De la bataille contre le système épisode VII
Le Marché en déroute


Le 2 avril 2015 – Source entrefilets

Jérôme Bosch

Jérôme Bosch

Depuis une vingtaine d’années, la succession phénoménale de crises qui secouent le monde connaît une accélération exponentielle en termes de nombre comme d’intensité. Que ce soit au niveau écologique, sanitaire, alimentaire, économique ou géopolitique, toutes les coutures du monde connu semblent en train de craquer quasiment en même temps. C’est que toutes ces crises n’en forment en réalité qu’une seule, gigantesque: celle de l’effondrement d’un Marché-Système poussé dans ses ultimes excès par la folle gouvernance US.

Matrice éclairée d’un progrès technologique guérisseur de tous les maux, notre Modernité triomphante incarne des valeurs indépassables et constitue la seule voie possible vers une humanité préservée de la guerre, du froid et de la faim.

Voilà en substance la promesse de campagne, le faux nez de notre Marché-Système globalisé sous gouvernance US.

Près de 70 ans après les premiers clips promotionnels de l’American dream, la réalité du monde s’avère pourtant à l’exact opposé de l’illusion proclamée. Rongée par sa toxicité et dépassée par ses contradictions 1, la machine atlantiste à dominer le monde s’affole désormais et, au Moyen-Orient comme en Ukraine, toutes ses machinations pour maintenir son hégémonie tournent au fiasco.

Petit survol d’une grande crise.

Le saccage du vivant

Le Marché-Système à la sauce américaniste qui emprisonne aujourd’hui l’humanité n’est que le rejeton désaffecté et monstrueux des grands empires coloniaux. Comme ses géniteurs, il assure sa domination par la violence, les machinations et l’intrigue. Son modèle de civilisation mercantile est en fait une contre-civilisation dont l’essor et la pérennité reposent sur un déchaînement ininterrompu de pillages et de tueries de tout ce qui pousse, nage, vole, rampe ou marche sur notre planète.

En quelques décennies, les fragiles équilibres de notre biosphère ont ainsi été brisés, nos océans et notre terre pollués, notre air vicié.

Crédit à enjeuxenergies.wordpress.com

Les espèces animales et végétales s’éteignent à une vitesse phénoménale. Celles qui survivent sont soit muséifiées, soit sacrifiées dans un océan de souffrances et de dégradation industriel, ou encore génétiquement manipulées pour que rien du (sur)vivant n’échappe à la voracité d’un Marché dont la main invisible est devenue la seule référence au Sacré.

Qu’une telle razzia globalisée ait finalement produit quelques bénéfices matériels pour une minorité élargie est, dirions-nous, la moindre des choses au regard du prix terrifiant consenti. Désormais, la marchandisation du monde a infecté jusqu’au ventre des mères, et rien ne semble pouvoir arrêter notre grande marche éclairée vers le progrès ultime: c’est-à-dire  l’avènement d’un homme nouveau, d’une humanité nouvelle amoureuse de sa servitude à une machine néo-libérale seule à même de susciter en elle cette infinité de désirs qui, à défaut de pouvoir être assouvis, lui offre l’illusion d’une vie (je Dé-pense donc je Suis).

Il faut alors consommer encore, consommer toujours pour stimuler et sauver le désir, pour le PIB, la croissance, les parts de marché, le CAC 40, les charts, les chiffres, la City et Wall Street.
Il faut produire encore plus, donc détruire encore plus.
Le Marché-Système l’exige.
Notre contre-civilisation l’exige.
Il n’y a pas d’alternative.
Point de salut hors la fuite en avant.

La guerre éternelle

Au plan géopolitique, l’hyperpuissance US qui pilote la machine use d’une force militaire sans rival pour imposer ses rapines et maintenir la domination de son Marché-Système ; pour voler, piller, s’approprier tant que faire se peut les derniers minerais, les dernières nappes de pétrole, d’eau potable, les derniers marchés.

Tout cela bien sûr sous le vernis de la lutte pour ces fameuses valeurs indépassables dont les mots liberté, démocratie ou droits-de-l’homme sont devenus les coquilles vides de la novlangue politico-médiatique.

Le mensonge domine tout le discours jusqu’à la nausée, jusqu’au ridicule. Il inonde les ondes docilisées, broie les esprits.

Les plus fantastiques fables deviennent alors vérité sans heurts, sans contestation admise.

Car la vérité n’a plus d’importance.
La communication est Tout.

Seule compte la densité, le volume, la force, la violence du Message.
Hurlé assez fort, le Message, le Mensonge, devient vérité.

Le 11 septembre 2001 en a fourni un exemple stupéfiant. Le monde entier ainsi pu voir l’effondrement parfaitement symétrique de trois tours sur leur empreinte, officiellement provoqué par deux avions 2. Malgré l’invraisemblance et le ridicule de la fable, il aura suffi de la hurler assez fort pour l’imposer comme une vérité. Et désormais, on qualifie de révisionnistes du 11 Septembre 3 ceux qui osent douter du catéchisme officiel, et bientôt de négationnistes, cela va sans dire. La vérité révélée doit être défendue à tout prix.

