Pourquoi la Russie ne doit pas renier son passé [2/2]


Les libéraux russes aident l’Occident dans la Guerre de l’information contre l’histoire officielle de la Nation. Cette cinquième colonne agit pour la destruction de la Russie humiliée et défaite, mais elle peut et doit être contrée par un refus absolu de s’excuser pour le passé et par la focalisation des projecteurs sur les réelles intentions de ces acteurs malfaisants


Par Nikolaï Stakirov – Le 20 octobre 2015 – Source Russia Insider

Ceci est la seconde partie et la conclusion de l’ article écrit par le célèbre écrivain et historien russe Nikolaï Starikov.

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Il a été démontré dans la première partie que, à la manière d’Orwell, celui qui contrôle le passé contrôle aussi l’avenir. Les libéraux russes sont alliés avec l’Ouest dans une campagne pour faire gagner leur version des faits. Cette guerre de l’information sur l’Histoire de la Russie, si elle réussit, doit convaincre le peuple russe que Staline a été un criminel et que la Grande Puissance soviétique qu’il avait construite était un état voyou. Lorsque les masses auront été submergées par cette légende, des réparations seront inévitablement réclamées par les ayant- droit des victimes.

L’assaut médiatique sur l’époque de Staline est orchestré parce qu’aujourd’hui la Russie est le successeur direct de l’Union soviétique.

Tout ce que l’Union soviétique a réalisé, tout ce qui a été achevé d’une manière ou d’une autre prend ses racines à l’époque de Staline. Dès le moment ou nous accepterons le fait que ce que Staline et l’URSS ont réalisé l’a été par un régime criminel, nous ouvrirons les vannes et nous verrons la longue file de ceux qui veulent nous prendre quelque chose. C’est pourquoi les libéraux de la cinquième colonne et les médias occidentaux travaillent si dur pour salir notre passé dans une parfaite entente. Ils ont visé l’époque du passé où Staline était au pouvoir. Personne à l’Ouest ne mentionne jamais Lénine, Trotski, dont l’idéologie convient fort bien à l’Ouest, qui l’apprécie au point de vouloir la ressusciter, alors que tout cela a été dénoncé dans les faits par la victoire de Staline sur Hitler. Personne depuis ce moment n’a inspiré autant de rage passionnée que Staline. Pourquoi cela ? Parce que Staline n’est pas un simple politicien du passé. Il a été à la tête de l’URSS pendant environ trois décennies. Staline représente la politique étrangère de notre pays, ses victoires et ses acquis. Staline représente les réalisations dont nous bénéficions tous aujourd’hui.

L’URSS était dirigée par un criminel, la Russie devrait payer pour ses crimes.

Si un jour nous admettons que l’URSS était dirigée par un criminel la prochaine étape sera de nous prendre tout ce que nous avons fait, achevé, et construit au cours de ces années.

Laissez-moi être bien clair, spécialement pour ceux qui sont réellement pragmatiques et pensent en terme d’argent et de bénéfices matériels : l’Ouest vilipende Staline dans le but de bénéficier de toute la richesse créée sous sa direction.

Aujourd’hui l’Ukraine conduit une dé-soviétisation rampante en détruisant les statues de Lénine – qui a créé l’Ukraine actuelle – et se plaint de Staline, qui a donné à l’Ukraine la région des Carpates et nombre d’autres régions qui auparavant faisaient partie de la Pologne et de la Roumanie. Cela semble relever d’une logique suicidaire car si vous détestez l’Union soviétique et Staline, et si vous pensez que le Pacte de non-agression entre l’Allemagne et l’URSS était criminel et hors-la-loi, alors pourquoi ne rendez vous pas Lvov à la Pologne, Uzhorod à la Hongrie, et Chernivtsi à la Roumanie, etc. ? Pourquoi conservez-vous ces cadeaux d’un dictateur, s’il n’était pas meilleur que Hitler, ce dont les libéraux russes, les journalistes occidentaux, et les nationalistes ukrainiens, tentent activement de vous persuader.

Les Lituaniens, eux aussi, devraient se plier aux principes et rendre la ville de Vilnius (Wilno), annexée à l’automne 1939, et enlevée aux Polonais. De même Klaipeda (Memel), doit être rendue aux Allemands car elle est devenue une ville lituanienne seulement après ce que les libéraux appellent l’occupation de la Lituanie [par les Russes], qui devrait plutôt être qualifiée de libération des nazis.

