Pourtant, la lecture du rapport entraîne une autre conclusion.
Par Sputnik News – Le 15 juin 2018
Le bureau chargé d’inspecter le ministère américain de la Justice et le FBI a publié jeudi un rapport qui révèle une longue liste d’erreurs dans la manière dont le FBI a mené un certain nombre d’enquêtes sensibles avant les élections américaines de 2016 – mais aboutit à une conclusion, dont on peut douter, disant que le FBI n’était, en fin de compte, pas politiquement partial dans ses actions.
Le Bureau de l’inspection générale du ministère de la justice a rendu un rapport de 568 pages sur la conduite du FBI et du ministère de la justice pendant la campagne électorale présidentielle de 2016. Ce rapport montre que James Comey, alors directeur du FBI, s’est montré « indiscipliné » face à Loretta Lynch, la procureure général de l’époque, et que ses actions étaient mal appropriées, mais le rapport ne va pas jusqu’à dire qu’elles étaient politiquement motivées.
Comey s’est retrouvé dans le viseur, en 2016, pour deux décisions qui ont fait les grands titres à l’époque. Il a tout d’abord révélé, en juillet, qu’Hillary Clinton ne serait pas poursuivie pour son traitement « extrêmement négligent » de données gouvernementales classifiées sur des serveurs de courriels personnels et privés pendant son mandat de secrétaire d’État. Les serveurs utilisés n’étaient pas autorisés à traiter des affaires gouvernementales, mais Comey a finalement pensé qu’aucun procureur ne serait d’accord pour porter des accusations sur cette affaire.
Les deuxièmes grands titres à propos de Comey ont porté sur la révélation que les preuves d’une enquête en cours sur Anthony Weiner, un ancien membre du Congrès de New York qui a démissionné de son poste en 2011 après avoir envoyé des photos de lui presque entièrement nu à des adolescentes, l’avaient poussé à rouvrir l’enquête sur les négligences de Clinton. Quelques jours avant l’élection, Comey a annoncé que certains courriels trouvés sur l’ordinateur de Weiner intéressaient le FBI. Comme Weiner était marié à l’époque à Huma Abedin, une des proches assistantes de Clinton, Clinton a également été mêlé à l’enquête.
« Si je pouvais changer les choses…. Anthony Weiner n’aurait certainement pas eu d’ordinateur – peut-être même qu’il ne serait jamais né », faisait remarquer Comey en avril 2018.
Le rapport révèle que Comey était totalement à côté de la plaque d’avoir relancé l’enquête sur la candidate démocrate à la présidence. L’ordinateur de Weiner était, de fait, un élément de preuve dans une enquête du FBI, mais il s’agissait d’une enquête portant sur de supposés « sextos » qu’il avait envoyé à des adolescentes, sans rapport avec le scandale de 2011 qui l’a poussé à démissionner du Congrès.
Le bureau de surveillance du ministère de la justice a également conclu que M. Comey avait dépassé les bornes en informant sans cesse le public au sujet de l’enquête sur Clinton, alors que la politique du FBI est de ne rien divulguer au sujet d’une enquête. Dans un sens, le bureau de surveillance s’est fait l’écho du sous-procureur général Rod Rosenstein dans sa lettre de mai 2017 recommandant que Comey soit viré du FBI. « Le directeur a eu tort d’ … annoncer sa conclusion selon laquelle l’affaire devrait être classée sans poursuites », déclarait-t-il. « Pour en rajouter à l’erreur, le directeur a ignoré un autre vieux principe : nous ne tenons pas de conférence de presse pour divulguer des informations désobligeantes au sujet d’une enquête criminelle refusée. »
L’Inspection générale (IG) fait écho à la condamnation de Comey par Rosenstein, en écrivant que « bien que nous n’ayons trouvé aucune preuve que la déclaration de Comey était le résultat d’un parti pris ou d’un effort pour influencer l’élection, nous n’avons pas trouvé que ses justifications pour la publication d’une telle déclaration étaient raisonnables ou persuasives ». Ceci en référence au premier échec majeur de Comey en juillet, lorsqu’il a annoncé qu’il n’y aurait pas de poursuites contre Clinton – ce qui, selon l’IG, est une déclaration qu’il n’avait même pas le droit de faire. Seul le procureur général a le pouvoir d’arrêter ou de poursuivre une enquête.
Mais Comey s’inquiétait, à juste titre, des conflits d’intérêts auxquels était soumise la procureure générale dans le cas de Clinton. La tristement célèbre « rencontre sur le tarmac » entre la procureure générale en titre, Loretta Lynch, et l’ancien président Bill Clinton – dont Barrett Brown disait à Sputnik News qu’il considérait cela comme un « échec sans précédent de la justice » – a fondamentalement « fait pencher la balance » dans l’esprit de Comey et l’a poussé à faire cette déclaration publique, a-t-il expliqué à l’inspection générale.
