American Pravda: Gazoducs et Calamités


Par Ron Unz − Le 3 octobre 2022 − Source Unz Review

L’Europe est confrontée à sa pire crise énergétique depuis des générations, de nombreuses usines sont en train d’y fermer, et on s’attend à ce que l’hiver qui approche apporte son lot de graves privations. L’Allemagne très industrialisée est particulièrement durement frappée, avec plus de la moitié des petites et moyennes entreprises craignant d’être contraintes de mettre la clé sous la porte, une catastrophe économique qui présente des proportions dignes de la Grande Dépression. Le seul espoir de salut à court terme était la fin des sanctions auto-destructrices que ces pays avaient imposées à la Russie, ce qui aurait permis le retour du gaz naturel russe abondant et peu onéreux avec la réouverture du robinet des gazoducs russes Nord Stream.

Bien que les gouvernements européens soient restés fermement opposés à cette solution, de nombreux ressortissants européens en jugeaient différemment, et au cours des derniers jours, de grandes manifestations publiques ont été tenues en Allemagne et en République tchèque pour exiger la levée des sanctions. L’hypothèse circulait largement que ces protestations populaires allaient finir par l’emporter, peut-être pas tout de suite, mais une fois les rigueurs de l’hiver devenues trop difficiles à supporter. Il en serait sorti une fin négociée de la guerre en Ukraine suivant les lignes générales suggérées par la Russie, et une défaite de premier ordre pour les États-Unis et l’OTAN.

Des milliers de gens en Allemagne, à Gera, contre la politique d’Olaf Scholz et l’explosion des prix de l’énergie et du gaz. Ils exigent la fin des sanctions contre la Russie et la réouverture du gazoduc Nord Stream 2. D’autres manifestations ont également eu lieu dans d’autres villes allemandes, mais les médias de l’UE les censurent. pic.twitter.com/dmTMLY11jn.

— RadioGenova (@RadioGenova) 26 septembre 2022

Puis, le 26 septembre, ce paysage géopolitique s’est retournée, lorsqu’une suite de fortes explosions ont gravement endommagé les gazoducs russes, ce qui les a mis hors-service pour une durée indéterminée, et sans doute pour toujours. Ces gazoducs n’étant plus utilisables, l’Europe se retrouve à devoir se débrouiller avec l’approvisionnement limité de gaz étasunien qui peut être acheminé par tanker, à un coût très supérieur. Les importantes attaques menées à l’explosif sur les gazoducs immergés — décrits de manière plutôt symbolique comme un « sabotage » dans les titres des médias — ont eu lieu aux abords des eaux côtières du Danemark et de la Suède, dans une région de la Mer Baltique très surveillée par des patrouilles de navires de guerre de l’OTAN.

Sur la base de ces faits simples et irréfutables, les suspects les plus probables étaient des plus évidents, mais les médias occidentaux n’en font quasiment aucune mention. Au lieu de cela, le Washington Post, journal maison du gouvernement étasunien, a fait paraître un article sous le titre « les dirigeants européens mettent en cause le ‘sabotage’ russe après les explosions de Nord Stream« , citant une longue liste de sources gouvernementales anonymes énonçant ces accusations absurdes, qui ont été reprises largement dans la plupart des organes de presse occidentaux. Nos élites politiques semblent avoir supposé que leur contrôle étroit sur les médias va garantir que leurs citoyens ignorants pourraient être amenés à croire — ou au moins à faire semblant de croire — à peu près n’importe quoi, et même que les Russes auraient détruit leurs propres gazoducs.

Mais les déclarations médiatiques publiques ne reflètent pas nécessairement ce que l’on pense à titre privé. Anne Applebaum, une journaliste néoconservatrice de premier plan, a passé de nombreuses années au Conseil Éditorial du Washington Post et son mari est Radek Sikorski, l’ancien ministre des affaires étrangères et de la défense de la Pologne, un personnage avec les plus forts liens possibles avec l’establishment de sécurité politique et national des États-Unis. Twitter autorise tout un chacun à émettre des affirmations qu’il pourra par la suite regretter, et le lendemain des explosions des gazoducs, il a émit une suite de Tweets célébrant les attaques, dont un présentant une photographie des destructions qui s’en sont suivies, avec pour légende révélatrice « Thank You, USA ». Ce dernier Tweet s’est répandu comme une traînée de poudre, avec quelque 13500 Retweets et 44200 Likes, ce qui l’a amené à l’effacer rapidement.

