Les options anglosionistes d’attaque contre l’Iran


2015-09-15_13h17_31-150x112Par le Saker – Le 3 août 2018 – Source The Saker

Ces derniers jours, l’Internet a été submergé par une rumeur franchement idiote selon laquelle les États-Unis sollicitent l’aide de l’Australie pour préparer une attaque contre l’Iran.  Inutile de dire que ce récit n’explique pas quelles seraient les capacités de l’Australie que les États-Unis n’auraient pas, mais peu importe. Pourtant, le propos a été repris en de trop nombreux endroits pour être ignoré (voir ici, ici et ici ). D’un de ces articles, Eric Margolis a décrit de quoi une telle attaque américaine pourrait avoir l’air.  Il vaut la peine de le citer intégralement.

Aperçu d’une éventuelle attaque anglosioniste contre l’Iran

Les États-Unis et Israël éviteront sûrement une campagne terrestre massive et coûteuse contre l’Iran, un pays vaste et montagneux qui a été prêt à subir un million de victimes dans sa guerre de huit ans contre l’Irak qui a débuté en 1980. Cette guerre effroyable avait été fomentée par les États-Unis, la Grande-Bretagne, le Koweït et l’Arabie saoudite pour renverser le nouveau gouvernement populaire islamique d’Iran.

Le Pentagone a prévu une guerre aérienne de haute intensité contre l’Iran à laquelle Israël et les Saoudiens pourraient très bien se joindre. Le plan prévoit plus de 2300 frappes aériennes contre des cibles stratégiques iraniennes : aérodromes et bases navales, entrepôts d’armes et de pétrole, dépôts de carburant et de lubrifiants, nœuds de communication, radars, usines, quartiers généraux militaires, ports, ouvrages hydrauliques, aéroports et unités des Gardes de la révolution.

L’état des défenses aériennes iraniennes va de faibles à inexistantes. Des décennies d’embargos militaires et commerciaux dirigés par les États-Unis ont laissé l’Iran aussi décrépit et affaibli que l’était l’Irak lorsque les États-Unis l’ont envahi en 2003. Les canons des blindés iraniens des années 1970 sont tordus et ne peuvent pas tirer droit, les vieux missiles air-air britanniques et soviétiques sont pour la plupart inutilisables et les anciens chasseurs MiG soviétiques et chinois sont bons pour le musée, notamment ses antiques Tomcats F-14 construits par les Américains, copies chinoises de MiG-21 obsolètes et une poignée de F-4 Phantoms datant de la guerre du Vietnam, à peine fonctionnels.

Le commandement du combat aérien ne vaut pas mieux. Tout ce que l’Iran possède d’électronique sera grillé ou explosé dans les premières heures d’une attaque américaine. Sa petite marine sera coulée dans les attaques initiales. Son industrie pétrolière pourrait être détruite ou partiellement préservée, suivant les plans d’après-guerre américains pour l’Iran.

La seule manière de riposter pour Téhéran est d’organiser des attaques de commando isolées contre les installations américaines sans valeur décisive au Moyen-Orient et, bien sûr, de bloquer le mince détroit d’Ormuz qui voit transiter les deux-tiers des exportations de pétrole du Moyen-Orient. La Marine américaine, basée tout près à Bahreïn, s’entraîne depuis des décennies à combattre cette menace.

Il y a beaucoup d’éléments intéressants dans cette description et je pense qu’il vaut la peine de l’examiner segment par segment.

Premièrement, je ne peux qu’être d’accord avec Margolis que ni les États-Unis ni Israël ne veulent une guerre terrestre contre l’Iran : le pays est trop grand, les Iraniens trop bien préparés et la taille de la force nécessaire pour une telle campagne est bien au-delà de ce que l’Empire peut actuellement rassembler.