« Comey a admis avoir enfreint les règles à cause de cette discussion sur le tarmac », racontait Joe Lauria, le rédacteur en chef de Consortium News, à Loud & Clear sur Radio Sputnik, jeudi dernier.
« Ils ont tous les deux affirmé, bien sûr, que leur discussion ne portait pas sur [l’enquête sur les courriels]. Mais la réunion en elle-même – le simple fait de rencontrer l’ancien président là-bas, sur une piste d’aéroport, pouvait avoir une influence sur la décision de [Lynch] [de poursuivre Hillary Clinton]. Il est clair que ce n’était pas la bonne chose à faire pour Bill Clinton. Lynch n’aurait pas dû le laisser monter dans l’avion et Comey l’admet lui-même » rajoutait Lauria.
Il a aussi suggéré que l’affirmation de Comey selon laquelle Clinton n’avait pas l’intention de mal gérer des informations classifiées et qu’elle n’avait donc pas commis de crime est erronée. La loi est claire sur ce sujet quand elle dit « qu’il y ait intention ou pas c’est la même chose » quand il s’agit de mauvaise manipulation de documents classifiés, nous explique Lauria.
Et même si l’inspection générale affirme que Comey n’a pas agi de manière biaisée pour influer sur les élections – malgré les allégations de Clinton et de ses partisans selon lesquelles Comey faisait partie des causes de son échec face à une vedette de téléréalité – elle rajoute que : « notre tâche a été rendue beaucoup plus difficile à cause de textos et courriers, échangés sur les appareils et les systèmes du FBI, par cinq employés du FBI impliqués dans l’enquête du milieu de l’année ». Selon The Hill, Midyear était le nom de code de l’enquête sur les courriels Clinton.
« Ces messages reflétaient des opinions politiques en faveur de l’ancienne secrétaire d’État Clinton et contre son adversaire politique de l’époque, Donald Trump. Certains de ces textos et courriers mêlent des commentaires politiques à des discussions sur l’enquête à mi-année et soulèvent la crainte que des préjugés politiques aient pu avoir un impact sur les décisions de l’enquête », écrit l’inspection générale elle-même.
Lauria conteste la conclusion de l’inspecteur général selon laquelle le FBI n’a pas agi politiquement. Les agents du FBI, Peter Strzok et Lisa Page – qui ont tous deux travaillé sur l’affaire Clinton et sur l’affaire dite « de l’ingérence russe » – ont échangé quelque 40 000 textos et étaient amants.
« Hillary devrait gagner à 100.000.000 contre 1 » dit Strzok dans l’un des textes envoyé à Page et cité par l’inspection générale.
« Je suis en colère. Trump est un p**ain d’idiot, incapable de fournir une réponse cohérente », dit-il dans un autre texte.
Un des échanges semble on ne peut plus politiquement chargé : « [Trump] ne deviendra jamais président, n’est-ce pas ? N’est-ce pas ? » demande Page à Strzok. « Non. Non, il ne le sera pas. Nous allons l’en empêcher », lui répond Strzok.
Selon Lauria, le fait que les deux agents travaillaient à la fois sur l’enquête russe et l’enquête Clinton est particulièrement révélateur. « Nous avons l’inspection générale qui dit que [Strzok] a donné la priorité à l’enquête sur la Russie par rapport à celle sur les courriels de Clinton. Mais qui en arrive pourtant à la conclusion qu’il n’y a eu aucun parti pris politique de la part de quiconque au FBI. Je ne comprends pas comment elle peut en arriver à cette conclusion », nous déclare-t-il.
Une certaine justice poétique nous a également été servie dans les conclusions de l’IG. Celle-ci rapporte que Comey a utilisé un compte Gmail personnel pour son travail officiel au FBI, une conduite presque identique à celle qui a servi de prétexte à l’enquête de mi-année. « L’utilisation par Comey d’un compte de courriel personnel était ‘incompatible’ avec les règles du FBI », a déclaré l’inspecteur général, tel que rapporté par le Huffington Post.
Jeudi soir, le directeur du FBI, Chris Wray, a déclaré aux journalistes que le rapport de l’inspection générale ne mettait en doute « en aucune façon » l’intégrité du FBI. Wray a également déclaré que le FBI « acceptait » ces conclusions et les suggestions faites par l’inspecteur général, y compris la partie du rapport concluant que des employés du FBI « à tous les niveaux de l’organisation » étaient « en contact fréquent avec les journalistes ».
Cette épidémie de fuites de la part du FBI est tellement hors de contrôle que l’IG en a conclu que « le grand nombre d’employés du FBI qui a été en contact avec des journalistes pendant cette période a eu un impact sur notre capacité à identifier les sources de ces fuites ». Wray a dit que le FBI allait mettre en place une nouvelle politique pour réguler les rapports des agents du FBI avec les journalistes.
Sputnik News
Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone.
Ping : L’UE peut-elle devenir un partenaire pour la Russie ? – Le Saker Francophone – DE LA GRANDE VADROUILLE A LA LONGUE MARGE