Par Moon of Alabama – Le 23 janvier 2018
L’administration Trump veut liquider l’accord nucléaire avec l’Iran. Les grands pays européens veulent conserver l’accord dans sa forme mais ils cherchent activement des motifs d’imposer de nouvelles sanctions à l’Iran, notamment à propos des missiles balistiques iraniens. Un examen détaillé de la question montre que les pays européens interprètent délibérément de travers les résolutions de l’ONU et trompent le public sur leurs motivations réelles.
Elijah Magnier vient de publier un excellent article sur l’historique des efforts américains pour contrecarrer l’Iran au Moyen-Orient et le faire revenir sous leur tutelle. Il évoque l’accord nucléaire avec l’Iran et les efforts du gouvernement Trump pour l’abolir. L’accord a été cosigné par trois pays européens, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne, ainsi que par la Russie et la Chine. Magnier écrit :
« L’Iran ne renégociera pas l’accord nucléaire et il compte sur l’Europe pour maintenir fermement son engagement envers l’accord. L’Europe a besoin de l’Iran parce que la République islamique jour un rôle dans la sécurité nationale du continent et constitue une protection avancée contre le terrorisme. L’Europe en a assez des guerres […]
Les Iraniens et leurs alliés sont les partenaires que l’Europe recherche dans son effort pour prendre du recul par rapport aux États-Unis, ce continent lointain qui est moins vulnérable que l’Europe au terrorisme et aux terroristes. »
Magnier se trompe dans son analyse de la position européenne.
1. Les gouvernements européens se soucient autant du terrorisme que le gouvernement américain, ce qui signifie qu’ils ne s’en soucient pas du tout. N’oubliez pas que la guerre contre la Libye, menée avec l’aide des Takfiris du groupe de combat islamique libyen payés par le Qatar, a été planifiée par le président français Sarkozy et le premier ministre britannique Cameron un an avant son lancement. Kadhafi a été tué, la Libye a été noyée dans le sang, et le terrorisme a prospéré. Le retour de bâton est arrivé en mai 2017 lorsqu’un Takfiri libyen s’est fait sauter en tuant plus de 20 personnes à Manchester, au Royaume-Uni. Personne n’a été considéré comme responsable. Au contraire, les Européens répètent le même scénario en Syrie en s’entêtant à soutenir les attaques terroristes contre le gouvernement légitime syrien.
2. Les Européens veulent tout autant soumettre à nouveau l’Iran à un régime de sanctions strictes que les États-Unis. Les Européens ne veulent pas rompre officiellement l’accord nucléaire. (Ils craignent que des entreprises veuillent être indemnisées). Mais ils cherchent activement le moyen de le contourner. Ils essaient de pousser l’Iran à rompre l’accord, en prétendant que le programme de missiles balistiques iranien viole l’accord nucléaire et les résolutions des Nations Unies. S’ils utilisent ce prétexte pour appliquer des sanctions unilatérales ou pour « réactiver » les anciennes, l’Iran n’aura guère d’autre choix que de déclarer l’accord nul et non avenu.
Voyez vous-mêmes ces grands titres :
- Le ministre allemand des Affaires étrangères dit comprendre la réaction des États-Unis au test iranien de missiles – 3 février 2017 ;
- La France et l’Allemagne veulent que l’Iran revienne sur son programme de missiles balistiques – 4 décembre 2017 ;
- Les pays de l’UE défendent l’accord nucléaire avec l’Iran mais sont préoccupés par les missiles balistiques de Téhéran… – 11 janvier 2018 ;
- L’Allemagne réfléchit à de nouvelles sanctions contre l’Iran – 20 janvier 2018. L’Allemagne essaie de convaincre ses alliés européens d’imposer de nouvelles sanctions à l’Iran pour empêcher le président américain Donald Trump de mettre fin à un accord international limitant le programme nucléaire de Téhéran, a expliqué samedi le magazine Der Spiegel ;
- La France déclare que l’Iran ne respecte pas le document de l’ONU sur les missiles balistiques – 22 janv. 2018.
Ces pays européens disent que Trump veut absolument qu’ils fassent un geste et que c’est pour ça qu’ils se penchent sur la question des missiles balistiques :
« La stratégie pourrait notamment consister à menacer l’Iran de sanctions économiques ciblées s’il n’accepte pas de réduire son arsenal d’armes balistiques dont l’Occident estime qu’il contient des missiles à plus longue portée potentiellement capables de transporter des ogives nucléaires. »
Mais qui voudra croire que Trump fera autre chose que de prendre tout ce que les Européens offrent avant de poursuivre tout simplement sa route ? Si Trump veut rompre l’accord nucléaire, les Européens devraient le laisser faire pour ne pas encore aggraver la situation.