Deuxièmement, Margolis a absolument raison lorsqu’il dit que l’Iran n’a pas les moyens de stopper une attaque anglosioniste déterminée (avec missiles et aviation). L’Iran a quelques capacités de défense aérienne modernes, et les attaquants subiront un certain nombre de pertes, mais à ce stade, la disparité de taille est si énorme que les Anglosionistes atteindront la supériorité aérienne assez rapidement et que cela leur donnera la possibilité de bombarder ce qu’ils veulent (davantage d’informations à ce sujet plus tard).

Aparté

Évaluer les défenses aériennes de l’Iran ne consiste pas seulement à compter les missiles et les lanceurs, c’est beaucoup plus que cela.Selon une source russe l’Iran possède 4 systèmes de missiles aériens de longue portée S-300PMU-2 (avec des missiles d’interception 48Н6Е2 Mach 6,6), 29 complexes de missiles militaires anti-aériens autopropulsés Tor-M1, quelques complexes de missiles anti-aériens assez avancés comme le Bavar-373, un radar à balayage électronique passif (dont le système d’illumination et de guidage inclut presque certainement de l’électronique chinoise moderne) et un nombre impressionnant de systèmes radar d’alerte rapide de fabrication russe, chinoise et iranienne.

Cette catégorie inclut des systèmes comme le radar à haut potentiel de détection et de désignation de cible à longue portée Najm-802 (il a 5120 modules de réception et de transmission, il fonctionne au décimètre S de portée et il est conçu pour détecter des cibles balistiques et les petits éléments d’armes de haute précision), le système radar russe d’alerte et de contrôle précoce Nebo-SVU doté d’un radar à réseau fixe, ainsi qu’un radar d’alerte précoce du type « Ghadir ». Plus important encore, ces radars sont tous intégrés au réseau centralisé du système de défense antimissile de l’Iran. Par exemple, le radar « Ghadir » est en mesure de détecter non seulement les chasseurs tactiques de l’US Air Force, de l’Arabie saoudite et d’Israël, mais également des missiles balistiques immédiatement après leur lancement (à une distance d’environ 1100 km).

Résultat, la présence d’unités de radio d’installations de détection radar multi-bandes dans la direction occidentale (le golfe Persique) permettra aux Iraniens de préparer une défense aérienne flexible pour se prémunir contre des frappes de missiles de haute intensité. Et pourtant, peu importe à quel point les Iraniens ont amélioré leurs défenses aériennes, le simple nombre des missiles de pointe (y compris le nouveau AGM-158 JASSM (Joint Air-to-Surface Standoff Missile), missile de croisière à signature radar réduite lancé par des bombardiers B-1B, signifie que les défenses iraniennes seront inévitablement submergées par une attaque massive.

Je suis donc également d’accord avec Margolis lorsqu’il dit que l’industrie pétrolière iranienne ne peut pas être protégée contre une attaque israélo-américaine déterminée. En fait, toute l’infrastructure iranienne est vulnérable à une attaque.

Le paragraphe final de Margolis donne cependant l’impression que l’Iran n’a pas d’options de riposte crédibles et je ne suis pas du tout d’accord.

Premier exemple : les capacités iraniennes dans le détroit d’Ormuz

D’une part, la question du détroit d’Ormuz est beaucoup plus compliquée que « la Marine américaine s’entraîne depuis des décennies à combattre cette menace ». La réalité est que l’Iran a un très large éventail d’options pour rendre la navigation dans ce détroit pratiquement impossible. Ces options vont des mines sous-marines aux attaques d’embarcations rapides, aux missiles anti-navires, aux frappes d’artillerie côtière, etc.

Aparté

Il y a aussi un grand danger : les Israéliens et/ou les Américains pourraient très facilement organiser une attaque sous fausse bannière sur un bateau dans le détroit d’Ormuz, puis accuser l’Iran, il y aurait l’habituel élément de langage « hautement probable » de la part de toutes les agences de renseignement anglosionistes et, voilà, l’Empire aurait un prétexte pour attaquer l’Iran.

Effectivement, le simple fait de proférer une menace pour le transport maritime à travers cet étroit bras de mer pourrait bien dissuader les assurances de fournir une couverture à tous les bateaux et cela pourrait arrêter tout seul le transport maritime. Si cela ne suffisait pas, l’Iran peut toujours poser une quantité limitée de mines, et ce sera assez (veuillez garder à l’esprit que tandis que l’US Navy peut essayer de se lancer dans des opérations de déminage, le faire au large des côtes de l’Iran exposerait les dragueurs de mines à un danger d’attaque extrême).

Margolis mentionne ce problème lorsqu’il écrit :

« Bien que l’Iran soit en mesure d’interdire certaines exportations de pétrole des États arabes et de faire monter en flèche les tarifs d’assurances maritimes, il est peu probable qu’il soit capable de bloquer la majeure partie des exportations de pétrole, à moins d’attaquer les principaux terminaux pétroliers en Arabie saoudite et dans le Golfe avec des troupes terrestres. Pendant la guerre Iran–Irak, aucun côté n’a pu interdire totalement les exportations de pétrole de l’autre. »

Je pense toutefois que les capacités iraniennes sont largement sous-estimées dans ce contexte. Prenons un exemple, la force sous-marine iranienne.

Cette force est extrêmement spécialisée. Selon l’édition 2018 des équilibres militaires l’IISS [l’Institut international pour les études stratégiques], les Iraniens ont actuellement 21 sous-marins déployés :

  • 3 sous-marins de classe diesel-électrique (Kilo-class Project-877EKM russe)
  • 1 sous-marin côtier de la classe Fateh
  • 16 sous-marins miniatures de la classe Ghadir
  • 1 sous-marin miniature de la classe Nahand

Lorsque la plupart des gens entendent les mots « diesel-électrique », ils pensent à de vieux camions diesel et ne sont pas impressionnés, surtout s’ils sont comparés à des sous-marins d’attaque nucléaire supposément « avancés ». C’est toutefois une opinion très fausse parce que les sous-marins ne peuvent être évalués que dans l’environnement dans lequel ils sont destinés à fonctionner. La géographie navale est généralement divisée en trois types : les eaux bleues (haute mer), les eaux vertes (plateaux continentaux) et les eaux brunes (régions côtières).  Les sous-marins d’attaque nucléaire ne sont supérieurs que dans l’environnement de la haute mer où l’autonomie, la vitesse, la profondeur de plongée, la capacité de stockage des armes, les sonars avancés, etc., sont déterminants. En comparaison, si les sous-marins diesel-électriques sont plus lents, doivent revenir à la surface pour recharger leurs batteries et sont généralement plus petits et avec moins d’armes à bord, ils sont beaucoup mieux adaptés aux opérations en haute mer. Dans les eaux brunes peu profondes, ce sont les sous-marins miniatures qui règnent, ne serait-ce que parce que les sous-marins d’attaque nucléaire n’ont jamais été conçus pour intervenir dans un tel environnement. Maintenant, jetez un coup d’œil sur le genre d’environnement que constitue le détroit d’Ormuz :

Remarquez l’intéressante combinaison de profondeurs très faible et faible, typique des eaux brunes, puis d’un environnement d’eaux vertes lorsqu’on va plus loin dans le golfe d’Oman et la mer d’Arabie. Avec cela à l’esprit, voyons quelle sorte de force sous-marine l’Iran a acquise/développée :

