Hellènes : Le bataillon grec en Ukraine


Ukraine : des descendants grecs se battent aux côtés des frères russophones novorusses


Par Alex Moumbaris – Le 30 juillet 2015

Le gouverneur actuel de Debaltsevo est grec (il a vécu en Grèce), il est le fondateur du bataillon Hellènes qui a comme racine des descendants grecs du Donbass.

Le bataillon a participé, et participe toujours, à toutes les batailles difficiles de la guerre civile ukrainienne. Il est considéré comme l’un des meilleurs au combat. Les Grecs du Donbass représentent 25% de la population et ont choisi de se battre aux côtés de leurs frères spirituels russes.

Alexandre Afentikof (du grec αφεντικό: patron ou employeur), descendant d’une vieille famille pontique [région côtière de la mer Noire, de Turquie] a 42 ans. Depuis l’année dernière il combat et prend une part active dans le mouvement pour la création de la République populaire de Donetsk. Jusque-là il était un citoyen ordinaire, il s’occupait de travaux de construction et avait sa propre entreprise.

Aujourd’hui, il lui a été confié la mission de reconstruire Debaltsevo, ville qui a subi d’énormes dommages à cause des combats, et de la faire fonctionner pour que ses habitants puissent revenir.

Qui combat en Ukraine orientale, et pourquoi? Sa réponse dit tout : «Ici les combattants sont de droite, de gauche, des communistes, des nationalistes, d’extrême droite… Vous trouverez tout ce que voulez. Ce qui nous unit? Nous demandons que notre voix soit entendue.»

Voici les faits saillants de la discussion qu’il a eue avec nous :

Sur la patrie grecque

J’ai vécu en Grèce au début des années 1990. J’avais néanmoins décidé de ne pas y rester. C’est ici la terre de ma naissance et donc ma patrie. Nous tenons, cependant, de très anciennes traditions hellènes dans la région. En Grèce par contre on ne nous a pas acceptés comme Grecs. Il y a un grand manque de compréhension. Ici nous ressentons la douleur pour ce qui s’y passe maintenant avec la crise et les pressions des Européens. Maintes fois il m’arrive de m’inquiéter plus pour les problèmes en Grèce que pour ceux d’ici.

Sur les raisons de son combat

Je ne suis pas contre l’Ukraine, ni contre leur langue, ni contre leurs chansons. Tout le monde a le droit de parler dans sa propre langue, qu’elle soit ukrainienne, russe, etc…. Je connais et parle bien l’ukrainien. Je l’ai appris à l’école. Je suis et je me sens grec, mais je parle russe. Mon père et ma mère sont grecs. Ma femme est russe. Le nom de ma famille, est Afentiko et ils en ont fait Afentikof. En général, je suis contre la discrimination raciale. L’Ukraine faisait partie de l’URSS et tous les gens d’ici vivaient paisiblement.

Je me bats donc pour que soit acceptée l’expression démocratique et pacifique de la volonté de notre peuple. Le peuple a le droit d’exprimer son opinion et celle-ci doit être respectée, ce que Kiev méprise en tentant de nous imposer ses règles. Tant que Kiev nous imposera ses règles par la force et essaiera d’étouffer notre volonté, nous lutterons pour notre droit.

Sur la décision du Parlement ukrainien pour que se tiennent dans le Donbass des élections en conformité avec les lois ukrainiennes

Une telle chose n’arrivera jamais. C’était eux qui ne voulaient pas tenir compte de notre volonté. Maintenant, c’est nous qui ne voulons pas entendre la leur. La guerre prendra fin lorsqu’ils donneront aux citoyens le droit de choisir en toute liberté où ils veulent aller. S’ils veulent rester en Ukraine ou non. Et ils savent que le peuple qui a pris les armes ici ne les rendra pas si sa voix n’est pas entendue. Ce serait de la trahison. Tout indique que la guerre continuera.

Comment est-il devenu gouverneur de Debaltsevo ?

