Troisième semaine de l’intervention russe en Syrie : le retour de la diplomatie


2015-09-15_13h17_31Par Le Saker original – Le 25 octobre 2015 – Source thesaker.is

La fin du droit international et de la diplomatie

La fin de la Guerre froide avait été accueillie comme une nouvelle ère de paix et de sécurité, dans laquelle les épées seraient transformées en charrues, les anciens ennemis en amis, et où le monde assisterait à une nouvelle aurore d’amour universel, de paix et de bonheur. Bien sûr, rien de tout cela n’est arrivé. Ce qui est arrivé est que l’Empire anglosioniste s’est convaincu lui-même qu’il avait gagné la Guerre froide et que dorénavant, il devait gérer le monde. Sur la planète tout entière, pas moins. Et pourquoi pas ? Il avait construit partout entre 700 et 1 000 bases militaires (cela dépend de votre définition de la base) dans le monde entier et avait divisé l’ensemble du globe en différentes zones sous sa responsabilité exclusive appelées centres de commandement. La dernière fois qu’un pouvoir avait poussé la mégalomanie assez loin pour distribuer diverses parties de la planète à différents commandements, il s’agissait de la Papauté en 1494, avec son fameux – et infâme – Traité de Tordesillas.

Pour rendre ce point totalement clair, l’Empire a décidé de faire un exemple et a déchaîné sa puissance contre la minuscule Yougoslavie. La Yougoslavie, membre fondateur du Mouvement des non-alignés, a été vicieusement attaquée et disloquée, provoquant une immense vague de réfugiés, des Serbes pour la plupart, que le monde démocratique et civilisé a choisi d’ignorer. En outre, l’Empire a déclenché encore une autre guerre, cette fois en Russie, que le régime Eltsine semi-comateux a menée contre ce qui deviendrait plus tard un élément essentiel d’al-Qaïda, ISIS et Daesh : les wahhabites en Tchétchénie. De nouveau, plusieurs centaines de milliers de réfugiés invisibles ont résulté de cette guerre, mais ils ont aussi été largement ignorés par le monde démocratique et civilisé, en particulier les Russes ethniques. Il a fallu une décennie à la Russie pour écraser enfin cette insurrection wahhabite-takfirie, mais finalement, la Russie l’a emporté. A ce moment, les Anglo-sionistes tournaient leur attention ailleurs : les États profonds des États-Unis et d’Israël ont projeté et exécuté conjointement l’opération sous fausse bannière du 11/9, qui leur a donné l’excuse parfaite pour déclarer une guerre mondiale contre le terrorisme, et a fondamentalement donné aux Anglo-sionistes un permis de tuer mondial à la James Bond 007, sauf que dans ce cas, la cible n’était pas une personne, mais des pays entiers.

Nous savons tous ce qui a suivi : l’Irak, l’Afghanistan, les Philippines, la Somalie, l’Éthiopie, le Soudan, le Yémen, le Mali, le Pakistan, la Syrie, la Libye, l’Ukraine – les États-Unis étaient en guerre partout, officiellement ou secrètement. Le spectre allait de la (tentative) d’invasion totale d’un pays (l’Afghanistan) au soutien à divers groupes terroristes (l’Iran, la Syrie) et au financement intégral et à l’organisation d’un régime nazi (l’Ukraine). Les États-Unis ont aussi donné leur plein appui aux wahhabites dans leur longue croisade contre les chiites (Royaume d’Arabie saoudite, Bahreïn, Yémen, Syrie, Iran). Ce que toutes ces guerres avaient en commun est qu’elles étaient complètement illégales – les États-Unis et n’importe quelle coalition des volontés ad hoc devenant un substitut acceptable pour remplacer le Conseil de sécurité des Nations unies.

Ici encore, il est important de rappeler à tout le monde – et notamment à ces musulmans qui se réjouissaient du bombardement des Serbes – que tout cela a commencé avec la destruction totalement illégale de la Yougoslavie, suivie par un bombardement encore plus illégal de la Serbie.

Bien sûr, l’Empire a aussi souffert quelques défaites humiliantes : en 2006, le Hezbollah a infligé à Israël ce qui pourrait bien être l’une des défaites militaires les plus humiliantes dans l’Histoire moderne, tandis qu’en 2008, une toute petite armée d’héroïques combattants ossètes, soutenue par un contingent militaire russe relativement modeste (seule une toute petite partie de l’armée russe était impliquée), n’a fait qu’une bouchée de l’armée géorgienne entraînée et financée par les États-Unis : la guerre était finie en quatre jours. Pourtant, dans l’ensemble, la première décennie du XXIe siècle a vu le triomphe de la loi de la jungle sur le droit international et une justification totale du vieux principe selon lequel force fait loi.

