La substance la plus froide sur Terre


Par Dmitry Orlov – Le 9 août 2018 – Source Club Orlov


Nous sommes en août, et l’hémisphère nord est englouti par les flammes. Un incendie majeur en Grèce a causé d’importants dommages et des pertes en vies humaines ; le Portugal est de nouveau en flammes ; il y a des feux de forêt non maîtrisés en Ontario, en Californie et ailleurs. En France, quatre réacteurs nucléaires ont dû être arrêtés en raison de la chaleur élevée et du faible niveau de l’eau (ils sont refroidis par de l’eau de rivière). Dans un certain nombre de régions, des récoltes entières de cultures sont perdues à cause de la sécheresse. Partout en Europe, les touristes se jettent dans les fontaines pour se rafraîchir. De nombreux endroits d’Europe, qui connaissent la plus longue vague de chaleur en 45 ans, ont battu leur record de température de tous les temps, tandis que 2018 devrait devenir la quatrième année la plus chaude jamais enregistrée.

Dans de telles circonstances, il n’y a qu’une seule chose à faire pour moi. Je veux faire ce que je peux pour aider tout le monde à se rafraichir. À cette fin, voici un article à propos d’une substance très fraîche, qui, je l’espère, vous fera vous sentir frais – et ce, de plus d’une façon !

La substance très froide dont je veux parler, c’est la glace. C’est un sujet énorme, et certains de ses aspects font l’objet de plus de discussions que d’autres. En particulier, la glace de la mer arctique, les glaciers, en particulier ceux du Groenland et de l’Antarctique, et les icebergs bénéficient d’une grande exposition médiatique tandis que de nombreuses autres sortes de glace, en particulier celles qui se forment sur les canaux, les rivières et les lacs et le long des rives, sont à peine évoquées. Et le sujet que je trouve le plus intéressant est celui des défis et des possibilités qu’offrent les paysages aquatiques qui sont partiellement ou complètement liés aux glaces.

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/f/f3/Countries_that_use_Fahrenheit.svg/350px-Countries_that_use_Fahrenheit.svg.pngEn ce qui nous concerne, nous formes de vie à base de carbone, la substance la plus importante sur Terre est l’eau : c’est ce qui permet à la vie d’exister. La place centrale de l’eau dans notre vie se reflète dans l’échelle des températures en degrés Celsius, échelle qui est utilisée partout dans le monde, à l’exception des Bahamas, du Belize, des îles Caïmans, du Liberia, de Palau et d’autres États arriérés qui utilisent encore le Fahrenheit. 0ºC est le point de congélation de l’eau (douce), 100ºC est son point d’ébullition (au niveau de la mer). Pour une raison totalement inconnue, Fahrenheit les fixe à 32ºF et 212ºF. Nous vivons à 36,6ºC alors que la vie se développe généralement entre 0ºC et 41ºC – la température à laquelle les protéines commencent à se décomposer. Heureusement, sur la plus grande partie de la planète, les températures fluctuent entre -40ºC et +40ºC, et nous, les organismes à sang chaud et à corps large, pouvons généralement prospérer dans toute cette gamme, dans son extrême inférieur en frissonnant et dans son extrême supérieur en transpirant.

Note du traducteur: Le livre de Ray Bradbury Fahrenheit 451 sur le totalitarisme est ainsi nommé car c’est à 451°F (soit 234 °C) que le papier s’enflamme et se consume. Le personnage principal de cette histoire est un « pompier » dont le rôle est précisément de brûler les livres déclarés illégaux pour empêcher la propagation d'idées subversives au régime en place.

Le fait que de larges pans de la surface de la planète chevauchent la frontière de 0ºC entre l’eau liquide et l’eau solide exige des adaptations spécifiques, qui deviennent de plus en plus importantes au fur et à mesure que nous nous déplaçons vers le nord. Alors que dans les zones tempérées, la glace et la neige sont généralement considérées comme des nuisances, dans le nord, elles offrent de nombreuses commodités. En voici quelques-unes.

  • Utiliser la neige comme isolant pour les abris et les cultures
  • Utiliser la neige et la glace comme chaussée pour le ski, les patins et les traîneaux (qui peuvent être propulsés par le vent).
  • Utiliser la glace comme revêtement routier pour le transport
  • Utiliser la réfrigération estivale, en récoltant la glace en hiver et en l’emballant dans du foin ou de la sciure de bois
  • Source d’eau douce là où l’eau liquide est salée ou saumâtre
  • Irrigation printanière par piégeage de la neige pendant l’hiver
  • Hivernages pour les bateaux et les navires sur des plateformes de glace, là où le rivage est marécageux ou peu profond.
  • Les chenaux d’été dans la glace littorale offrent un accès abrité à l’eau profonde pour les petites embarcations.
  • Cale sèche partielle pour les navires, en congelant les navires sur place, puis en sciant de la glace autour des pièces qui ont besoin d’entretien, comme les gouvernails et les étais.
  • Gratter la surface de la glace de mer comme source de sel marin
  • Utiliser la glace comme matériau de construction pour des radeaux ou des barges temporaires.

