Les ploutocrates et la justice internationale. Le Guatemala en exemple


Par Eric Zuesse – Le 28 juillet 2015 – Source strategic-culture

Le 8 juillet 2015, s’est produit un événement massivement ignoré mais historiquement très importante (brièvement mentionné par la BBC). Il s’agit du seul jugement dans lequel un ancien chef d’État, l’ami guatémaltèque de Ronald Reagan, le général Rios Montt, ait jamais été condamné dans son pays pour génocide. Il s’est enfin terminé, après un long procès, par une déclaration d’un tribunal guatémaltèque, alléguant que le jugement du 10 mai 2013, condamnant Montt à 80 ans de prison pour génocide, devait maintenant être simplement abandonné, parce que Montt est censé être mentalement inapte à être jugé. Même si une révision de son procès avait été promise, elle n’aura probablement pas lieu. La ploutocratie du Guatemala semble avoir bloqué toute sanction pour le génocide provoqué par leur général et ancien président.

La Cour constitutionnelle pro-ploutocratie du Guatemala avait statué le 20 mai 2013 pour rejeter la condamnation du général Montt pour génocide systématique dans l’extermination de villages entiers de Mayas, pour maintenir au pouvoir les ploutocrates du Guatemala principalement issus des anciens colons espagnols, communément appelés les oligarques de la nation. Montt avait reçu des armes et un soutien financier pour son génocide, de Ronald Reagan, et Menahem Begin en Israël, et aucun de ces tyrans n’a été condamné ni emprisonné. L’administration Reagan avait organisé l’envoi d’armes israéliennes à l’armée guatémaltèque pour réaliser le génocide, parce que cette façon de procéder (au lieu d’utiliser des armes américaines) permettait de réduire la participation du Congrès US et les conséquences médiatiques possibles dans les médias US américano-israéliens du génocide des Mayas du Guatemala. Comme dans l’affaire Iran-Contra, Reagan a trouvé des armes, dans le jeu de bonneteau, loin du contrôle du Congrès.

Efraín Ríos Montt avec Ronald Reagan, Décembre 1982. Rich Lipski / Bettmann / CORBIS

Vous pouvez voir ci-dessous en note, ce rapport (1) – sous la rubrique «informations de base utiles sur le contexte plus large de l’affaire Rios Montt» – des extraits de Covert Action Information Bulletin, qui expliquent comment, malgré une certaine résistance au Congrès américain, Israël reçoit continuellement des fonds massifs des contribuables américains pour servir de mercenaire de l’Amérique au Guatemala, et dans d’autres pays dont les ploutocraties sont maintenues au pouvoir par la ploutocratie américaine et ses agents comme Israël. Ce dernier, incidemment, est également allié avec al-Qaïda et d’autres organisations djihadistes sunnites. Comme eux, et le Parti républicain de l’Amérique, Israël veut détruire l’Iran et d’autres puissances chiites. Les ploutocraties saoudiennes et d’autres pays arabes ont tendance à détester les chiites, tout comme la ploutocratie israélienne le fait. Ainsi, le fameux éclat de John McCain, sur l’air des lampions : «Bombe, bombe, bombe Iran». Ces extraits sont suivis par des extraits de la thèse de doctorat de Roman Krznaric à l’Université d’Essex, en 2003, sur «la vision du monde de l’oligarchie politique guatémaltèque». C’est un autre aspect, en arrière-plan de ce qui est dit ici.

L’histoire du génocide guatémaltèque et le procès ont été signalés, le 20 mai 2013, par Consortium News Service, dans une interview, par Dennis Bernstein, du journaliste d’investigation indépendant Allan Nairn, qui avait dévoilé le génocide ainsi que le procès et la condamnation de Montt. Comme l’a dit Nairn, «c’est la première fois qu’un pays a été en mesure de poursuivre un ancien président pour génocide en utilisant ses propres juridictions pénales nationales». Lorsque les États-Unis ont jugé les fonctionnaires de Hitler dans les tribunaux de Nuremberg après la Seconde Guerre mondiale, c’était une puissance étrangère, la justice du vainqueur, qui avait jugé et imposé les verdicts et les peines. Le Guatemala allait maintenant être la première nation à juger et condamner son propre ancien chef d’état pour génocide, quoique dans une affaire beaucoup plus petite que celle de l’Allemagne d’Hitler, mais le précédent ici aurait été la chose la plus importante, et il a été bloqué.