Pour les opérations en eaux brunes (golfe Persique et détroit d’Ormuz), l’Iran dispose d’une flotte assez grande et habile de sous-marins miniatures. Pour les opérations en eaux vertes (le golfe d’Oman et la mer d’Arabie), il possède trois redoutables sous-marins de classe Taregh/Kilo (qui sont même capables de mener des opérations limitées en eaux bleues, quoique avec beaucoup moins d’autonomie, de vitesse, d’armement ou de sonars qu’un sous-marin d’attaque nucléaire). Exactement comme « diesel-électrique », le terme de sous-marin « miniature » donne l’impression qu’il s’agit d’un jouet ou, au mieux, d’un piratage primitif genre Tiers Monde qui pourrait au plus être utilisé pour la contrebande de drogue. En réalité, cependant, les « miniatures » iraniennes peuvent porter les mêmes torpilles lourdes (533 mm) que les Kilos, seulement en plus petites quantités. Cela signifie également qu’elles peuvent porter les mêmes missiles et mines. En fait, je dirais que les sous-marins « miniatures » iraniens de classe Ghadir représentent une menace beaucoup plus redoutable dans le golfe Persique que les sous-marins d’attaque nucléaires les plus avancés.

Aparté


Les États-Unis ont cessé de produire des sous-marins diesel-électriques il y a de nombreuses années parce qu’ils croyaient qu’étant une puissance hégémonique avec une Marine d’eaux bleues typique (centrée sur les porte-avions), ils n’avaient pas besoin de capacités en eaux vertes ou brunes. D’autres pays (comme la Russie, l’Allemagne, la Suède et d’autres) ont activement poursuivi un programme de sous-marins diesel-électriques (y compris ceux qu’on dit à « propulsion anaérobie » – AIP) parce qu’ils ont bien compris que ces sous-marins sont bien moins chers tout en étant mieux adaptés aux opérations défensives côtières. L’abandon des sous-marins diesel-électriques a pourtant été une autre erreur majeure des planificateurs de force américains ; témoin cet article à ce sujet. Le nouveau Littoral Combat Ship (LCS) et le destroyer de missiles guidés de classe Zumwalt étaient supposés pallier partiellement ce manque de capacités en eaux vertes et brunes, mais les deux se sont avérés être un désastre.

Sous-marin de classe Ghadir

Les sous-marins russes de classe Kilo sont parmi les plus silencieux et les plus lourdement armés jamais construits, et ils pourraient potentiellement représenter une menace majeure pour toute opération navale contre l’Iran. Nous pouvons cependant être à peu près sûrs que l’US Navy les suit 24 heures sur 24 et que les Kilos deviendraient une cible prioritaire (au port ou en mer) au tout début d’une attaque anglosioniste. Mais l’US Navy serait-elle aussi capable de suivre les sous-marins iraniens miniatures, beaucoup plus petits (et nombreux) ? Votre supposition est aussi bonne que la mienne, mais personnellement, j’en doute beaucoup, ne serait-ce que parce que ces sous-marins relativement petits sont très faciles à dissimuler. Jetez un coup d’œil sur cette photo d’un sous-marin de classe Ghadir et imaginez à quel point il serait facile de les cacher ou alors de créer un leurre ressemblant exactement à l’objet réel. Pourtant, une seule torpille de ce sous-marin miniature pourrait couler n’importe quel vaisseau dans le golfe Persique.

Bien que les États-Unis disposent d’une quantité de capacités de reconnaissance et de renseignement pour essayer de localiser puis de détruire ces menaces, nous savons aussi que les Iraniens ont eu des décennies pour se préparer à ce scénario et qu’ils sont de véritables maîtres dans ce qu’on appelle maskirovka dans la terminologie militaire russe : une combinaison de camouflage, de tromperie, de dissimulation et de fausses informations. En fait, ce sont les Iraniens qui ont formé le Hezbollah au Liban dans cet art et nous savons tous ce qui est arrivé aux Israéliens lorsqu’ils ont pénétré avec confiance au Sud-Liban, uniquement pour découvrir que malgré toutes leurs capacités de reconnaissance et de renseignement, ils étaient même incapables de faire face à des moyens même assez primitifs (techniquement parlant) du Hezbollah en termes de missiles. Pour tous les patriotes qui agitent les drapeaux, la vérité est que si les Iraniens décident de bloquer le détroit d’Ormuz, la seule possibilité qui restera aux États-Unis sera de débarquer des forces armées sur les côtes iraniennes et de lancer une offensive terrestre limitée mais extrêmement dangereuse. À ce stade, que cette contre-attaque réussisse ou non sera sans importance, car il y aura tellement d’activité combattante dans cet étroit goulot d’étranglement que personne n’envisagera même d’y faire passer des bateaux.