Quelqu’un d’autre sur Twitter a astucieusement décrit ce rétropédalage désespéré :

Après que les États-Unis ont détruit les gazoducs, le silence radio s’est fait au fur et à mesure que le régime essayait de positionner son narratif. Ce retard a amené un dirigeant polonais à remercier publiquement les États-Unis pour cette attaque.

Puis, hier, le mot d’ordre est sorti : il faut réfuter avoir commis l’attaque. Les robots de propagande de l’OTAN sont à l’ouvrage. pic.twitter.com/RboCLPTkBy

— RAMZPAUL (@ramzpaul) 29 septembre 2022

Au vu du battage médiatique quasiment unanime voulant que les Russes aient détruit leurs propres gazoducs d’une valeur se comptant en milliards de dollars, sans doute du fait de leur folie malfaisante, il est tout à fait possible qu’une majorité, voire même une vaste majorité de nos citoyens acceptent ce narratif sans sourciller, comme ils ont pu en gober tant d’autres tout aussi ridicules par le passé. Mais j’ai tendance à penser que toutes nos élites prêtant attention au sujet soupçonnent fortement, ou supposent carrément, que des éléments du gouvernement étasunien ont joué un rôle central dans ces attaques, même si presque personne ne va le reconnaître publiquement.

L’une des rares exceptions courageuses à cette règle du silence, et peut-être la seule exception à disposer d’une grande plateforme médiatique, a été Tucker Carlson, et quelques jours après l’attaque, il a diffusé une émission à ce sujet à destination de son public composé de millions de personnes. Il a indiqué que bien qu’il apparaisse inimaginable que le gouvernement étasunien puisse commettre une action de terrorisme international aussi extrême que détruire des gazoducs tellement importants pour l’économie industrielle de l’Europe, il se pourrait bien que cela soit malgré tout ce qui s’est produit.

Il a, entre autres choses, diffusé des extraits vidéos du président Joe Biden et de l’assistante au secrétaire d’État, Victoria Nuland, menaçant explicitement d’éliminer les gazoducs Nord Stream si un conflit éclatait entre la Russie et l’Ukraine.

BIDEN reconnaît que les États-Unis sont derrière le sabotage de Nordstream 1 et 2.

Biden : « Si la Russie lance une invasion… il n’y aura plus de Nord Stream 2. »
Journaliste : « Mais comment allez-vous procéder, ce gazoduc est sous contrôle de l’Allemagne ? »
Biden : « Je vous promets que nous serons en mesure de le faire. »
pic.twitter.com/idlxQYuAqU

— Syrian Girl (@Partisangirl) 27 septembre 2022

 

Victoria Nuland: “Si la Russie envahit l’Ukraine, d’une manière ou d’une autre, Nord Stream 2 n’avancera plus »
C’est bien la même Victoria Nulan qui a dit « Fuck the EU », et elle vient bel et bien de baiser l’Allemagne. #NordStream2 #Nordstream #Nordstream1
pic.twitter.com/GGMzrSbwT7

— Syrian Girl (@Partisangirl) 28 septembre 2022

Et juste après les attaques, le secrétaire d’État Antony Blinken a fait mention que l’opération allait grandement servir les intérêts étasuniens, en accordant à notre pays « une opportunité stratégique gigantesque pour les années à venir. »

Selon @SecBlinken, l’explosion du gazoduc Nord Stream « accorde une opportunité stratégique gigantesque pour les années à venir. » Vraiment dommage que cette opportunité gigantesque pour les fonctionnaires de Washington DC se présente aux dépens du reste du monde, surtout l’hiver prochain.
pic.twitter.com/T2eacQUuBF

— Aaron Maté (@aaronjmate) 1er octobre 2022

Malgré les affirmations publiques qu’il a prononcées par le passé, j’ai tendance à ne pas croire que Biden ait joué en personne un rôle dans le processus de décision, ni qu’il ait été informé personnellement du projet d’attaque. Il ne s’agit que d’un homme de paille, un senior qui dans l’ensemble dit ce qu’on lui dit de dire, mais il s’est également illustré par des déclarations publiques que ses subordonnés terrifiés doivent « clarifier » sur-le-champ, si bien qu’il aurait pu mettre en danger l’opération. Aussi, dans la mesure où notre président soit au courant que les plus grands gazoducs énergétiques d’Europe ont été attaqués et gravement endommagés, il est tout à fait possible qu’il fasse partie de la petite minorité de personnalités de haut rang n’ayant pas la moindre idée de qui a pu se rendre responsable de l’action, voire la reprochant aux Russes, simplement parce que ceux qui le chapeautent lui ont affirmé cela.