Pour bien utiliser la neige et la glace, il est essentiel de comprendre leurs propriétés et leur cycle de vie. Bien que 0ºC soit la température la plus élevée à laquelle la glace et la neige peuvent persister pendant des périodes arbitraires, elles ne se forment pas à cette température, mais à une température inférieure. Les ingrédients essentiels pour la formation de la glace sont l’eau super froide et des turbulences ou des impuretés. L’eau parfaitement pure dans un récipient en verre à l’abri des vibrations peut être progressivement sur-refroidie jusqu’à -20ºC. Mais si vous laissez tomber une particule de glace ou un grain de sable, la glace commencera à se former autour de lui assez soudainement, et continuera à se former jusqu’à ce que tout le volume d’eau se transforme en glace, auquel cas le récipient en verre explosera. Si vous sur refroidissez un seau d’eau à seulement -0,1ºC et y déposez une particule, il se formera quelques kilogrammes de glace, mais la formation de glace s’arrêtera une fois que la chaleur de cristallisation augmentera la température de l’eau à 0ºC.

La glace d’eau salée est une substance assez différente de la glace d’eau douce. Pour commencer, elle se forme à une température plus basse, en fonction de la salinité de l’eau. L’eau de mer, avec sa salinité typique d’environ 3,5%, commencera à geler aux alentours de -1,01ºC. Mais la glace d’eau salée est un composite : les cristaux de glace forcent le sel dans des capillaires verticaux qui contiennent de la saumure liquide, qui s’écoule ensuite vers le bas, ce qui augmente la salinité de l’eau à la surface inférieure de l’eau (où la glace se forme), abaissant à son tour la température à laquelle elle gèle.

La glace de mer perd lentement son sel avec le temps et la banquise pluriannuelle (de moins en moins fréquente en raison du réchauffement climatique) est presque entièrement exempte de sel. Dans les circonstances habituelles, la saumure, au fur et à mesure qu’elle s’écoule, laisse derrière elle des tubes creux qui trouent la glace. Au printemps, ces tubes se remplissent d’eau de fonte, ce qui mine rapidement la structure de la glace et la rend dangereuse. Elle peut sembler parfaitement épaisse et solide, mais elle est en fait complètement pourrie de l’intérieur, pleine d’eau liquide, et s’effritera dès que vous marcherez dessus. Mais si la température de l’eau et de l’air est suffisamment basse, les tubes creux peuvent progressivement « guérir » en se remplissant de glace. Au cours du processus, le sel est pressé vers la surface, l’enrobant d’une fine couche de saumure.

Le processus le plus simple de formation de glace peut être vu dans la glace de surface sur de l’eau claire, calme et douce sur un lac ou un étang. Cela commence avec des cristaux de glace qui se forment sous la surface, puis flottent et se transforment en aiguilles à glace. Elles sont généralement de 2 à 3 cm de long, 0,5 à 1 cm de large et seulement 0,5 à 1 mm d’épaisseur. Les aiguilles sont composées de cristaux de glace hexagonaux plats entrelacés, la forme la plus facile à voir sur les vitres givrées. Pour des raisons mystérieuses, les cristaux de glace refusent de former des nids d’abeilles idéaux et se développent en motifs fractals. La glace commence alors à s’épaissir en ajoutant des couches d’aiguilles plus plates au fond. Ceux-ci s’imbriquent alors en formant des prismes cristallins et des pyramides. Ce type de glace est appelé glace de verre, et ce n’est qu’une des nombreuses autres sortes de glace.


La glace de surface peut se former assez rapidement, parce que le processus commence avec de l’eau sur fraiche, mais une fois que la chaleur de cristallisation la réchauffe à 0ºC, le processus ralentit. Même si la température de l’air au-dessus de la glace est généralement négative, la couche de glace sert à isoler l’eau de l’air. Au fur et à mesure que la glace s’épaissit, elle restreint encore davantage le flux de chaleur de sa surface inférieure à sa surface supérieure. L’épaisseur de la glace peut être consultée sur un diagramme : les entrées sont l’épaisseur initiale de la glace (déterminée par forage et mesurée par un carottage) et les chiffres des températures journalières depuis lors (additionner les températures moyennes journalières). Si le nombre est positif, la glace s’amincit ; s’il est négatif, elle s’épaissit. La courbe globale est une parabole, en raison de la capacité d’isolation de la glace, qui augmente avec l’épaisseur.