Je me suis trouvé au poste de gouverneur de Debaltsevo de manière tout à fait inattendue. Il y a un an, nous avions constitué à Makeevka – la ville où je suis né et où j’ai grandi – des organisations et par la suite des groupes armés. J’ai nommé mon unité Hellènes parce qu’elle est composée à plus de 30% des Grecs de la région. Nous avons participé à de nombreuses batailles (Shakhtyorsk, Dmitrovka, etc.). Il est à noter que les Grecs dans la région de Donetsk représentent environ 25% de la population. Le pourcentage est le même dans les effectifs de la milice.

Après cela, donc, on m’a offert le poste de gouverneur à Debaltsevo, chose à laquelle je ne m’attendais pas du tout. Ils m’ont appelé à Donetsk, et là ils m’ont juste remis les papiers signés de la direction politico-militaire, comme quoi j’étais le chef de l’administration locale de Debaltsevo, non pas maire, parce que celui-ci est élu, mais gouverneur. Leur mandat était clair : Dorénavant vous n’êtes plus soldat, votre travail est la reconstruction.

Sur la crise humanitaire à Debaltsevo et le besoin d’aide

Lorsque nous sommes entrés dans la ville, il y avait seulement 4 500 personnes environ. Les gens se cachaient dans les caves. Il est estimé qu’au moins 50 civils avaient été tués. En outre, 80% des infrastructures et des maisons avaient subi des dommages importants ou avaient été détruites. La première semaine, nous avions réussi à restaurer un jardin d’enfants afin de pouvoir recevoir les enfants restés dans la ville. Pareil avec l’hôpital, et bientôt nous prévoyons de mettre en fonctionnement les deux écoles. Tout cela a été possible grâce à la multitude de bénévoles qui sont venus d’autres villes pour nous aider. Bientôt, nous allons pouvoir fournir de l’électricité à toutes les maisons. Aujourd’hui, les habitants commencent à revenir progressivement. Nous estimons leur nombre entre 11 000 et 12 000.

L’Association des Grecs de Saint-Pétersbourg a proposé d’aider à la reconstruction de la clinique dentaire. Mais le plus fondamental reste les infrastructures. Une école, par exemple, reconstruire une clinique, une école maternelle. Ce serait une grande contribution de la part de la Grèce et nous serions très reconnaissants.

Sur les pertes ukrainiennes au cours des batailles pour Debaltsevo

Au moins un millier de soldats ukrainiens ont été tués dans des combats à Debaltsevo. Un très grand nombre a été fait prisonnier. Beaucoup se sont rendus volontairement, estimant que leurs officiers les avaient abandonnés et avaient fui pour sauver leur peau. Nous avons pris des mercenaires étrangers. J’ai vu au moins un Polonais, mais aussi d’autres venant de pays européens. En outre, nous avons trouvé de l’équipement de l’Otan.

Pour ce qui concerne la période pendant laquelle les Ukrainiens tenaient la ville, ont a dénoncé des orgies. Certains des Ukrainiens en étaient arrivés au point de tirer aveuglément sur les maisons. Sortez et demandez aux gens : Était-ce mieux avec eux ou avec nous?

Sur les instants dont il se souviendra toujours

Parmi les moments qui resteront gravés dans ma mémoire, celui des enfants qui par crainte des bombardements s’étaient cachés pendant des mois dans les caves, sortant à la lumière du jour.

Sur ses opinions politiques

Je suis pro-monarchiste, mais aussi internationaliste. Je crois que le pouvoir doit être concentré entre les mains d’une personnalité forte.

Pourtant, ici, vous vous décrivez République populaire de Donetsk.

Chacun a son point de vue. Par exemple, en Grèce, bien que je ne suive pas les développements politiques, ni les partis, j’aurais eu plaisir à serrer la main de tout dirigeant politique qui proposerait la sortie du pays de l’UE. Bien que je ne m’entende pas très bien avec les communistes, j’apprécie Staline. Staline représente un pouvoir fort et un contrôle strict.

Mais aussi à l’égard de Makhno [anarchiste bien connu pour son action militaire à grande envergure à l’est de l’Ukraine, juste après la Révolution d’Octobre en 1917], je suis très positif. Je ne pense pas, comme disaient les Soviétiques, que ses unités étaient des bandits. Il a défendu les intérêts des gens pauvres. Il a lutté pour leurs droits.

Traduit par Alexandre MOUMBARIS, relu par Marie-José MOUMBARIS

Article original (en grec)

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