Par Moon of Alabama – Le 8 février 2018
Hier soir, la force américaine qui occupe illégalement le nord-est de la Syrie a attaqué un groupe de soldats alliés au gouvernement syrien et son soutien russe. L’incident s’est produit au nord-est de la ville de Deir Ezzor, à l’est de l’Euphrate. Les États-Unis affirment qu’ils ont tué une centaine de soldats syriens qui auraient attaqué leurs forces par procuration pour tenter de reprendre des champs pétrolifères.
L’Euphrate sépare les zones du sud-ouest sous contrôle du gouvernement syrien de celles du nord-est de l’Euphrate sous occupation américaine. Mais plusieurs endroits autour de Manbij, Raqqa et Deir Ezzor ne font pas partie de ces zones et sont sous le contrôle de l’autre camp. Les États-Unis affirment qu’il y a un accord sur une « ligne de démarcation » le long de l’Euphrate. Le gouvernement syrien affirme que non.
Une petite zone de l’autre côté de l’Euphrate, au nord-est de Deir Ezzor, a été reprise il y a plusieurs mois par les forces du gouvernement syrien. Elle est proche de champs pétroliers que les États-Unis ne veulent pas voir aux mains du gouvernement syrien.
« Les États-Unis veulent garder la Syrie faible et pauvre » explique le professeur Joshua Landis. Selon lui, les États-Unis occupent le nord-est de la Syrie pour empêcher la Syrie d’accéder à son pétrole et à ses terres agricoles les meilleures. Ils veulent que la Syrie devienne un bourbier pour la Russie et l’Iran, au profit principalement d’Israël.
Les précieux gisements de pétrole et de gaz sont actuellement entre les mains des tribus arabes locales qui étaient auparavant alliées avec l’État islamique et qui, selon les États-Unis, sont maintenant alliées aux Kurdes du YPG/PKK sous le nom de Forces démocratiques syriennes (FDS). Les FDS sont les forces locales par procuration des États-Unis pour maintenir leur occupation.
Dans le camp du gouvernement syrien, à Deir Ezzor, il y a quelques troupes syriennes, des milices locales de la région, ainsi que des membres de l’entreprise militaire privée russe Wagner Group. Wagner aurait un contrat avec le gouvernement syrien qui lui accorderait environ 25 % de toutes les recettes provenant des champs pétrolifères qu’il pourrait récupérer et protéger.
Hier soir, l’armée américaine a annoncé qu’elle s’était « défendue » contre une attaque des troupes du gouvernement syrien sur le sol syrien :
« Les forces syriennes pro-régime ont lancé sans raison apparente une attaque contre le quartier général des Forces démocratiques syriennes le 7 février.
Les membres de la coalition chargés du conseil, de l’aide et de l’accompagnement, ont été regroupés avec nos partenaires des Forces démocratiques syriennes (FDS), pendant l’attaque, à huit kilomètres à l’est de la ligne de démarcation convenue le long de la rivière Euphrate.
Pour défendre la Coalition et ses forces alliées, la Coalition a mené des frappes contre les forces attaquantes pour repousser l’agression contre nos alliés engagés dans la mission de la Coalition mondiale pour vaincre Daesh. »
Selon Reuters :
« Plus d’une centaine de combattants alliés du président syrien Bachar al-Assad ont été tués pendant la nuit lorsque la coalition américaine et les forces locales soutenues par la coalition ont repoussé leur attaque dans l’est de la Syrie, a déclaré jeudi un responsable américain.
Les lourdes pertes humaines montrent l’ampleur de l’attaque menée, selon l’officiel américain, par environ 500 combattants ennemis, appuyés par de l’artillerie, des chars d’assaut, des systèmes de roquettes à lanceurs multiples et des mortiers. L’officiel a parlé à Reuters sous couvert d’anonymat.
(…)
Aucun soldat américain n’a été tué ou blessé au cours de l’incident, ont déclaré les autorités.
Des soldats américains se trouvaient avec les forces démocratiques syriennes (FDS) dont le quartier général, situé dans la province syrienne de Deir al-Zor, était la cible de l’attaque.
Un combattant des FDS a été blessé, a déclaré cet officiel. »
Les États-Unis affirment également qu’ils avaient observé des préparatifs avant le déplacement syrien et qu’ils avaient pris contact avec le commandement russe en Syrie bien avant :
« La coalition dirigée par les États-Unis avait alerté les responsables russes de la présence des FDS dans la région longtemps avant l’attaque repoussée, a déclaré l’officiel américain. »
D’autres sources indiquent qu’il y a eu des pourparlers entre Wagner et les Arabes locaux qui surveillent les opérations pétrolières et gazières de « Conoco » actuellement improductives près de la ville de Khisham.
