Sic Transit Gloria Mueller


Les Démocrates, les sténodactylos qui se font passer pour des journalistes et l' »équipe Mueller » auront besoin de tout le temps qu’ils pourront récupérer pour trouver des réponses pleines d’imagination à deux récentes révélations, nous explique Ray McGovern.


Par Ray Mc Govern − Le 16 juillet 2019 – Consortium News

Ray Mc GovernL’article surprise de vendredi disant que Robert Mueller avait réussi à obtenir une semaine supplémentaire pour préparer son témoignage sur le Russiagate à la Chambre (maintenant prévu pour le 24 juillet) a dû faire peur à ses fans, tout du moins ceux qui peuvent additionner deux et deux. Au cours des dernières semaines, il est devenu plus évident que les deux conclusions tirées par les cheveux que l’on trouve dans son rapport sur l’ingérence russe dans l’élection présidentielle américaine de 2016 sont maintenant peu concluantes.

Le New York Times de samedi rapportait que « les Démocrates ont dit avoir choisi de retarder la plaidoirie de M. Mueller, à sa demande » après une journée de négociations, « étant donné que les Démocrates et les Républicains étaient tous très occupés à préparer son témoignage » prévu pour le 17 juillet. Le Washington Post, par contre, a choisi de ne pas préciser qui avait demandé ce délai. Il a plutôt expliqué ce brusque changement de date par un article trompeur intitulé « Mueller et la Chambre des représentants passent un accord pour repousser l’audience au 24 juillet, donnant plus de temps aux législateurs pour le questionner ».

Comment éviter de manger du corbeau

Au fur et à mesure que la vérité se répandra, il y aura beaucoup de corbeaux à tourner autour. Pour éviter de voir cette vérité de trop près, les Démocrates de la Commission judiciaire et des renseignements de la Chambre des représentants, les sténodactylos qui passent pour être des journalistes du Times et du Post et l’« équipe Mueller » auront besoin de tout le temps qu’ils pourront obtenir pour trouver des réponses imaginatives à deux révélations récentes de la cour du district de Columbia, la United States District Court for the District of Columbia.

La plus accablante des deux est peut-être celle révélée lundi dernier, lorsqu’il a été expliqué que, le 1er juillet, la juge Dabney Friedrich avait ordonné à Mueller de cesser de prétendre qu’il avait la preuve que le gouvernement russe était derrière la prétendue tentative de l’Internet Research Agency d’utiliser les médias sociaux pour interférer sur les élections de 2016. Bien que les médias grand public aient jusqu’à présent largement ignoré l’ordonnance du juge Friedrich, cela a peut-être été suffisant pour refroidir ceux qui sont attachés à cette fable. (L’« ingérence » dans les élections par les médias sociaux de l’IRA a toujours été ridicule, dès la première vue, comme l’avait montré le journaliste Gareth Porter.)

Dix jours, ce n’est pas beaucoup de temps pour trouver des moyens de confronter et d’expliquer au juge Friedrich cette réalité malvenue. Comme les Démocrates, les médias et Mueller lui-même sont tous fortement incités à « faire apparaître le pire comme étant le meilleur » (l’une des deux accusations portées contre Socrate), ils auront besoin de temps pour se regrouper et inspecter leur défense. D’autant plus que l’autre chef d’accusation porté par Mueller, le piratage du bureau de campagne Démocrate (DNC) par la Russie, a également été démontré, dans une autre affaire judiciaire, comme étant dépourvu de preuves crédibles.

Non, l’ébauche incomplète, expurgée, l’enquête « technique » de seconde main que l’ancien directeur du FBI, James Comey, a décidé d’accepter alors qu’elle provenait de la firme CrowdStrike, firme engagée par le DNC lui-même, ne peut être considérée comme une preuve crédible. Ces deux nouveaux développements sont susceptibles de poser un défi de taille à Mueller. Sur le plan technique, Mueller a décidé de se contenter de ce que son ancien collègue, Comey, avait déjà décidé ; se contenter de l’enquête de CrowdStrike, qui avait pourtant été embauché par le DNC lui-même malgré sa très mauvaise réputation et son parti pris bien connu contre la Russie. En fait, les faits nouveaux – qui émergent, curieusement, de la Cour de district des États-Unis – posent un défi si fondamental aux conclusions de Mueller que personne ne devrait être surpris si le témoignage de Mueller est encore reporté.