La neige a tendance à compliquer ce tableau. Si la neige commence à tomber après la formation de la glace de surface, elle n’affectera pas la structure cristalline plane des aiguilles à glace. Au début, elle peut accélérer la formation de glace, car les flocons de neige sont souvent beaucoup plus froids que l’air à la surface de la glace et peuvent absorber la chaleur de cristallisation. Par la suite, la neige ralentira le processus de formation de la glace car c’est un excellent isolant. La surface de la neige peut être refroidie jusqu’à -40ºC alors que la glace en dessous reste à peine en dessous de 0ºC, emprisonnant largement la chaleur de cristallisation sous la glace. À ce moment-là, l’épaisseur de la glace se rapproche asymptotiquement de son maximum.

Si la neige commence à tomber avant que la glace de verre ait une chance de s’installer, le résultat est différent. Chaque flocon de neige est un cristal de glace hexagonal planaire, similaire dans sa structure fractale aux aiguilles de glace qui se forment à la surface de l’eau, mais symétrique, puisqu’il se cristallise à partir d’une goutte d’eau tombant dans l’air. C’est le point de nucléation parfait pour commencer la formation de glace. Mais l’orientation dans laquelle il tombe dans l’eau est arbitraire, ce qui entraîne un fouillis de cristaux de glace plutôt qu’un enchevêtrement de plaques de glace. Ce mélange devient de plus en plus chaotique à mesure qu’il grandit, ce qui donne une glace granuleuse presque entièrement opaque et quelque peu fragile.

Les cours d’eau rapides ne gèlent parfois pas à partir de la surface, où l’eau s’écoule en douceur, mais à partir du fond, où les obstacles créent de la turbulence et les sédiments agités fournissent des points de nucléation. Les cristaux de glace se forment d’abord sur des objets encastrés dans le fond – le plus souvent sur des matériaux conducteurs de chaleur comme le métal ou la pierre, et non pas du tout sur des isolants thermiques comme le bois ou le plastique. Une rangée de barres d’acier d’armature enfoncées dans le fond d’un cours d’eau et dépassant de sa surface formera un barrage de glace.


La glace de fond a tendance à être amorphe et spongieuse, et elle contient souvent beaucoup de limon et de matière organique engloutie qui l’alourdit. Une fois qu’un morceau de glace suffisamment grand s’est formé, il peut se détacher du fond et flotter jusqu’à la surface, où il commencera à former de la glace de surface. Mais de gros morceaux de glace peuvent aussi adhérer au fond pendant de longues périodes, puis flotter soudainement, créant ainsi des dangers pour la navigation. Une fois que la glace de surface se forme, la formation de la glace de fond s’arrête. En effet, la glace de surface servira de couche d’isolation, empêchant la chaleur de cristallisation de la glace de fond de s’échapper dans l’atmosphère.

Une fois que la glace de surface atteint 5 cm d’épaisseur, elle peut être assez sûre pour marcher, même si ce n’est pas conseillé pour les cardiaques : la glace va fléchir sous vos pieds. La nappe de glace est à la fois fragile et se brisera si elle est frappée, mais elle fléchira également sous une charge verticale temporaire et s’immergera lentement sous une charge plus permanente. La glace de mer, formée sur l’eau salée, est un peu plus faible que la glace d’eau douce, mais elle est aussi plus souple. Lorsque la glace se forme le long d’un rivage, il est souvent possible de voir les vagues atteindre le bord de l’inlandsis, puis de le faire onduler lorsqu’elles se déplacent sous la glace vers le rivage, en diminuant graduellement en hauteur.

Une fois que l’épaisseur de la glace atteint 10 cm, elle devient utilisable comme surface de route. Pour cela, il faut la déneiger. Mais cela soulève un problème. Si la surface supérieure de la glace est exposée à l’air froid, elle est à la température de l’air, alors que sa surface inférieure est à environ 0ºC. Mais si elle est recouverte de neige, le gradient de température à travers la glace est beaucoup plus faible. À mesure que la neige est enlevée, le gradient de température augmente, la glace se rétrécit plus près de la surface à mesure qu’elle se refroidit et des fissures apparaissent à la surface de la glace. Ces fissures ne traversent pas toute la glace, mais elles peuvent la mettre sous tension. Les fissures qui croisent cette « route » sont moins dangereuses que celles qui la longent ; ces dernières peuvent s’ouvrir comme une fermeture éclair sous une charge en mouvement.