Hassan Hassan Hassan @hxhassan – 12:17 – 8 fév 2018
« 5. Il est intéressant de noter qu’il y a environ une semaine, des rapports locaux laissaient entendre qu’il y aurait un accord imminent pour rendre l’usine d’exploitation au régime par le biais d’une faction arabe au sein des FDS. »
La traduction d’un article du média d’opposition Al-Etihad semble confirmer qu’un accord avait été conclu :
« Des militants ont déclaré que des forces d’Assad et des milices chiites se sont rassemblées près des villages de Bakkara Akidat, Dahla et Sabah, dans la banlieue est de Deir-ez-Zor (à l’est de l’Euphrate), près du champ gazier de Conoco qui est contrôlé par les forces kurdes.
Les sources ont ajouté que les forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par les Kurdes, ont informé les forces de la coalition dirigée par les États-Unis de cette évolution. La coalition a exhorté les combattants des FDS à ne pas résister aux forces du régime et à rendre la région.
Les militants ont ajouté que les FDS avaient déjà retiré des armes lourdes de leurs zones détenues par les factions arabes et turkmènes. »
Cette opération était-elle un piège ? L’armée américaine savait que quelque chose allait se produire dans la région. Des accords locaux avaient été conclus entre le gouvernement syrien et les Arabes locaux qui détiennent les champs pétrolifères. Les États-Unis avaient demandé aux FDS de laisser faire. Mais lorsque les forces alliées du gouvernement ont commencé à reprendre le champ de pétrole, comme convenu, les États-Unis les ont bombardés.
L’« attaque contre les forces de la coalition » qui sert aux États-Unis de justification pour leurs bombardements ne semble pas avoir eu lieu du tout. Comment expliquer autrement que l’attaque de tout un bataillon bénéficiant d’un fort soutien d’artillerie n’ait fait qu’une seule victime, un seul blessé, parmi les combattants ? La déclaration ultérieure de l’armée américaine à un journaliste ne brille pas par sa clarté :
« Après que 20 à 30 tirs d’artillerie et de chars ont atterri à moins de 500 mètres de l’emplacement du quartier général des FSD, les Forces démocratiques syriennes soutenues par la Coalition ont pris pour cible les agresseurs avec une combinaison de frappes aériennes et d’artillerie. »
L’armée américaine parle-t-elle de « l’emplacement des quartiers généraux des FDS » parce que le quartier général n’était plus là du fait que les FDS étaient partis ? Et depuis quand des tirs de char d’assaut atterrissant à 500 mètres de distance sont-ils considérés comme une attaque directe? Les munitions des chars peuvent s’écarter d’un mètre ou deux du leur trajectoire. Il est impossible que des munitions atterrissant à environ 500 mètres de distance aient été destinées à frapper l’emplacement du quartier général. Quoi que les forces syriennes aient ciblé, si tant est qu’elles aient ciblé quoi que ce soit, ce n’était pas l’emplacement du quartier général des FDS.
L’histoire que l’armée américaine essaie de nous vendre sent très mauvais.
Cet incident rappelle l’attaque non provoquée des États-Unis contre les troupes syriennes en septembre 2016. Cette attaque aérienne a tué 100 soldats syriens d’un petit contingent encerclé qui résistait aux forces de l’État islamique. Cela avait presque permis aux Takfiris d’éliminer cette dernière position du gouvernement syrien à l’est.
Il y a eu récemment une série de provocations contre les forces russes et syriennes en Syrie. Deux attaques massives de drones ont ciblé le port aérien russe d’Hememim et sa base navale de Tartous. Cette semaine, des tirs de mortier en provenance de Ghouta-Est ont frappé avec précision la mission commerciale russe à Damas et l’ont gravement endommagée. Un point de distribution d’aide russe à Damas a également été attaqué juste au moment où des dirigeants d’organisations non gouvernementales russes s’y trouvaient en visite, un jet russe a été abattu avec un rare MANPADS dans le ciel d’Idleb. Ces trois opérations dépassaient les capacités matérielles et de renseignement des forces « rebelles ».
La propagande ridicule sur « l’attaque au gaz chloré » revient en force pour nuire à la Syrie. Malgré un accord de désescalade russo-turco-iranien conclu avec la Turquie, Al-Qaïda et d’autres forces « rebelles » dans le gouvernorat d’Idleb semblent toujours bénéficier d’un approvisionnement illimité à travers les frontières turques. Israël attaque des cibles en Syrie et tente d’étendre son occupation du plateau du Golan.
La guerre des États-Unis contre la Syrie et ses alliés se poursuit à plein régime, même si les États-Unis prétendent qu’il n’y a pas de guerre du tout. La volonté de créer le bourbier dont parle le professeur Landis se dissimule derrière des opérations clandestines, l’action « défensive » et le bla bla « humanitaire ».
Les États-Unis feraient bien de se méfier. Ils ne sont pas les seuls à pouvoir jouer à ce jeu-là. Leurs troupes dans le nord-est de la Syrie ont des lignes d’approvisionnement étroites et ne sont pas bien protégées. Elles sont vulnérables aux activités clandestines de l’autre camp, tout comme les forces américaines en Irak. Je ne serais pas du tout surpris si elles recevaient bientôt une attention inattendue et très meurtrière.
Traduction : Dominique Muselet