Le vide laissé par des médias complètement malhonnêtes ou apeurés a été rempli par une poignée de blogueurs indépendants courageux, avec sans doute Moon of Alabama et John Helmer parmi ceux qui ont livré les meilleures analyses juste après l’incident :

Les détails particuliers des attaques ne présentent guère d’importance, et les premières hypothèses sont parties dans plusieurs directions. La théorie avancée par Helmer, un correspondant étasunien établi à Moscou depuis longtemps, est que l’opération a été menée par l’armée polonaise avec un soutien étasunien en matière de renseignement et dans le domaine technique. Cela semble assez plausible, car la Pologne se montre très hostile à la Russie et aux gazoducs russes, qui coûtaient chaque année des centaines de millions de dollars de manque par rapport à des transits de gaz réalisés via le territoire polonais. Les Polonais ont mené tous les efforts possibles pour bloquer le projet Nord Stream, et la côte de la Pologne, proche des explosions, pouvait constituer le terrain de départ idéal pour lancer l’attaque. Qui plus est, par une coïncidence stupéfiante, l’attaque s’est produite exactement au moment où la Pologne a ouvert un gazoduc bien plus modeste, ce qui lui a permis de pourvoir à ses propres besoins énergétiques depuis la Norvège, de manière totalement indépendante du Nord Stream.

Mais que l’opération ait été menée ou non par des mandataires polonais, ou même ukrainiens, ces alliés locaux dépendent totalement de la bonne volonté étasunienne pour survivre, et il est inconcevable qu’ils aient pu mener cette action mémorable sans l’approbation et la supervision d’éléments puissants de l’establishment de sécurité nationale des États-Unis, et débattre de qui est allé positionner les explosifs ne constitue qu’un débat de pacotille.

Bien qu’on ne dispose d’aucune preuve formelle, la probabilité que les États-Unis aient joué un rôle central dans les attaques apparaît comme une quasi-certitude. Les moyens, le mobile, et l’opportunité : tout est dirigé dans une seule direction, si bien que je doute qu’une personne rationnelle et intelligente puisse sincèrement penser qu’autre chose a pu se produire, même si, pour des raisons évidentes, ces gens peuvent s’exprimer de manière différente ou décider de maintenir le silence. De fait, en pratique, personne dans les grands médias ne se montre prêt à reconnaître cette réalité évidente.

Et cette réaction hypocrite s’est étendue jusque dans ces vastes portions des médias alternatifs, supposés ne craindre rien ni personne. Bien que ces attaques extrêmement importantes aient atteint les premières pages du New York Times et du Wall Street Journal, pas un mot n’est paru à leur sujet dans Counterpunch, the Nation, ou le New Republic, et Antiwar.com n’en a quasiment pas fait mention, probablement par crainte de devoir mentionner le principal suspect dans leurs articles. Divers experts ont promu sur internet les possibilités alternatives les plus absurdes pour éviter de désigner le gouvernement étasunien. Cette réponse généralisée du « Ne rien voir » est illustrée par un mème populaire sur Internet :

Revenons en arrière et positionnons cet incident dans le contexte historique qui convient, en acceptant sa témérité incroyable. Nous ne sommes pas actuellement en guerre contre la Russie ni contre l’Allemagne, et un important projet énergétique à 20 milliards de dollars, important aux yeux de ces deux pays, vient d’être détruit, avec un impact potentiellement dévastateur pour l’économie européenne. Non seulement s’agit-il probablement de l’attaque militaire la plus importante en temps de paix contre des infrastructures civiles dans toute l’histoire du monde, mais si nous mettons de côté les attaques du 11 septembre — officiellement imputées à une organisation terroriste non-étatique — rien de comparable, même de loin, ne nous vient à l’esprit.