Avant celle du 9/11, d’autres fables avaient déjà permis d’autres rapines comme l’invasion et le dépeçage de l’Irak notamment.
Après elles, d’autres fables ont encore permis le saccage de la Libye, puis celui de la Syrie.
Une énième fable, celle de la révolution de Maïdan 4, a récemment permis de provoquer un affrontement avec l’insoumise Russie pour tenter de préserver la full-spectrum-dominance de l’hyperpuissance américaine.
Le risque d’une guerre nucléaire à large échelle est même pleinement assumé. Ce qui en dit long sur le jusqu’au-boutisme du Marché-Système sous gouvernance US.

Le Parti Janus

Au plan politique, la même inversion pourrit la plupart des grandes nations.
La démocratie y est réduite à l’opposition théâtralisée des profils gauche-droite d’un seul Parti Janus contrôlé par une caste au service du Marché-Système.
Pour crédibiliser la farce, il suffit alors, là où c’est encore nécessaire, de favoriser l’émergence de quelque épouvantail, à grand renfort d’une insécurité et d’un racisme savamment entretenus, pour ensuite déclencher le fameux réflexe dit républicain au moment opportun.

Pour canaliser les énergies populaires vers des causes et des combats inoffensifs pour le Marché-Système, et notamment pour canaliser l’énergie naturellement rebelle de la jeunesse, la caste dominante a aussi pris soin de réduire le social au sociétal, la défense du bien commun à celle de minorités de plus en plus marginales, de plus en plus bizarres mais cool, dont on s’applique à faire l’éloge et la promotion.

C’est qu’il faut égarer et fragmenter toujours davantage le corps social; atomiser le plus possible les individus en les enfermant dans des catégories qui n’existent que par opposition les unes aux autres.
Diviser pour régner donc, et l’affrontement est alors partout.
Hommes contre femmes; jeunes contre vieux; LGTB contre hétéros; citadins contre banlieusards; laïques contre croyants;  communauté contre communauté; religion contre religion.
C’est le triomphe de l’isolement et de l’éclatement sous prétexte de rassemblement ; le triomphe du dérisoire et de l’artificiel qui garantit l’absence d’opposition réelle au Marché-Système.

Les collabos de la misère en marche

Au plan idéologique, l’inversion est également totale. Le Marché-Système produit ainsi la censure, le contrôle de masse et l’interdit au nom de la défense des libertés. Il produit l’uniformité en prétendant lutter contre ce qui menace la diversité.

Infectée jusque dans son ADN par le Marché-Système, la démocratie opère ainsi lentement mais sûrement sa mutation vers un totalitarisme mou parfaitement compatible avec l’État de droit.

Au plan intellectuel, la désertification avance elle aussi au pas de charge.
Les débats de pure forme ronronnent dans des cénacles monopolisés par des esprits serviles et bien rémunérés.
Ceux qui osent dévier de la ligne éditoriale du Marché-Système sont immédiatement exclus, ostracisés, voire persécutés.
Il n’y a plus dès lors d’intellectuels autorisés ni même capables de penser l’avenir.

La sécheresse conceptuelle est partout.

A de rares exceptions près, toute la caste intello-culturo-mondaine en place sert de caution à cette farce.
Tous baignent ainsi mollement dans les sucs gastriques du Marché-Système qui les digère bien sûr ; mais qui en même temps les préserve dans leur rang, leur fonction et leurs privilèges, leur faisant ainsi aisément oublier, par la vertu du nombre et de l’instinct grégaire, qu’ils sont tous des collabos de la misère en marche.

Accélération

Sauf que voilà. Le Marché-Système ne parvient plus à donner le change.
Il est vrai que jamais, auparavant, l’Histoire n’avait connu de situation où une civilisation, formellement à l’agonie du fait de son incapacité à produire du sens ni même un modèle de fonctionnement viable, ne peut ni mourir ni disparaître du fait de sa seule hyperpuissance médiatique, militaire et technologique.
Ne reste donc que cette hyperpuissance à l’état brut qui, sans état d’âme ni espoir ni projet, cherche simplement à persévérer dans son être puisqu’elle est programmée pour cela. Logiquement, la rage, le désespoir et la violence que le Marché-Système projette vers l’extérieur pour survivre se retournent contre lui et se révèlent ainsi les seules forces capables de l’atteindre et de l’affaiblir à travers la multiplication et l’accumulation des crises insolubles qu’ils produisent.
C’est l’extension permanente du domaine du chaos.
La crise d’effondrement du Marché-Système sur lui-même, par lui-même, est entré dans sa phase finale avec, au-delà, la possibilité d’un renouveau.
Le Système devenu anti-Système en somme.

A suivre De la bataille contre le système épisode VIII – Ukraine : quand l’Empire tombe le masque 

Notes

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