La ploutocratie de ce pays et d’autres a réussi à empêcher l’établissement d’un tel précédent historique : juger démocratiquement, légalement, et condamner d’ex-dirigeants, dans leur propre pays, pour le meurtre de masse de leurs compatriotes. Un tel précédent menacerait les ploutocrates partout, et il a maintenant été bloqué avec succès.

Vous en saurez plus sur l’affaire dans l’International Justice Monitor. Comme ce rapport le montre clairement, le Guatemala est un pays corrompu (comme toute nation ploutocratiquement contrôlée), et parvenir ainsi à une justice réelle est difficile dans tous les cas, mais surtout dans le cas où le crime a été réalisé pour le compte de la ploutocratie – la clique dictatoriale que le gouvernement sert effectivement. Ceci est un test pour savoir si la nation concernée est une ploutocratie ou une démocratie (qui sert le public). Le Guatemala, évidemment, reste une dictature. Les élections sont là seulement pour le spectacle. Peut-être que la Grèce, l’Ukraine, les États-Unis, et de nombreux autres pays, sont comme ça, aussi.

À part Ronald Reagan, le seul président américain à avoir parrainé un génocide dans un pays étranger, il y a Barack Obama, en Ukraine. Cette affaire est également ignorée dans les médias serviles des Américains, et dans les médias tout aussi serviles des pays alliés – pays dont les ploutocraties acceptent d’être subordonnées à la ploutocratie américaine. Le 21 novembre 2014, l’administration Obama a fait des États-Unis l’un des trois seuls pays au monde à voter contre une résolution de l’ONU condamnant le génocide, le racisme et le négationnisme ; même Israël et l’Allemagne ne se sont pas joints aux États-Unis pour ce vote, parce la négation de l’Holocauste a été incluse dans la condamnation. Et même ce vote historique (d’une manière monstrueuse) a été généralement ignoré par les médias d’actualité aux États-Unis. Les Américains ne sont pas censés savoir que si leur pays a combattu les nazis allemands dans les années 1940, il bloque la condamnation de tous les nazis maintenant.

Le prétendu «soutien des droits de l’homme» en Occident est si sélectif à l’égard des ploutocraties qu’il condamne, et des victimes qu’il protège, ainsi que des génocides qu’il soutient et de ceux auxquels il s’oppose, que ceux qui ne pensent pas qu’il s’agit là d’hypocrisie pure et simple et non d’humanitarisme authentique, tel que prétendu, sont soit ignorants de l’histoire, soit ne connaissent pas autre chose de celle-ci que la pure propagande. Parce que ces nations ne sont plus des démocraties aujourd’hui. Car sinon, leurs méga-escrocs auraient obtenu la peine maximale, et non pas des accolades et une retraite honorable et dorée.

Étant donnée cette réalité, personne ne peut raisonnablement s’attendre à ce que le présent article soit publié par les grands médias d’information de l’Ouest, bien qu’ils l’aient tous reçu. Et ceux qui le publient méritent le soutien de leurs lecteurs, car ils servent le public, et non la ploutocratie qui possède les médias d’information de masse.

Notes utiles sur le contexte plus large de l’affaire Rios Montt

(1) Covert Action Information Bulletin n ° 20, hiver 1984 (en particulier les pages 35-36).

(2) The Worldview of The Oligarchy in Guatemalan Politics (la thèse de doctorat en 2003 de Roman Krznaric, en particulier les pages 101 et 224).

Traduit par jj, relu par Diane pour le Saker Francophone

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