Par Christopher Black – Le 18 janvier 2017 – Source New Eastern Outlook
J’ai dit il y a quelques mois, alors que je constituais un dossier pénal contre les puissances de l’OTAN pour le crime suprême d’agression, que l’accumulation des forces, notamment américaines, de l’Alliance en Europe de l’Est, concentrées dans les États baltes et l’Ukraine, présageait des opérations de guerre hybride contre la Russie conduisant à une guerre générale. J’ai appelé cette accumulation de forces et de développements annexes Opération Barbarossa II à cause des similitudes extraordinaires avec celle des forces de l’Allemagne nazie pour envahir l’URSS en 1941, à laquelle les Allemands avaient donné le nom de code Opération Barbarossa. Les événements n’ont fait que confirmer mes vues.
La dégradation de la démocratie se poursuit sous nos yeux avec les incessantes accusations hystériques contre la Russie en général et la manipulation de Donald Trump comme moyen de porter des accusations encore plus sensationnelles, une campagne qui vise deux fins ; la première est d’accroître les sentiments anti-russes en Occident à des niveaux de guerre en accusant la Russie de cyber-attaques et d’attaques à la « démocratie », la seconde est de justifier l’élimination de Trump comme un élément de présidence, ou pour le forcer à suivre la ligne de la faction belliciste et renoncer à toute rhétorique conciliatrice à l’égard de la Russie.
Il semble que cette stratégie soit efficace. Lors de sa récente conférence de presse, Trump n’a pas seulement repris le thème de « C’est la Russie qui l’a fait », il a été plus loin et a déclaré que si les gens pensaient que Hillary Clinton serait dure avec la Russie, ils verraient bientôt qu’il serait plus dur qu’elle ne l’aurait jamais été. Les espoirs de certains aux États-Unis selon lesquels Trump allait entamer une nouvelle politique de dialogue avec la Russie ont été totalement brisés. Mais cela ne devrait pas être une surprise, eu égard à son insulte immédiate à la Chine le lendemain de son élection, aux choix qu’il a fait pour son cabinet et aux témoignages divers des candidats devant le Congrès ces jours derniers tandis qu’ils étaient évalués pour leurs postes. Cela montre que son administration utilisera la guerre pour dominer le monde avec autant d’enthousiasme que l’administration sortante.
Trump a dit qu’il vaut mieux avoir de bonnes relations avec la Russie et que seuls des fous rejetteraient cette idée. Mais cette déclaration fait partie de la ligne générale qui veut que si la Russie ne fait pas ce que les États-Unis lui dictent de faire, ceux-ci recourront à la force, évidemment. Dans la Newshour de PBS du jeudi 12 janvier, un « ancien » officier supérieur de la CIA, à qui on demandait si Trump avait raison de vouloir de bonnes relations avec la Russie, a ri et dit : « Les États-Unis ne cherchent pas de bonnes relations avec aucun pays. Nous ne nous efforçons qu’à une seule chose, faire avancer les intérêts nationaux américains, et si la diplomatie ne marche pas, il faut utiliser la coercition. » C’est le discours des gangsters.
Le monde est fatigué de ce cirque qu’est la lutte pour le pouvoir qui se joue entre les factions dirigeantes aux États-Unis. Très peu de choses séparent ces factions en termes de politique étrangère et très peu aussi en matière de politique intérieure. C’est seulement une guerre des gangs.
Les affirmations sensationnelles contre Trump pour le présenter non seulement comme une dupe consentante de la Russie mais aussi comme la cible d’un chantage, semblent venir d’un « ancien » agent du MI6 du nom de Christopher Steele, qui a eu à voir avec le complot du MI5 et du MI6 pour faire tomber le Premier ministre Harold Wilson dans les années 1970 – comme ils avaient fait tomber le gouvernement travailliste en 1924 en produisant puis distribuant à la presse une fausse lettre de Zinoviev au Parti communiste britannique appelant à une insurrection populaire en Grande-Bretagne. Dans le cas de Wilson également, de faux documents avaient été sortis par le MI5 et le MI6 avec l’aide de la CIA, via un organe de presse accommodant, pour le salir comme agent russe ; il a déclaré plus tard qu’il avait eu connaissance de deux projets de coup d’État contre lui. John Kennedy a été assassiné lors du coup d’État de 1963, dans une atmosphère empoisonnée générée par des accusations d’être « mou sur le communisme », c’est-à-dire, une fois encore, envers les Russes.
Franchement, que Trump soit éliminé dans un coup d’État ou destitué plus tard, comme le Washington Post a suggéré que cela pourrait arriver, ou soit autorisé à rester à son poste en tant qu’homme de paille, comme l’ont été les autres présidents depuis que Kennedy a été assassiné, cela n’a pas d’importance ; le résultat est le même, la poursuite d’un régime de guerre permanent aux États-Unis, qui vivent pour, par et grâce à un état de guerre permanent. Le peuple américain a subi un lavage de cerveau qui lui a fait tolérer et accepter le coup d’État de 1963 et il serait peu surprenant qu’un autre soit perpétré alors que les agences de renseignement, les ennemis politiques, les médias et les célébrités de Hollywood appellent ouvertement à un putsch. La démocratie ? Le vote ? Qui s’en soucie ? Les troubles civils ? Un prix à payer. Le résultat est que les préparatifs de guerre continuent et sont amplifiés par l’élection de Trump, que les services de renseignement utilisent pour intensifier l’attaque propagandiste contre la Russie et le président Poutine.
