Lavrov, de Russie : les États-Unis ne se battent pas sérieusement contre L’État islamique


Moon of Alabama

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Le 17 novembre 2015 – Source Moon Of Alabama

Tout au long de la semaine dernière l’aviation russe a affiné sa liste de cibles en Syrie. On a fait des plans, désigné des unités, préparé les munitions.

Aujourd’hui, le président Poutine a annoncé que la destruction d’un avion de ligne russe, transportant 224 personnes au-dessus de la péninsule du Sinaï, était bien une attaque terroriste de l‘État islamique. Des traces d’explosifs ont été trouvées sur des débris de l’avion.

La mission russe en Syrie ne consiste plus seulement à aider le gouvernement syrien, mais elle est maintenant une question de défense nationale russe. Le parlement russe n’a pas peur de désigner les coupables :

« Les récents développements tragiques confirment que la Russie avait bien raison d’alerter constamment sur le fait que la déstabilisation permanente au Moyen-Orient, opérée par ceux qui prétendent à la domination mondiale avec en tête les États-Unis, pourrait conduire à l’expansion de la zone de chaos sanglant et entraîner de nombreuses tragédies humaines », indique le document. « La France et d’autres États européens récoltent, en fait, les fruits de la politique aveugle et égoïste de Washington».

La Russie ne reculera pas et elle se battra le temps qu’il faut. Au moment où parlait Poutine, des navires russes en mer Caspienne, des sous-marins en Méditerranée et des bombardiers stratégiques à longue portée venant de Russie lançaient 34 missiles de croisière sur des objectifs de État islamique en Syrie.

Le ministère russe de la Défense a annoncé qu’il allait doubler ses frappes en Syrie à l’aide de 5 TU-160, 6 TU-95MS, 14 TU-22m3. SU-8 34 et SU-4 27sm en plus des 34 avions déjà en Syrie. Les nouveaux appareils sont à longue portée et opéreront, pour la plupart, en volant directement de Russie. Ils vont attaquer des cibles statiques que les renseignements russe et syrien leur désigneront. Les avions en Syrie vont maintenant jouer un rôle plus tactique dans le soutien aérien direct de l’armée syrienne et des forces alliées qui combattent sur le terrain. La capacité de frappe va doubler tout de suite et il est prévu de l’augmenter encore davantage.

Les Français, qui bombardent maintenant EI en représailles de l’attaque de Paris, augmentent également leur capacité de frappe en faisant venir leur porte-avion au large des côtes syriennes. Le président Poutine a personnellement ordonné aux navires russes qui sont en Méditerranée de considérer les forces françaises comme des alliées. Ce geste d’ouverture envers la France a peut-être pour objet d’encourager Hollande à renoncer à sa position anti-syrienne et à interrompre son soutien aux insurgés anti-syriens.

Après que Poutine a fait honte à Obama, ce qui a contraint ce dernier à bombarder des groupes de camions citernes de État islamique, son ministre des Affaires étrangères, Lavrov, est allé plus loin. Il a accusé directement les États-Unis de ne pas se battre sérieusement contre l’État islamique :

« Le problème avec la coalition sous commandement américain est le suivant : bien qu’ils aient déclaré que leur objectif était de frapper exclusivement État islamique et d’autres terroristes, et qu’ils se soient engagés à ne pas prendre de mesures contre l’armée syrienne (…), l’analyse des frappes opérées par les États-Unis et leur coalition contre des positions terroristes au cours de la dernière année, montre que ces frappes étaient sélectives, je dirais même préservatrices, parce que, dans la majorité des cas, elles épargnaient les groupes de État islamique capables de mettre la pression sur l’armée syrienne, » a-t-il dit.

« On dirait un chat qui veut manger un poisson mais ne veut pas se mouiller les pieds. Ils veulent que État islamique affaiblisse Assad le plus vite possible pour le forcer à démissionner d’une manière ou d’une autre, mais ils ne veulent pas voir que État islamique est assez fort pour prendre le pouvoir ».

Que les USA ne se battaient pas sérieusement contre l’État islamique était évident pour tous les observateurs, mais maintenant que cela été dit publiquement et officiellement par la Russie, les États-Unis vont être obligés de réagir.

Peut-être Lavrov espère-t-il réussir à pousser les États-Unis à prendre État islamique plus au sérieux. Dans le contexte actuel des attentats de Paris et de l’attentat contre l’avion russe (et de ceux qui vont sans doute se produire), les chances d’y arriver ne sont pas trop mauvaises.

La Russie isolée, qui en fait n’avait jamais été isolée, n’est plus isolée. La position rhétorique des États-Unis est maintenant défensive et la Russie prend la tête de la lutte contre EI. Mais les Etats-Unis veulent encore faire croire qu’ils font quelque chose:

Le Secrétaire d’État américain, John Kerry, a déclaré mardi que son pays entamait des opérations avec la Turquie pour finir de sécuriser la frontière syrienne nord.

« 75 % de la frontière nord de la Syrie a été fermée et nous avons déclenché une opération avec les Turcs pour fermer les 98 kilomètres restants » a-t-il dit dans une interview à CNN.

Cela ne changera pas grand-chose. Pour traverser la frontière ou faire de la contrebande, il faudra à l’avenir avoir un permis des services secrets turcs ou de la CIA. Le véritable changement serait que les États-Unis cessent de soutenir les diverses factions qui luttent contre le gouvernement syrien. Mais cela exigera probablement un choc encore plus grand que l’attaque de Paris ou l’attentat contre un avion russe.

Traduit par Dominique Muselet

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