Le Canada aide à recruter des tueurs pour l’État islamique

Par Jason Fekete, Lee Berthiaume, Ian MacLeod – Le 13 mars 2015

Source ottawacitizen

Bruno Saccomani, l’ambassadeur du Canada, avec le Premier ministre Stephen Harper.

L’ambassade du Canada en Jordanie, dirigée par un ambassadeur spécialement choisi par Stephen Harper et qui est un ancien garde du corps, est impliqué par un article dans un scandale d’espionnage et de terrorisme international qui se dévoile actuellement.

 

 

Vendredi, le gouvernement fédéral à refusé de commenter les nombreux articles évoquant un espion étranger supposé travailler pour les services de renseignement canadiens, arrêté en Turquie pour avoir aidé trois adolescentes britanniques à se rendre en Syrie pour rejoindre les militants de l’État islamique et qui travaillait pour l’ambassade canadienne à Amman, en Jordanie.

Les articles disent aussi que le suspect a admis travailler pour les services de renseignement du Canada et qu’il le faisait pour obtenir la citoyenneté canadienne. Un des articles dit que l’homme avait précédemment voyagé au Canada avec l’approbation de l’ambassade.

L’ambassadeur du Canada en Jordanie est Bruno Saccomani, un ancien employé de la RCMP ( la Police montée royale canadienne). Il avait la charge d’assurer la sécurité de Harper, jusqu’à ce que le Premier ministre le nomme, il y a presque deux ans, en poste à Ammam, avec une double responsabilité en Irak.

Le suspect emprisonné est un agent de renseignement syrien appelé Mohammed Mehmet Rashid (surnommé Docteur Mehmet Rachid), qui a aidé les trois jeunes élèves londoniennes à passer en Syrie après leur arrivée en Turquie, selon le Yeni Safak, un journal turc conservateur et islamique, connu pour son soutien engagé au gouvernement.

D’autres organes d’information ont orthographié le nom de l’homme de façon légèrement différente: Mohammed al Rashid ou Mohammad Al Rashed.

Plusieurs agences d’information ont rapporté que la police avait arrêté Rashid il y a plus d’une semaine dans une province située à proximité de la frontière avec la Turquie.

Différents médias ont déclaré que selon le rapport initial, Rashid avait avoué avoir travaillé pour les services de renseignement du Canada et qu’il s’était rendu en Jordanie pour partager des renseignements avec d’autres agents travaillant pour l’ambassade du Canada à Ammam.

Selon différents articles, le suspect à affirmé travailler pour les services de renseignement de façon à obtenir la nationalité canadienne. Il a été de même rapporté que les services de renseignement turcs lui avaient confisqué son téléphone mobile et son ordinateur, l’un et l’autre fournis par le gouvernement canadien.

Le journal Yeni Safak a, de son côté, relaté que les archives de l’ordinateur avaient révélé que Rashid était entré en Turquie 33 fois avec son passeport syrien depuis juin 2013; elles contenaient aussi des images de passeports de 17 personnes, plus de ceux appartenant aux trois jeunes Anglaises.

Nous (les journalistes de The Citizen) n’avons pas été capables de confirmer de manière indépendante les articles publiés en Turquie.

L’agent syrien à prétendu recevoir des dépôts d’une valeur de $800 à $1500, par l’intermédiaire de comptes bancaires ouverts aux Royaume-Uni.

Une source du gouvernement fédéral au Canada a dit que la personne arrêtée n’est pas un citoyen canadien et «qu’il n’était pas employé par le CSIS [Services de renseignements canadiens, NdT]», mais aucun membre du gouvernement ne l’a confirmé officiellement. Le gouvernement n’a pas non plus rejeté les rapports affirmant que les présumé espions travaillaient pour le gouvernement canadien ou bien qu’ils l’aidaient d’une certaine façon.

La chaîne d’information turque Channel A a rapporté que l’homme, âgé de 28 ans, était un dentiste qui avait fui le conflit syrien pour aller en Jordanie et qui avait cherché à obtenir l’asile dans un autre pays, avant que l’ambassade du Canada ne s’intéresse à sa demande.

Selon des organes d’information citant la couverture de Haber, il a ensuite voyagé au Canada avec l’approbation de l’ambassade. Il y est resté un moment avant de retourner en Jordanie.

La chaine d’information à affirmé, qu’il a contacté un fonctionnaire de l’ambassade en Jordanie appelé Matt. Le journal Daily Sabah, basé à Istanbul, a cité des sources de police turques, qui ont dit que Matt était probablement un employé des services de renseignement britanniques. Le suspect n’agissait que comme passeur et il était rémunéré par les services de renseignement.

Haber à diffusé deux vidéos différentes de l’homme qui a été arrêté, dont une le montrant conduisant les filles en Syrie et l’autre en état d’arrestation, emmené par les fonctionnaires de la sécurité.