Examinons la possibilité évidente de représailles. La Russie possède une armée très puissante et sophistiquée, avec d’excellentes forces spéciales, et l’infrastructure de l’Occident est en soi terriblement vulnérable et non-protégée. Qui plus est, notre économie lourdement financiarisée pourrait s’effondrer comme un château de cartes si on lui infligeait un petit coup au bon endroit, et Tucker Carlson a noté que si la Russie ne faisait que couper les câbles des fibres optiques transatlantiques qui relient les marchés financiers entre les États-Unis et l’Europe, Wall Street subirait d’énormes pertes.

Mais je pense que le plus grand risque auquel les États-Unis sont confrontés est une conséquence automatique de ses attaques sur l’infrastructure énergétique critique de l’Europe, même en l’absence de représailles significatives de la part de la Russie.

Si l’Allemagne et le reste de l’Europe subissent un effondrement économique, l’économie étasunienne ne pourra guère éviter de subir des dégâts importants, mais je pense que l’impact le plus important sera sur l’alignement géopolitique à long-terme de ce continent. Les Européens vont beaucoup souffrir cet hiver, et malgré la solidité du mur de propagande médiatique, ils vont être de plus en plus nombreux à commencer à distinguer qui a été l’architecte de leur misère.

Depuis presque trois générations, nos alliés de l’OTAN ont constitué un élément crucial de la puissance militaire et économique globale des États-Unis, et s’ils considèrent avoir été trahis en retour au travers d’une attaque criminelle aux conséquences dévastatrices, ils peuvent finir par décider d’accorder leurs allégeances à d’autres. Le hashtag #Kriegserklaerung— « déclaration de guerre » — a récemment connu son heure de gloire sur Twitter, avec de nombreux Allemands pour affirmer que les États-Unis venaient de déclarer la guerre à leur pays. Le contrôle écrasant qui existe sur les médias électroniques et sociaux constitue un outil de lavage de cerveau puissant, mais à un certain stade, son efficacité peut ne plus faire le poids face à une réalité misérable. L’ancienne Union soviétique n’avait jamais infligé de telles souffrances délibérément à ses vassaux du Pacte de Varsovie, et cette alliance s’est effondrée en 1989, et si certains cas des plus funestes se réalisent en Europe, je me demande si l’OTAN pourra longtemps survivre.

D’un point de vue plus large, l’Allemagne industrialisée et la Russie riche en ressources constituent des partenaires commerciaux naturels, et comme l’a exposé Mike Whitney avec prescience au mois de février dernier, une grande partie de la stratégie européenne récente a visé à bloquer leurs liens économiques en croissance. La destruction par les États-Unis des gazoducs Nord Stream peut avoir temporairement empêché une défection immédiate de l’Allemagne, mais l’amertume dont les États-Unis seront l’objet peut devenir plus importante encore à l’avenir. Si l’Allemagne déplaçait ses liens politiques vers l’Est, la puissance des États-Unis en Europe s’en trouverait écrasée, et les électeurs allemands ont leur mot à dire sur ce type de sujet, surtout s’ils commencent à souffrir de conditions dignes d’une dépression au cours des quelques mois à venir.

L’établissement d’une véritable alliance russo-allemande remodèlerait totalement la géopolitique de l’Eurasie, mais je soupçonne que les dirigeants ignorants du gouvernement étasunien feraient fi d’une telle possibilité, la considérant comme un délire, sur la base de l’hostilité traditionnelle qu’ils imaginent exister entre les deux populations. Cependant, comme je l’ai expliqué il y a quelques années, c’est totalement incorrect, car basé sur une lecture extrêmement erronée et biaisée de l’histoire de l’Europe :

De par mon arrogance injustifiée, il m’arrive de me délecter lorsque je perçois des éléments évidents que les journalistes à la source d’un article ont traité totalement à l’envers, ce qui les fait souvent glisser dans leur narratif historique. Par exemple, les discussions sur les luttes militaires titanesques du XXème siècle entre l’Allemagne et la Russie font souvent référence à l’hostilité traditionnelle entre ces deux grands peuples, qui des siècles durant s’étaient considérés comme des rivaux acharnés, représentant la lutte éternelle entre Slaves et Teutons pour la domination de l’Europe de l’Est.