En outre, l’affirmation selon laquelle ces Européens se mettent à incriminer les missiles balistiques iraniens à cause de Trump est profondément malhonnête. Ces mêmes pays européens ont commencé leur campagne sur la prétendue violation des missiles balistiques iraniens sous la présidence d’Obama. Comme DW l’a écrit le 30 mars 2016 (!) :
« Les États-Unis et leurs alliés européens ont accusé l’Iran de ne pas respecter une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies en testant des missiles nucléaires.
Les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne ont dénoncé ce fait, mardi, dans une lettre conjointe adressée à l’ambassadeur d’Espagne auprès des Nations Unies et au chef de l’ONU Ban Ki-moon. Dans cette lettre, des responsables américains et européens ont déclaré que les récents essais balistiques de l’Iran impliquaient des missiles capables de lancer des armes nucléaires, ‘au mépris de’ la Résolution 2231 du Conseil de sécurité, adoptée en juillet dernier.
L’Iran avait lancé des missiles qui ‘étaient intrinsèquement capables de lancer des armes nucléaires’ a indiqué la lettre qui demandait au Conseil de sécurité d’examiner les mesures appropriées à prendre pour remédier au non-respect par Téhéran de ses obligations. »
Cette lettre de 2016 était basée sur deux mensonges. Comme nous le verrons en détail ci-dessous, la Résolution 2231 (2015) du Conseil de sécurité des Nations Unies n’interdit PAS les activités de missiles balistiques en Iran. Elle n’interdit absolument PAS les missiles « intrinsèquement capables de lancer des armes nucléaires ». Elle ne le demande même pas. L’Iran n’a pas plus agi « au mépris » de quoi que ce soit que quelqu’un qui refuse de « s’en laisser mettre plein la g… » (vidéo).
Comme DW l’a écrit à juste titre :
« Les diplomates du Conseil ont déclaré que les arguments en faveur de nouvelles sanctions des Nations Unies contre l’Iran étaient faibles. En outre, les responsables occidentaux ont déclaré que même si les lancements allaient contre la Résolution 2231, ils ne constituaient pas une violation de l’accord nucléaire de base…
(…)
Selon des diplomates, les principales puissances reconnaissent que le libellé de la résolution n’est pas juridiquement contraignant et ne peut justifier le recours à des sanctions ou à la force militaire. Mais les pays occidentaux considèrent qu’il s’agit d’une interdiction, et ils affirment que l’Iran a l’obligation politique de s’y conformer.
L’Iran nie que ses missiles soient capables de transporter des armes nucléaires…
(…)
Un blâme du Conseil de sécurité pourrait fournir un cadre juridique permettant aux États-Unis et aux pays européens d’envisager de nouvelles sanctions contre l’Iran, selon des diplomates occidentaux. La France a également suggéré d’imposer des sanctions européennes unilatérales pour les lancements de missiles iraniens. »
Les Européens prétendent maintenant vouloir pressurer l’Iran sur les missiles balistiques pour empêcher Trump de rompre l’accord nucléaire. C’est un mensonge manifeste. Les mêmes trois pays européens ont commencé à faire pression sur l’Iran à propos des missiles balistiques, en contournant l’accord nucléaire, bien avant que Trump ne rêve de devenir président des États-Unis.
Le programme iranien de missiles balistiques
L’Iran a de bonnes raisons d’avoir une force de missiles balistiques. Pendant la guerre Irak–Iran, l’armée irakienne a lancé une guerre des villes contre l’Iran. Cinq grandes vagues de raids aériens et des dizaines de missiles balistiques dotés d’armes conventionnelles et chimiques ont frappé les villes iraniennes et fait des milliers de victimes parmi la population civile. L’Iran n’avait aucun moyen de se défendre contre ces attaques, ni de riposter. Comme le note l’article de Wikipédia sur la Guerre des villes mentionnée ci-dessus :
« Cette guerre est à l’origine du lancement du programme de missiles iranien par le corps des Gardiens de la révolution islamique. »
Actuellement, deux des voisins immédiats de l’Iran possèdent des missiles balistiques de moyenne portée. L’Arabie saoudite possède une force de missiles balistiques d’anciens missiles chinois DF-3 et de nouveaux missiles chinois CSS-5 (DF-21). Les deux types de missiles ont une portée de 2500 à 4000 km et une capacité de charge utile allant jusqu’à 2 tonnes. Le Pakistan, voisin oriental de l’Iran, dispose d’une importante force de missiles balistiques armés d’ogives conventionnelles et nucléaires. Israël a des missiles balistiques de moyenne portée, probablement nucléaires, qui peuvent frapper l’Iran. Les États-Unis ont, bien sûr, une force de missiles d’envergure mondiale.