Couvrir de boue le passé est réellement une chose très dangereuse. Au même moment, en excitant Ukrainiens et Lituaniens, personne en Russie, pour quelque raison obscure, ne semble comprendre que les libéraux nous proposent la même politique dangereuse, mais en Russie.

Nous devons accepter la nature criminelle de Staline disent-ils ; il y a peu de temps, le 15 août 2015, le gouvernement mené par le libéral Dimitri Medvedev signait un document intitulé La politique de l’État à propos de la Commémoration des victimes de la Répression politique.

Peut-il y avoir une innovation sans dé-stalinisation ?

Cela n’est rien d’autre qu’une nouvelle vague de la bien connue dé-stalinisation, mais uniquement dans une nouvelle mouture et peut-être encore plus dangereuse. Voyez de quelle façon nous sommes invités à cracher créativement  sur notre passé, comment nous sommes appelés, aussi élégamment et joliment,  à déclarer et à admettre que nos parents ont reçu nos demeures actuelles et une grande partie de nos terres à travers des moyens illégaux. Voici quelques citations dans ce but.

Pour cela, je cite le document du gouvernement :

… La Russie ne pourra pas devenir un État dirigé par les règles légales et occuper un rôle majeur dans la Communauté mondiale sans immortaliser la mémoire des millions de citoyens qui furent victimes des répressions de masse.

Citez simplement un seul pays, qui n’ait pas agi de même un jour. Les États -Unis ? Le Royaume Uni ? La Chine ? Personne dans ces pays ne vilipende son passé ; aucun ne couvre de boue ses pères fondateurs, pas plus Georges Washington que Mao Tse Toung, même si ces deux hommes politiques ont plongé leur pays dans la guerre civile, au minimum.

L’objectif principal et stratégique de cette politique est :

– Développer et ancrer une politique publique efficace pour immortaliser la mémoire des victimes des répressions politiques, aussi bien que d’activer le patriotisme.

– Construire l’environnement social nécessaire vers un développement du pays conduit par l’innovation en promouvant une active coopération de la société civile.

Cela revient à dire qu’un patriote actif est quelqu’un qui ne voit que les côtés sombres de l’Histoire et qu’un développement conduit par l’innovation est impossible sans cracher sur son propre passé quotidiennement et passionnément.

Je ne vais pas vous bassiner plus longtemps avec de nombreuses citations sorties de ce document vraiment vicieux. Je désire simplement arriver aux conséquences de façon correcte. Dés que nous, en Russie, admettrons que des autorités criminelles ont conduit des politiques criminelles, la prochaine étape consistera pour nous à rendre et dédommager de toutes les conséquences de ces politiques criminelles. Et c’est, arrivé là, qu’on ne rigole plus du tout.

1. Aujourd’hui l’Occident est en train de changer les règles des Nations unies, ici on discute sur l’idée d’abandonner le droit de veto au Conseil de sécurité. Laissez-moi vous rappeler que les Nations unies ont été créées dans leur forme actuelle avec la participation directe de l’Union soviétique et de Staline en personne, et que toutes ses règles sont le résultat d’une bataille difficile lors de la Conférence de Yalta. Alors devrions-nous rendre le pouvoir que nous donne notre droit de veto ? Après tout c’est bien Staline qui nous l’a donné, quoi qu’on dise.

2. De même au sujet de l’Arctique et de ses richesses minières ? Staline nous l’a aussi donné. Devrons-nous le rendre ? Devrons-nous le remettre aux démocrates ? Ils n’attendent que cela ; d’accord, ils ont déjà essayé en envoyant Greenpeace contre notre plate-forme de forage mal positionnée.

3. Les îles Kouriles seraient, naturellement, rendues au Japon, si nous reconnaissions que Staline avait réalisé des politiques criminelles. Après tout, le Japon est une démocratie, et par conséquent sera en mesure de mieux les gérer. Est-ce pas ce que les membres de la cinquième colonne nous disent depuis 1991 ?

4. Kaliningrad pourra certainement être remise aux Allemands. C’est de tous les peuples celui qui a le plus souffert que n’importe qui du sanglant régime stalinien.

