Mission accomplie : Seymour Hersh, Nordstream, et ce qui reste sur le plancher de la salle de montage


Par Tom Luongo – Le 10 février 2023 – Source Gold Goats’ N Guns

Mercredi, j’ai eu 55 ans et j’ai reçu l’un des meilleurs cadeaux d’anniversaire qu’un type comme moi puisse demander, une bombe géopolitique majeure. Seymour Hersh a publié son premier article depuis longtemps sur le bombardement du gazoduc Nordstream, impliquant directement des acteurs majeurs au sein de l’administration « Biden » .

L’article de Hersh est remarquable non seulement pour ce qu’il dit, mais aussi pour le choix de la date de publication et des personnes à qui il s’adresse directement.

Et, plus important encore, pour les personnes à qui il ne s’adresse PAS.

Pour être clair, je ne pense pas une seconde que Hersh blanchisse quoi que ce soit ici. Si c’est le cas, eh bien, je laisse au lecteur le soin de le découvrir. Je pense que son histoire est incomplète et qu’elle est un peu trop « Bourne Identity » ou « Mission Impossible » à mon goût.

Quelles que soient vos conclusions, je pense que nous sommes tous d’accord pour dire que nous avons besoin de scénaristes bien meilleurs que ceux qui hantent actuellement les couloirs du SIS à Londres et de la CIA à Langley.

Leur mépris pour nous est évident dans les histoires bâclées qu’ils nous racontent maintenant.

Mission Identity : Bourne Impossible

L’histoire de Bourne est assez simple. L’agent Bourne est envoyé en mission d’assassinat. Il connaît un sursaut de conscience et son humanité latente s’affirme lorsqu’il retrouve la mémoire. Le mystère réside dans la reconstruction de son passé qui, au final, est assez simple.

C’est le We Can Remember It For You, Wholesale de Philippe K. Dick, en gros, mais bien fait, par rapport aux deux versions de Total Recall.

La lecture de l’article de Hersh m’a plus donné l’impression du premier acte d’un film Mission Impossible que de l’ensemble du film. Les missions qu’Ethan Hunt choisit d’accepter sont simples et directes : récupérer un Macguffin et arrêter les méchants avant le boom.

Puis, au fur et à mesure que l’histoire se déroule, nous découvrons des couches successives de ce qui se passe réellement. Si vous avez vu les deux derniers films, écrits et réalisés par Chris Macquarrie, vous pouvez probablement voir où je veux en venir.

Dans la version de Macquarrie de l’espionnage moderne, les objectifs des différentes agences de renseignement et des gouvernements pour lesquels ces personnes travaillent se chevauchent et se contredisent. Ces objectifs se rejoignent et s’affrontent dans des intrigues si épaisses et si lourdes que c’est un miracle que quelqu’un puisse les suivre, étant donné le rythme effréné. {Note de Tom : Cela montre à quel point le cinéma est bien fait}.

En fait, si l’on analyse l’intrigue de ces films, Hunt se bat contre le Syndicat, un groupe d’agents mécontents dont la célèbre cause est de détruire l’ordre ancien par la tragédie d’un événement nucléaire.

C’est un peu trop proche de la réalité dans le monde post-COVID imaginé par la bande de Davos. Comparer les arguments sur la « programmation prédictive » et tout cela (voir mon podcast avec l’ancien scénariste Mel K à ce sujet).

Ces agents sont le chaos déclenché par des politiciens et des directeurs d’agence sans scrupules sur un monde sans méfiance. Le Syndicat lui-même a été créé par le gouvernement britannique pour donner au Premier ministre une ressource avec laquelle il pourrait contourner le Parlement pour lutter contre le terrorisme.

N’y a-t-il pas une certaine ressemblance avec l’histoire de Hersh concernant le cercle restreint de « Biden » qui tente de faire la même chose en ne révélant pas l’acte de guerre contre la Russie et l’Allemagne au Congrès ?

Dans les scénarios de Macquarrie, le rôle du MI-6, qui tente de brouiller les pistes sur la création du Syndicat, constitue l’épine dorsale de l’intrigue des films bien nommés MI:5 et MI:6. Je n’accuse pas Hersh de quoi que ce soit ici, sauf peut-être d’un peu de myopie. Mais, l’omission de l’implication des Britanniques dans toute les étapes de son histoire est, eh bien, curieuse.

