… La dispute entre la Maison Blanche et Jim Acosta n’est pas une question de premier amendement de la Constitution américaine, l’inculpation d’Assange si.
Par Moon of Alabama – Le 16 novembre 2018
Les médias américains sont en train de soutenir un cas légal où l’invocation du Premier Amendement est discutable puisqu’un journaliste a simplement été réprimandé par la Maison-Blanche. Ils se taisent par contre complètement sur un autre cas légal où le danger pour les droits d’une presse libre est beaucoup plus grave.
Le 9 novembre, lors d’une conférence de presse à la Maison-Blanche donnée par le président américain Donald Trump, un journaliste de CNN, Jim Acosta, a cherché la provocation. Ses « questions » à Trump ressemblaient plus à des déclarations politiques et à des accusations personnelles. La situation s’est aggravée lorsqu’Acosta a insisté pour faire une autre déclaration alors que le président invitait d’autres journalistes à poser leurs questions.
La première déclaration/question d’Acosta concernait la caravane d’immigrants qui traverse le Mexique à destination de la frontière américaine. Trump l’a utilisée comme épouvantail pendant la campagne électorale de mi-mandat en la qualifiant d’« invasion ». Il a répondu à la question en expliquant qu’il veut que les immigrants respectent le processus d’immigration légale et ne cherchent pas à passer illégalement la frontière. Acosta interrompit la réponse de Trump et demanda un droit de réponse, toujours sur un ton accusateur. Trump a également répondu à cette deuxième demande.
Acosta fit donc une nouvelle tentative pour impliquer Trump dans une discussion à tournure politique. Le président a rejeté cela en disant à Acosta de faire son travail de journaliste pendant que lui, Trump, faisait le sien de président. Puis il est passé au journaliste suivant.
Une aide de la Maison-Blanche s’est donc levée pour aller chercher le microphone mobile qu’Acosta tenait dans la main. Ce dernier l’a plus ou moins repoussée et a essayé de poser une autre question, cette fois sur « l’enquête russe ». Trump lui a rétorqué : « Ça suffit, ça suffit » Acosta a insisté. Trump a cédé et a répondu à la question en disant que toute l’« enquête sur la Russie » n’était qu’une farce. Acosta a tenté une autre question, la cinquième, en demandant si Trump s’inquiétait des mises en accusation dans cette affaire. Trump s’est détourné.
Acosta a finalement abandonné le micro. Trump a ensuite dit à Acosta qu’il était une « personne grossière, exécrable » et que CNN « devrait avoir honte » de l’avoir comme journaliste.
Trump s’est tourné vers un autre journaliste pour poursuivre la conférence de presse. Pendant que le journaliste suivant posait sa question, Acosta s’est de nouveau levé, a interrompu l’autre journaliste et tenté d’entraîner Trump dans une discussion. Tentative qui a échoué.
Une vidéo de l’échange complet se trouve ici.
Quand j’ai visionné ce passage, j’ai trouvé le comportement d’Acosta odieux et primitif. Lui et quelques autres journalistes ne posaient pas de questions pour obtenir des réponses, mais essayaient de provoquer Trump en faisant des déclarations politiques partisanes qui n’étaient que superficiellement formulées sous forme de questions. Le comportement d’Acosta était impoli et irrespectueux non seulement envers Trump, mais aussi envers ses collègues journalistes.
Plus tard dans la journée, la Maison-Blanche a révoqué le « laissez-passer » d’Acosta qui donne à son détenteur un accès facile à celle-ci. CNN s’est alors adressée à la justice en affirmant que cette révocation violait les premier et cinquième amendements.
Le premier amendement concerne la liberté d’expression. Cela n’a rien à voir avec un « droit » d’entrer à la Maison-Blanche. Le droit à la liberté d’expression n’inclut pas non plus un « droit » d’être invité à des conférences de presse. Le cinquième amendement porte, entre autres, sur l’application régulière de la loi.