Requiem pour une ‘Interférence’

L’article de Daniel Lazare dans le Consortium News du 12 juillet fait voler en éclats l’un des deux volets de l’affaire Mueller, à savoir que « le gouvernement russe s’est ingéré dans l’élection présidentielle de 2016 de façon radicale et systématique ». C’était cette histoire qui dégoulinait de bêtises incessantes, affirmant que le Kremlin avait utilisé les médias sociaux pour aider Trump à gagner, en 2016.

Mueller fait commencer son rapport Russiagate, dont une version expurgée a été publiée le 18 avril, par l’affirmation douteuse que son enquête avait :

… établi que la Russie s’était ingérée dans les élections de 2016 principalement grâce à deux opérations. Tout d’abord, une entité russe a mené une campagne dans les médias sociaux pour favoriser le candidat à la présidence Donald J. Trump et dénigrer la candidate Hillary Clinton. Deuxièmement, un service de renseignement russe a mené des opérations d’intrusion informatique contre des entités, des employés et des volontaires travaillant dans le cadre de la campagne Clinton, et a ensuite divulgué les documents volés.

En ce qui concerne l’accusation concernant les médias sociaux, le juge Friederich a maintenant dit à Mueller, textuellement, de «s’expliquer ou de la fermer». Voici ce qui s’est passé : le 16 février 2018, un grand jury typiquement crédule, le genre habituel que les cyniques disent pouvoir persuader d’inculper le proverbial sandwich au jambon, a été convaincu par Mueller de poursuivre 16 actes d’accusation contre l’Internet Research Agency (IRA) et ses associés à Saint-Pétersbourg, donnant à son enquête rapide un élan et une « grande victoire », même si elle n’a pas duré, en «prouvant» l’interférence de cette agence lors des élections de 2016. Il n’est apparemment jamais venu à l’esprit de Mueller et des très intelligents avocats qui l’entouraient que les Russes seraient plus malins qu’eux en engageant leurs propres avocats pour se présenter devant les tribunaux américains et demander la communication préalable des documents. Oups.

L’acte d’accusation de février 2018 qualifiait à plusieurs reprises l’IRA de simple « entité russe ». Mais dans le rapport de Mueller, 14 mois plus tard, l’« entité russe » s’est transformée en « Russie ». Les avocats de l’IRA ont fait valoir, avec raison, que cette manœuvre de type « c’est la Russie qui l’a fait » ne suffit pas à prouver l’implication du gouvernement russe. La juge fédérale Friedrich a approuvé et ordonné à Mueller de cesser de faire la promotion de son accusation sans preuves contre l’IRA ; elle a ajouté que « toute violation future de son ordonnance entraînera une série de sanctions potentielles ».

Plus précisément, à l’issue d’une audience tenue sous scellés le 28 mai, la juge Friedrich a ordonné au gouvernement « de s’abstenir de faire ou d’autoriser toute déclaration publique liant le complot présumé dans l’acte d’accusation au gouvernement russe ou à ses agences ». Le juge a en outre ordonné que « toute déclaration publique au sujet des allégations contenues dans l’acte d’accusation… doit préciser que, premièrement, le gouvernement présente des accusations qui n’ont pas encore été prouvées et que, deuxièmement, le gouvernement n’exprime aucune opinion sur la culpabilité ou l’innocence de l’accusé ou sur la force de la preuve dans cette affaire. »

L’ancien responsable de la CIA et du Département d’État, Larry C. Johnson, a décrit la décision du juge Friedrich comme un « virage potentiel », faisant observer que Mueller « n’a pas apporté la moindre preuve solide que les accusés étaient impliqués d’une quelconque manière avec le gouvernement russe ». Après avoir inclus beaucoup de matériel utile, Johnson termine en notant :

Certains lecteurs insisteront sur le fait que Mueller et son équipe disposent de renseignements ne pouvant être dévoilés et qu’ils ne peuvent donc pas les mettre dans l’acte d’accusation. Eh bien, les gars, voici une vérité simple : si vous ne pouvez pas produire des preuves qui peuvent être présentées au tribunal, alors il n’y a pas d’affaire. Il existe une partie de la Constitution qui permet à ceux qui sont accusés d’un crime de confronter leurs accusateurs.

