Le timonier global Xi Jinping intensifie son offensive de charme

Chinese President Xi Jinping attends the World Economic Forum (WEF) annual meeting in Davos, Switzerland January 17, 2017. REUTERS/Ruben Sprich


Pepe Escobar

Par Pepe Escobar – Le 17 janvier 2017 – Source The Saker

Il le fait, à sa manière.

Le président chinois Xi Jinping est descendu sur les Alpes suisses. Profitant d’un vide géopolitique seulement trois jours avant l’investiture de Donald Trump et d’un Occident atlantiste plongé dans la stagnation et / ou le protectionnisme, il a déchaîné une offensive de charme, en positionnant habilement la Chine à la tête de la mondialisation inclusive.

Dans un large discours, allant de l’angoisse globale à la nouvelle normalité de la Chine, Xi a joué de toute la gamme des notes que le capital global avait besoin d’entendre. Le protectionnisme consiste à « se verrouiller dans une pièce sombre » et « personne n’est gagnant dans une guerre commerciale ».

Son discours a approfondi la nécessité de la paix en Syrie, les effets pervers de l’absence de réglementation financière et la lutte pour « l’équilibre entre efficacité et équité ».

Alors, en avant pour la quatrième révolution industrielle – et que la Chine assume.

Xi, le premier président chinois à se rendre au festival de blabla turbo-capitaliste du Forum économique mondial, a signifié business depuis le début.

Il est arrivé avec une délégation de 80 personnes, qui comprenait Jack Ma, patron d’Alibaba, Wang Jianlin, patron de Dalian Wanda – les deux premiers milliardaires de la Chine – ainsi que Zhang Yaqin, patron de Baidu.

Comparez ces princes globalistes avec le camp Trump, représenté par un de ses conseillers d’affaires officiels, Anthony Scaramucci, fondateur du fonds spéculatif SkyBridge Capital et de Salt, une conférence d’investissement pas tout à fait stellaire de Las Vegas (la prochaine sera au Bellagio en mai).

Où est le ticket pour la fête des Rothschild ?

Le Davos 2017 humanisé est très inquiet de sauver le monde – ou du moins les riches de la plupart des pays. Le Forum économique mondial a soudainement découvert que la mondialisation, telle que nous la connaissons, favorise des inégalités massives, de même que les dirigeants autoproclamés de la mondialisation restent inflexibles sur leur droit moral à faire plier des nations entières à leurs volontés, comme le prouvent les chiffres miraculeux de l’économie irlandaise.

Ainsi, ce forum angoissé est en train de promouvoir au moins six sessions de discussion sur l’inégalité, allant de « Combattre l’insécurité et l’inégalité croissantes » à « Couillonnés et furieux : comment régler la crise des classes moyennes », avec en vedette Christine – Vuitton – Lagarde et un groupe de vautours dirigeant des fonds spéculatifs.

Et ce, alors que Oxfam a révélé au monde le vrai G8 de l’inégalité – à savoir huit individus possèdent autant de richesse que l’ensemble des 50% les plus pauvres de la planète. Appelez-les Rois de la mondialisation – mettant en vedette, entre autres, Bill Gates, le caïd d’Amazon Jeff Bezos, Mark Zuckerberg de Facebook, Larry Ellison d’Oracle et Michael Bloomberg.

D’une manière purement néo-dadaïste, il ne saurait y avoir un emblème plus graphique de l’inégalité que Davos lui-même. Pour obtenir une carte verte d’accès à tous les secteurs, principalement dans, et autour, du Grand hôtel Belvédère, les sociétés doivent devenir des partenaires stratégiques du Forum.

La liste est une merveille. Chaque adhésion coûte un fabuleux $600 000, permettant à un PDG d’amener jusqu’à quatre cohortes, ils doivent cependant payer en plus pour chaque billet individuel. Et même cela ne garantit pas une invitation à la fête la plus fastueuse en ville, organisée par Nat Rothschild en tandem avec le milliardaire russe Oleg Deripaska.

Pourtant, ceux qui ont balancé autant de pognon ne résisteront pas à la chance d’entendre Sheryl Sandberg de Facebook – une fortune de $1,3 milliard – s’exprimer sur la façon dont les dirigeants mondiaux plus âgés peuvent profiter de l’optimisme de la jeunesse. Eric Schmidt – $11 milliards – président de la société mère de Google Alphabet, est également en ville, mais cette fois, il a opté pour la discrétion.