La largeur du « canal » à déneiger est généralement de 40 à 50 mètres de large. Si des fissures apparaissent, surtout dans le sens de la longueur et surtout si elles ont une largeur de 5 cm ou plus, il faut les réparer en les remplissant d’eau. Si la route de glace doit être utilisée intensivement, il peut être judicieux d’augmenter l’épaisseur de la glace jusqu’à un demi-mètre en l’arrosant. A 50 centimètres, l’épaisseur de la glace est généralement considérée comme suffisante pour tout type de transport. Ensuite, on peut tracer et marquer les parcours à travers la glace (les branches de sapin gelées à la surface font de bons repères) et le trafic automobile peut y être envoyé.

Certaines règles de circulation doivent être respectées. Tout d’abord, les charges doivent être étroitement réglementées en fonction de la température, de l’épaisseur et de la composition de la glace. Par exemple, une glace de mer d’une salinité de 0,4 à 0,6 %, d’une épaisseur de 40 cm et sans fissures retiendra en toute sécurité 5 tonnes à -2ºC et 6 tonnes à -8ºC. S’il s’agissait de glace d’eau douce, la limite serait de 12 et 16 tonnes, respectivement. Et si la glace de mer est opaque plutôt que transparente (parce qu’elle s’est formée à partir de la neige), la charge serait réduit de moitié.

Deuxièmement, des règles strictes de limitation de vitesse doivent être respectées, tant pour les vitesses minimales que pour les vitesses maximales. Il ne peut pas y avoir de dépassement, et le trafic doit être espacé d’environ trois minutes. Le passage peut créer des vagues qui se croisent et qui ont des amplitudes locales supérieures à ce que la glace peut supporter sans se fissurer. Vous pourriez penser que c’est une bonne idée de vous approcher jusqu’à un véhicule en panne et d’offrir de l’aide, mais vous devez vous arrêter à quelque chose comme 20 mètres de distance et boucler la distance à pied parce que la glace peut ne pas supporter deux fois la charge. Les vitesses maximales sont déterminées en fonction des conditions, mais se situent généralement autour de 20 km/h. Les pistes parallèles (dans la même direction ou dans des directions opposées) doivent être espacées de 150 à 200 mètres. Malgré toutes les précautions de sécurité possibles, les routes de glace deviennent dangereuses à l’approche du printemps quand les températures augmentent.

Bien que la glace et la neige aient une certaine immunité à l’augmentation de la lumière du soleil, le fait d’être un aussi bon réflecteur de lumière du soleil que l’eau libre est un absorbeur de lumière du soleil implique quelques nuances. Une journée où la température de l’air en surface est supérieure à 0ºC suffit pour faire fondre la surface supérieure de la neige, puis la recongeler, formant une croûte transparente. La fonte provoque la pollution de l’air qui s’est accumulée à la surface de la neige – qu’il s’agisse de poussières provenant de régions arides éloignées, de gaz d’échappement d’automobiles ou de suie provenant de la combustion du charbon – toutes étant plus lourdes que la neige, elles vont s’y enfoncer.

Et maintenant, nous avons une sorte d’effet de serre local : une couche transparente, semblable à du verre, au-dessus d’un substrat pigmenté plus foncé pour capter la lumière du soleil afin d’accumuler la chaleur et de la conduire vers les couches de glace inférieure. La neige peut sembler encore normale, mais si elle est en croûte, elle peut être posée sur une couche de neige fondante plutôt que sur de la glace dure, et la route de glace, bien qu’elle semble encore utilisable, peut s’avérer être entourée d’à peine plus que de l’eau.

Comme les routes de glace sont beaucoup plus économiques que toute autre expérience de construction de routes, il y a habituellement beaucoup de pression économique pour les garder ouvertes le plus longtemps possible – et c’est habituellement un peu plus longtemps que ce qui serait parfaitement sécuritaire. Mais à un moment donné, le coût des véhicules qui tombent à travers la glace et du sauvetage de la population dépasse l’avantage économique qu’il y a à les maintenir en marche, et la route de glace doit être fermée à la circulation. Dans l’ensemble, le sujet est suffisamment compliqué et technique pour exiger un niveau d’organisation plus élevé que le simple fait de laisser les gens sortir sur la glace.