Je crois aussi que Margolis se trompe lorsqu’il écrit que tout ce que l’Iran pourrait faire serait d’organiser « des attaques commandos isolées contre les installations américaines sans valeur décisive au Moyen-Orient ». Une option iranienne très réelle serait de frapper des cibles américaines (il y en a beaucoup au Moyen-Orient) avec différents missiles. En outre, l’Iran peut aussi lancer des missiles sur les alliés (Israël ou l’Arabie saoudite) ou les intérêts (champs pétroliers saoudiens) des États-Unis.

Deuxième exemple : les capacités iraniennes en matière de missiles

Je ne me fierais pas à tout ce que le SCRS (Service canadien du renseignement de sécurité) écrit (c’est une source très partiale, c’est le moins qu’on puisse dire), mais sur cette page, ils ont publié un assez bon résumé des capacités iraniennes actuelles en matière de missiles :

Sur la même page, le SCRS présente une liste plus détaillée des missiles actuels et développés :

(Vous pouvez aussi consulter cette page Wikipedia  pour comparer avec l’information du SCRS sur les missiles iraniens.)

La grande question n’est pas de savoir si l’Iran a des missiles performants mais combien exactement sont déployés. Personne ne le sait vraiment parce que les Iraniens restent délibérément très vagues, cela pour de très bonnes et évidentes raisons. Cependant, à en juger par l’exemple du Hezbollah, nous pouvons être presque sûrs que les Iraniens disposent de missiles en assez grand nombre pour constituer une capacité de dissuasion très crédible. Je dirais même qu’une telle force en termes de missiles ne représente pas seulement une capacité de dissuasion efficace mais également une capacité de combat très réelle. Pouvez-vous imaginer ce qui arriverait si les bases américaines (en particulier les bases aériennes et les installations navales) dans la région faisaient périodiquement l’objet d’attaques de missiles iraniens ? À en juger d’après l’expérience israélienne pendant la première Guerre du Golfe ou, d’ailleurs, la récente expérience saoudienne avec les missiles houthis, nous pouvons être pratiquement sûrs que les Patriots américains seront inutiles pour se défendre contre les missiles iraniens.

Bien sûr, exactement comme les Américains l’ont fait pendant la première guerre du Golfe, et les Israéliens en 2006, les Anglosionistes commenceront par une chasse massive des sites de missiles iraniens. Mais, à en juger d’après toutes les guerres récentes, ces chasses ne seront pas assez fructueuses et les Iraniens seront en mesure de soutenir des frappes de missiles pendant assez longtemps. Imaginez ce qu’une frappe de missiles, disons tous les deux ou trois jours, sur une base américaine dans la région ferait pour les opérations ou pour le moral !

La réalité : les États-Unis sont vulnérables dans l’ensemble du Moyen-Orient

Je n’ai énuméré ci-dessus que deux compétences spécifiques (sous-marins et missiles), mais on pourrait faire le même genre d’analyse avec les essaims de petits hors-bords iraniens, leurs aptitudes en termes de guerre électronique ou même de cyberguerre. Mais l’atout le plus redoutable des Iraniens est une population très raffinée et instruite, qui a eu des décennies pour se préparer à une attaque du « Grand Satan » et qui a clairement développé un éventail d’options asymétriques pour se défendre et défendre son pays contre l’attaque anglosioniste (probablement inévitable).