Quoique l’histoire sanglante des deux guerres mondiales ait fait apparaître cette notion comme une évidence, elle est belle et bien fausse. Avant 1914, ces deux nationalités s’étaient abstenus de tout conflit l’une contre l’autre durant un siècle et demi, et au milieu du XVIIIème siècle, la guerre de Sept Ans avait même mis en jeu une alliance russe avec l’Autriche germanique contre la Prusse germanique, ce que l’on ne peut guère assimiler à un conflit de nature civilisationnelle. Les Russes et les Allemands avaient constitué des alliés constants durant les guerres napoléoniennes sans fin, et avaient coopéré étroitement durant les ères de Metternich et de Bismarck qui suivirent, si bien que jusqu’en 1904, l’Allemagne avait soutenu la Russie dans sa guerre infructueuse contre le Japon. Au cours des années 1920, l’Allemagne de Weimar et la Russie soviétique partagèrent une période de coopération militaire étroite, le pacte Hitler-Staline de 1939 marqua le début de la seconde guerre mondiale, et tout au long de la longue Guerre Froide, l’URSS n’eut pas de satellite plus loyal que la République Démocratique d’Allemagne. Quelque vingt-cinq années d’hostilités en cumulé sur les trois derniers siècles, avec de bonnes relations et même une alliance inconditionnelle la plus grande partie du reste du temps ; tout cela ne suggère pas vraiment que les Russes et les Allemands ont constitué des ennemis héréditaires.

Qui plus est, au cours d’une grande partie de cette période, l’élite russe au pouvoir a eu une nuance germanique considérable. La légendaire Catherine II était par sa naissance une princesse allemande, et au fil des siècles, tant de dirigeants russes prirent des épouses allemandes que les derniers Tsars de la dynastie Romanov étaient le plus souvent davantage allemands que russes. La Russie hébergeait d’ailleurs une population allemande importante, mais très assimilée, très bien représentée au sein des cercles politiques d’élite, et il était courant que les ministres du gouvernement et parfois d’importants commandants militaires portent des noms allemands. C’est jusqu’à un haut-dirigeant de la révolte décembriste du début du XIXème qui avait des ancêtres allemands, mais dont l’idéologie était strictement russe-nationaliste.

Si la calamité économique imminente finit par faire déplacer l’Allemagne vers une alliance avec la Russie, on se souviendra des attaques étasuniennes sur les gazoducs Nord Stream comme du coup qui aura altéré toute la trajectoire de la politique globale.

Au stade actuel, la plupart des lecteurs hocheront la tête en prenant connaissance des observations factuelles que j’ai recueillies, même s’ils peuvent avoir des doutes au sujet des possibles conséquences. Peut-être que la destruction par les États-Unis des gazoducs livrant l’énergie à l’Europe et la dévastation économique de l’Allemagne qui va suivre vont déboucher sur une rupture permanente dans l’alliance occidentale, ou peut-être pas ; il est difficile de prédire l’avenir.

Mais bien qu’il n’existe aucune preuve dure de l’implication des États-Unis dans cette opération, les indices pointent de manière si convergente qu’aucune personne sensée ne peut parvenir à une autre conclusion. Qu’il ait agi en passant par des intermédiaires locaux ou non, le gouvernement étasunien est clairement responsable de la destruction de l’infrastructure énergétique la plus importante d’Europe, et il s’agit d’une action d’une dimension criminelle et téméraire absolument colossale, qui peut porter d’énormes conséquences négatives pour les intérêts nationaux étasuniens. Même si pratiquement tous les médias dominants occidentaux — et nombre de médias alternatifs — évitent soigneusement de faire mention de cette réalité, et même si des propagandistes sont payés pour affirmer le contraire, cela n’en reste pas moins la réalité criante.

Et c’est là que le bat blesse. L’ensemble de ce scénario apparaît tout à fait similaire à un autre que j’ai développé au cours des deux années écoulées, sur un sujet totalement différent. Au début du mois d’avril 2020, j’ai publié une longue suite d’articles affirmant que l’épidémie globale de Covid était le résultat d’une attaque de guerre biologique étasunienne contre la Chine (et contre l’Iran).