Les médias turcs ont dit que la prise de vue floue, faite par l’homme qui est maintenant en prison, montre le voyage des filles depuis la Turquie jusqu’en Syrie.

Les trois filles sont arrivées à l’aéroport Ataturk d’Istanbul. Elle se sont ensuite rendues dans la ville de Gaziantep, au sud du pays et à proximité de la frontière syrienne, selon le Daily Sabah. Les filles ont ensuite pris un taxi de Gaziantep jusqu’à un lieu où elles ont été accueillies par l’homme.

Le Daily Sabah a indiqué que le suspect avait commencé à filmer lorsque les filles étaient arrivées et qu’il leur avait demandé leurs noms, avant de leur dire de prendre leurs bagages et de ne rien laisser derrière elles. Il les avait ensuite informées de ce qu’elles seraient en Syrie dans une heure.

Selon le même journal, les filles et le suspect sont ensuite montés dans un autre véhicule. Il les a livrées aux militants de l’État islamique en Syrie et est retourné en Turquie, où il a été par la suite arrêté par les autorités turques.

A Ottawa, Steven Blaney, le ministre de la Sécurité intérieure, a refusé de commenter les rapports, au titre de la sécurité opérationnelle. Le Service de renseignement et de sécurité canadien, la Police montée royale canadienne et le bureau du Premier ministre ont, eux aussi, refusé de faire un commentaire.

L’opposition officielle a interpellé les Conservateurs vendredi en leur demandant ce qu’ils avaient à dire à propos des liens supposés avec l’ambassade du Canada en Jordanie, qui est dirigée, ont-ils fait remarquer, par un ambassadeur spécialement choisi par Harper.

La députée Megan Leslie à demandé au gouvernement de confirmer qu’une personne liée au services de renseignement canadiens « que ce soit un employé, un agent ou un atout, est détenue en Turquie ».

Roxanne Jame, à confirmé que le gouvernement est informé des révélations, mais, comme le ministre, il avait refusé de fournir tout détail «sur des sujets opérationnels concernant la sécurité nationale».

Le ministre de la défense Jason Kenney, s’adressant aux journalistes vendredi à Calgary, a dit qu’il n’avait jamais entendu le nom de Rashid avant cette histoire et il a refusé tout commentaire. «Nous ne faisons pas de commentaires sur des allégations ou des opérations concernant nos agences de sécurité», a déclaré Kenney.

Paul Dewar, critique des affaires étrangères, a dit que le refus du gouvernement de nier directement les articles venant de Turquie, leur donnait du crédit. «Ils n’ont pas répondu», a-t-il dit. «Et à la lumière du fait qu’il a fallu plus de 24 heures pour que le gouvernement établisse les faits sur ce qui s’est passé, je ne peux qu’en conclure qu’il y a du vrai dans cette histoire.»

Dewar a dit que si les rapports étaient vrais, ce serait dévastateur pour la crédibilité du Canada et, tout au moins, il a réitéré le besoin d’accroître la surveillance des activités des agences de renseignement.

«Nous avons été impliqués avec une personne qui n’empêche pas les gens de se rendre en Syrie pour rejoindre l’EI, mais qui en plus le facilite», a-t-il dit.

«Le gouvernement doit donc comprendre qu’il a des compte à rendre pour les actions de notre agence d’espionnage et quiconque travaille avec elle».

Si les allégations étaient avérées, Dewar a dit qu’il devrait y avoir une enquête immédiate sur ce qui s’est passé, incluant la manière dont le CSIS aurait recruté un tel individu pour travailler avec lui. Dans le même temps, il s’est demandé qui pourrait mener une telle enquête et la destination du rapport final, étant donné l’absence de surveillance indépendante de l’agence d’espionnage.

«C’est la raison pour laquelle nous ne soutiendront pas le projet de loi Bill C-51 a-t-il expliqué. Il n’y a pas de surveillance appropriée à ce stade. C’est un trou noir».

Dewar à aussi fait remarquer que les articles soutiennent que Rashid à été recruté par l’intermédiaire de l’ambassade du Canada en Jordanie, qui est dirigée par Saccomani. Il a dit que c’était ironique, étant donné que le gouvernement avait contrebalancé l’absence d’expérience diplomatique de Saccomani en vantant ses compétences sur les sujets de sécurité, au moment ou le Premier ministre l’avait nommé à ce poste l’an dernier.

La raison exacte pour laquelle les fonctionnaires turcs ont choisi d’annoncer publiquement l’affiliation de l’homme avec le Canada et probablement le CSIC, n’est pas claire.

Les relations entre la Turquie et le Canada avaient été rugueuses après que le gouvernement conservateur avait officiellement reconnu le massacre des arméniens par les Turcs ottomans durant la Première Guerre mondiale comme étant un génocide, mais elle étaient devenues plus cordiales ces dernières années.