Vous avez probablement vu au moins une carte montrant les installations militaires américaines au Moyen-Orient (sinon, allez voir ici, ici ou ici).  Pour dire la vérité, le fait que l’Iran soit entouré de forces et de bases américaines représente une menace majeure pour l’Iran. Mais le contraire est également vrai. Toutes ces installations militaires américaines sont des cibles, souvent très vulnérables. En plus, l’Iran peut aussi utiliser des mandataires/alliés dans la région pour attaquer l’une ou l’autre de ces cibles. Je vous recommande vivement de télécharger cette fiche et de la lire en pensant à la possibilité que chaque installation listée devienne la cible d’une attaque iranienne.

La réponse que j’entends habituellement à ces arguments est que si les Iraniens osaient effectivement utiliser des missiles ou frapper les bases américaines dans la région, les représailles des États-Unis seraient absolument terribles. Pourtant, selon Eric Margolis, le but premier et principal d’une attaque américano-israélienne sur l’Iran serait de « détruire totalement l’infrastructure, les communications et les transports (y compris du pétrole) de l’Iran paralysant cette nation importante de 80 millions d’habitants et la ramenant à l’ère prérévolutionnaire ». Permettez-moi de vous poser cette simple question : si Margolis a raison – et personnellement, je pense que c’est le cas – en quoi ce résultat serait-il différent des représailles censément « absolument terribles » projetées par les États-Unis en cas de contre-attaque iranienne ? Autrement dit, si les Iraniens réalisent que les Anglosionistes veulent détruire leur pays (disons comme ce que les Israéliens ont fait au Liban en 2006), quelle nouvelle escalade pourrait les dissuader de contre-attaquer avec les moyens dont ils disposent ?

Pour répondre à cette question, nous devons de nouveau considérer la nature réelle du « problème iranien » pour les Anglosionistes.

Les véritables objectifs anglosionistes pour une attaque contre l’Iran

Tout d’abord et avant tout, il n’y a absolument aucune preuve que l’Iran a une sorte de programme nucléaire militaire. Le fait que les Israéliens le crient depuis des années urbi et orbi, ne le rend pas vrai. J’ajouterais que le bon sens suggère fortement que les Iraniens n’auraient absolument aucune raison logique de développer quelque type d’arme nucléaire que ce soit. Je n’ai pas le temps et la place pour débattre de nouveau de ce point (je l’ai fait si souvent dans le passé), donc je me référerai simplement à la conclusion du National Intelligence Estimate américain que l’Iran a « interrompu son programme d’armes nucléaires » et j’en resterai là.

Aparté

Je ne crois pas que les Iraniens aient jamais eu un programme d’armement nucléaire, mais ce n’est pas important : même s’ils en ont eu un jour, cela les mettrait à égalité avec beaucoup d’autres pays qui ont fait les premiers pas dans le développement d’un tel moyen puis l’ont abandonné. Le seul point est que la position américaine officielle est qu’il n’y a actuellement pas de programme nucléaire militaire en Iran.

Le vrai problème est très simple : l’Iran est le seul pays au monde qui est :

  1. Musulman et dirige la lutte contre l’idéologie saoudienne/Daech/ISIS/al-Qaïda/etc. du takfirisme et le terrorisme qu’ils promeuvent ;
  2. Ouvertement antisioniste et anti-impérialiste et qui joint des valeurs religieuses conservatrices avec des politiques sociales progressistes ;
  3. Performant politiquement, économiquement et militairement et donc menace le monopole du pouvoir d’Israël dans la région.

N’importe laquelle de ces caractéristiques pourrait déjà en elle-même constituer un cas grave de crimepensée du point de vue de l’Empire et mériter une réaction de haine absolue, de peur, et une volonté indéfectible d’éliminer le gouvernement et les gens qui osent le soutenir. Il n’est pas étonnant qu’en combinant les trois l’Iran soit tellement haï par les Anglosionistes.