Comme dans le cas du président Biden, Donald Trump avait été laissé hors du circuit, mais l’attaque avait sans doute été orchestrée par des personnages clé de son administration, qui essayèrent immédiatement (avec un certain succès) d’accuser les Chinois car l’épidémie virale avait démarré en Chine. Une fois de plus, presque tous les faits pertinents ont été ignorés par les médias occidentaux, mais on peut facilement les trouver et les relier entre eux. Et une fois de plus, le poids des indices circonstanciels apparaît comme écrasant, et à de nombreux égards plus forts que pour les attaques sur les gazoducs.

Au cours des trente mois que j’ai passé à étudier ce sujet, le seul argument qui a été soulevé contre ma thèse est celui que même des éléments incontrôlables de l’administration Trump n’auraient pas pu se montrer téméraires au point de lancer une attaque biologique, une attaque dont le retour de bâton a fini par tuer plus d’un million d’Étasuniens et perturber la vie de milliards de gens dans le monde entier. Mais la destruction par les États-Unis de l’infrastructure énergétique la plus importante démontre les profondeurs véritables de la témérité criminelle que l’on peut parfois trouver au sein du gouvernement étasunien.

Chacun, une fois qu’il aura absorbé les implications profondes des attaques contre le Nord Stream, y compris les accusations répandues et ridicules propagées dans nos médias selon lesquelles les Russes auraient détruit leurs propres gazoducs, ferait bien de réévaluer ses hypothèses au sujet du comportement des États-Unis et de réexaminer les circonstances de l’épidémie de Covid avec un œil neuf.

En particulier, il faut prendre en compte les éléments parfaitement clairs qui indiquent que les États-Unis étaient au courant à l’avance de l’épidémie, que l’on peut résumer en quelques centaines de mots :

Par exemple, en 2017, Trump a recruté Robert Kadlec, qui est depuis les années 1990 l’un des principaux soutiens étasuniens de la guerre biologique. L’année suivante, en 2018, une épidémie virale mystérieuse a frappé l’industrie volaillère chinoise, et en 2019, une autre épidémie virale mystérieuse a dévasté la filière porcine chinoise…

Dès les premiers jours de l’administration Trump, les principaux dirigeants étasuniens avaient considéré la Chine comme l’adversaire géopolitique le plus puissant opposé aux États-Unis, et avaient orchestré une politique de confrontation. Puis, entre les mois de janvier et août 2019, le département de Kadlec avait lancé l’exercice de simulation « Crimson Contagion », qui avait mis en scène l’hypothétique épidémie d’une maladie virale respiratoire en Chine, sa propagation aux États-Unis, et les participants s’étaient concentrés sur les mesures nécessaires pour la contrôler aux États-Unis. Kadlec, en tant qu’expert en guerre biologique de premier plan pour les États-Unis, avait insisté sur l’efficacité unique des armes biologiques dès la fin des années 1990, et nous devons le féliciter pour sa prescience incroyable, qui l’a amené à organiser en 2019 un exercice épidémique viral majeur qui a été tellement similaire à ce qui s’est véritablement produit en réalité quelques mois plus tard à peine.

Les dirigeants de l’administration Trump étant tellement entichés de la guerre biologique, tellement hostiles à la Chine, et ayant lancé des simulations à grande échelle en 2019 sur les conséquences d’une mystérieuse épidémie virale dans ce même pays, il semble tout à fait déraisonnable de totalement écarter la possibilité que des projets aussi extrêmement téméraires aient pu être discutés en privé et finalement mis en application, même si cela a probablement été réalisé sans l’autorisation du président.