En toute logique, c’étaient aussi les années où la diplomatie états-unienne a fondamentalement cessé d’exister. La seule fonction restante des diplomates états-uniens était de poser des ultimatums, «Conformez-vous, sinon…» et l’Empire cessait simplement de négocier à propos de quoi que ce soit. Des diplomates chevronnés et sophistiqués comme James Baker étaient remplacés soit par des psychopathes comme Madelaine Albright, Hillary Clinton et Samantha Power, soit par des médiocres sans personnalité comme John Kerry et Susan Rice. Après tout, quel degré de sophistication doit avoir quelqu’un pour menacer, intimider ou imposer des ultimatums ? Les choses allaient si mal que les Russes se sont plaints du manque de professionnalisme de leurs partenaires diplomatiques états-uniens.

Quant aux pauvres Russes, avec leur insistance pathétique pour que les règles du droit international soient respectées, ils semblaient incurablement ringards. Je ne parlerai même pas des politiciens européens ici. Ils ont été caractérisés à merveille par le maire de Londres, Boris Johnson, qui les a surnommés «une indolente couche de gelée d’invertébrés protoplasmique».

Mais ensuite, quelque chose a changé. Radicalement.

L’échec de la force

Subitement, tout est allé de mal en pis. Chaque victoire des États-Unis se transformait en quelque sorte en défaite : de l’Afghanistan à la Libye, chaque succès des Etats-Unis se métamorphosait d’une manière ou d’une autre en une situation où la meilleure option, sinon la seule, était de proclamer la victoire et partir. Ce qui soulève la question évidente : que s’est-il passé?

La première conclusion qui s’impose est que les forces états-uniennes et leurs soi-disant alliés ont très peu d’endurance. Alors qu’elles sont raisonnablement compétentes pour envahir un pays [sans véritable résistance, NdT], elles perdent ensuite rapidement le contrôle sur la plus grande partie de celui-ci. C’est une chose d’envahir un pays, mais c’en une tout autre de l’administrer, sans même parler de le reconstruire. Il s’avère que les coalitions des volontés dirigées par les États-Unis ont été incapables de faire quoi que ce soit.

Deuxièmement, il est devenu évident que l’ennemi qui était prétendument vaincu n’avait fait qu’entrer dans la clandestinité et attendait des temps meilleurs pour revenir se venger. L’Irak en est le parfait exemple : loin d’être vraiment vaincue, l’Armée irakienne a (judicieusement) choisi de se dissoudre et de revenir sous la forme d’une énorme insurrection sunnite qui s’est elle-même progressivement transformée en État islamique. Mais l’Irak n’était pas un cas isolé. La même chose s’est produite à peu près partout.

Certains objecteront que les États-Unis ne se soucient pas de contrôler un pays ou de le détruire tant que les autres en face n’arrivent pas à gagner. Je ne suis pas d’accord. Oui, les États-Unis préféreront toujours la destruction d’un pays à une victoire pure et simple de l’autre camp, mais cela ne signifie pas que les États-Unis ne préfèrent pas contrôler un pays, si c’est possible. Autrement dit, lorsqu’un pays sombre dans le chaos et la violence, ce n’est pas une victoire des États-Unis, mais plus certainement une perte pour eux.

