Encore des reportages trompeurs dans les médias étatsuniens


2015-05-21_11h17_05Par Moon of Alabama – Le 12 novembre 2018

Le New York Times ment à ses lecteurs au sujet des actions d’un État pris dans son collimateur. Ce journal n’a tiré aucune leçon de ses reportages mensongers qui ont mené à la guerre contre l’Irak. Encore une fois, il fait preuve d’une attitude agressive.

Dans un article publié aujourd’hui, intitulé « En Corée du Nord les bases de missiles montrent qu’une tromperie est en cours », le journal ment sur les engagements pris par la Corée du Nord :

La Corée du Nord poursuit son programme de missiles balistiques dans 16 bases cachées qui ont été identifiées grâce à de nouvelles images satellitaires commerciales, un réseau connu depuis longtemps des services de renseignement américains mais qui ne fait pas l’objet de discussions car le président Trump prétend avoir neutralisé la menace nucléaire venant de Corée du Nord.

Les images satellites suggèrent que la Corée du Nord se livre à une tromperie d’envergure : elle a proposé de démanteler un important site de lancement – une étape qu’elle a entamée, puis interrompue – tout en continuant à développer plus d’une douzaine d’autres sites de lancement, ce qui lui permet de renforcer ses attaques par ogives conventionnelles et nucléaires.

Il n’y a pas de tromperie nord-coréenne. Le pays a accepté de démanteler un site d’essai de missiles, et non un “site de lancement” opérationnel, et il a accepté un moratoire sur les essais nucléaires et balistiques. Il ne s’est jamais engagé à arrêter la production ou le déploiement de missiles.

La Déclaration de Singapour signée par Kim Jong-un et Donald Trump ne dit rien au sujet des missiles balistiques. Elle consiste en quatre étapes à suivre dans l’ordre :

1. établir de nouvelles relations entre les États-Unis et la RPDC,

2. construire un régime de paix durable et stable dans l’ensemble de la Corée,

3. soutenir la Déclaration de Panmunjom entre la Corée du Nord et la Corée du Sud,

4. la Corée du Nord s’engage ” à travailler à la dénucléarisation complète de la péninsule coréenne “.

La Corée du Nord ne s’est pas engagée, ni publiquement ni secrètement, à arrêter sa production de missiles balistiques, tout comme les États-Unis ne se sont pas engagés à mettre un terme au renforcement de leurs capacités d’agression.

C’est même plutôt le contraire qui se produit. La Corée du Nord a déclaré ouvertement à plusieurs reprises qu’elle augmenterait sa capacité de tirs balistiques. En mai 2017, le président Kim Jong-un a ordonné le lancement de la production en série du missile de moyenne portée Pukguksong-2 (Poseidon-2) :

[L’agence de presse de l’État, KCNA] a cité Kim en disant que le Pukguksong-2 répondait à toutes les spécifications techniques requises et devait donc maintenant être produit en série et utilisé par l’unité de combat stratégique de l’Armée populaire de Corée.

En août 2017, il a donné l’ordre d’augmenter la production de missiles à combustible solide.

Kim a récemment visité l’Institut nord-coréen des matériaux chimiques de l’Académie des sciences de la défense, selon une déclaration de l’Agence centrale de presse coréenne (KCNA), agence gérée par le gouvernement.

“Il a chargé l’Institut de produire davantage d’ogives et de moteurs de fusées à propergol solide en développant davantage le processus de production des moteurs et la capacité de production des ogives de fusées et des moteurs à réaction en matériau carbone/carbone”, peut-on lire dans le communiqué.

Début 2018, Kim Jong-un a de nouveau donné l’ordre publiquement d’accroître la production de missiles balistiques. Ce ne sont pas des paroles en l’air. En juillet 2018, l’expansion d’une usine de missiles connue était visible sur les images satellitaires accessibles au public.

