Le second tour de la présidentielle colombienne décidera de son «partenariat mondial» avec l’OTAN


Par Andrew Korybko – Le 6 juin 2018 – Source Oriental Review

The President of Colombia visits NATOLa Colombie est sur le point de devenir le premier « partenaire mondial » latino-américain de l’OTAN, alors que le pays se dirige vers un second tour de scrutin présidentiel dans quelques jours.

Le bloc transatlantique voit dans le pays sud-américain un formidable allié doté d’un potentiel stratégique, économique et militaire impressionnant. L’économie colombienne est l’une des plus performantes de l’hémisphère sud et elle fait également partie du bloc commercial « Pacific Alliance » avec le Mexique, le Pérou et le Chili. Avec près de 50 millions de personnes, elle représente un énorme bassin de main-d’œuvre et un marché d’avenir. L’importance régionale du pays augmente également en raison de ses exportations de pétrole et de charbon. La fin de la guerre civile à l’été 2016 a également apporté une stabilité indispensable pour libérer ces potentiels, et le partenariat militaire historique de Bogota avec Washington en a fait un choix naturel pour l’expansion stratégique de l’OTAN dans l’hémisphère.


À ce propos, les États-Unis apportent un soutien massif à la Colombie dans sa guerre contre les rebelles communistes depuis des décennies. Ce conflit ayant officiellement pris fin il y a deux ans, le pays fonctionne maintenant comme un tremplin central pour l’OTAN, comme un nœud entre le Nord et le Sud de l’Amérique avec le potentiel d’être utilisé comme proxy contre les pays multipolaires de l’ALBA, le Venezuela et le Nicaragua. Le premier est un voisin direct de la Colombie qui souffre déjà depuis des années d’une guerre hybride soutenue par les États-Unis, responsable d’une crise migratoire régionale fortement politisée, alors que le Nicaragua a eu récemment un différend maritime avec Bogotá dans la mer des Caraïbes qui pourrait être ravivé en cas de provocations. La Colombie pourrait donc théoriquement être utilisée par l’OTAN pour faire progresser ses objectifs unipolaires dans la région.

Duque wins 1st round of Colombian presidential election

Le candidat à la présidentielle du Parti du Centre démocratique, Ivan Duque (CR), célèbre sa victoire après avoir reçu le plus de votes au premier tour des élections présidentielles. Il est accompagné de sa famille, à Bogota, Colombie, le 27 mai 2018. Avec 99,8% des votes comptés, Duque a obtenu 39,13% avec plus de 7,5 millions de voix, tandis que le candidat de gauche, Gustavo Petro, a recueilli 4,8 millions de voix (25,9%). Duque et Petro participeront au deuxième tour de la présidencielle colombienne le 17 juin.

L’expansion de l’« Opération Condor 2.0 », qui correspond à l’opération de démantèlement, par les États-Unis et à l’échelle de l’hémisphère Sud, des évolutions de ces 10 dernières années [des changements « socialistes », NdT] évoque fortement ce qui s’est passé au milieu de l’ancienne guerre froide. Le tout pourrait soit se réchauffer, soit être compromis en fonction des résultats du second tour des élections présidentielles. Le successeur « choisi » et très à droite, de l’actuel président « lame duck », a obtenu, le week-end dernier, 15% de votes de plus que son concurrent de gauche le plus performant, mais pas assez pour s’imposer. Si le sénateur Ivan Duque garde la tête, il promet de reconsidérer certaines clauses importantes de l’accord de paix de 2016 avec les FARC, qui pourraient relancer les hostilités dans le pays, alors que l’ancien maire de Bogota, Gustavo Petro, fait campagne sur un agenda semi-socialiste qui pourrait révolutionner le pays.

Clairement, la victoire potentielle de Duque ferait tomber le pays dans les mains de l’OTAN à la fois régionalement pour des raisons anti-ALBA déjà expliquées mais aussi intérieurement en fournissant au bloc une possibilité de combat valable [justifiant sa présence, NdT] si le conflit des FARC réapparaissait. Le choix Petro mettrait en danger tout cela avec sa révolution socio-économique qui aurait forcément des conséquences géopolitiques.

Le post présenté est la transcription partielle du programme radiophonique CONTEXT COUNTDOWN sur Sputnik News, diffusé le vendredi 01 juin 2018.

Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Ce texte sera inclus dans son prochain livre sur la théorie de la guerre hybride. Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.

Traduit par Hervé, relu par Cat pour le Saker Francophone

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