Et c’est exactement le problème que j’ai avec l’histoire de Hersh, parce qu’elle fait porter toute la responsabilité de l’opération directement sur le Gang des 4 de l’administration « Biden » et sur la Norvège qui a servi de bouc émissaire par l’intermédiaire du chef de l’OTAN, Jens Stoltenberg, ce qui confirme parfaitement le récit auquel nous sommes soumis depuis près de deux ans sur les États-Unis hors de contrôle.

Arrêtez-moi si vous avez déjà entendu ce discours de studio :

Le gouvernement américain, qui cherche désespérément à s’accrocher à son empire mondial et qui ressent la menace de l’effondrement de l’étalon de réserve qu’est le dollar, a choisi de se battre en Ukraine pour faire d’une pierre deux coups : 1) faire de l’Europe un État vassal, en particulier l’Allemagne liée aux États-Unis, et 2) détruire la Russie par une guerre multithéâtrale à large spectre.

 

Dans cette quête, les guerriers froids néoconservateurs de l’administration « Biden » ont eu carte blanche pour ravager à la fois leurs alliés et leurs ennemis, aucun acte ne sortant des limites opérationnelles. Le bombardement des pipelines Nordstream n’est qu’un acte dépravé de plus de la part d’un hégémon mondial en déclin.

C’est une histoire soignée et Hersh remplit le rôle, malheureusement dans mon esprit, d’idiot utile en avançant ce qui n’est clairement que la moitié de l’histoire. Encore une fois, je ne doute d’aucun des faits que Hersh fournit au monde pour raconter cette histoire. Les États-Unis et la Norvège ont l’expertise technique en matière de plongée pour mener à bien cette opération.

En aucun cas je ne pense que les Etats-Unis sont « innocents » dans cette affaire, ils n’ont même pas une once d’innocence.

Hersh dresse le portrait de personnes tellement concentrées sur la logistique du bombardement qu’aucune d’entre elles ne s’est arrêtée un seul instant pour réfléchir aux conséquences de ce qu’elles faisaient. C’est la partie qui me semble la plus vraie concernant les personnes impliquées, comme Nuland, Jake Sullivan et Antony Blinken.

Une fois que vous vous êtes engagé dans une action, les considérations sur les effets d’aval de l’acte ne sont analysées qu’à travers la perspective qui vous a conduit à cette conclusion en premier lieu.

Dans leur esprit, le fait de retirer à Poutine son levier économique et d’empêcher tout rapprochement possible entre la Russie et l’Allemagne l’emporte sur tous les autres effets d’aval.

Cela dit, en plaçant ces personnes, avec leurs défauts personnels et leurs préjugés, à ces postes, le résultat de la politique visant à déclencher une guerre contre la Russie au sujet de l’Ukraine était inévitable. Et cela révèle quelque chose de bien plus sinistre.

Le nettoyage par aspiration en eaux profondes

Les événements géopolitiques tels que les attentats du Nordstream ne se produisent tout simplement pas dans le vide, surtout lorsqu’il s’agit d’une opération préparée depuis plus d’un an.

Cela ne permet pas aux États-Unis d’agir unilatéralement en Ukraine et les attentats à la bombe contre Nordstream ont servi des objectifs bien plus vastes et grandioses que le simple fait de « sauver l’Empire du Chaos » ou autre.

Alex Krainer et moi avons fait un podcast sur ce sujet en examinant les raisons pour lesquelles le Royaume-Uni et la Pologne ont été impliqués dans cette affaire.

Je vous rappelle le billet de blog que j’ai écrit une semaine auparavant, « Le curieux Whodunit des Nordstreams 1 et 2 » , dans lequel j’ai exposé les raisons selon lesquelles tout le monde est coupable dans cette histoire.

Je rappelle également à chacun l’immense fil Twitter que j’ai écrit juste après l’explosion du gazoduc, dont le commentaire se trouve dans l’article que j’ai écrit en lien ci-dessus.

Traduction du tweet : Pour que les choses soient claires. Je crois et ai toujours cru que les néocons (ou straussiens) hyper-agressifs sont une faction facilement manipulée pour faire des choses qui semblent être à leur avantage mais qui ne le sont pas.

Quand je vois le Daily Mail reprendre l’histoire alors que tout le monde oublie comme par hasard le tweet de l’ancien Premier ministre britannique Liz Truss qui a fuité une minute après l’explosion et qui disait « C’est fait » , je dois littéralement rouler les yeux.

Ou bien tout le monde a-t-il oublié le tweet de Radislaw Sikorski, néocon polonais enragé et ancien ministre des Affaires étrangères, parce qu’il l’a supprimé ? Pourquoi l’a-t-il supprimé ?

