Par Andrew Korybko – Le 3 octobre 2018 – Source orientalreview.org
Apparemment, Trump aurait émis une suggestion originale à l’Espagne : qu’elle construise un mur bordant le désert du Sahara pour tenir à l’écart les migrants illégaux.
Le ministre espagnol des affaires étrangères l’a révélé : le président américain aurait déclaré que « la frontière du Sahara n’est sans doute pas plus grande que notre frontière avec le Mexique », ce qui a ouvert le feu des dérisions de la part des médias traditionnels libéro-globalistes, car l’Espagne, pays péninsulaire, ne dispose que de deux petites enclaves en Afrique, situées dans les régions montagneuses du nord du Maroc, bien loin du désert du Sahara. Mais plutôt que la gaffe que l’on nous décrit, peut être bien que Trump attirait volontairement l’attention sur un problème « politiquement incorrect », en employant les manières fantasques qu’on lui connaît. Le nouveau gouvernement socialiste de l’Espagne ne considère pas franchement que l’Espagne ait à faire face à une crise migratoire, malgré le fait que la géographie du pays le rende perpétuellement vulnérable à ce scénario.
L’Union européenne a finalement commencé à réaliser que l’Afrique sub-saharienne représente un défi d’immigration sans commune mesure avec celui de la Syrie, mais elle connaît des conflits internes sur la méthode à employer pour prévenir ces problèmes, et ne semble pas avoir de réponse claire. Quelques pays ont déployé des soldats dans les états de transit du Mali et du Niger à des fins anti-terroristes, alors que d’autres envisagent de rémunérer ces pays et certains de leurs voisins pour inciter leur gouvernement à faire cesser les flux de migrants illégaux à leurs frontières, au lieu de les laisser traverser vers l’Afrique du nord, et de là vers l’Europe. Une sorte de « solution hybride » pour l’UE serait de parvenir à un accord migratoire semblable à celui scellé avec la Turquie, qui intégrerait une combinaison de « centres de dés-embarcation » et – concrètement – de dessous de table, mais le taux de succès d’une telle solution est difficile à évaluer à l’avance.
On peut induire de ce que Trump suggérait qu’il évoquait des mesures plus strictes aux frontières, le plus en amont de l’Europe que possible, pour enrayer au maximum ces futures vagues migratoires, qui pourraient faire d’états comme le Mali, le Niger, et peut être également la Mauritanie, le Tchad et le Soudan, des « États-frontières » de l’UE à la place de l’Espagne, de l’Italie, de Malte et de la Grèce, mais une coopération avec ces pays sur ce type de projet va impliquer de surcompenser les coûts socio-politiques et financiers qu’ils devront alors engager. Il s’agit en effet d’une charge importante pour ces pays, qui d’habitude ne se préoccupent pas du tout de ce problème, et à supposer qu’ils choisissent d’intégrer la démarche, ces pays pourraient avoir la main lourde dans les mesures qu’ils prendront, en contradiction avec le « gospel » des « droits de l’homme » de l’UE.
Ironie de l’histoire, le résultat pourrait en être que Bruxelles, pour assurer l’« utopie démocratique » des « droits de l’homme » de l’UE, pourrait en venir à soudoyer des états « anti-démocratiques » pour qu’ils commettent des « crimes humanitaires » contre les migrants.
Le présent article constitue une retranscription partielle de l’émission radiophonique context countdown, diffusée sur Radio Sputnik le vendredi 28 septembre 2018.
Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
Note du Saker Francophone Une fois n'est pas coutume, soyons facétieux. L'auteur inverse ici la charge de ridicule et la reporte sur les médias dominants. Trop occupés à se moquer de la manière dont il pointe le doigt, ils ne voient pas que Trump désigne peut-être la lune.
Traduit par Vincent pour le Saker Francophone