Par Valentin Katasonov – Le 13 juin 2015 – Source strategic-culture
Yury Loutsenko, député et chef du parti de Petro Porochenko , a indiqué que la Banque nationale de l’Ukraine a lancé la planche à billets. Il est prétendument allé de l’avant après que le Premier ministre Arseni Iatseniouk lui a donné son approbation. Peu de gens on noté cette information. Ioulia Timochenko a rapidement confirmé la nouvelle (elle est une dirigeante de l’opposition). Elle a dit que l’émission incontrôlée sans contrepartie doit cesser. En janvier l’émission s’est élevée à 31 Mds de hryvnias.
La question a été mise à l’ordre du jour par des politiciens et des journalistes.
Le Premier ministre est dans une situation difficile. La première tranche d’argent reçue [du FMI] à la mi-mars, $5 Mds, est dépensée. Il n’y a aucune certitude que la prochaine tranche sera libérée (les pourparlers sur la restructuration de la dette sont dans l’impasse). Le gouvernement n’a pas d’argent pour les dépenses sociales (pensions, salaires, etc.). Iatseniouk n’a plus d’autre choix que la planche à billets.
Tout d’un coup le problème, qui n’est pourtant pas nouveau, est venu au premier plan. Cela ressemble beaucoup à un complot visant à se débarrasser du Premier ministre sortant. L’impression des billets avait déjà commencé l’année dernière. L’émission n’a aucune contrepartie (ni or ou devises des réserves de la banque centrale, ni obligations, ni billets à ordre,…). La seule chose qui vient avec l’émission des billets est l’émission de titres de créance, donc de dette. Voilà ce qui se passe en Ukraine.
La dette publique de l’Ukraine a augmenté énormément l’année dernière. Les médias s’intéressent surtout à la dette extérieure, mais la dette intérieure a augmenté aussi.
Voici les données officielles du ministère des Finances de l’Ukraine concernant la dette interne (en milliards de hryvnias)
01.01.2013 – 206, 5
01.01.2014 – 284, 1
01.01.2015 – 488, 9
En 2013, la dette publique interne a augmenté de 77,6 Mds de hryvnias (38%). L’augmentation était de 204,8 Mds de hryvnias en 2014 (72%). Pour couvrir la dette le ministère créait des titres de créance (des obligations). Les acquéreurs de ces titres sont les banques commerciales et autres organisations (compagnies d’assurance, fonds d’investissement, etc.) ukrainiennes ainsi que la Banque nationale d’Ukraine. Cette dernière rachète la part du lion de la dette. Selon les statistiques de la Banque, elle a acheté 181,9 Mds de hryvnias d’obligations du gouvernement en décembre 2014 – janvier 2015 (en outre elle a acheté des obligations en devises). Elle n’a pas vendu des obligations en devises l’an dernier, mais a continué à accumuler les titres de la dette. La valeur des obligations d’État achetées par la Banque était presque égale à 90% de la croissance interne de l’Ukraine.
Pavlo Rizanenko, membre du Parlement et président de la commission des finances et des activités bancaires de la Verkhovna Rada [le Parlement], a confirmé le fait de l’émission de billets. Selon les informations qu’il a obtenues de la Banque, en 2014 le montant de l’émission était de 176 milliards de hryvnias , dans les années précédentes elle allait de 20 à 50 milliards. Rizanenko a dit que le secteur privé n’a pas fourni de prêts au gouvernement, de sorte que la Banque nationale dépense l’argent du Trésor pour racheter les obligations. Les experts en macro-économie appellent cela la monétisation de la dette. Pour le dire simplement, ce n’est rien d’autre que la planche à billets. Rizanenko a déclaré que le volume d’émission était extrêmement important. L’imprimerie de la Banque est devenue une source importante de soutien pour le régime actuel. Il s’agit d’un cas classique d’émission sans contrepartie, exactement ce qui fait exploser l’inflation.
Des experts ukrainiens estiment que la hryvnia va logiquement s’affaisser en proportion de la hausse de l’inflation. Certains disent que le taux de change de la monnaie nationale contre le dollar US sera supérieur à 100 et peut-être même 200 hryvnias pour un dollar US. Ces estimations sont bien étayées. Selon le ministère des Finances, la dette publique a atteint 514,3 Mds de hryvnias au 1er mai 2015. Au cours des quatre premiers mois de l’année, la croissance moyenne de la dette était de 25,4 Mds, ou 5, 3%. Cela ne semble pas si étonnant en comparaison des indices de l’année dernière. Dans les années précédentes, les déficits budgétaires ont été rafistolés au détriment de la dette extérieure qui montait. La chute de la hryvnia au début de l’année a facilité le processus.