Écoutez mes applaudissements gagnant-gagnant

Xi a pris soin de ne pas annoncer un nouveau consensus chinois, ou modèle, car le modèle lui-même est soigneusement et péniblement peaufiné.

Ce qui ressort de son exposé, c’est que Pékin n’interprète pas la mondialisation dans le sens occidental et turbo-néolibéral.

Ce dernier a en effet des avantages, mais ceux-ci masquent le pillage des ressources du monde en développement, par le biais de lois internationales furtives – et aujourd’hui mort-nées – telles que le Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (TTIP) ou le Partenariat transpacifique (TPP), principalement pour le bénéfice du 0,01% de l’Occident, qui dès lors s’inquiète de l’inégalité.

A passerby casts a shadow over a map illustrating China's "One Belt, One Road" megaproject at the Asian Financial Forum in Hong Kong, China, on January 18, 2016. Photo: Reuters/Bobby Yip

Photo: Reuters / Bobby Yip

Au lieu de cela, Xi fait la promotion d’une série d’accords gagnant-gagnant. C’est pourquoi son positionnement est essentiellement le glorieux pari ultime du projet des Nouvelles routes de la soie – One Belt, One Road (OBOR) – largement présenté dans la dernière partie de son discours.

Tout le monde sait que ce projet est un moyen essentiel pour modifier le modèle chinois, en développant le Far West chinois, en ouvrant un éventail de marchés eurasiatiques, en promouvant l’internationalisation du yuan, et bien sûr en consolidant un changement géopolitique majeur, notamment en neutralisant l’essentiel du Pivot vers l’Asie de la paire Obama / Clinton.

Donc, quand nous réunissons la puissance de feu concertée de la Banque asiatique d’investissement dans l’infrastructure (AIIB) et du Silk Road Fund (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), nous disposons de suffisamment de capitaux pour autoriser un financement généreux pour la bonification des infrastructures tout au long des Routes de la soie, depuis la Chine jusqu’à l’Europe occidentale et l’Afrique de l’Est. Rien qu’au Kazakhstan, par exemple, il y a au moins cinquante accords en vigueur, évalués à plus de $20 milliards. Les nouvelles négociations sur la paix en Syrie – Russie, Iran et Turquie – auront lieu à Astana et non à Genève. Le Kazakhstan représente l’intersection des nouvelles routes de la soie et de l’Union économique eurasienne (UEE). La Russie et la Chine attirent l’Iran – et plus tard la Turquie – vers l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS). La Syrie, apaisée et reconstruite, sera un carrefour clé de OBOR. Tout est interconnecté.

Ce que la Chine propose n’a rien à voir avec la démondialisation. Il s’agit plutôt de localisation.

Mais les accords commerciaux ne meurent jamais. Xi a profité du décès du TPP pour exalter les mérites du Partenariat économique régional pan-asiatique (RCEP), qui exclut les États-Unis, mais fusionne tous les pays avec lesquels les membres de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) ont des accords commerciaux : la Chine, l’Inde, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

Le RCEP sera une aubaine pour la production manufacturière dans la chaîne d’approvisionnement très vaste et complexe de toute l’Asie, fracassant les tarifs au delà des frontières. Cela concernera le commerce sino-indien. Pourtant, il reste à voir comment la campagne Make in India du Premier ministre Narendra Modi se comportera, face à l’ouverture de ses marchés aux importations chinoises.

Et, bien sûr, Xi devait soulever la question du yuan. Le yuan est actuellement surévalué. La Banque populaire de Chine ne veut pas qu’il monte encore plus haut. Sa priorité est un taux de change stable, pour stabiliser le commerce. Pourtant, le stratège de la Danske Banque, Allen von Mehren, qui connaît habituellement bien le sujet, prédit que le yuan tombera à 7,26 contre le dollar américain à la fin de septembre.

Quelqu’un doit expliquer tout cela à Trump, implications incluses. Ce ne sera pas Scaramucci, sans parler de Peter Navarro, Wilbur Ross, “Mad Dog” Mattis ou Michael Flynn. Ce doit être le timonier global en personne, Xi.

Pepe Escobar est l’auteur de Globalistan : How the Globalized World is Dissolving into Liquid War (Nimble Books, 2007), Red Zone Blues : a snapshot of Baghdad during the surge (Nimble Books, 2007), Obama does Globalistan (Nimble Books, 2009), Empire of Chaos (Nimble Books) et le petit dernier, 2030, traduit en français.

Traduit et édité par jj, relu par nadine pour le Saker Francophone.

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