L’histoire de l’IRA s’étire à l’infini

L’automne dernier, le journaliste d’investigation Gareth Porter avait disséqué et démystifié l’affirmation farfelue du New York Times selon laquelle 80 000 messages Facebook de l’Internet Research Agency ont contribué à faire basculer l’élection en faveur de Donald Trump. Ce que l’article du Times omettait de préciser est que ces 80 000 messages relativement dérisoires étaient littéralement engloutis dans les milliards de messages postés sur Facebook pendant la période de deux ans en question – avant et après les élections de 2016.

Lors d’un témoignage devant le Congrès en octobre 2017, Colin Stretch, avocat général de Facebook, avait averti plus tôt que de 2015 à 2017, « les Américains utilisant Facebook ont été exposés à un total de plus de 33 000 milliards de posts dans leurs Fils d’Infos ». Une « analyse » honteusement trompeuse des journalistes du Times, Scott Shane et Mark Mazzetti, dans un article de 10 000 mots du 20 septembre 2018, cherchait à démontrer que les 80 000 posts de l’IRA avaient contribué à faire basculer la présidence en faveur de Trump.

Shane et Mazzetti ont négligé de rapporter ce chiffre de 33 000 milliards pour le contexte nécessaire, même si la propre analyse du Times sur le témoignage de Stretch, en 2017, déclarait catégoriquement : « Facebook a averti que les messages liés à la Russie représentaient une quantité minuscule de contenu par rapport aux milliards de messages qui circulent chaque jour dans les fils d’infos des utilisateurs ».

Les chances que les Américains aient vu l’une ou l’autre de ces publicités de l’IRA, encore moins qu’ils aient été influencés par elles, sont infinitésimales. Porter et d’autres ont fait le calcul et ont constaté qu’au cours de cette période de deux ans, les 80 000 messages Facebook d’origine russe ne représentaient que 0,00000000000024 du contenu total de Facebook. Porter a commenté que cette contribution particulière du Times à l’histoire du Russiagate « devrait entrer dans les annales du journalisme comme l’une des utilisations de statistiques les plus spectaculaires et les plus trompeuses de tous les temps ».

Et maintenant, nous savons, grâce au juge Friederich, que Mueller n’a jamais apporté la moindre preuve, au-delà de ses mots, que le gouvernement russe était responsable des activités de l’IRA, aussi irresponsables soient-elles. Dire que cela a fait basculer les élections est clairement une exagération.

L’autre histoire : le piratage du DNC

La deuxième des deux principales accusations d’ingérence russe de Mueller, comme nous l’avons mentionné plus haut, dit qu’« un service de renseignement russe a mené des opérations d’intrusion informatique contre des entités, des employés et des volontaires travaillant au bureau de campagne de Clinton, et a ensuite publié des documents volés ». Malheureusement pour les aficionados du Russiagate, les preuves derrière cette accusation ne tiennent pas la route non plus.

CrowdStrike, la société controversée de cybersécurité que le Comité national démocrate avait choisie, plutôt que le FBI, pour examiner ses serveurs informatiques compromis en 2016, n’a jamais produit un rapport de police scientifique non expurgé ou final pour le gouvernement parce que le FBI ne lui a jamais demandé de le faire, a admis le ministère de la Justice.

La révélation s’est produite dans le cadre d’un recours en justice intenté par le gouvernement au cours de la phase préliminaire du procès de Roger Stone, un ancien agent républicain qui avait un rôle non officiel dans la campagne du candidat Donald Trump. Stone était accusé d’avoir induit le Congrès en erreur, fait obstruction à la justice et intimidé un témoin.

Le dépôt faisait suite à une requête des avocats de Stone demandant à CrowdStrike des « rapports non trafiqués », mettant au défi le gouvernement de prouver que la Russie avait piraté le serveur du DNC. « Le gouvernement… ne possède pas les informations que la défense demande », dit le dossier du ministère de la Justice.

Il n’est pas étonnant que Mueller ait espéré échapper à d’autres interrogatoires. S’il témoigne le 24 juillet, cela vaudra le coup de regarder les audiences du comité.

Ray McGovern

Traduit par Wayan, relu par San pour le Saker Francophone

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