Ce que les Etats-Unis n’ont pas compris, c’est que la diplomatie rend l’usage de la force plus efficace. Premièrement, une diplomatie prudente permet de construire une large coalition de pays désireux de soutenir une action collective. Ensuite, la diplomatie rend aussi possible de réduire le nombre de pays qui s’opposent ouvertement à l’action collective. Quelqu’un se rappelle-t-il que la Syrie a effectivement envoyé des soldats pour soutenir les troupes états-uniennes contre Saddam Hussein dans l’opération Tempête du désert ? C’est sûr, ils n’ont pas fait une grande différence, mais leur présence donnait aux États-Unis la tranquillité d’esprit nécessaire sur le fait que la Syrie ne s’opposerait pas, du moins ouvertement, à leur politique. En obtenant des Syriens qu’ils soutiennent Tempête du désert, James Backer a rendu très difficile aux Irakiens de prétendre que c’était une coalition anti-arabe, anti-musulmane ou même anti-baathiste et il a fait apparaître Saddam Hussein comme totalement isolé (même lorsque les Irakiens ont commencé à tirer des missiles sur Israël). Deuxièmement, la diplomatie rend possible de réduire la masse globale de soldats utilisés parce que la surenchère immédiate n’est pas nécessaire pour montrer à l’ennemi que vous êtes sérieux. Troisièmement, la diplomatie est l’instrument nécessaire pour gagner la légitimité et la légitimité est essentielle lors qu’on est engagé dans un conflit prolongé. Enfin, le consensus qui émerge d’un effort diplomatique couronné de succès empêche l’érosion rapide du soutien de l’opinion publique à un engagement militaire. Mais tous ces facteurs ont été ignorés par les USA dans la GMCT (Guerre mondiale contre le terrorisme) et les révolutions du Printemps arabe qui ont maintenant tourné court.

Un triomphe diplomatique pour la Russie

Cette semaine a vu un véritable triomphe diplomatique pour la Russie, culminant dans les négociations multilatérales de vendredi à Vienne, qui réunissaient les ministres des Affaires étrangères de Russie, des États-Unis, de la Turquie et de l’Arabie saoudite. Le fait que cette rencontre se soit déroulée après la visite de Assad à Moscou indique clairement que les mécènes de Daesh et al-Qaïda sont maintenant contraints de négocier selon les termes de Moscou. Comment est-ce arrivé?

Ainsi que je l’ai répété comme un mantra depuis le commencement de l’opération russe en Syrie, les forces militaires russes effectivement envoyées en Syrie sont très modestes. Oui, elles sont très efficaces, mais elle restent très petites. En fait, les membres de la Douma russe ont annoncé que les coûts de toute l’opération entreront probablement dans le budget normal de la Défense qui a des fonds destinés à la formation. Toutefois, ce que les Russes ont réalisé avec cette petite intervention est plutôt surprenant, non seulement en termes militaires, mais surtout en termes politiques.

Non seulement l’Empire a dû accepter (très à contrecœur) que Assad reste au pouvoir dans un avenir prévisible, mais la Russie construit graduellement mais inexorablement une véritable coalition régionale qui est prête à combattre Daesh du même côté que les forces du gouvernement syrien. Même avant que ne débute l’opération de la Russie, celle-ci avait le soutien de la Syrie, de l’Iran, de l’Irak et du Hezbollah. Il y a aussi des signes évidents que les Kurdes sont  fondamentalement d’accord pour travailler avec la Russie et Assad. Vendredi, il a été annoncé que la Jordanie coordonnerait aussi certaines actions militaires pas encore spécifiées avec la Russie et qu’un centre de coordination spécial serait établi à Amman. Il y a aussi des rumeurs très insistantes selon lesquelles l’Égypte rejoindra également la coalition dirigée par la Russie. Il y a aussi des signes que la Russie et Israël, s’ils ne travaillent pas ensemble, du moins ne travaillent pas l’un contre l’autre : les Russes et les Israéliens ont installé une ligne spéciale pour se parler directement au niveau militaire. Le résultat est celui-ci : indépendamment de la sincérité des différentes parties, chacun dans la région ressent maintenant une forte pression pour au moins ne pas paraître opposé à l’effort russe. Cela, en soi, est un immense triomphe pour la diplomatie russe.

L’arme secrète de Poutine : la vérité

La situation actuelle est bien sûr totalement inacceptable pour la puissance hégémonique mondiale : non seulement la coalition de 62 pays dirigée par les Etats-Unis a réussi à lancer 22 000 frappes (si ma mémoire est bonne) sans aucune preuve à montrer, mais la coalition russe, comparativement plus petite, est parvenue à faire dérailler complètement l’Empire et à réduire tous ses plans à néant. Et l’arme la plus extraordinaire de Poutine dans sa guerre par procuration avec les États-Unis n’était même pas militaire, mais consistait simplement à dire la vérité.

A la fois dans son discours aux Nations unies et, cette semaine, son intervention à la Conférence du club Valdaï, Poutine a fait ce qu’aucun autre dirigeant mondial n’avait jamais osé faire auparavant : il a ouvertement traité le régime états-unien d’incompétent, d’irresponsable, de menteur, d’hypocrite et d’une arrogance sans borne. Cette sorte d’irrespect sacrilège public a eu un impact énorme dans le monde entier, parce qu’au moment où Poutine prononçait ces mots, tout le monde ou presque savait que c’était parfaitement vrai.