Trois des principaux adversaires de l’Iran, l’Arabie saoudite, Israël et les États-Unis, ont des missiles capables de frapper l’Iran. L’Iran ne veut pas revivre la guerre Irak–Iran. L’Iran n’abandonnera jamais sa force de missiles balistiques. Ces missiles sont son seul moyen de dissuader ses voisins wahhabites et sionistes ainsi que l’Empire américain de lancer leurs missiles sur les villes iraniennes. L’Iran rejette donc toute négociation sur ses programmes de missiles balistiques, mais il a notablement restreint ses forces actives.
Le Guide suprême iranien a volontairement limité la portée des missiles balistiques iraniens :
« S’exprimant en marge d’une conférence à Téhéran, le général Mohammad Ali Jafari [le chef de la Garde révolutionnaire paramilitaire] a déclaré aux journalistes que la capacité des missiles balistiques iraniens était ‘suffisante pour le moment’. La Garde gère le programme de missiles iranien et ne rend des comptes qu’à Khamenei.
‘Aujourd’hui, la portée de nos missiles, comme le dicte la politique du chef suprême de l’Iran, est limitée à 2 000 kilomètres, même si nous sommes capables d’augmenter leur portée’ a-t-il dit. »
Le programme iranien de missiles balistiques ne vise évidemment pas l’Europe. Ses missiles ne peuvent atteindre aucune ville européenne. Les pays européens n’ont aucune raison de s’inquiéter. Cela pourrait toutefois changer si l’Europe se montrait hostile envers l’Iran.
Aucun gouvernement européen n’a encore donné une explication plausible de la raison pour laquelle le programme iranien de missiles balistiques devrait être plus inquiétant que celui de l’Arabie saoudite ou d’Israël.
La teneur des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies sur les missiles balistiques de l’Iran
Pour comprendre tous les aspects juridiques, nous devons remonter dans l’histoire et dans la formulation des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies sur le sujet.
Avant l’accord nucléaire, la Résolution 1929 du Conseil de sécurité des Nations unies, adoptée le 9 juin 2010, limitait le programme iranien de missiles balistiques d’une manière juridiquement contraignante :
« Agissant en vertu de l’Article 41 du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, [le CSNU] [le Conseil de sécurité des Nations Unies].
[…] 9. Décide que l’Iran n’entreprendra aucune activité liée aux missiles balistiques capables de lancer des armes nucléaires, y compris des tests de lancement utilisant la technologie des missiles balistiques, et que les États prendront toutes les mesures nécessaires pour empêcher le transfert de technologie ou d’assistance technique à l’Iran en rapport avec ces activités. »
Notez les mots exacts utilisés pour décrire ces missiles balistiques : « missiles capables de lancer des armes nucléaires ».
Le 20 juillet 2015, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté à l’unanimité la Résolution 2231. Elle entérine le Joint Comprehensive Plan of Action (JCPOA), l’accord nucléaire, que les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies et l’Allemagne avaient négocié avec l’Iran.
Dans la nouvelle résolution, le Conseil de sécurité des Nations Unies décide au point 7 que :
a) Les dispositions des résolutions 1696 (2006), 1737 (2006), 1747 (2007), 1803 (2008), 1835 (2008), 1929 (2010) et 2224 (2015) sont abrogées ;
Ce paragraphe lève toutes les anciennes restrictions imposées aux activités de l’Iran dans le domaine des missiles balistiques. Les limitations de la Résolution 1929 (2010) du Conseil de sécurité des Nations unies sur les missiles balistiques ne s’appliquent plus.
[Petite digression sur le « retour en arrière »]
Il y a une question épineuse soulevée par les paragraphes 10 à 15 du point 7 ci-dessus de la Résolution 2231 du Conseil de sécurité des Nations Unies qui a pour titre « Application des dispositions des résolutions antérieures ». La résiliation des anciennes résolutions et sanctions peut, sous certaines conditions, être elle-même résiliée. Il s’agit des dispositions de « retour en arrière » que l’administration Obama a maintenues en dépit des critiques. Un reportage de la radio publique nationale a expliqué le processus :
« Voici comment cela fonctionnerait : si les responsables américains estimaient que l’Iran viole l’accord, ils en référeraient au Conseil de sécurité. À partir de ce moment, des sanctions seraient imposées automatiquement – une première entorse étonnante à l’accord. Si les membres du Conseil de sécurité – la Russie, la Chine ou d’autres – prenaient la défense de l’Iran, ils ne pourraient bloquer les nouvelles sanctions qu’en adoptant une nouvelle résolution.