Le Canada est, en particulier, resté largement silencieux alors que d’autres pays occidentaux critiquent la Turquie de pas en faire plus pour arrêter le flot de combattants étrangers entrant en Syrie, alors que nombre d’entre eux se sont joints à l’État islamique.

Le Canada s’est aussi abstenu de parler trop fort au sujet de ce que certains ont perçu comme un penchant et une tentative de plus en plus autoritaire de la part d’Erdogan pour détourner la Turquie de la laïcité.

Shamina Begum, 15 ans, Amira Abase, 15 ans, et Kadiza Sultana, 16 ans, sont les trois jeunes Britanniques qui ont rejoint l’État islamique après avoir quitté leurs foyers londoniens au début du mois de février, traversé la Turquie et passé la frontière vers la Syrie.

Le ministre des Affaires étrangères turc, Mevlut Cavusoglu, a dit que le suspect qui a été arrêté travaillait pour une agence de renseignement d’un pays participant à la coalition menée par les États-Unis pour combattre l’État islamique.

Il n’a pas nommé de pays mais plusieurs organes d’information, citant des fonctionnaires du renseignement, ont tout d’abord annoncé jeudi que la personne travaillait pour les services de sécurité canadiens.

Le CSIS pourrait bien opérer dans la région.

Si Rashid travaillait d’une certaine façon pour le CSIS et, selon les rapports, son ordinateur contenait des photo de passeports et de documents de travail de plusieurs personnes apparemment recrutées par l’EIIL, il est concevable qu’il récupérait en réalité de l’information pour le CSIS au sujet de ces recrues, des méthodes, de la logistique et des contacts pour les introduire en Syrie, a déclaré Ray Boisvert, l’ancien assistant directeur des renseignement pour le CSIS.

«S’il était un agent du CSIS, il est probablement un observateur dont le seul travail est de rapporter ce qu’il à vu», à dit Boisvert. Si son ordinateur contenait des informations sur d’autres recrues d’EIIL en Syrie, «c‘est une excellente opération de renseignement, bien joué» a-t-il ajouté.

Boisvert a fait remarquer que les relations entre la Turquie et la coalition occidentale sont devenus acrimonieuses, surtout avec les Britanniques. C’est «devenu une importante discussion, politiquement chargée, de savoir qui accuser» pour la filière qui permet au recrues d’EIIL de passer de la Turquie en Syrie.

Si Rashid travaillait pour le CSIS d’une façon ou d’une autre, le mandat actuel de l’agence de renseignement lui interdisait de faire quoi que se soit pour empêcher les trois jeunes filles d’atteindre la Syrie. En effet, selon la loi actuelle, le CSIS et ses agents n’ont que le droit de collecter des renseignements.

Ironiquement, la législation du gouvernement sur la sécurité (le projet de loi Bill C-51), sujette à controverse, donnerait au CSIS le pouvoir d’interrompre de telles activités, qui menacent la sécurité du Canada.

Le rapport survient alors que le gouvernement fait pression pour mettre en œuvre deux morceaux d’une législation sur la sécurité qui divise l’opinion publique et qui donnerait au CSIS des pouvoirs extraordinaires sur le territoire du Canada et à l’étranger. Les critiques disent que, sans supervision et sans réexamen supplémentaires, les agences de renseignement du Canada pourraient devenir dangereuses avec ces nouveaux pouvoirs.

Avec le projet de loi C-51, le mandat du CSIS s’étendrait considérablement, de son activité unique de collecte d’informations à celui de réduire et d’empêcher les menaces sur la sécurité nationale, que se soit au Canada ou à l’étranger. Bien que ces activités soient illégales ou anticonstitutionnelles au Canada, la législation autorise malgré tout les juges fédéraux à accorder au CSIS des mandats pour enfreindre la loi.

Le projet de loi donne aussi explicitement un chèque en blanc pour que le CSIS et les Cours canadiennes ignorent le statut des États souverains pour la conduite de telles opérations. Ce développement à été souligné dans une chronique de la version en ligne du New York Times de cette semaine, rédigée par les professeurs de droit canadien Graig Forcese et Ken Roach.

Une autre proposition de loi soumise au Sénat, le Bill C-44, qui amende la Loi sur le CSIS, permettrait aussi aux juges de la Cour fédérale, «sans considération pour toute autre loi, dont celle de n’importe quel pays étranger […] d’autoriser les activités permettant au service d’enquêter sur une menace à la sécurité du Canada».

Ces activités seraient toutefois limitées à la collecte traditionnelle d’information, qui est faite habituellement sous couvert, par tous les agences de renseignement de la planète.

Jason Fekete jfekete@ottawacitizen.com – http://twitter.com/jasonfekete

Traduit par Lionel, relu par jj pour le Saker Francophone

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