CNN a demandé au tribunal une injonction préliminaire contre la révocation par la Maison-Blanche du « laissez-passer » d’Acosta. Elle a été accordée aujourd’hui sur la base de la jurisprudence relative à l’argument de l’application régulière de la loi justifié par le cinquième amendement. Les ordonnances préliminaires ne sont pas des jugements définitifs. Elles sont accordées pour prévenir d’éventuels dommages supplémentaires pendant qu’une action en justice est en cours. Le tribunal ne semblait pas d’accord avec la jurisprudence sous-jacente que les avocats de CNN avaient citée :
« Lorsque [le juge] Kelly a commencé à donner son point de vue sur les éléments de la demande de CNN, il a dit que même s’il n’était peut-être pas d’accord avec la jurisprudence sous-jacente sur laquelle l’argument de CNN était fondé, il devait la suivre.
‘J’ai minutieusement lu l’affaire’, a-t-il déclaré. ‘Que je sois d’accord ou pas est une autre histoire. Mais je dois appliquer la jurisprudence tel que je la vois.’
Il a laissé ouverte la possibilité, pour la Maison-Blanche, de révoquer de nouveau le laissez- passer s’il employait une procédure régulière, soulignant la nature ‘très limitée’ de sa décision et disant qu’il ne portait pas de jugement sur les affirmations que CNN et Acosta faisaient à propos du premier amendement. »
Le juge semble penser que la Maison-Blanche a agi de manière justifiée mais irréfléchie lorsqu’elle a révoqué le « laissez passer » d’Ascota sans citer d’infraction aux règlements. Il est fort probable qu’elle va maintenant créer de telles règles conditionnant l’accès à la Maison-Blanche et aux conférences de presse. Elle les utilisera ensuite pour limiter à nouveau l’accès d’Acosta.
Je serais d’accord avec ça. L’intérêt médiatique des conférences de presse de la Maison-Blanche n’a cessé de diminuer. C’est en partie la faute de l’attaché de presse de la Maison-Blanche. Mais c’est aussi en grande partie la faute de la presse et des médias qui ne posent pas de vraies questions, mais sont déraisonnablement hostiles et semblent plus intéressés par la création de conflits politiques que par les faits. Certaines mesures disciplinaires peuvent aider à changer cela.
L’administration Trump fait des choses horribles en démantelant les règlements environnementaux et juridiques. Sa politique étrangère dévaste des pays entiers. Ses politiques fiscales sont catastrophiques. Il y a beaucoup de bonnes questions qui pourraient être posées sur ces sujets, mais elles ne sont jamais posées. Au lieu de cela, la presse grand public, en particulier les reporters des réseaux, jouent les emmerdeurs et utilisent les conférences de presse pour des coups d’éclat politiques.
Un certain nombre d’autres médias ont soutenu CNN en déposant des mémoires d’amicus curiae [un témoignage en faveur du plaignant, NdT]. C’est probablement une erreur. La légalité du cas d’Acosta est assez douteuse. Plus les médias s’engageront sur cette voie, plus la Maison-Blanche réagira en créant des réglementations plus strictes. Ces règlements, une fois qu’ils auront été établis, seront utilisés contre tous les médias. Si ce n’est pas par cette administration, ce sera par la suivante.
Il serait également souhaitable que ces défenseurs du premier amendement se préoccupent d’une affaire concernant véritablement le premier amendement au lieu de celle, bidon, concernant Acosta.
Julian Assange, l’éditeur de Wikileaks, a été inculpé par le ministère de la Justice pour avoir publié des informations véridiques sur le comportement illégal et scandaleux du gouvernement et des politiciens américains.
Je ne vois aucun de ceux qui défendent le comportement odieux d’Acosta invoquer le premier amendement dans le cas de Wikileaks et d’Assange. Aucun de ces médias, qui ont pourtant tous rendu compte et profité du matériel publié par Assange, n’a déposé de mémoire d’amicus curiae pour sa cause. L’inculpation d’Assange constitue une grave menace pour la liberté de la presse. Où sont les éditoriaux pour la défendre ?
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par jj pour le Saker Francophone