Cela pourrait être stoppé par un véto américain. Les États-Unis sont l’un des cinq membres permanents du Conseil disposant, comme la Grande-Bretagne, la France, la Russie et la Chine, d’un droit de véto.
En d’autres termes, au lieu que les sanctions puissent faire l’objet d’un véto des cinq membres permanents du Conseil de sécurité, le texte renverse la situation et donne aux États-Unis (ou à d’autres) le pouvoir d’empêcher toute tentative de bloquer la mise en place de sanctions. »
Pour que la disposition de « retour en arrière » s’applique, il suffit que les États-Unis ou d’autres États « avisent » le Conseil de sécurité des Nations-Unies qu’ils ont identifié une situation qui, selon eux, constitue un manquement important aux engagements pris en vertu du JCPOA, l’accord nucléaire.
Le Guide suprême iranien Khamenei a déclaré qu’un tel « retour en arrière » des sanctions, fondé sur des allégations douteuses, serait considéré par l’Iran comme une violation de l’accord nucléaire.
Les Américains et les Européens de l’Ouest semblent croire que ce processus alambiqué destiné à réintroduire l’ancien régime de sanctions contre l’Iran peut être déclenché par leurs plaintes sur les activités des missiles balistiques iraniens. Une lecture approfondie de la résolution montre que ce n’est pas du tout le cas.
[Fin de la digression sur le « retour en arrière »]
La nouvelle Résolution 2231 (2015) ne fait aucune mention des missiles balistiques. Mais elle comporte deux annexes. L’annexe A est une copie du JCPOA tel qu’adopté à Vienne le 14 juillet 2015 par toutes les parties, y compris l’Iran. L’annexe B est simplement titrée « Déclaration ». Elle accompagnait le JCPOA mais n’a été signée que par les 5+1 États, pas par l’Iran. Le statut juridique exact de la « Déclaration » figurant à l’annexe B de la résolution n’est pas clair (du moins pour moi). Mais même si nous considérons qu’il s’agit d’une partie contraignante de la résolution, elle ne fournit pas l’appui juridique nécessaire aux allégations actuelles contre l’Iran.
Voilà ce que dit l’annexe B :
3. L’Iran est invité à ne pas entreprendre d’activités liées aux missiles balistiques conçus pour être capables de lancer des armes nucléaires, y compris des lancements utilisant cette technologie de missiles balistiques, pendant huit ans après le Jour d’adoption du JCPOA ou jusqu’au […]?
Ce point 3 de l’annexe B est le seul point de la résolution 2231 (2015) du Conseil de sécurité des Nations unies qui concerne les missiles balistiques iraniens actuels.
Ainsi donc :
- La résolution 2231 (2015) lève la disposition stricte et juridiquement contraignante (« décide ») de la Résolution 1929 (2010) contre tous les missiles balistiques en Iran.
- La Résolution 2231 (2015) introduit un nouveau point en annexe qui demande à l’Iran, d’une manière juridiquement non contraignante (« l’Iran est invité à… ») de limiter ses activités en matière de missiles balistiques.
- Il y a un changement important dans le libellé de la description des missiles balistiques concernés entre les deux résolutions. Alors que la Résolution 1929 (2010) parle de « missiles capables de lancer des armes nucléaires », celle de 2231 (2015) parle de « missiles conçus pour être capables de lancer des armes nucléaires ».
Certaines personnes, comme l’ambassadeur des États-Unis auprès des Nations Unies et certains ministres européens, tentent de s’appuyer sur la clause dans laquelle l’Iran « est invité à » de l’annexe B de la déclaration pour accuser l’Iran de violer la résolution.
C’est ridicule. L’ONU a publié des « lignes directrices éditoriales » pour la rédaction des résolutions. L’expression « est invité à » est listée avec les verbes de faible intensité et non avec les verbes impératifs comme « décide » ou « exige ». L’Institut européen pour la paix a écrit à propos des résolutions de l’ONU que :
B] Les paragraphes contraignants commencent par « décide » et non par « exhorte », « invite » ou « appelle ».
L’expression « est invité à » dans les résolutions de l’ONU n’est pas contraignante. C’est la manière diplomate de dire « s’il vous plaît ». Dire « Non ! » à quelqu’un qui vous dit « s’il te plaît » n’est pas violer une « obligation ». Ce n’est pas agir contre « l’esprit » de quoi que ce soit. Le fait de ne pas se soumettre à une demande formulée sous forme d’« invitation » ne constitue PAS une violation d’une résolution. Elle ne peut donc pas déclencher de conséquences juridiques.
En outre, le changement de formulation de la description des missiles balistiques de 1929 (2010) à 2231 (2015) reconnaît le fait qu’il existe des types de missiles balistiques auxquels même la clause dans laquelle il « est invité à » ne s’applique pas.
L’ancienne formulation désignait pratiquement tous les missiles qui avaient une certaine capacité de levage et permettaient d’avoir une charge utile théoriquement assez grande pour contenir une arme nucléaire. Cette première formulation inclut, par exemple, les missiles développés pour lancer des satellites dans l’espace ainsi que certains missiles d’artillerie conventionnels à courte portée.
La seconde, la nouvelle formulation est beaucoup plus restrictive. Elle ne s’applique qu’aux missiles qui sont sciemment « conçus », c’est-à-dire développés et mis au point, pour avoir la capacité d’une arme nucléaire. La spécificité technique d’une telle « conception » doit aller bien au-delà de la simple mise à disposition d’une certaine capacité de levage et d’une certaine taille de charge utile telle qu’elle est utilisée pour les lanceurs spatiaux ou les missiles balistiques conventionnels. Une formulation aussi précise et nuancée que celle utilisée dans les résolutions n’aurait autrement aucun sens. Les auteurs et les rédacteurs juridiques de ces résolutions n’utilisent pas un langage technique différent pour des questions identiques.
L’Iran dit qu’aucun de ses missiles n’est « conçu pour être capable de lancer des armes nucléaires ». Ainsi, même la clause non contraignante dans laquelle il « est invité à » ne leur est pas applicable.
Il est intéressant de noter que le changement de formulation sur les missiles balistiques entre les deux résolutions s‘est fait contre la volonté de l’administration Obama. Comme l’a rappelé Philip Gordon, le coordinateur de la Maison-Blanche pour le Moyen-Orient au sein de l’administration Obama :
« Lorsque M. Obama a cherché à inclure l’interdiction des missiles balistiques dans l’accord avec l’Iran, ou du moins à étendre une résolution précédente du Conseil de sécurité les interdisant, non seulement la Russie et la Chine, mais aussi nos alliés européens dans les négociations nucléaires ont refusé. Ils ont fait valoir que l’interdiction des missiles balistiques n’a été mise en place en 2010 que pour faire pression sur l’Iran afin qu’il conclue un accord nucléaire, et ils ont refusé de la prolonger une fois cet accord conclu. »
Les commentateurs, à l’exception des plus anti-Iran, valident le changement de texte entre les résolutions 1929 et 2231 et ne voient aucune violation du programme de missiles balistiques iranien.
Mais, maintenant, les Européens essaient de revenir en arrière. Tout en essayant de maintenir l’accord nucléaire formellement intact, ils tentent de monter un nouveau dossier contre l’Iran sur la base de cette absurde histoire de missiles balistiques.
Conclusions
- L’affirmation des trois pays européens selon laquelle ils veulent pressurer l’Iran sur les missiles balistiques uniquement pour apaiser Trump et le faire adhérer au JCPOA est un mensonge. Ils ont utilisé les mêmes moyens de pression inefficaces en 2016 sous l’administration Obama.
- L’affirmation selon laquelle le programme de missiles balistiques actuel de l’Iran relève de la définition des missiles de la Résolution 2231 est fausse. Rien ne prouve que des missiles balistiques iraniens aient été spécifiquement « conçus pour être capables de lancer des armes nucléaires ».
- Même s’il existait de telles preuves, l’Iran n’aurait pas violé la résolution 2231. L’expression « est invité » utilisée dans le paragraphe concerné n’est pas contraignante. (L’affirmation implicite selon laquelle la déclaration figurant à l’annexe II fait partie intégrante de la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies pourrait également être contestée).
Tout ce qui précède montre que les Européens font preuve de malhonnêteté envers l’Iran. Ils veulent garder intact l’accord nucléaire officiel, et, en même temps, prendre des mesures hostiles contre l’Iran en réintroduisant des sanctions contre lui ou en en créant de nouvelles. L’Iran ne peut ni ne doit attendre le moindre soutien de l’Europe.
Traduction : Dominique Muselet
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