Les États-Unis traitent tous leurs alliés comme des vassaux (voir le discours de Valdaï) et ils sont le principal coupable de toutes les terribles crises auxquelles le monde doit faire face (voir le discours des Nations unies). Ce que Poutine a fait est de dire, au fond, l’Empereur est nu. En comparaison, le discours boiteux d’Obama était comiquement pathétique. Ce dont nous sommes témoins aujourd’hui est un retournement spectaculaire. Après des décennies passées sous le principe voulant que force fait loi prôné par les États-Unis, nous nous retrouvons subitement dans une situation où aucune action militaire n’est d’aucune utilité pour un président Obama assiégé : à quoi peuvent servir 12 porte-avions lorsque vous ressemblez personnellement à un clown ?

Après 1991, il semblait que l’unique superpuissance était si puissante et impossible à arrêter qu’elle n’avait pas besoin de s’embêter avec des choses aussi dérisoires que la diplomatie ou le respect du droit international. Oncle Sam se sentait comme s’il était le dirigeant unique, la puissance hégémonique planétaire. La Chine n’était qu’un grand Wal-Mart, la Russie une station-service et l’Europe un caniche obéissant (cette dernière appréciation est hélas tout à fait vraie). Le mythe de l’invincibilité des États-Unis n’était précisément que cela, un mythe : depuis la Seconde Guerre mondiale, les USA n’ont pas remporté une seule vraie guerre (Grenade et Panama ne comptent pas). En fait, l’armée américaine a fait encore pire en Afghanistan que la 40e Armée soviétique, sous-entraînée, sous-équipée, sous-alimentée et sous-financée qui, au moins, a maintenu toutes les grandes villes et les routes principales sous contrôle soviétique et qui a réalisé quelques développements significatifs dans l’infrastructure civile du pays (que les États-Unis utilisent encore en 2015). Le mythe de l’invincibilité des États-Unis ne s’est toutefois écrasé réellement que lorsque la Russie y a mis un terme en 2013 en empêchant un assaut états-unien sur la Syrie par une combinaison de moyens diplomatiques et militaires. Oncle Sam était livide, mais ne pouvait rien faire hormis fomenter un coup d’État à Kiev et lancer une guerre économique contre la Russie, dont aucun des deux n’a réussi à atteindre son but.

Quant à Poutine, au lieu d’être découragé par tous les efforts américains, il a invité Assad à Moscou.

La visite de Assad à Moscou, un nouveau signe de l’impuissance des États-Unis

La visite de Assad, cette semaine, est tout à fait extraordinaire. Non seulement les Russes ont réussi à faire sortir Assad de Syrie pour se rendre à Moscou et retour sans que la communauté pléthorique des services de renseignement américains ne remarque rien, mais contrairement à la plupart des chefs d’État, Assad a parlé en face à face à certains des hommes les plus puissants de Russie.

Tout d’abord, Assad a rencontré Poutine, Lavrov et Shoigu. Ils ont parlé en tout trois heures (ce qui, en soi, est tout à fait remarquable). Ils ont été ensuite rejoints par Medvedev pour un dîner privé. Devinez qui les a rejoints ? Mikhail Fradkov, le chef du Service de renseignement extérieur russe, et Nikolai Patrouchev, le président du Conseil de sécurité russe.

Assad, Patrouchev, Fradkov, Lavrov, Medvedev, Poutine, Shoigu

Normalement, les chefs d’État ne rencontrent pas personnellement des hommes comme Fradkov ou Patrouchev et envoient à la place leurs propres experts. Dans ce cas, cependant, le sujet débattu était suffisamment important pour 1) faire venir Assad personnellement au Kremlin et 2) rassembler tous les meilleurs joueurs du Kremlin autour de la même table pour une discussion personnelle avec Assad.

A l’évidence, aucun mot n’est sorti de cette rencontre, mais deux théories principales circulent à propos de ce qui a été discuté.

La première soutient qu’on a dit à Assad en termes non équivoques que ses jours étaient comptés et qu’il devrait partir.

La seconde dit l’exact contraire : qu’on a fait venir Assad pour lui signaler, ainsi qu’aux États-Unis, qu’il avait le plein soutien de la Russie.

