Par Andrew Korybko − Le 9 octobre 2021 − Source OneWorld Press
Loin de faire usage de l’énergie comme une arme en laissant l’Europe geler par méchanceté, la Russie a exploité ses exportations énergétiques durant cette période de crise comme moyen d’apaiser les relations bilatérales et d’améliorer la perception que les populations de ses partenaires ont de son image.
Le récit erroné, propagé par les États-Unis, et relavant de la guerre de l’information, selon lequel la Russie ferait usage de ses exportations énergétiques à destination de l’Europe comme d’une arme a été enrayé maintenant que la Grande Puissance Eurasiatique a promis de voler au secours de ses voisins pour les aider à survivre à la crise énergétique en cours. De fait, malgré les rumeurs effrayantes sur le gazoduc Nord Stream II, qui a fini par être achevé, les États-Unis eux-mêmes importaient davantage de pétrole auprès de la Russie que jamais, au point que Bloomberg (que l’on ne saurait considérer comme un média pro-russe, et encore moins un média propice à répandre de la « propagande pro-russe ») a été contraint de rapporter au mois d’août que « la Russie prend la seconde place du classement des fournisseurs de pétrole étrangers des États-Unis« . Ce fait surprenant est confirmé par les propres statistiques de l’administration aux informations sur l’énergie des États-Unis, disponibles sur son propre site web.
Angela Merkel, la chancelière allemande sur le départ, qui est considérée comme la force la plus puissante et la plus influente de l’UE, a affirmé que la Russie remplit tous ses contrats et ne mérite aucun reproche sur le sujet de la crise énergétique traversée par le bloc. Poutine, le président russe, avait au préalable attribué la forte hausse des prix de l’énergie à l’hystérie et au désordre provoqués sur le marché par des spéculations inappropriées et par la mauvaise gestion pratiquée par de nombreux pays de leur transition depuis le carbone. Il a également affirmé que la Commission européenne avait commis une erreur en abandonnant les contrats de gaz à long terme pour se mettre à acheter du gaz au prix « spot » du marché. Le dirigeant russe a alors réaffirmé que Gazprom n’avait jamais refusé d’augmenter les livraisons de gaz lorsque des demandes avaient été formulées, et a donné pour instruction à son ministre de l’énergie de s’assurer que le transit via l’Ukraine est maintenu. Tous ces développements démontrent que la Russie est le partenaire énergétique le plus fiable de l’UE.
Le gazoduc Nord Stream II, récemment achevé, ainsi que le gazoduc turc déjà existant, vont fortement contribuer à la sécurité énergétique du bloc, surtout pour ce qui concerne sa survie face à la crise en cours. L’opposition étasunienne aux deux projets étaient auto-intéressée, et visait à maintenir des pressions sur les partenaires des États-Unis pour les contraindre à rester dépendants de ses exportations de gaz naturel liquéfié (GNL), bien plus chère et nettement moins fiables. Le monde entier voit désormais à quel point il aurait été contre-productif de la part de l’UE de se soumettre totalement aux États-Unis comme ceux-ci le voulaient. Heureusement, il reste quelques alliés des États-Unis à qui il reste un semblant de souveraineté stratégique, et qui ont compris la sagesse d’étendre leurs liens énergétiques avec la Russie, malgré la pression étasunienne pour les faire disparaître.
Tout ceci démontre plusieurs points importants. Tout d’abord, ce sont les États-Unis qui constituent un partenaire non-fiable pour l’Europe à tous égards, et non la Russie. La Grande Puissance Eurasiatique vole au secours de ses voisins, chose qui n’aurait pas été possible si ses partenaires s’étaient soumis à la pression étasunienne visant à leur faire diminuer, puis couper, leurs liens énergétiques avec Moscou. De là découle le second pont, qui est que les États-Unis sont l’acteur qui a essayé de transformer en arme les exportations énergétiques, en usant de prétextes politiques russophobes pour rendre l’UE dépendante de leurs exportations de GNL, plus chères et moins fiables. Le troisième point est que les États-Unis ont fait usage de récits infondés relevant de la guerre de l’information pour poursuivre cet objectif désormais échoué. Avec le recul, la crédibilité des États-Unis devrait en prendre un coup dans l’opinion publique européenne.
Pour aller de l’avant, cette même opinion publique européenne devrait en arriver à comprendre que les croyances politiquement russophobes malheureusement adoptées par certains pays d’Europe résultent d’une campagne de guerre de l’information menée contre eux par les États-Unis. Loin d’user comme d’une arme de ses exportations énergétiques et de laisser geler l’Europe selon une méchanceté géopolitique supposée, la Russie a utilisé ses exportations énergétiques durant cette période de crise comme d’un outil visant à réparer les relations bilatérales, et à améliorer la manière dont l’opinion publique des pays partenaires la perçoit. Les approches étasunienne et russe de ladite « diplomatie énergétique » ne pourraient par conséquent être davantage opposées l’une à l’autre, le premier pays considérant ce vecteur comme une arme afin de dominer ses « partenaires », alors que le second pays le voit comme une opportunité d’améliorer les relations, les perceptions et les niveaux de vie.
Andrew Korybko est un analyste politique étasunien, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.
Traduit par José Martí, relu par Wayan, pour le Saker Francophone