Le magasine Foreign Affairs faisait alors remarquer qu’il s’agissait de mesures légitimes et non de tromperies :

Cette activité ne suggère pas que Kim soit menteur ou qu’il “triche”. Il n’a jamais promis de cesser de produire des armes nucléaires ou des missiles balistiques. En fait, bien au contraire. Dans son discours du Nouvel An 2018, Kim a ordonné au ” secteur de la recherche sur les armes nucléaires et l’industrie des fusées “ de Corée du Nord de ” produire en masse des ogives nucléaires et des missiles balistiques “. Il est clair maintenant que Kim tiens ses engagements.

L’article du New York Times présente une analyse boiteuse de certaines images satellites faite par le Center for Strategic and International Security (CSIS, financé par le pétrole, les armes et les banques). L’analyse ne décrit qu’un seul ancien site de missiles qui a été développé au fil des décennies et qui n’a connu aucun changement récent :

La première phase de construction de la base de Sakkanmol a commencé entre 1991 et 1993 en utilisant des troupes spécialisées du génie de l’unité 583 de l’Armée populaire de Corée (…) La première phase a probablement été partiellement achevée en septembre 1999 lorsqu’il a été signalé que “27 (missiles Scud) avaient été déployés dans la zone du Togol (Sakkanmol) dans le nord Hwanghae pour former un régiment de missiles”. À partir de 2004 environ la construction d’une installation militaire non identifiée avec administration, caserne, logements et installations de soutien a commencé le long de la vallée menant à la base de Sakkanmol. Au cours de la période de 2010 à 2011, une deuxième phase de construction a débuté à Sakkanmol qui comprenait l’ajout de casernes, d’installations d’entretien et d’entreposage de véhicules, de serres et d’un certain nombre de petites structures dans toute la base.

Le rapport du CSIS porte sur une base bien établie et bien connue pour ses missiles à courte portée. La base n’a connu aucun changement récent. Pourquoi le New York Times en fait-il une “tromperie” absurde si ce n’est pour saboter les efforts du président américain pour parvenir à la paix avec la Corée du Nord ?

Il y a une autre tromperie dans l’article de Sanger/Broad. Il cite une déclaration du département d’État sans souligner qu’il s’agit d’un mensonge évident :

Un porte-parole du département d’État a répondu à ces conclusions par une déclaration écrite suggérant que le gouvernement pensait que les sites devaient être démantelés : ” Le président Trump a clairement indiqué que si le président Kim respectait ses engagements, notamment la dénucléarisation complète et l’élimination des programmes de missiles balistiques, un avenir beaucoup plus prometteur pour la Corée du Nord et sa population s’ouvrirait. »

Jamais la Corée du Nord n’a pris de tels engagements. La “presse libre” a-t-elle pour mission de répéter les mensonges du département d’État ? A-t-elle pour tâche de rajouter ses propres mensonges à ces déclarations erronées ?

En 2002, le New York Times publiait des douzaines de faux rapports sur des allégations d’armes de destruction massive en Irak. Aucune arme de ce type n’y a été trouvée. Ces reportages ont mené à la catastrophique guerre contre l’Irak. La journaliste Judith Miller fut le bouc émissaire du Times pour lui permettre de se disculper. Mais comme le montre le rapport d’aujourd’hui, il n’a absolument pas retenu la leçon. Il essaie maintenant de saboter la seule et unique initiative de Trump qui pourrait conduire à un monde moins dangereux. Atteindre la paix en Corée est déjà assez compliqué. Les obstacles supplémentaires que pose la présentation d’informations trompeuses ne font que rendre la tâche plus difficile.

Actuellement, les pourparlers entre les États-Unis et la Corée du Nord sont de nouveau suspendus, les États-Unis exigeant d’entamer le point 4 de la Déclaration de Singapour, la dénucléarisation, avant de faire aboutir les  points 1, 2 et 3 qui demandent la levée des sanctions actuelles contre la Corée du Nord et la signature d’un accord de paix. Le gouvernement de Corée du Sud s’efforce quant à lui de remettre les pourparlers sur les rails.

En vendant des images satellites d’anciennes bases nord-coréennes et en trompant les lecteurs sur ses engagements, la guerre dans la péninsule coréenne n’en devient que plus probable. Ce n’est donc pas seulement trompeur, c’est aussi néfaste.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par jj pour le Saker Francophone

   Envoyer l'article en PDF