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Comme le souligne Hersh dans son article, pourquoi Victoria Nuland et Joe Biden ont-ils divulgué le scénario au monde entier avec leurs déclarations publiques sur l’arrêt de Nordstream 2 ? Alors même qu’ils essayaient de tenir le Congrès en dehors de ça quand l’opération était en cours de planification, pourquoi en informer qui que ce soit ?

Pourquoi se mettre dans la ligne de mire ?

Pour citer Ellen Ripley dans Aliens, « Le QI a-t-il soudainement baissé ? » ou bien suis-je en train de vivre le pire cauchemar de Rod Serling ?

Anglo-saxon/Réaction

Bien que je ne sois pas un grand fan de John Helmer de Dances with Bears, il fait un très bon travail en rappelant tous les « faits » gênants que Hersh et sa source ont omis dans leur récit.

Ces deux extraits sont particulièrement éclairants, tout comme l’insistance du président Poutine et de son porte-parole Dmitri Peskov à utiliser l’expression « Anglo-Saxons » :

Peskov a répété que Moscou avait des informations « sur l’implication des Anglo-Saxons dans l’organisation de cet acte de sabotage » . Ceci n’est pas nouveau.

Le 30 septembre, quatre jours après l’attaque du Nord Stream, Poutine était explicite lors de la signature au Kremlin des traités d’adhésion qui incorporaient Lugansk, Donetsk, Kherson et Zaporozhye comme nouveaux territoires de la fédération russe. « Les Anglo-Saxons, a déclaré Poutine, croient que les sanctions ne suffisent plus et maintenant ils se sont tournés vers la subversion. Cela semble incroyable mais c’est un fait – en provoquant des explosions sur les gazoducs internationaux Nord Stream qui passent au fond de la mer Baltique, ils se sont en fait lancés dans la destruction de toute l’infrastructure énergétique de l’Europe. Les bénéficiaires sont évidents pour tout le monde. Ceux qui en profitent sont responsables, bien sûr. »

Que Hersh publie cette histoire tronquée à ce moment précis, alors que le président Biden est clairement soumis à de fortes pressions extérieures, voilà qui est intéressant. Ce besoin pathologique d’absoudre le Royaume-Uni de toute implication dans les attentats du Nordstream et d’engager le monde sur la voie d’une guerre totale des infrastructures, comme la Russie le fait maintenant en Ukraine, frise le glauque.

Ce qui est évident pour moi, c’est que Hersh et sa source travaillent pour quelqu’un d’autre ou sont des pions dans un jeu plus vaste (je pense que c’est la dernière hypothèse). La nature de ce jeu ne nous a pas été entièrement révélée. C’est l’acte II de ce Whodunit, ce n’est pas la fin de l’histoire. En aucun cas.

Je pourrais imaginer une multitude d’actes III possibles :

  • Un quiproquo entre les forces souverainistes américaines et l’OTAN pour garder le Royaume-Uni et la Pologne en dehors de l’histoire pour faire de « Biden » un bouc émissaire et commencer à nettoyer le Département d’État des influences des Nulandistas et des services secrets britanniques et ainsi commencer à mettre fin à la guerre en Ukraine. C’est l’histoire que je préfère.
  • Mettre davantage les États-Unis et la Russie sur une trajectoire de collision en faisant confirmer par un journaliste de la réputation de Sy Hersh ce que tout le monde veut croire, à savoir que les États-Unis sont un État voyou. Cela dégrade encore la réputation des États-Unis et accélère leur effondrement (objectif ouvertement déclaré par Soros) à la veille de la Conférence sur la sécurité de Munich (la semaine prochaine).
  • Laisser à Poutine encore moins d’options politiques acceptables sur le plan intérieur, à part une nouvelle escalade poussant le monde au bord de la guerre nucléaire pour réaliser la grande réinitialisation de Davos.

Pour n’en citer que quelques-uns.

Mais ce qui est vraiment clair ici, c’est qu’il n’y a pas d’Ethan Hunts ou même de Jason Bournes pour intervenir à la dernière seconde et empêcher ce train de l’évolution vers la catastrophe de déraper et de faire boom.

Votre mission, si vous l’acceptez, est de réfléchir aux implications des faits présentés. Cet article de blog s’autodétruira dans cinq secondes.

Tom Luongo

Traduit par Zineb, relu par Wayan, pour le Saker Francophone

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