Tout ce bobard sur un programme nucléaire iranien n’est qu’un prétexte pour une campagne de haine et une attaque possible contre l’Iran. Or en réalité, les buts des Anglosionistes ne sont pas de désarmer l’Iran, mais exactement ce que dit Margolis : « bombarder ce pays et ce peuple ‘désobéissant », ‘pour le faire revenir à l’ère prérévolutionnaire’. »

Voici l’essentiel : les Iraniens le comprennent parfaitement. La conclusion évidente est donc : si le but d’une attaque anglosioniste est de bombarder l’Iran pour le faire revenir à l’ère prérévolutionnaire, pourquoi les Iraniens se retiendraient-ils et n’opposeraient-ils pas la résistance maximale possible ?

À cause de la menace d’une riposte nucléaire américaine ?

Les options américaines en termes d’attaque nucléaire – pas vraiment une option dans la réalité.

Là encore, nous devons examiner le contexte et ne pas seulement supposer que l’usage d’armes nucléaires est une sorte de panacée magique qui force immédiatement l’ennemi à abandonner la lutte et à se rendre sans conditions. C’est loin d’être vrai.

D’abord, les armes nucléaires ne sont efficaces que lorsqu’elles sont utilisées contre une cible lucrative. Se contenter d’assassiner des civils comme les États-Unis l’ont fait au Japon ne sert absolument à rien si votre objectif est de vaincre les forces armées de votre adversaire. Atomiser les cibles « de valeur » de votre adversaire ne peut qu’accroître sa détermination à combattre jusqu’au bout. Je ne doute pas que les États-Unis, comme pendant la première guerre du Golfe, aient déjà établi une liste générale des cibles qu’ils voudront frapper en Iran : un mélange d’installations et de bâtiments gouvernementaux importants et d’un certain nombre d’unités et d’installations militaires. Dans la plupart des cas, cependant, ceux-ci pourraient aussi être détruits par des armes conventionnelles (non nucléaires). En plus, comme les Iraniens ont eu des décennies pour se préparer à ce scénario (les États-Unis ont toujours eu l’Iran en ligne de mire depuis la Révolution de 1979), vous pouvez être certains que toutes les installations du temps de paix ont été dupliquées pour les situations de guerre. Ainsi, alors que de nombreuses cibles extrêmement visibles seront détruites, leurs homologues pour temps de guerre prendront immédiatement le relais. On pourrait penser que les armes nucléaires pourraient être utilisées pour détruire des cibles profondément enterrées, et c’est vrai en partie, mais certaines sont enfouies trop profondément pour être détruites (même par une explosion nucléaire) alors que d’autres sont dupliquées plusieurs fois (disons, pour un quartier général militaire de temps de paix, il y en aurait 4, 5 ou même 6 cachés et profondément enfouis). S’attaquer à chacun d’eux exigerait d’utiliser davantage de bombes atomiques et cela pose la question des coûts politiques d’une telle campagne de frappes nucléaires.

En termes politiques, le jour où les États-Unis utiliseront une arme nucléaire contre un ennemi, ils auront commis un suicide politique dont la puissance hégémonique ne se remettra jamais. Alors qu’une majorité d’Américains pourrait considérer que « la force fait le droit » et « au diable l’ONU », pour le reste du monde, le premier usage d’armes nucléaires (par opposition à une contre-attaque en représailles) est une abomination inconcevable et un crime, en particulier pour un acte d’agression illégal (il n’y a pas moyen que le Conseil de sécurité de l’ONU autorise une attaque américaine contre l’Iran). Même si la Maison Blanche déclare qu’elle « a dû » utiliser des armes atomiques pour « protéger le monde » contre « l’Ayatollah armé atomiquement », l’immense majorité de la planète réagira avec une indignation totale (en particulier après le bobard des armes de destruction massive irakiennes !). En outre, toute frappe nucléaire américaine transformera instantanément les Iraniens de méchants à victimes. Pourquoi les Américains décideraient-ils de payer un prix politique aussi exorbitant uniquement pour utiliser des armes nucléaires sur des cibles qui n’apporteraient aucun avantage substantiel aux États-Unis ? Dans des circonstances normales, je penserais que ce genre d’utilisation d’armes nucléaires non-provoquée serait tout à fait impensable et illogique. Mais dans le contexte politique actuel aux États-Unis, il y a une possibilité qui m’effraie vraiment.

