Balakrishnan estime que la montée en puissance de leurs rivales asiatiques et leur réputation qui flanche indiquent que les banques occidentales, souvent coupables d’avoir fait de mauvais choix, risquent de devenir des souvenirs de l’Histoire d’ici une génération.
Par N. Balakrishnan – Le 23 août 2016 – Source South China Morning Post
Nombreux sont ceux qui savent déjà que les banques chinoises font partie des premières mondiales. Mais j’ai récemment été étonné d’apprendre que certaines banques indiennes ont un capital commercial plus élevé que la fameuse Deutsche Bank. L’une d’elles est la HDFC Bank, fondée en 1977. Deutsche Bank a été fondée en 1870. La Kotak Mahindra Bank, une autre banque indienne en pleine expansion, n’a été ouverte qu’en 1995. Montée par un groupe d’amis ayant mis en commun $ 40 000 provenant de leur commerce du coton, elle a maintenant une valeur estimée à $ 7,6 milliards.
Pourtant, elles ne font même pas encore partie des quatre plus grandes banques indiennes. En tête de liste se trouve la banque gouvernementale, la State Bank of India. Mais le capital de celle-ci n’équivaut pourtant qu’au dixième de la plus grande banque chinoise, l’Industrial and Commercial Bank.
Pendant ce temps, les grandes banques du monde développé, telle que la HSBC, rachètent leurs actions, sous le prétexte qu’elles manquent de plans d’investissement.
Comme on dit, l’histoire ne surprend que ceux qui ne suivent pas les faits du jour. Par exemple, au début du XXe siècle, l’économie étasunienne dépassait déjà celle de la Grande Bretagne et de la France, mais cela a demandé encore 50 ans avant que ce pays ne dirige le monde. Par contre la tendance favorisant les États-Unis était déjà visible pour tous ceux ayant des yeux pour la voir.
De même, combien de temps cela prendra-t-il avant qu’une banque chinoise ne rachète Standard Chartered ou HSBC ? Une telle idée peut paraître exagérée ou même déplaisante pour certains mais, si la tendance continue, elle est inévitable.
Cela marquera l’histoire économique de Hong Kong de la même façon que le rachat de la Hutchinson Whampoa par Li Ka-Shing en 1978 a marqué le début de la montée du capital chinois local, face aux anciennes compagnies coloniales de Hong Kong. Standard Chartered est déjà en partie détenue par un fonds souverain singapourien, la Temasek Holdings, qui l’a achetée à un banquier singapourien, Khoo Teck Puat, qui l’avait achetée à Standard Chartered en 1986. Cette banque est donc déjà détenue par des propriétaires asiatiques, même si elle est basée à Londres.
Le mystère tient plutôt au fait que la banque soit basée à Londres, alors qu’elle engrange les deux tiers de ses profits en Asie. La ligne officielle prétend que la banque prévoit de s’étendre en Chine, alors qu’elle aurait pu le faire plus tôt. Dans les années 1990, les sondages montraient que les Chinois continentaux les plus âgés avaient encore une bonne opinion de Wayfoong, surnom attribué à HSBC, et que cela aurait été le bon moment de s’étendre en Chine.
HSBC aurait pu racheter son iconique ancien quartier général pour une fraction de la somme qu’elle a plus tard perdue aux États-Unis, en achetant des subprimes hypothécaires à la Household International. Des rapports indiquaient que la municipalité de Shanghai demandait trop cher pour le bâtiment, mais cela ne pouvait être autant que les $12,1 milliards qu’elle avait versés à Household International en 2002, à un moment où l’immobilier étasunien atteignait des sommets, alors que la banque n’avait qu’une faible expérience du marché des prêts à la consommation dans ce pays.
Cet achat a tourné au désastre. Des facteurs culturels sont entrés en jeu dans ces décisions d’investissements, bien plus que ce que beaucoup ne veulent bien l’admettre. Si le conseil d’administration de la HSBC siégeait à Hong Kong plutôt qu’à Londres, ses membres auraient-ils encore choisi d’investir dans un marché étasunien déclinant, plutôt que dans un marché asiatique en pleine expansion ?
Pendant longtemps, nous, les Asiatiques, avons cru que même si l’homme blanc ne mangeait pas correctement ou manquait de finesse sociale, il était honnête en matière d’affaires financières. Lee Kuan Yew [qui fut le Premier ministre de Singapour pendant trente ans, NdT] lui-même, pourtant pas un admirateur des valeurs occidentales, avait remarqué cette honnêteté quand il était étudiant en Angleterre. Il était étonné de voir des piles de journaux laissé sans surveillance dans la rue, que les gens prenaient en laissant l’argent équivalent. C’est sur la base d’une telle honnêteté et d’un dur labeur, que la réputation des banques anglaises s’est construite. Mais, de nos jours, les banques occidentales font les gros titres à propos de taux de change trafiqués et de blanchiment d’argent.
Quiconque visite un cimetière colonial remarque que de nombreux impérialistes de l’époque sont morts jeunes, de la peste ou du choléra, en tentant de faire fortune. Ils n’étaient pas confortablement assis dans leurs bureaux de Canary Wharf à Londres.
D’ici une génération, les banques occidentales en Asie ne seront plus que vieux souvenirs ou chapitres dans les livres d’histoire. Ceux qui ne veulent pas l’admettre doivent être les descendants de ceux qui pensaient que les Toyota ne remplaceraient jamais les Morris Minors.
Balakrishnan est un homme d’affaires basé à Hong Kong.
Article original publié dans South China Morning Post
Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone.