Les trois harpies sont de retour !

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Pepe Escobar

Par Pepe Escobar – Le 3 juillet 2016 – Source Russia Insider

C’était l’époque où la Libye – «Nous sommes venus, nous avons vu, il est mort» – a  offert au monde un spectacle impérialiste humanitaire sanguinolent, mettant en vedette trois Harpies américaines : Hillary Clinton, Samantha Power and Susan Rice, en fait quatre si l’on inclut l’âme damnée et mentor d’Hillary, Madeleine Albright.

La hache de guerre de la République

Les cyniques pop n’ont pas pu résister, à ce moment là, à la tentation de caricaturer ces amazones-en-devenir de Brunhilde et les Valkyries. Ou bien, pour le moins, de qualifier Hillary-au-permanent-sourire-narquois d’Attila de basse-cour.

Tuons donc le suspense. Il y aura, de façon prévisible, une suite. Et celle-ci vient même sous la forme d’un aperçu un peu intello, intitulé Étendre le pouvoir américain, publié par le think tank Centre pour une nouvelle sécurité américaine (CNAS) . Il se trouve que le CNAS a été co-fondé – et dirigé – par l’ancienne sous-secrétaire à la Défense Michele Flournoy, qui a servi dans l’administration Obama sous Leon Panetta.

Également prévisible, le document combatif du CNAS papier se lit comme une sorte de grand PNAC (Projet pour un nouveau siècle américain) remixé – incluant même certains de ces vieux visages néocons et néolibérauxcons : Elliot Abrams, Robert Zoellick, Martin Indyk, Dennis Ross, et bien sûr Flournoy elle-même, que le consensus washingtonien identifie déjà comme la prochaine cheffe du Pentagone sous la présidence Clinton.

Dans ce texte, on retrouve les règles de l’Exceptionalistan sous toutes ses formes – de la liste juteuse des entreprises donatrices travaillant pour la défense, jusqu’à l’accent mis sur l’OTAN, sur le commerce via le Traité de partenariat trans-pacifique (TPP) et le Traité de partenariat pour le commerce et l’investissement transatlantique (TTIP). Cependant, après le Brexit, la mise en œuvre de ce dernier sera un défi de taille – et c’est un puissant euphémisme.

Flournoy, en-attente-du-Pentagone, a récemment été citée comme étant prête à envoyer «plus de troupes américaines dans le combat contre ISIS et le régime Assad, que ce que l’administration Obama avait engagé».

Eh bien pas tout à fait. En fait, elle a répondu au document du CNAS, en faisant valoir qu’elle est en faveur de «l’augmentation du soutien militaire des États-Unis à des groupes d’opposition syriens modérés combattant ISIS et le régime Assad, comme le Front Sud, ne demandant pas aux troupes américaines de combattre à leur place».

Elle a également fait valoir que les États-Unis devraient «dans certaines circonstances, envisager d’utiliser la coercition militaire limitée – principalement des frappes à distance de sécurité – en représailles contre des cibles militaires syriennes». Ainsi, elle ajoute : «Je ne préconise pas d’envoyer les troupes américaines de combat sur le terrain pour prendre des territoires aux forces d’Assad ou évincer Assad du pouvoir.»

OK. Donc pas de changement de régime. Juste la coercition militaire limitée. Et ne pas oublier la création d’une zone de non-bombardement, dans le style : «Si vous bombardez les gens que nous soutenons, nous allons riposter en utilisant des missiles à distance pour détruire les forces se battant pour les Russes par procuration, qui sont, dans ce cas, des combattants de l’armée syrienne.» Comme si l’armée arabe syrienne (ASA) – et la force aérienne russe – étaient tout simplement assises là à jouer aux cartes, en attendant les bombes américaines.

Vous vous souvenez certainement tous, que cela est étonnamment similaire à la politique d’Hillary Clinton en Syrie – qui, sémantiquement, équivalait à une zone d’exclusion aérienne. Dans le contexte du théâtre syrien de guerre, no-fly zone signifie en fait un changement de régime. Nul doute que Hillary Clinton a été une lectrice assidue du livre de George Orwell La politique et la langue anglaise.

Qu’ils aillent tous au diable…

Donc, si Flournoy est notre Harpie numéro Deux dans la nouvelle série de la guerre en Syrie remixée, elle est évidemment en phase avec la Harpie numéro Un Hillary. Le CV de la Harpie Hillary, même partiellement résumé, est bien connu de tous : favorable au bombardement et à la destruction de l’Irak ; supportrice de tout ce qui concerne GWOT – Grande guerre contre la terreur ; supportrice également de la nouvelle flambée afghane ; de la zone d’exclusion aérienne en Syrie, voire plus, comme moyen de parvenir à un changement de régime ; enragée pour le confinement de l’Iran, même après l’accord nucléaire signé à Vienne l’an dernier ; habillant Poutine en nouvel Hitler ; et le spectacle continue.

Tout cela, bien sûr, confortablement encadré en toute sécurité par toutes les nations douteuses – surtout le gang des pétrodollars – et les entreprises qui ont donné une fortune à la Fondation Clinton comme prélude à une saine et robuste augmentation des contrats d’armement alors qu’elle était Madame la Secrétaire d’État.

Nous avons donc les Harpies Un et Deux voyant la plus grande part du monde comme une menace – le Pentagone en identifie cinq, la Russie, la Chine, la Corée du Nord, l’Iran et… le terrorisme, dans cet ordre de priorité, les Harpies peuvent envisager des extensions. Elles identifient une série d’intérêts américains fondamentaux contestés en permanence par ces menaces. Elles sont supportrices enthousiastes de l’impérialisme humanitaire et/ou carrément du changement de régime. Et elles veulent renvoyer à l’âge de pierre les rivaux stratégiques : la Chine et la Russie.

Pas étonnant que le super néocon Robert Kagan aime ce spectacle de vengeance, en compagnie d’une vaste galaxie de néocons/néolibérauxcons pullulant à Washington. En effet, de la Libye jusqu’à la Syrie, en passant par l’aide à la Maison des Séoud dans sa destruction du Yémen, qu’est-ce-qu’on pourrait ne pas aimer ?

Et cela nous amène à la Harpie numéro Trois, celle qui a effectivement travaillé pour la Harpie numéro Un au Département d’État, et qui a prononcé les mots les plus terrifiants de la langue anglaise en immortalisant «F ** k the UE» avant même le Brexit, j’ai nommé la vigoureuse néocon Victoria Nuland. Celle-ci, au cas où la Harpie numéro Un emménagerait au 1600 Pennsylvania Avenue, sera propulsée Secrétaire d’État. Elle devrait aller en justice pour tirer les redevances de ses prémonitions du Brexit, mais en dollars US, pas en livres sterling déprimées.

L’impératrice honoraire du Kaganat de Nulandistan [Victoria Nuland est l’épouse du néocon antédiluvien Robert Kagan, NdT], comme on le sait, a bénéficié d’un pantouflage assez brillant : d’abord conseillère en politique étrangère pour le vice-président Dick Cheney, elle s’est ensuite garée dans Obamaland grâce à la protection de son patron à Brookings, Strobe Talbott, pour se retrouver porte-parole de la Harpie numéro Un au Département d’État, elle est actuellement secrétaire d’État adjointe pour l’Europe, en charge de diaboliser tout ce qui ressemble, de près ou de loin, à du russe. Reconnaissons-le : mettez ces trois Harpies sur le ring et elles enverraient voltiger les champions de la Fédération Mondiale de Catch comme dans un jeu vidéo.

Et ces 51 bellicistes adorent

Sur Orlando, Hillary Clinton a tenu à souligner que «ceci est la plus importante fusillade de masse dans l’histoire des États-Unis et nous rappelle une fois de plus que les armes de guerre n’ont pas leur place dans nos rues». Bien sûr, il n’y a pas de problème si ces armes de guerre, utilisées ou conseillées par le personnel américain, tuent des civils innocents dans la région que le Pentagone appelle MENA – Moyen-Orient, Afrique du Nord.

Il n’y a guère de doute que les trois Harpies remixées – Hillary, Flournoy et Nuland – auront leur guerre contre la Syrie, quelle que soit la sémantique orwellienne employée. Après tout, les 51 diplomates US bellicistes ont déjà approuvé. Et il y a longtemps, WikiLeaks a révélé que la Harpie numéro Un avait déjà reconnu que «la meilleure façon d’aider Israël face à la capacité nucléaire croissante de l’Iran est d’aider le peuple syrien à renverser le régime de Bachar el-Assad». La realpolitik peut bien avoir prouvé que l’Iran n’a effectivement aucune capacité nucléaire, et alors ? Le changement de régime reste bien vivant et cogne.

D’autres, comme le Docteur Folamour, pardon, le général Philip Breedlove, ancien commandant suprême de l’OTAN, sont aussi à la recherche d’un job à la Défense dans une hypothétique administration Clinton. Mais il n’est pas à la hauteur de l’équipe de rêve des Trois Harpies. C’est tellement plus confortable, et agréable pour la famille, que l’État profond puisse déployer son scénario de domination tous azimuts – la doctrine Enduring Freedom éternelle – quand le rôle est joué par un casting de stars entièrement féminin. Elles sont venues, elles ont vu, elles vont bombarder.

Article Original paru dans Counterpunch

Pepe Escobar est l’auteur de Globalistan: How the Globalized World is Dissolving into Liquid War (Nimble Books, 2007), Red Zone Blues: a snapshot of Baghdad during the surge (Nimble Books, 2007), Obama does Globalistan (Nimble Books, 2009), Empire of Chaos (Nimble Books) et le petit dernier, 2030, traduit en français.

Traduit et édité par jj, relu par Diane pour le Saker Francophone

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