Par Valérie Bugault − le 31 août 2016
La Chine a, en juillet 2016, fait l’annonce de sa volonté d’œuvrer à l’édification d’un système fiscal mondial juste et transparent, que peut-on en penser ?
Pour éclaircir le débat, il faut rappeler que cette annonce s’appuie officiellement sur la volonté de lutter contre l’évasion fiscale, dont les Panama Papers sont l’un des derniers avatars. L’évasion fiscale est donc au cœur de la volonté chinoise… Le gouvernement de la Chine se pose ici en défenseur de la justice fiscale internationale.
Le moyen privilégié, lancé par l’OCDE (OECD en anglais), aujourd’hui communément admis par les différents pays du monde pour lutter contre cette évasion fiscale, est l’échange automatique de renseignements fiscaux. Or, aucune convention fiscale, qu’elle soit bi ou multilatérale, d’échange d’informations ne viendra à bout de l’évasion fiscale organisée autour de paradis fiscaux − qui sont des juridictions fiscales dominées par le droit et les firmes anglo-saxonnes – tant que l’anonymat des détenteurs d’actifs persistera à être internationalement accepté. Cet anonymat est principalement assuré par le fait que les juridictions paradisiaques sont régentées par les firmes d’audit anglo-saxonnes dites les Fat four et que les trusts anonymes, les montages et amoncellement de personnalités morales (ou plutôt amorales au sens privatif du terme morale) y font rage.
N’oublions pas non plus que les paradis fiscaux sont alimentés en grande partie par les revenus tirés de l’optimisation fiscale par les firmes multinationales, c’est-à-dire, techniquement, par les groupes d’entreprises apatrides dument contrôlés par des personnes très concentrées. Or l’optimisation fiscale est la fille légitime directe du vaste mouvement de libre-échange – tiré par celui, fondamental, de la liberté de circulation des capitaux – lancé et organisé dès la fin de la seconde guerre mondiale par le GATT, puis l’OMC, et dont les institutions de l’Union européenne représentent la version politique la plus achevée.
Il est tout à fait illusoire de prétendre lutter contre l’évasion et l’injustice fiscale en laissant intacts tous les fondamentaux de l’actuelle organisation internationale permettant et favorisant cette évasion et les injustices de tous acabits.
Par ailleurs, un appel à la lutte contre l’injustice fiscale et l’évasion internationale des capitaux n’est pas cohérent avec l’instauration imminente, par le biais des DTS, d’une monnaie mondiale hors sol qui favorisera au contraire encore davantage la circulation desdits capitaux. Rappelons au passage que la Chine est une fois encore à la manœuvre pour ce qui est du remplacement du dollar par les CDS dans les échanges internationaux.
Or, l’observateur attentif ne peut que constater la similitude qui existe entre les DTS et l’ancien ECU européen, fils direct du « serpent » (sic) monétaire européen, lequel a donné naissance à la scélérate monnaie qu’est l’euro. Nous avons, en Europe, d’ores et déjà le recul nécessaire à l’appréciation juste de ce que sera une monnaie mondiale et de quels intérêts elle servira.
En conclusion, aussi louable soit l’intention portée par le gouvernement chinois de lutter contre l’injustice fiscale, la lutte contre l’évasion fiscale et les paradis fiscaux ne peut, en l’état actuel de la situation, en aucune façon passer par l’instauration d’un système fiscal international centralisé et d’une monnaie internationale prétendument commune mais réellement aux mains des principaux banquiers internationaux de la planète – puisque cette monnaie sera gérée par la banque des règlements internationaux et par le FMI.
La lutte ultime et véritable contre l’injustice et l’évasion fiscale passe nécessairement, tout au contraire, par la déconstruction systématique et consciencieuse du système économique (libre-échange), financier (BRI, FMI, Banque mondiale) et fiscal international (optimisation fiscale et paradis fiscaux), mis en place au XXe siècle par les tenants du libéralisme anglo-saxon, au premier rang desquels se trouvent les propriétaires des principales banques internationales, qui sont également – par un heureux hasard de circonstance ou par la mise en œuvre d’un plan économique global, chacun appréciera à sa façon – les principaux propriétaires-gérants des différentes banques centrales du monde.
Autrement dit, la lutte efficiente contre l’injustice fiscale et l’évasion fiscale passe par la disparition des actuels concepts de libre-échange et de banque centrale, ce qui suppose la disparition de l’OMC, de la Banque des règlements internationaux (BRI/BIS), du FMI, de la Banque mondiale et de toutes les autres instances financières dites de développement et de coopération.
La lutte effective ne passe certainement pas par le fait de remettre les clefs du coffre financier et monétaire aux actuels gérants des superstructures de contrôle bancaire et financier. Il y a en jeu ici rien de moins que la pérennité des Nations et des États ainsi que le droit à l’autodétermination des peuples.
Valérie Bugault
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