La capacité de la glace de fournir des routes là où il n’y en a pas, et où toute expérience de construction de routes au-delà du bulldozer à travers une simple piste de terre (infranchissable la majeure partie de l’année) serait sous-économique, devient d’abord très précieuse, puis absolument essentielle à mesure que l’on se déplace vers le nord en direction de l’Arctique.

Tout aussi importante est la capacité de la glace de rive, qui se forme comme une jupe autour des îles, de fournir un appontement naturel là où il n’y a pas de ports en eau profonde et pas d’installations portuaires de quelque nature que ce soit.

Un navire ne fait que perforer un chenal à travers la glace, et les véhicules peuvent s’y rendre sur la glace à partir de colonies sur terre pour charger et décharger les cargaisons, livrer le courrier et prendre et décharger les passagers. Les seuls investissements nécessaires pour rendre cette installation d’impuretés opérationnelle sont ceux nécessaires à la construction et à l’entretien d’une route de glace relativement courte.


La glace et la neige – la glace lisse et dure, la neige qui n’est pas trop profonde – ont une myriade d’utilisations. Mais beaucoup de leurs manifestations sont soit une nuisance, soit carrément dangereuses, soit tout simplement inutiles. Elles peuvent aussi être très belles.

Lorsque la neige gèle au contact des vagues, elle peut être roulée en boule de glace visqueuse, relativement incompressible, complètement instable et donc infranchissable : une zone d’interdiction pour tout autre chose qu’un explorateur intrépide portant une combinaison de flottaison. (Ce sont des salopettes imperméables qui incorporent à la fois la flottaison et l’isolation, ce qui rend très difficile la possibilité d’être assez mouillé ou d’avoir froid.)

Une autre manifestation inutile mais curieuse est la glace sous forme de crêpes : des morceaux de glace qui, sous l’action des vagues, se frottent les uns contre les autres et se transforment en formes rondes ou ovales cohérentes.


L’action des vagues peut faire en sorte que la glace solide et transparente se brise en morceaux déchiquetés appelés nilas. C’est particulièrement dangereux pour les bateaux, en particulier les bateaux en fibre de verre, car ses bords sont durs et tranchants et peuvent rayer et couper les coques.


La plupart des coques de bateaux sont très mal adaptées pour se déplacer dans des eaux qui contiennent une quantité quelconque de glace parce qu’elles sont faites pour couper à travers l’eau. Une forme pointue et presque verticale à l’avant est exactement le contraire de ce qui est nécessaire pour faire face à la glace parce que la glace est tout à fait incompressible dans la direction horizontale. Ce qu’il faut, c’est une proue de brise-glace, qui est conçue pour se déplacer sur la glace, la fissurer et la submerger morceau par morceau, puis balayer les morceaux de côté.

Voici un brise-glace russe plus ancien qui, à en juger par les cicatrices sur sa proue, a clairement vu beaucoup d’action. Les navires de ce type ont été essentiels pour maintenir ouvertes les routes maritimes du Nord.


La technologie des brises-glace a évolué depuis lors. Voici l’un des plus récents de la Russie, 50 ans de victoire.


Et la dernière étape de l’évolution a rendu le brise-glace inutile. Voici le pétrolier de gaz naturel liquéfié Christophe de Margerie, qui livre du GNL de la toute nouvelle ville arctique russe, Sabetta, dans des lieux situés dans le monde entier (la toute première expédition a été vers Boston). Il s’agit d’un méthanier et d’un brise-glace réunis en un seul.


Il est facile de comprendre comment la plupart des gens voient la glace simplement comme une nuisance. Mais plus vous vous déplacez vers le nord, plus vous vous rendez compte de l’utilité de ces formes solides d’eau. Là-bas, la glace et la neige ne sont pas redoutées mais célébrées : dès les premières chutes de neige, les écoliers russes jubilent et on ne peut pas les empêcher de courir dehors pour lancer des boules de neige et construire des bonhommes de neige.

Là où la glace se présente sous des formes qui ne sont d’aucun avantage concevable pour qui que ce soit, elles sont souvent belles à explorer et à contempler.


Il est clair qu’il y a beaucoup plus à dire à ce sujet, mais j’espère que ce que j’ai dit vous aidera à apprécier à quel point la glace est une substance froide, et vous fera vous sentir rafraichi de le savoir, et ce, de plus d’une façon.

Les cinq stades de l'effondrementDmitry Orlov

Le livre de Dmitry Orlov est l’un des ouvrages fondateur de cette nouvelle « discipline » que l’on nomme aujourd’hui : « collapsologie » c’est à-dire l’étude de l’effondrement des sociétés ou des civilisations.

Traduit par Hervé, relu par Diane pour le Saker Francophone

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