Tsipras joue au plus malin avec Poutine, échec assuré


Un membre de Syriza confirme que Tsipras a tenté de balader la Russie au sujet du projet de gazoduc


 

Alexander Mercouris

Alexander Mercouris

Par Alexander Mercouris – Le 2 septembre 2015 – Source Russia Insider

Une interview avec un membre de Syriza confirme que les avances de Tsipras à la Russie n’ont jamais été sérieuses et qu’il n’y a jamais eu de consensus politique en Grèce – de même que pour la sortie de l’Euro – pour une telle alliance.

 

Tsipras : pas vraiment un homme

Russia Insider avait déjà dit que les avances du Premier ministre grec, Tsipras, envers la Russie au début de cette année pendant les négociations avec les institutions européennes étaient des manipulations et ne montraient aucune intention de s’aligner aux côtés de la Russie.

De même nous disions que Tsipras tentait d’utiliser la Russie comme épouvantail afin de paniquer les Européens et les amener à des concessions.

Nous avions aussi dit que malgré que les Russes, au début, désiraient les aider, ils ont promptement compris que Tsipras n’était pas très chaud, et après un certain moment leurs offres se sont faites progressivement moins généreuses.

Notre vision était isolée. Plus généralement, le reste des médias internationaux interprétait les avances de Tsipras différemment. En fait, il y avait de nombreuses discussions inquiètes – ou confiantes – sur le fait que la loyauté de la Grèce envers l’Europe était en balance, et sur la façon dont elle se préparait à se tourner vers la Russie et les BRICS.

La confirmation que ce que nous disions était correct nous parvient maintenant de Stathis Kouvelakis, ancien membre du Comité central de Syriza, proche de Panayiotis Lafazanis, ancien ministre grec de l’Énergie, qui maintenant dirige Unité Populaire, le nouveau groupe de l’Aile Gauche composé d’anciens membre de Syriza qui s’opposent au dernier accord de refinancement.

Lanfazanis, en tant que ministre de l’Énergie a négocié le contrat du gazoduc avec les Russes. Il a eu plus d’intenses discussions avec les Russes que n’importe quel officiel du gouvernement grec. Des commentaires de la part de quelqu’un aussi proche de lui, qui fut aussi membre du Comité central de Syriza dans toute sa rigueur, peuvent de ce fait être considérés comme crédibles.

Voici ce que Kouvelakis a déclaré dans une interview au quotidien français l’Humanité :

” …sur le fond les Russes n’ont jamais compris ce que les Grecs désiraient. Ils ont été extrêmement méfiants dès qu’il sont eu l’impression que le rapprochement de la Grèce allait vers une utilisation des négociations comme un outil pour peser sur les institutions européennes.

Les photos en compagnie de Poutine avaient pour but d’exercer une pression, mais tout cela restait très superficiel, ils pouvaient toujours dire que cela n’allait pas vers des conclusions concrètes. Et les Russes n’ont pas apprécié d’être promenés avec ça .”

C’est exactement ce que nous disions.

Cela n’est pas simplement un fait historique. Nous avons aussi dit que le contrat du gazoduc négocié avec la Russie par Lanfazanis était condamné.

Certains continuent à refuser ce fait, dans l’espoir que le contrat puisse être réanimé, mais les Russes n’ont aucune raison de se faire de telles illusions.

Il est vrai que les Grecs, en diverses occasions ces dernières semaines, ont assuré aux Russes qu’ils étaient toujours engagés dans le projet de gazoduc.

On a pu le voir pour ce que c’était, une tentative de Tsipras pour garder un peu de crédibilité envers ses anciens supporters en ne se précipitant pas pour enterrer un contrat qui était populaire chez eux.

La réalité est qu’avec une Grèce aujourd’hui sous tutelle minutieuse des institutions européennes, il n’y a plus aucune possibilité que le projet se réalise. Les Européens peuvent dire que cela contrevient à la loi européenne – pour être précis au Third Energy package – et, avec la Grèce sous leur coupe, il n’y a aucune possibilité pour les Grecs d’en tirer quoi que ce soit. Cela signifie que ce n’est qu’une question de temps pour que le projet de gazoduc subisse le même sort que le projet South Stream.

Une seule chose pourrait sauver le projet, c’est la victoire électorale d’Unité Populaire.

Pour Unité Populaire, avec actuellement moins de 10% dans les sondages, c’est tout à fait improbable.

Même si Unité Populaire gagne, et que le projet de gazoduc peut être sauvé, le réalignement avec la Russie, que certains souhaitent ou craignent n’est guère probable.

Ainsi qu’il ressort de l’interview de Kouvelakis – aujourd’hui un des leaders d’Unité Populaire – au sujet des relations avec la Russie, celui-ci a des choses  réellement intéressantes à dire :

«Développer les relations avec la Russie ou avec la Chine n’est pas exactement la même chose.

Les intérêt des Chinois sont le commerce et les affaires. Nous ne voulons pas des privatisations qui tentent les Chinois ; mais en même temps, ils ont proposé de créer une agence de la banque des BRICS.

Avec la Russie c’est une affaire différente, essentiellement une vision géopolitique : pour les Russes, les intérêts économiques sont subordonnés à cette vision géopolitique.

Il est aussi évident que développer des relations avec la Russie ne signifie pas du tout que Poutine est politiquement ou idéologiquement proche de nous. C’est une question de relations internationales.»

Ces sentiments ne sont pas moins manipulateurs que ceux de Tsipras.

Plutôt qu’une volonté sérieuse de construire une relation solide basée sur des intérêts mutuels de confiance, il y a l’affirmation arrogante que la Grèce peut utiliser à son profit la supposée importance géopolitique qu’elle a pour la Russie.  

Une telle approche, si elle est toujours en cours, ne peut qu’amener à un échec car elle surestime l’importance de la Grèce vis-à-vis de la Russie, importance qui est en réalité assez mince.

Il est tout simplement faux de déclarer que les Russes subordonnent leurs intérêts économiques à leurs buts géopolitiques. C’est une analyse occidentale courante, mais il n’y a aucune preuve qui le confirme.

Il continue à y avoir une grande croyance, ou un espoir, que le véritable regard que les Grecs et les Russes ont les uns sur les autres est basé sur la même foi orthodoxe, que ce n’est qu’une question de temps pour arriver à un alignement politique entre la Grèce et la Russie.

Ceux qui entretiennent un tel espoir se préparent à une grande déception.

Quand un des leaders du principal parti de gauche grec anti-européen ne peut penser ses relations avec la Russie qu’en termes de manipulation, les perspectives d’un partenariat sincère entre la Grèce et la Russie n’existent tout simplement pas.

Alexander Mercouris

Traduit par Gabriel, relu par jj et Diane pour le Saker Francophone

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