5. Des parties de la région de Leningrad, de Vyborg à Sestroresk, devront être rendues à la Finlande parce que Staline a contraint les Finnois à remettre ces territoire sous la contrainte de la force militaire. Et par exemple, personne ne se souviendra que cette terre avait été arrachée à la Suède lors du Traité de Nystad alors que Pierre le Grand était au pouvoir.

6. Il pourrait être aussi urgemment réclamé de rayer le lieu de naissance de Serguey Shoigu [actuel ministre russe de la Défense, NdT] de la carte de la Fédération de Russie en raison du fait que Tuva a été retourné à la Russie sous Staline en 1944.

7. Les Estoniens et les Lituaniens voudront certainement réclamer le retour de leurs terres, les réclamations territoriales écloront comme des champignons en une nuit. Pendant ce temps, personne ne se rappellera que ces pays n’existaient pas avant 1917. Les Estoniens et les Lituaniens, par exemple, sont devenus des nations à travers l’Empire russe, qui avait acquis leurs territoires parfaitement légalement, et en plusieurs étapes, de la Suède et du Duché de Courlande; ou tout aussi légalement ils les avaient obtenus lors de la partition de la Pologne.

Le sens commun dans l’Histoire

Mais les problèmes n’en finiront pas pour autant. Cela ne fera que commencer. La Russie devra payer des compensations. A qui ? Mais aux victimes voyons ! Cher lecteur, aux victimes évidemment. S’il y a eu un régime criminel et un criminel il doit nécessairement aussi y avoir des victimes ; et elles désireront aussi être dédommagées. Nous devrons payer pour nous repentir. Il est temps de se rappeler que cette histoire n’est pas simplement une histoire de goût. Ce n’est pas comme si on aimait ou si on détestait. Tout cela ne concerne pas le passé, mais vraiment le futur. Si nous acceptons le fait d’avoir un passé criminel, le futur de nos descendants pourrait ne pas être aussi brillant et sans nuages.

Remboursement, pertes de territoires, compensations morales, voyages de contrition, c’est ceci qui attend notre peuple si nous acceptons juste un instant ce que la cinquième colonne et l’Occident tente de nous imposer. Ils veulent nos richesses et pour cela manipulent notre histoire. Rappelez vous simplement ce fait : chacun de nous doit se souvenir que la repentance ne peut amener rien de bon sinon des problèmes. Le jour ou nous avons accepté le mensonge racontant que les officiers polonais de Katyn ont été exécutés par nous plutôt que par les nazis, nos relations avec la Pologne ont se sont lourdement dégradées au lieu de progresser.

La politique, spécialement la politique internationale, est toujours une chose compliquée ; il n’y a pas de moralité objective, seulement nous qui nous battons avec nos alliés, contre des ennemis extérieurs et intérieurs qui désirent nous dominer et nous voler. En tant que Russes et fiers de l’être, nous pratiquons une culture, un langage, des traditions, et une histoire commune, mais nos adversaires géopolitiques, qui nous agressent, désirent nous imposer des héros étrangers, des traditions étrangères, et des langues étrangères.

Une position plus correcte, quand il s’agit de juger l’Histoire est la suivante :

1. Tous les chefs d’État de notre pays ont défendu les intérêts nationaux (ou ont essayé de le faire, à la mesure de leur compréhension des situations).

2. Il n’y aura pas de repentir pour les actions de nos chefs d’État ; leurs actes sont guidés par la situation du moment, et par les réalités des périodes ou ils vivent. Nous écoutons toujours avec bienveillance les excuses que nous font les autres pays. Nous écoutons avec attention et prenons note scrupuleusement.

3. L’Empire russe – l’URSS – la Fédération de Russie : c’est ainsi que la continuité de notre gouvernement et de notre pays est perçue. C’est une voie unique. Toutes les tragédies sur cette voie, tous les coups tordus et les problèmes, sans exception, font partie de notre Histoire. Nous n’avons pas à nous en excuser ou nous en repentir auprès de quiconque ; nous devons simplement considérer que c’est advenu, en tirer nos propres conclusions, et tenter de ne pas répéter les mêmes erreurs.

Si vous désirez que vos enfants vivent au sein du même milieu culturel que vos grand parents et vous même, ne jetez plus de boue sur votre passé et ne permettez à personne d’autre de le faire.

Nikolaï Starikov

Article original  paru sur le Blog de Nikolaï Starikov.

Traduit par Gabriel, relu par jj et Diane pour le Saker Francophone

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