Trump, le « président jetable » pour les néocons ?

Les néocons détestent Trump, mais ils le possèdent aussi. Le meilleur exemple de ce genre de « propriété » est la décision des États-Unis de déplacer leur ambassade à Jérusalem, un acte incroyablement stupide, mais que le lobby israélien exigeait. C’est la même chose pour le reniement du Plan d’action global commun [sur le nucléaire iranien] ou, d’ailleurs, pour le flot actuel de menaces contre l’Iran. Il semble que les néocons ont une stratégie de base qui est la suivante : « Nous détestons Trump et tout ce qu’il représente, mais nous le contrôlons aussi, utilisons-le pour faire tous les trucs dingues qu’aucun président américain sensé ne ferait jamais, puis utilisons les retombées de ces folles décisions et faisons porter tout le blâme sur Trump ; de cette manière, nous obtenons tout ce que nous voulons et nous arriverons à détruire Trump dans le processus uniquement pour le remplacer par un de ‘nos gars’ le moment venu. » De nouveau, le but réel d’une attaque contre l’Iran serait de le bombarder jusqu’à ce qu’il retourne à l’ère prérévolutionnaire et de punir les Iraniens pour leur soutien au « mauvais » régime qui ose défier l’Empire anglosioniste. Les néocons pourraient utiliser Trump comme un « président jetable » qui pourrait être accusé du chaos et la catastrophe politique qui s’ensuivraient tout en réalisant l’un des plus importants objectifs politiques d’Israël : dévaster l’Iran. Pour les néocons, c’est une situation gagnant-gagnant : si les choses se passent bien (aussi improbable que ce soit), ils peuvent en retirer tout le crédit et continuer à contrôler Trump comme une marionnette ; et si les choses se passent mal, l’Iran est en ruines, Trump est accusé d’avoir lancé une guerre stupide et folle, et la bande Clinton sera prête à revenir au pouvoir.

Le plus grand perdant dans un tel scénario serait évidemment le peuple d’Iran. Mais l’armée américaine ne s’en sortira pas bien non plus. D’une part, un plan seulement pour « dévaster » l’Iran n’a pas de stratégie de sortie viable, surtout pas à court terme, alors que l’armée américaine n’a pas l’estomac pour de longs conflits (l’Afghanistan et l’Irak sont déjà assez mauvais). En plus, une fois que les États-Unis ont détruit la plus grande partie de ce qui peut être détruit, l’initiative sera aux mains des Iraniens et le temps sera de leur côté. En 2006, les Israéliens ont dû se replier après 33 jours seulement, alors combien faudra-t-il de temps aux Américains avant de devoir proclamer la victoire et s’en aller ? Si la guerre s’étend à, disons, l’Arabie saoudite, l’Irak et la Syrie, les États-Unis auront-ils même la possibilité de partir ? Et les Israéliens, quels choix auront-ils une fois que des missiles commenceront à les frapper (pas seulement des missiles iraniens, mais probablement aussi des missiles du Hezbollah à partir du Liban) ?

L’ancien chef du Mossad Meir Dagan avait parfaitement raison lorsqu’il a déclaré qu’une attaque militaire contre l’Iran était « la chose la plus stupide que j’ai entendue ».  Hélas, les néocons n’ont jamais été très intelligents et les trucs stupides sont ce qu’ils font le plus souvent. Tout ce que nous pouvons espérer est que quelqu’un aux États-Unis trouve une manière de les arrêter et d’éviter une autre guerre immorale, sanglante, inutile et potentiellement très dangereuse.

The Saker

Cette analyse a été rédigée pour Unz Review

Traduit par Diane, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker francophone

   Envoyer l'article en PDF