Certaines réserves de change accumulées grâce à l’emprunt ont créé l’illusion que le gouvernement remplissait complètement ses devoirs. Les réserves ont été épuisées, donc il n’y a plus rien d’autre à faire qu’à imprimer les billets. La Banque nationale d’Ukraine a déclaré qu’elle ne lancerait pas d’émission rampante. Sous la pression du Fonds monétaire international 1 elle a promis de ne pas laisser l’émission dépasser 91 Mds de hryvnias en 2015. En janvier-février 2015, la moyenne était de 10,2 Mds de hryvnias. Au printemps, elle descendait à 4,8 Mds de hryvnias en mars. En avril la Banque a émis seulement 3 Mds de hryvnias et vendu des obligations pour un même montant. En mai l’émission nette était de 7,9 Mds de hryvnias. Les réserves étant épuisées, le premier ministre a donné l’ordre de commencer l’impression des billets. Les détails seront connus dans un mois dès que la Banque nationale d’Ukraine aura publié les données de juin.
Acheter des obligations n’est pas la seule façon de combler les trous dans le budget. La Banque nationale peut refinancer les banques commerciales. Le refinancement classique est l’octroi de crédits par une banque centrale aux banques commerciales afin qu’elles puissent fournir des fonds pour l’économie. Les marchandises produites servent de contrepartie. Dans le cas de l’Ukraine, la Banque nationale stimule l’inflation parce que, directement ou indirectement, les banques commerciales achètent des obligations du gouvernement. Cet argent ne se dirige pas vers l’économie, il retourne au gouvernement, c’est une sorte de papier marchandise produit par l’imprimerie sans aucune contrepartie dans la réalité.
Ioulia Timochenko n’a pas manqué l’occasion de critiquer le gouvernement pour la chute de la monnaie. Selon elle, la raison était l’émission monétaire sans contrepartie et le refinancement incontrôlé des banques commerciales par la Banque nationale d’Ukraine. Il doit être entendu que par le refinancement du secteur commercial, la Banque nationale tente de compenser la sortie des dépôts. Pour la période du 1er janvier 2014 au 1er février 2015, la Banque nationale d’Ukraine a fourni 121,8 Mds de hryvnias à échéance de 30 jours, y compris aux banques russes. Timochenko pense que l’argent de la Banque nationale est enterré dans le sable. Ou, pour être plus précis, est volé. L’ancien Premier ministre sait de quoi elle parle, de sorte que la déclaration peut être digne de confiance. Selon elle, 109 Mds de hryvnias de remboursement n’ont pas été retournés à la Banque nationale. Elle dit que l’argent, un quart du budget de l’Ukraine, ne sera jamais rendu. Selon elle, elle n’a cité que les données officielles, il n’y avait rien d’émotionnel dans son message.
Selon les prévisions du Fonds monétaire international rendues publiques au début de l’année, l’inflation en 2015 pourrait atteindre 46% et dépasser le niveau record de 39,7% de 1996. Les prix ont augmenté de 40% cette année. Cela présage que le taux d’inflation va dépasser les prévisions du FMI. Le taux d’inflation de l’Ukraine est le 13e plus élevé au monde (l’estimation est basée sur les indices des cinq premiers mois de 2015). Si les informations sur l’impression de billets par la Banque nationale suite à l’ordre donné par Iatseniouk sont vraies, l’Ukraine peut être frappé par l’hyperinflation comme l’Allemagne dans les années 1920.
Par ailleurs, la montée en flèche de l’inflation n’est pas la seule similitude si vous faites une comparaison. Comme la question est devenue publique, un avis a été exprimé que le Premier ministre Arseni Iatseniouk, Victoria Gontareva, la directrice de la Banque Nationale, devraient démissionner. Les opposants politiques irréconciliables sont unanimes dans leur opinion, par exemple, Yury Lutsenko, le chef du parti de Petro Porochenko, et Ioulia Timochenko, chef du parti pan-ukrainien Patrie, ou Batkivshchyna défendent le même point de vue. Alors, qui devrait prendre la place des fonctionnaires démissionnaires ? Il y a un scénario intriguant qui pointe à l’horizon. Ioulia Timochenko a fustigé Victoria Gontareva. Selon elle, le Président et le gouvernement devraient s’adresser à la communauté mondiale pour obtenir de l’aide et demander un candidat avec une grande réputation.
Il y a une certaine logique ici. Puisque le ministère des Finances est dirigé par Natalie Jaresko, une ex-diplomate US, la Banque nationale devrait être dirigée par une femme venant d’un autre pays. Il serait préférable que ce candidat ait des liens avec le Système de la Réserve fédérale américaine car c’est là-bas que travaillent les personnes les plus respectables, selon la vision des choses à Kiev. Ensuite, il serait bon de franchir une autre et dernière étape – enlever l’enseigne La Banque nationale d’Ukraine et la remplacer par une autre Federal Reserve Bank of Ukraine.
Note
- La masse monétaire est la totalité du stock de monnaie et des autres instruments liquides dans l’économie d’un pays à un moment donné. L’offre de monnaie peut comprendre des espèces, pièces de monnaie et les soldes détenus dans les comptes chèques et d’épargne. Les économistes analysent l’offre de monnaie et élaborent des politiques qui tournent autour d’elle par le contrôle du taux d’intérêt et en augmentant ou en diminuant le montant d’argent circulant dans l’économie. les données sur la masse monétaire sont collectées, enregistrées et publiées périodiquement, généralement par le gouvernement du pays ou de la banque centrale ↩