Par Andrew Korybko – Le 26 septembre 2018 – Source orientalreview.org
Le sénateur Ted Cruz réalise des actions de lobbying pour empêcher l’achat par une société chinoise d’une station radio mexicaine émettant sur le territoire des USA.
Il n’est pas à l’aise avec le projet d’une société basée à Hong Kong de racheter une station radio à proximité de Tijuana, craignant qu’il ne puisse s’agit d’une façade pour émettre de la « propagande » du gouvernement chinois envers son pays. Les USA et le Mexique ont un accord établissant que la FCC (Commission fédérale aux communications) doit approuver tous les accords de ce type au Mexique, dont le résultat serait que des émissions étrangères seraient diffusées à l’intérieur des frontières américaines. Cela rappelle le décret présidentiel 13848 signé par Trump il y a peu, qui trace la route vers des sanctions et peut-être même des censures des médias alternatifs liés à l’étranger se montrant critiques – ou à tout le moins, ne soutenant pas à l’excès – les politiques américaines intérieures et étrangères ; la campagne de lobbying de Cruz s’inscrit dans la même démarche, qui consiste à étayer le monopole de l’information, qui s’affaiblit par ailleurs, en s’appuyant sur les alertes que l’administration en place a levées quant à de supposées opérations d’influence chinoises.
On peut donc en inférer, par extrapolation, que l’establishment américain n’accorde pas à ses citoyens la confiance d’arriver par eux-mêmes aux « bonnes » conclusions dès lors qu’ils seraient exposés à des narrations diversifiées quant aux politiques intérieures et étrangères de leur pays. Cela plaide en faveur du fait que l’« exceptionnalisme américain » ne serait qu’un mythe, et que la plupart des gens cesseront d’y croire si on leur présente des arguments contradictoires. C’est la raison de cette obsession de garder le contrôle des informations et de ce cynisme permanent dans la société, qui s’est même incrusté dans l’air du temps, voulant qu’il ne suffit plus de qualifier une information de « propagande » pour que les gens cessent d’y prêter attention ; les effets en sont même souvent inversés comme dans le cas de RT.
Dans l’exemple présent, malgré la nouvelle guerre froide entre les USA et la Chine, se contenter de déclarer que les émissions diffusées par la station radio mexicaine par la société basée à Hong Kong constitueraient de la « propagande » ne suffirait pas inciter les Américains à les ignorer, des gens pourraient même s’intéresser à ces émissions à cause de cette labellisation. Apparemment, Cruz est tellement préoccupé qu’un nombre significatif d’Américains se mettrait à l’écoute de cette société chinoise malgré la rivalité géostratégique de ce pays avec le leur qu’il ne veut pas avoir à gérer les conséquences politiques que cela aurait, en Californie ou ailleurs. C’est ce qui le rend si catégorique quant à interdire purement et simplement ces émissions sur le sol américain. Mais cette démarche est contre-productive, et en dit beaucoup plus sur le manque de confiance de l’establishment américain à l’égard de ses propres récits que sur les intentions prétendues de la Chine.
Le présent article constitue une retranscription partielle de l’émission radiophonique context countdown, diffusée sur Radio Sputnik le vendredi 21 septembre 2018.
Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
Traduit par Vincent, relu par Cat pour le Saker Francophone
Note du Saker Francophone Outre cette dimension de contradiction intérieure aux USA, la CIA continue de subventionner des radios « démocratiques » émettant depuis des pays vassalisés vers l'« Axe du mal », comme par exemple vers l'Iran. Cela, bien entendu, ne pose aucun problème à Ted Cruz.
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