La Chine a jeté un pavé dans la mare des médias alternatifs en niant qu’elle constitue une menace pour l’Occident


Andrew Korybko

Par Andrew Korybko – Le 16 février 2023

La communauté des médias alternatifs insiste depuis des années sur l’existence d’une soi-disant « alliance sino-russe » unie dans l’opposition à l’Occident, dont la fausse revendication a ensuite été blanchie par les médias grand public pour promouvoir leurs propres intérêts narratifs opposés. Une telle « alliance » n’existe pas réellement, mais cela n’a pas empêché certains médias alternatifs de nier que la Chine souhaite une désescalade des tensions avec l’Occident, notamment à la lumière du récent incident du ballon.

Au lieu de cela, cette collection de gestionnaires de la perception, prétendument favorables à la Chine, a mis en avant le récit artificiellement fabriqué au cours des deux dernières semaines, affirmant que Pékin redouble sa course stratégique anti-américaine et se prépare à un conflit supposé inévitable avec cet hégémon en déclin. Rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité, comme l’a prouvé nul autre que le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Wang Wenbin, dans sa réponse à une question posée par l’agence russe TASS, jeudi dernier.

Invité à commenter la référence du secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, à la Chine en tant que défi pour l’alliance, ce représentant officiel de l’État a déclaré : « Nous avons souligné à plusieurs reprises que l’OTAN, dans le soi-disant nouveau concept stratégique, ignore les faits, qualifie le noir de blanc et persiste à positionner à tort la Chine comme un défi systémique. La Chine est sérieusement préoccupée par cette situation et s’y oppose fermement. » En deux phrases seulement, la Chine a discrédité les théories sur ses intentions.

Ce développement par défaut ajoute également du crédit aux observations antérieures sur son désir sincère de conclure une Nouvelle Détente avec les États-Unis, ou une série de compromis mutuels visant à atteindre une « normalisation » comparative de leurs relations afin qu’ils puissent ensuite travailler conjointement à la relance de la mondialisation. Cela permettrait de faire avancer leurs grands intérêts stratégiques communs en ce qui concerne la préservation du duopole de superpuissances bimultipolaires sino-américaines qui caractérisait les relations internationales jusqu’à l’année dernière.

Les deux hyperliens précédents renvoient à des analyses détaillées de ces deux concepts, tout comme celui qui concerne l’incident du ballon dans le premier paragraphe conduit les lecteurs à des analyses tout aussi approfondies de cet événement récent, qui devraient être consultées par ceux qui veulent en savoir plus. Ils dépassent le cadre de la présente analyse, c’est pourquoi ils sont seulement mentionnés et non expliqués, puisque cet article vise uniquement à attirer l’attention sur la façon dont la Chine vient de discréditer l’un des principaux dogmes des médias alternatifs.

La réalité « politiquement gênante » pour ce groupe de gestionnaires de la perception est que la Chine n’est pas intéressée à prendre des mesures inamicales, dures ou hostiles contre le Milliard doré de l’Occident dirigé par les États-Unis, mais qu’elle a toujours préféré des réformes graduelles amicales, douces et non hostiles de l’ordre mondial. Les changements soudains du système international, comme ceux qui ont suivi l’opération spéciale de la Russie, risquent de perturber les processus de mondialisation dont dépend l’ensemble de la stratégie globale de la Chine.

Ceux qui, au sein des médias alternatifs, soutiennent sincèrement la Chine devraient donc immédiatement recalibrer leurs récits sur sa politique envers l’Occident. La République populaire se défendra toujours fièrement contre les agressions non provoquées de ce bloc voulant déclencher une nouvelle guerre froide, mais elle ne s’engagera jamais non plus dans ses propres agressions non provoquées contre eux. En imaginant que la Chine est obsédée par la lutte contre l’Occident, on cultive de fausses attentes à l’égard de sa politique étrangère, qui mènent à leur tour à la confusion et à la déception.

Les analystes devraient toujours s’efforcer de formuler les politiques de leurs sujets aussi précisément que possible afin de refléter leur existence objective, et non de les déformer en fonction de leurs propres souhaits subjectifs sur ce qu’elles devraient ou ne devraient pas être. Les médias alternatifs ont été infectés par ce que l’on appelle des  » vœux pieux  » concernant la grande stratégie chinoise, et ceux qui continuent à refuser de corriger leurs affirmations à ce sujet après la dernière déclaration des faits par Wenbin pourraient bientôt être soupçonnés par certains de fonctionner comme des agents de désinformation.

Andrew Korybko

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

Note du Saker Francophone

Si l’hypothèse de Korybko est la bonne, cela montrerait que la Chine n’a pas intégré le fait, pourtant souvent démontré, qu’il n’y a pas de solution gagnant-gagnante avec les dirigeants du bloc occidental. Comment peut-elle espérer une véritable entente avec les Etats-Unis quant ceux-ci la provoquent sans cesse (Taiwan, Ouighours, guerre des microprocesseurs et autres sanctions) ? Pas sur que le gouvernement chinois soit si naif.

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