Je ne crois pas que ni l’une ni l’autre soit correcte, mais la seconde théorie est à mon avis probablement plus près de la vérité. Après tout, si le but était de dire à Assad qu’il doit partir, un simple coup de téléphone aurait suffi, vraiment. Peut-être une visite de Lavrov. Quant à soutenir Assad, cela entrerait directement en contradiction avec ce que les Russes ont toujours dit : ils ne soutiennent pas Assad en tant que personne, bien qu’ils le reconnaissent comme le seul président légitime de la Syrie, mais ils soutiennent le droit du peuple syrien d’être le seul à décider qui doit être au pouvoir en Syrie. Et cela, d’ailleurs, est quelque chose que Assad lui-même a aussi accepté (selon Poutine). De même, Assad a égalemement accepté de travailler avec des forces d’opposition, qui ne sont pas Daesh, désireuses de combattre contre État islamique aux côtés de l’armée syrienne (là encore selon Poutine).

Non, tandis que je crois que la rencontre entre Assad et Poutine était, au moins en partie, un message aux États-Unis et aux autres soi-disant amis de la Syrie leur indiquant que leur plan Assad doit partir avait échoué, je crois aussi que le but principal de la réunion derrière des portes closes avec tous les dirigeants importants de Russie était quelque chose d’autre : je fais le pari que ce qui a été discuté était une alliance importante et à long terme entre la Russie et la Syrie qui ferait formellement revivre le type d’alliance que la Syrie avait avec l’Union soviétique par le passé. Alors que je ne peux que spéculer sur les termes exacts d’une telle alliance, je parie que ce plan, probablement coordonné avec l’Iran, a deux aspects principaux :

  1. une composante militaire : Daesh/État islamique doit être écrasé,
  2. une composante politique : la Syrie ne sera pas autorisée à tomber sous le contrôle américain.

Considérant que l’opération militaire russe est supposée par la plupart des experts russes être achevée en trois mois environ, nous avons affaire à un plan distinct, à moyen et long terme, qui exigera que l’armée syrienne soit reconstruite tandis que la Russie, l’Iran et l’Irak coordonnent en commun la lutte contre Daesh. Et, en effet, il a été annoncé vendredi que l’Irak avait autorisé l’armée russe à frapper Daesh sur le territoire irakien. Il semble évident que l’opération russe a agi comme un catalyseur pour une région paralysée par l’hypocrisie et l’incompétence des États-Unis et que les jours de Daesh sont comptés.

Trop tôt pour se réjouir, mais quand même un moment décisif

Pourtant, il est beaucoup trop tôt pour se réjouir. Les Russes ne peuvent pas tout faire eux-mêmes, et il incombera aux Syriens et à leurs alliés de combattre Daesh, dans chaque petite ville l’une après l’autre. Seules des bottes sur le terrain libéreront vraiment la Syrie de Daesh et seul le vrai islam sera en mesure de vaincre l’idéologie takfiri. Cela prendra du temps.

En outre, il serait irresponsable de sous-estimer la détermination et la capacité de l’Empire à empêcher la Russie de paraître le vainqueur – c’est quelque chose que l’ego impérial états-unien, cultivé pendant des siècles d’hubris et d’ignorance impériale, ne sera jamais capable de tolérer. Après tout, comment la nation indispensable peut-elle accepter que le monde n’ait absolument pas besoin d’elle et que d’autres puissent même s’opposer ouvertement à elle et l’emporter ? Nous pouvons nous attendre à ce que les États-Unis fassent tout ce qui est en leur pouvoir (encore immense) pour tenter de contrecarrer et de saboter toute initiative russe ou syrienne.

Pourtant, les récents événements sont le signe que l’ère de la force fait loi a pris fin et que la notion voulant que les États-Unis soient une nation indispensable ou la puissance hégémonique mondiale a perdu toute crédibilité. Après des décennies dans l’obscurité, la diplomatie internationale et le droit international redeviennent enfin pertinents. J’ai l’espoir que ce soit le début d’un processus qui verra les États-Unis suivre la même évolution que tant d’autres pays (y compris la Russie) ont subie dans le passé : après avoir été un empire, redevenir un pays normal. Hélas, quand je regarde la course à la présidence 2016, j’ai le sentiment que ce sera encore un très long processus.

The Saker

Article original publié par The Unz Review:

Traduit par Diane, relu par jj pour le Saker Francopohone

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