 

Mais une fois révélées les conséquences terribles de l’inaction du gouvernement étasunien sur le sujet, des éléments de nos agences de renseignements se sont appliqués à démontrer que ce n’étaient pas eux qui avaient dormi à la barre. Début octobre 2022, un reportage d’ABC News citait quatre sources gouvernementales distinctes révélant que dès la fin novembre, une unité spéciale de renseignements médicaux au sein de notre agence de Renseignement de Défense avait produit un rapport avertissant qu’une épidémie incontrôlable se produisait dans la région chinoise de Wuhan, et avait distribué ce document parmi les haut-placés du gouvernement étasunien, avec l’avertissement selon lequel il fallait agir pour protéger les soldats étasuniens situés en Asie. Une fois le récit éventé, un porte-parole du Pentagone a officiellement réfuté l’existence de ce rapport du mois de novembre, et divers autres dirigeants de haut niveau du gouvernement et des renseignements ont refusé d’apporter des commentaires à ce sujet. Mais quelques jours plus tard, la télévision israélienne avait mentionné qu’au mois de novembre, les renseignements étasuniens avaient bel et bien partagé ce rapport sur l’épidémie de Wuhan avec ses alliés de l’OTAN et Israël, ce qui semblait confirmer de manière indépendante la pertinence totale du reportage originel livré par ABC News et ses diverses sources au sein du gouvernement.

Il apparaît donc que des éléments de la Defense Intelligence Agency étaient au courant de l’explosion virale mortelle de Wuhan plus d’un mois avant le moindre dirigeant du gouvernement chinois. À moins que nos agences de renseignements aient pratiqué une percée dans la technologie de la précognition, je pense que cela s’est produit pour la même raison exactement qui fait que les pyromanes sont au courant à l’avance de l’emplacement des futurs incendies.

Selon ces récits multiples propagés par les médias dominants, au cours de « la seconde semaine du mois de novembre », la Defense Intelligence Agency était déjà en train de préparer un rapport secret avertissant d’une épidémie « cataclysmique » se déroulant à Wuhan. Pourtant, à ce stade, pas plus d’une bonne dizaine de personnes avaient été infectées dans cette ville comptant 11 millions d’habitants, et peu d’entre eux présentaient le moindre symptôme grave. Les implications en sont tout à fait évidentes. Qui plus est :

Au fur et à mesure que le coronavirus s’est mis à se répandre au-delà des frontières de la Chine, un autre développement s’est produit, qui a grandement multiplié mes soupçons. La plupart des premiers cas se sont produits exactement à l’endroit où l’on s’y attendait, parmi les pays d’Asie de l’Est jouxtant la Chine. Mais à la fin du mois de février, l’Iran est devenu le second épicentre de l’épidémie globale. Chose plus surprenante encore, les élites politiques iraniennes avaient été particulièrement touchées, avec 10% du parlement iranien bientôt infecté et au mois une douzaine de dirigeants et hommes politiques qui sont morts de la maladie, y compris certains qui étaient très âgés. De fait, des activistes néoconservateurs sur Twitter se sont mis à se réjouir que leurs ennemis iraniens détestés tombaient comme des mouches.

Examinons les implications de ces faits. Dans le monde entier, les seules élites politiques à avoir subi des pertes significatives sont celles de l’Iran, et ils sont morts à une phase très précoce, avant que des épidémies significatives se soient même produites n’importe où ailleurs dans le monde hors de la Chine. Aussi, nous voyons les États-Unis assassiner le plus haut dirigeant iranien le 2 janvier, et à peine quelques semaines plus tard, de vastes portions des élites dirigeantes iraniennes se sont trouvées infectées par un nouveau virus mystérieux et mortel, avec de nombreuses personnes parmi elles en mourant bientôt. Est-ce qu’une personne rationnelle pourrait considérer cela comme une pure coïncidence ?

Les Iraniens eux-mêmes étaient bien conscients de ces faits, et leurs principaux dirigeants politiques et militaires ont accusé publiquement les États-Unis d’avoir lancé une guerre biologique illégale contre leur pays et contre la Chine, avec leur ancien président allant jusqu’à déposer une plainte formelle auprès des Nations Unies. Mais quoique ces charges explosives aient été largement exposées dans la presse iranienne, elles sont restées totalement ignorées par les médias étasuniens si bien que presque aucun habitant des États-Unis n’en a même eu conscience.

Pour qui préférerait prendre connaissance de ces informations sous un autre format, voici trois de mes interviews en podcasts de cette année, qui approchent désormais un total de 1,3 millions de vues sur Rumble, la première vidéo compte à elle-seule un demi-million de vues :

Kevin Barrett, FFWN • February 16, 2022 • 15m

Geopolitics & Empire • February 1, 2022 • 75m

Red Ice TV • February 3, 2022 • 130m

Traduit par José Martí pour le Saker Francophone

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