Le contexte de l’attaque djihadiste contre Alep


Moon of Alabama

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Le 1er août 2016 – Source Moon of Alabama

Al-Qaïda en Syrie et ses associés mènent actuellement une attaque de grande envergure au sud-ouest de la ville d’Alep. Leur objectif est d’ouvrir un corridor entre les zones rurales d’Idlib/Alep qu’ils occupent et les zones encore contrôlées par al-Qaïda qui sont assiégées à l’est d’Alep. Entre 5 000 et 10 000 combattants d’al-Qaïda, qui utilisent des équipements fournis par les Américains, prennent part à la bataille. Sur le papier, certains de ces combattants sont des modérés, mais en réalité, tous ces groupes se sont maintenant engagés à appliquer la charia et donc à bannir toutes les minorités. Ils ont fait quelques progrès contre les forces gouvernementales, mais les forces aériennes syriennes et russes les bombardent férocement.

L’état-major général russe sait et dit depuis le mois d’avril qu’al-Qaïda en Syrie (aka Jabhat al-Nusra aka Fateh al Sham) et les différents groupes djihadistes planifient une attaque de grande envergure contre Alep. Un commandant d’al-Qaïda a, en effet, confirmé que l’attaque était planifiée depuis longtemps dans une harangue à ses combattants avant l’assaut actuel.

Cela jette une nouvelle lumière sur les négociations interminables que le secrétaire d’État Kerry a imposées, pendant des mois, à son collègue russe. Les États-Unis tentaient de protéger al-Qaïda contre les attaques russes et syriennes alors même que les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies demandaient l’éradication d’al-Qaïda et d’ISIS. Ensuite, les États-Unis ont offert à la Russie de se battre collectivement contre al-Qaïda, sous commandement étasunien. Nous avons qualifié cette offre d’insensée et de fourbe. Tous ces bavardages, on le voit maintenant, ne servaient qu’à gagner du temps pour permettre à al-Qaïda de préparer l’attaque qu’ils viennent de lancer.

Une autre tentative pour gagner du temps, qui a échoué celle-là, a été de changer le nom de Jabhat al-Nusra en Fateh al-Sham. Certains médias occidentaux ont dit que le groupe s’était séparé d’al-Qaïda, mais il s’agissait, au contraire, de la fusion d’al-Qaïda central et de Nusra/al-Qaïda en Syrie sous un nouveau nom. Les sponsors qataris d’al-Qaïda avaient exigé ce changement de nom pour pouvoir convaincre, au grand jour, les gouvernements occidentaux et leur opinion publique qu’al-Qaïda en Syrie était composé de rebelles modérés. Mais l’imposture a échoué. Le stratagème était trop visible pour être pris au sérieux. Le soutien occidental d’al-Qaïda va devoir se poursuivre secrètement et modérément.

L’attaque actuelle sur Alep est sérieuse. L’armée syrienne manque de forces terrestres. L’Iran avait promis d’envoyer d’importantes forces terrestres mais elles ne sont jamais arrivées. L’Iran rêvait encore d’un accord avec les États-Unis et a donc préféré surseoir à l’envoi de troupes. Les bataillons de fermiers afghans recrutés par l’Iran ne remplacent pas des troupes professionnelles. Se défendre contre un ennemi qui envoie de nombreux véhicules-suicide chargés d’explosifs sur les fortifications et des djihadistes-suicidaires contre les positions sur le terrain est difficile. Cela exige une préparation intensive, un excellent commandement et un parfait contrôle.

Si cette attaque était repoussée, les énormes pertes qu’al-Qaïda subirait pourraient le faire renoncer à l’option de la guerre ouverte de style militaire. Si al-Qaïda réussit à vaincre l’armée syrienne, cette dernière aura besoin d’importants renforts de forces terrestres pour reprendre l’initiative.

Mais les États-Unis ont compris que leur projet de changement de régime allait échouer quelle que soit l’issue de la bataille. Ils proposent maintenant de diviser la Syrie. La Syrie et tous ses voisins sont contre. Cela n’arrivera pas, mais Washington peut causer d’énormes dégâts avant de se rendre à l’évidence. La Russie peut et doit empêcher d’aussi importantes manœuvres américaines d’ingénierie sociale1.

Par ailleurs, la Russie doit maintenant décider si elle veut intensifier suffisamment son engagement pour sortir de l’impasse actuelle. Avec le temps qui passe, une impasse devient coûteuse et peut, à tout moment, tourner brusquement en défaite. Il est clair que jusqu’à présent les Étasuniens ne négociaient pas sérieusement. Ils ne faisaient que gagner du temps pour permettre de grandes attaques contre le gouvernement syrien. La Russie doit choisir entre quitter complètement la Syrie ou intensifier suffisamment ses efforts pour vaincre les djihadistes de façon décisive. Ce n’est pas une décision facile.

Aujourd’hui, des djihadistes ont abattu un hélicoptère russe en Syrie. Le corps sanglant du pilote mort a été traîné dans la boue par des dingues locaux qui ont filmé la scène et ont posté la vidéo, tout fiers. Si le gouvernement russe avait besoin d’un prétexte officiel pour revenir en Syrie, il en a un maintenant. Aujourd’hui, également, État islamique a menacé d’attaquer la Russie à l’intérieur de ses frontières. Voilà une autre bonne raison de revenir en force en Syrie. Il faut noter que la Russie est déjà extrêmement contrariée par le climat irrationnel d’hostilité qui règne contre elle à Washington DC. Il aura des conséquences.

Le guide suprême iranien, Khamenei, a reconnu aujourd’hui que l’accord nucléaire avec les États-Unis était un échec. Les États-Unis ne l’ont pas respecté, finalement. L’argent iranien est toujours bloqué dans les comptes contrôlés par les États-Unis et aucune banque internationale ne veut faire des affaires avec l’Iran, car les États-Unis menacent de les pénaliser. Selon Khamenei, il faut en conclure qu’aucun accord n’est possible avec les États-Unis sur aucune question locale au Moyen-Orient et que toutes les négociations avec eux sont une perte de temps. Cette nouvelle position officielle pourrait enfin faire sauter les limites imposées par le gouvernement Rouhani d’Iran sur le déploiement iranien en Syrie. Pourquoi prendre la peine de se limiter puisque les États-Unis n’en tiennent pas compte ?

La manière dont la situation en Syrie va évoluer à partir de maintenant dépend en grande partie de la Turquie. La Turquie est en train de changer de politique étrangère et de se tourner vers la Russie, l’Iran et la Chine. Mais jusqu’où cet éloignement de l’Occident ira et s’il s’assortira également d’un revirement complet sur la Syrie n’est pas encore clair. Si la Turquie bloque vraiment ses frontières et, avec elles, l’approvisionnement des djihadistes, la guerre contre la Syrie pourrait se terminer en un an ou deux ans. Si l’approvisionnement (secret) continue, la guerre peut se poursuivre pendant de nombreuses années. Dans les deux cas, un plus grand soutien (renforts en troupes, etc.) du gouvernement syrien par ses alliés réduirait considérablement le temps que la guerre prendrait encore (et les dégâts). Rien que cela justifierait les efforts supplémentaires des alliés de la Syrie.

L’avenir dira si Téhéran et Moscou sont d’accord avec cette conclusion.

Traduction : Marie Staels

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