Pendant ce temps, alors que les médias et le régime Obama déstabilisent le peuple avec le scandale Trump, les forces militaires poursuivent leur déploiement contre la Russie et la Chine. La machine est en marche. En Europe, les Américains ont augmenté la pression sur la Russie avec le déplacement de la 3e Brigade blindée en Pologne, aux portes de la Russie, ce que celle-ci considère avec raison comme une menace à sa sécurité. Cette unité a été impliquée dans une force d’assaut lors des débarquements de Normandie en 1944 et a été utilisée pour envahir l’Irak en 2003. L’unité est connue pour sa rapidité d’attaque. Ces forces se disperseront hors de la Pologne pour couvrir un large front allant de l’Estonie et de la Lettonie à la Roumanie, avec des unités mobiles blindées d’infanterie, de chars et d’artillerie. Ce ne sont pas des troupes de garnison ou d’occupation, ce sont des troupes d’assaut.
Le général d’armée américain Scaparrotti, commandant des forces étasuniennes en Europe et commandant allié suprême de l’OTAN en Europe, a déclaré que le mouvement de cette force en Pologne « marque un moment important dans la dissuasion et la défense européenne ». Il a ajouté : « L’infrastructure et le soutien intégré européens ont permis à nos force d’être rapidement prêtes et postées si elles devaient dissuader une agression russe. » Puisqu’il n’y a pas d’« agression » russe et puisque les Américains déclarent en permanence qu’ils s’attendent à ce que la Russie se lance dans une guerre hybride, c’est-à-dire une guerre non conventionnelle contre l’Europe de l’Est, nous pouvons être sûrs que ces forces elles-mêmes et leurs unités spéciales s’engageront dans des attaques et des provocations sous fausse bannière pour faire comme si la Russie commettait des actes hostiles afin de justifier l’utilisation contre elle de ces forces et des forces européennes alliées. Ce n’est qu’une question de temps, à moins qu’une percée diplomatique se produise, ce qui semble hautement improbable, en dépit des efforts inlassables de la Russie.
En même temps, il a été rapporté vendredi 13 que le ministre des Affaires étrangères pressenti par Trump, M. Tillerson, avait déclaré au Congrès le 11 janvier que les États-Unis devraient refuser à Beijing l’accès à ses îles dans la mer de Chine méridionale. Les médias d’État chinois ont répondu qu’une telle tentative conduirait à une guerre à grande échelle. Pourtant, le 5 janvier, quelques jours seulement avant la déclaration de Tillerson, le Pentagone a annoncé que « les bateaux et les unités du groupe d’attaque du transporteur USS Carl Vinson quitteraient bientôt San Diego pour le Pacifique occidental », où des bombardiers stratégiques américains B1 et B2, capables de transporter des missiles de croisière nucléaires, ont déjà été déployés sur l’île de Guam.
Enfin, sur le front de la propagande, la saisie illégale récente par la police néerlandaise du matériel d’enquête de journalistes hollandais revenant de Donetsk est une preuve supplémentaire que le tir contre le vol MH17 de la Malaysian Airlines, avec 298 personnes à bord, en juillet 2014, était un acte perpétré par le régime de Kiev, et que les Américains le savaient. J’ai récemment déclaré dans un article à ce sujet que c’est un avion militaire de Kiev qui avait abattu le long courrier, et j’ai parlé d’un Sukhoi 25, mais on m’a depuis lors montré la preuve que c’est en fait un Mig-29 qui a été utilisé. En tout état de cause, les puissances de l’OTAN ont comploté pour cacher ce fait dans le but de maintenir leur propagande que c’était la Russie qui était derrière.
La situation est grave et l’horloge de l’Apocalypse doit frapper à la porte à minuit. Beaucoup d’entre nous ont appelé les mouvements anti-guerre et pour la paix à se mobiliser, mais on ne les voit nulle part. Beaucoup, en particulier aux États-Unis, ont été enrôlés dans le soutien à ces guerres et la Gauche, qui est censée être contre les guerres impérialistes, que ce soit la Gauche dure ou la Gauche molle, semble trop faible pour se faire entendre. Il semble que trop peu d’entre nous en Occident s’y intéressent encore un tant soit peu.
Il vaut mieux agir maintenant et faire en sorte que les gens s’en soucient, sinon il sera trop tard parce que comme mon ami, Harold Pinter, me l’a si bien expliqué lors d’un dîner à Londres, le monde est confronté à des gens amoureux d’eux-mêmes qui ne semblent pas se soucier de quoi que ce soit ou de qui que ce soit excepté eux-mêmes, et qui pensent qu’ils peuvent commettre un crime et s’en sortir. Je ne peux pas exprimer mon dégoût avec autant de talent que Harold l’a fait dans un poème qu’il m’a envoyé un jour, et qu’il avait de la peine à faire publier. Un parmi plusieurs, mais qui figure aujourd’hui dans un bref recueil de ses poèmes, intitulé War [Guerre]. Peut-être s’il y en avait davantage comme lui, plus de voix se faisant entendre, les gens réagiraient, se réveilleraient, se redresseraient, retrouveraient un peu de décence et de colonne vertébrale. Je ne sais pas. Mais je vous offre ce poème, dans l’espoir, peut-être naïf, que cela ait un effet.
Dieu bénisse l’Amérique
Les voici repartis
Les Yankees, dans leur parade blindée…
Christopher Black
Christopher Black est un avocat pénaliste de Toronto. Il est reconnu pour avoir traité un certain nombre de crimes de guerre très importants et il a récemment publié un roman, Beneath the Clouds. Il écrit des articles sur le droit international, la politique et les événements mondiaux, en particulier pour le magazine en ligne New Eastern Outlook.
Traduit par Diane, vérifié par Julie, relu par Catherine pour le Saker francophone