Les États-Unis vont sanctionner les pays qui n’appliquent pas des sanctions de l’ONU qui n’existent pas


Par Moon of Alabama – Le 21 août 2020

Hier, le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a tenté de déclencher la “réactivation” des sanctions de l’ONU contre l’Iran. Il a échoué.

L’option de réactivation des sanctions fait partie du mécanisme de règlement des différends prévu aux articles 36 et 37 de l’accord nucléaire avec l’Iran. Le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté l’accord dans sa résolution 2231. Lorsque la décision américaine a été annoncée pour la première fois, nous avions expliqué en détail pourquoi ce serait un échec et résumé la situation ainsi :

Seuls les participants à l'accord peuvent déclencher le processus de réactivation. Les États-Unis ne sont plus reconnus comme participant à l’accord.

Avant qu'une réactivation des sanctions ne puisse avoir lieu, il existe en fait des processus formels au sein de la "Commission conjointe" et du Conseil de sécurité des Nations unies qui doivent être suivis. Ces processus n'auront pas lieu parce que les autres membres de la JCPOA et du CSNU ignoreront simplement la tentative américaine de les déclencher.

D'autres membres de l'accord pourraient néanmoins le faire. Mais il est peu probable que les Européens prennent le parti des États-Unis sur cette question.

L’argument juridique que les États-Unis avancent pour revendiquer le droit de réactiver les sanctions est bizarre et ne tient pas la route.

Peu après l’annonce de Pompeo, la Russie, la Chine et les pays de l’UE3, la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne, ainsi que l’Iran, ont rejeté l’initiative américaine. Le Haut représentant de l’UE, Josep Borrell, qui coordonne la commission mixte chargée de superviser l’accord nucléaire, a déclaré que la décision américaine était nulle et non avenue :

Je prends note de l'annonce faite aujourd'hui par les États-Unis concernant le "mécanisme de réactivation" des sanctions de l'ONU en vertu de la résolution 2231 du Conseil de sécurité des Nations unies.

Comme je l'ai rappelé à plusieurs reprises, les États-Unis ont unilatéralement cessé de participer au JCPOA par mémorandum présidentiel le 8 mai 2018 et n'ont par la suite participé à aucune activité liée au JCPOA. Ils ne peuvent donc pas être considérés comme un État participant au JCPOA aux fins d'une éventuelle réactivation en matière de sanctions prévu par la résolution.

La Belgique, qui est le “facilitateur” du Conseil de sécurité des Nations unies pour les sanctions résiduelles des Nations unies contre l’Iran en vertu de la résolution 2231 du Conseil de sécurité, a également rejeté la position américaine.

Pompeux peut encore tenter quelques traquenards procéduraux aux Nations unies pour mettre d’une manière ou d’une autre la question à l’ordre du jour. Mais les autres membres du Conseil de sécurité trouveront probablement des moyens d’empêcher cela.

C’est la deuxième fois en une semaine que les tentatives américaines contre l’Iran aux Nations Unies ont été rejetées. La semaine dernière, les États-Unis ont proposé de prolonger l’embargo sur les armes contre l’Iran. L’embargo actuel se terminera en octobre. Cette proposition a échoué :

Les États-Unis ont subi une défaite humiliante aux Nations Unies, car leur proposition de prolonger un embargo sur les armes contre l'Iran n'a reçu que le soutien de la République dominicaine lors du vote du Conseil de sécurité.

Toute cette tentative de réactivation de sanctions dans le cadre de l’accord nucléaire n’a qu’un seul but :

L'administration Trump ne cherche pas à rétablir les sanctions de l'ONU parce qu'elle veut préserver le JCPOA, car son objectif a toujours été de tuer l'accord et de trouver un prétexte pour engendrer un conflit.

Les États-Unis espèrent faire pression sur l’Iran jusqu’à ce que ce pays déclare officiellement l’accord mort. Cela pourrait alors donner un prétexte pour lancer une attaque plus importante contre ce pays. Mais tant que les autres membres de l’accord respectent leurs engagements, l’Iran est susceptible de s’en tenir à l’accord.

Les États-Unis lancent donc le bulldozer qu’ils appellent politique étrangère contre quiconque soutient encore l’accord.

Les États-Unis vont maintenant prétendre que leur geste illégal a déclenché la période de 30 jours prévue par la résolution 2231 avant la réactivation des sanctions. Dans 30 jours, ils prétendront que les sanctions de l’ONU sont de retour. Après cela, les États-Unis sanctionneront les pays qui ignorent les sanctions de l’ONU contre l’Iran, sanctions qui n’existent pas :

Les États-Unis n'hésiteront pas à imposer des sanctions à toute nation qui s'oppose à leur effort de "réactivation" des sanctions des Nations Unies contre l'Iran, a déclaré le secrétaire d’État Mike Pompeo dans "Special Report", mercredi soir.

"Lorsque nous voyons un pays violer nos sanctions actuelles, les sanctions américaines actuelles, nous en tenons cette nation responsable", a déclaré Pompeo à l'hôte Bret Baier. "Nous ferons de même avec les sanctions du Conseil de sécurité de l'ONU."

J’espère que les États-Unis vont poursuivre dans cette voie. Plus ils sanctionneront à gauche et à droite pour des raisons totalement irrationnelles, plus les autres pays seront incités à mettre en place des mécanismes qui rendront les sanctions américaines inefficaces et inutiles. La Russie l’a déjà fait et la Chine dans une certaine mesure. Les Européens auraient dû le faire il y a longtemps, mais ils n’y réfléchissent sérieusement que maintenant.

Il existe également des contre-mesures qui pourraient et devraient être envisagées. Une taxe européenne sur les produits numériques nuirait gravement à Google, Facebook, Ebay et à d’autres entreprises américaines. Lorsque leurs bénéfices et leurs actions baisseront, l’administration de Trump pourrait apprendre que ses actes entraînent des conséquences.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Jj pour le Saker Francophone

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