégrant tellement de saloperies personnelles et politiques que personne ne pourrait jamais soupçonner une opération de blanchissement.
Stone a très fortement soutenu la reconstruction historique présentée presque un quart de siècle plus tôt par Len Colodny et Robert Gettlin dans Silent Coup. Ces auteurs avaient affirmé que Nixon avait largement été mis à bas par les machinations secrètes de l’establishment de la Sécurité Nationale étasunienne, y compris le Pentagone et la CIA, qui objectait fortement à son ouverture politique vers la Chine communiste et à ses tentatives de mettre fin à la Guerre Froide contre l’Union soviétique. Le général Alexander Haig servit comme agent intérieur de ce complot visant à détruire Nixon, et fut un élément de premier plan de la source composite « Gorge Profonde » de Bob Woodward. Stone a également soutenu les forts soupçons selon lesquels l’équipe du camp Nixon qui monta le cambriolage du Watergate avait été infiltrée par la CIA, et rata donc à dessein ce cambriolage, pour s’assurer de se faire démasquer et mettre en branle les forces qui ont fini par faire perdre à Nixon la présidence. Dans le même temps, un autre homme de la CIA a révélé l’existence des enregistrements secrets de la Maison-Blanche, assurant la destitution de Nixon.
Chose plus remarquable encore, Stone consacre quelques pages à relater d’autres histoires explosives qu’il considère comme crédibles. Selon un ancien assassin de la CIA et un employé haut-placé du Congrès, avant d’avoir orchestré le complot du Watergate, la CIA avait également organisé deux tentatives d’assassinat de Nixon pour les mêmes raisons, et comptait faire porter le chapeau à des activistes anti-guerre. Mais on avait recruté les assassins en leur disant que leur mission était d’exécuter un « Communiste, » et ils furent choqués de découvrir que leur cible était le président Nixon — un anti-communiste notoire — et ils rechignèrent à exécuter ce qu’ils considéraient comme une action de politique intérieure. On n’invente pas facilement ce type de récit, ce qui me porte à penser que cela pourrait être vrai.
Mon long article sur Nixon avait comparé et mis en contraste sa carrière avec celle du président John F. Kennedy, son ami et rival politique de longue date, et notait que les deux présidents s’étaient sans doute vus arrachés de la Maison-Blanche par des opérations de la CIA, pour l’une mortelle, et pour l’autre politique. Mais si le récit de Stone est exact, il se peut que Nixon n’ait échappé au funeste destin de Kennedy que de peu, et ce moins de dis ans après l’assassinat de Dallas.
J’avais également souligné que Nixon et Kennedy n’étaient pas si loin l’un de l’autre si l’on considérait leur ligne politique ou leur idéologie, mais que les médias étasuniens avaient toujours présenté leurs images comme totalement opposées. Cela s’appliquait tout à fait également à leur positionnement vis-à-vis des Juifs étasuniens, parmi lesquels Kennedy était tout aussi populaire que Nixon était méprisé. Mais une grande partie de ce mépris semblait résulter d’un angle très sélectif choisi par les médias. Par exemple, j’ai indiqué qu’un an à peine avant de lancer sa carrière politique en remportant les élections pour siéger au Congrès, Kennedy avait fait état dans son journal intime d’éléments indiquant son admiration considérable pour Adolf Hitler :
Il y a quelques années, le journal intime d’un John F. Kennedy de 28 ans voyageant dans l’Europe de l’après-guerre a été vendu aux enchères, et le contenu a révélé sa fascination plutôt favorable pour Hitler. Le jeune JFK prédit que « Hitler sortira de la haine qui l’entoure aujourd’hui comme l’une des figures les plus significatives qui ait jamais vécu » et a senti qu’« il avait en lui ce dont les légendes sont faites ». Ces sentiments sont particulièrement remarquables parce qu’ils ont été exprimés juste après la fin d’une guerre brutale contre l’Allemagne et malgré l’énorme volume de propagande hostile qui l’avait accompagnée.
Ces faits promettraient de toute évidence d’être extrêmement choquants pour le peuple étasunien et pour les nombreux admirateurs de Kennedy, qu’ils soient ou non juifs, s’ils en avaient connaissance, mais comme les médias dominants les ont maintenus dans l’obscurité, le problème ne s’est pas posé. Dans le même temps, les remarques privées et sévères prononcées par Nixon au sujet de ses opposants politiques juifs libéraux ont continué d’occuper les premières pages durant la plus grande partie du demi-siècle passé, ce qui a fortement consolidé sa réputation d’antisémite acharné.
Et les choses sont peut-être encore plus ironiques que cela. En 1956, la candidature Eisenhower-Nixon avait solidement remporté 40% des voix juives, si bien que l’on s’attendant largement à ce que Nixon s’en sorte bien dans sa campagne de 1960 face à Kennedy, mais au lieu de cela, son soutien juif descendit au faible niveau de 18%, un niveau qui fit peut-être bien la différence vu comme le résultat de ces élections fut serré. Dans le même temps, la réussite de 82% remportée par JFK fut de loin la meilleure performance de tout candidat à la présidence depuis la réélection de FDR en 1944, et contribua à établir de manière permanente son image publique : celle de l’un des plus grands héros de la communauté juive étasunienne.
Bien que de nombreux facteurs différents aient sans doute sous-tendu ces résultats électoraux, l’un d’entre eux n’a jamais fait l’objet d’aucune mention dans nos livres d’histoire standards. Préoccupé du soutien juif qui pouvait être apporté à son fils, le patriarche Joseph Kennedy fit usage d’une manœuvre politique habile en s’assurant de disposer de l’assistance du parti nazi étasunien de George Lincoln Rockwell. Comme je l’ai expliqué en 2020 :
Bien qu’il reste souvent relégué à une phrase ou deux dans nos livres d’histoire et soit traité comme un clown malfaisant, à l’époque, Rockwell évoluait dans des cercles importants, et il se peut qu’il ait contribué à influencer certains événements nationaux. Dans son récit autobiographique, il décrit son éducation politique prodiguée par un certain DeWest Hooker, un directeur dans le domaine du divertissement qui avait réussi sa carrière et qu’il considérait comme un héros et mentor personnel. Hooker était farouchement anti-juif, et des années plus tard, il noua une étroite amitié avec le journaliste Michael Collins Piper, qui a relaté un récit fascinant de la campagne présidentielle de 1960 dans son livre Final Judgment.
Les groupes juifs continuaient d’entretenir une profonde animosité envers Joseph Kennedy du fait de sa forte opposition à l’implication des États-Unis dans la seconde guerre mondiale, et le patriarche de la famille craignait que cette hostilité persistante pût empêcher son fils de se hisser à la Maison-Blanche. Il demanda donc à Hooker de faire organiser par son ami Rockwell des manifestations publiques du parti nazi pour soutenir Nixon et attaquer JFK, ce qui consolida le soutien juif pour ce dernier. Ces manifestations furent de fait l’objet d’une assez importante couverture médiatique, et aidèrent sans doute le jeune Kennedy à remporter 80% des voix des Juifs, avec les importantes donations accordées à la campagne et un soutien médiatique amical, ce qui fit peut-être bien pencher la balance pour ces élections nationales si serrées.
Dans un rebondissement encore plus étrange, on a relaté des années plus tard que Hooker aurait expliqué que l’impulsion originelle de la création du parti nazi étasunien de Rockwell était au départ venue de l’ADL [Anti Defamation League, NdT] juive, qui estimait qu’une vaste couverture médiatique accordée à une telle organisation allait fortement contribuer à honorer ses levées de fonds. Ils auraient donc approché Hooker, et lui auraient expliqué leur proposition, proposant de payer tous les coûts de publication de littérature nazie, ainsi que d’autres frais, et il persuada son protégé de mettre cette idée en œuvre. Je pense qu’il est peu probable qu’on ait inventé une histoire aussi bizarre.
Traduit par José Martí, relu par Wayan, pour le Saker Francophone