Par M. K. Bhadrakumar − Le 25 janvier 2022 − Source Oriental Review
Les discussions tenues entre les États-Unis et la Russie au cours des deux semaines passées n’ont débouché sur aucun résultat. Il existe sur le fond une contradiction qui ne peut se résoudre facilement. La Russie voit l’avancée de l’OTAN jusqu’à ses frontières de l’Ouest de manière existentielle. Mais pour Washington, ce n’est que de la géopolitique, espèce d’idiot !
La Russie ne peut plus tolérer une telle présence de l’OTAN à sa frontière occidentale. L’adhésion de l’Ukraine au sein de l’alliance occidentale signifierait que des missiles étasuniens pourraient frapper Moscou en 5 minutes, ce qui rendrait les systèmes de défenses anti-aériennes russes inopérants et obsolètes.
Les déploiements de l’OTAN dans les régions de la Mer Baltique et de la Mer Noire dépossèdent en outre la Russie de toute zone tampon à l’Ouest. Si l’on considère que toutes les décisions majeures, et que la plupart des décisions mineures, adoptées par l’OTAN, sont prises à Washington, Moscou perçoit cet ensemble comme une stratégie étasunienne visant à l’encercler et à éroder son autonomie stratégique ainsi que l’indépendance de ses politiques étrangères.
Les États-Unis, au contraire, refusent d’agréer au moindre recul de l’OTAN. Ils insistent sur l’idée que la Russie n’a pas son mot à dire quant aux décisions prises par l’alliance. Au mieux, Washington pourrait discuter certaines mesures visant à instaurer de la confiance, mais l’élargissement de l’OTAN depuis 1997 — contrairement aux assurances apportées à Mikael Gorbatchev par les dirigeants occidentaux en 1990, durant la réunification de l’Allemagne — est un fait accompli avec lequel la Russie doit s’accoutumer.
Fondamentalement, les États-Unis ont acquis cette position de supériorité en menant des efforts soutenus au cours des trois décennies passées, depuis que l’administration Clinton a mis en oeuvre une stratégie concertée, dans l’anticipation d’une réapparition de la Russie après quelque temps. À présent que les États-Unis ont les atouts en main, ils répugnent à les rendre.
Du point de vue de Washington, il s’agit d’une clé de la lutte géopolitique qui se déroule pour la définition du nouvel ordre mondial, après la montée de la Chine et la bascule progressive de la dynamique du pouvoir d’Ouest en Est. Réduire la Russie, et parvenir à l’intimider est un prérequis si les États-Unis veulent ensuite s’en prendre à la Chine de manière extensive. L’Ukraine est devenue un champ de bataille où une gigantesque épreuve entre volontés est en cours.
L’Ukraine constitue en pratique un suppléant des États-Unis, et sa transformation en État anti-russe, commencée suite au changement de régime subi par Kiev en 2014, en est déjà à un stade avancé. Bien que l’Ukraine ne soit pas encore membre de l’OTAN, l’alliance a d’ores et déjà établi une présence significative dans le pays, militairement et politiquement.
Dans cette guerre de l’information, les États-Unis dépeignent la Russie comme agresseur qui s’en prend à un voisin plus faible. Mais en réalité, il s’agit d’une occurrence de « Pile je gagne, face tu perds ». Si la Russie reste sans réagir, cela revient pour elle à se résigner à l’inévitabilité de voir l’Ukraine entrer dans l’OTAN, et à devoir vivre avec l’ennemi installé à ses portes. Et cela, bien entendu, ferait pencher la balance stratégique mondiale en faveur des États-Unis, pour la première fois de l’histoire.
D’un autre côté, si la Russie agit militairement pour empêcher la marche de l’OTAN jusqu’en Ukraine, Washington va répondre durement. Washington est vent debout pour clouer personnellement le président Vladimir Poutine au pilori et imposer « des sanctions infernales » à la Russie, avec un plan de jeu vicieux consistant à affaiblir mortellement l’économie du pays et brider sa capacité à rester un acteur du jeu global.
Selon l’estimation pratiquée par les États-Unis, c’est Poutine qui devra payer personnellement un coût politique écrasant si les conditions de vie baissent en Russie entre aujourd’hui et 2024, année de la prochaine élection présidentielle russe, et on peut le contraindre à abandonner le pouvoir. Selon la perspective étasunienne, rien ne serait plus délectable que de voir un Boris Eltsine II succéder à Poutine.
Ne vous y trompez pas, une partie de ce qui se produit aujourd’hui est une diabolisation de la personnalité politique de Poutine, visant à éroder son immense popularité (65 %), qui verrouille toute montée d’un homme politique russe pro-occidental pour l’avenir prévisible. Toutes les tentatives menées par les renseignements étasuniens en vue de créer une plateforme « libérale » dans la vie politique russe ont jusqu’ici échoué. L’état de fait est que la majorité du peuple russe redoute le retour de l’ordre « libéral » des années 1990.
Le Washington Post, qui n’est pas sans liens avec l’establishment de la sécurité étasunienne, a fait paraître un rapport calomnieux mercredi dernier, sous le titre Les Républicains de la Chambre projettent des sanctions contre Poutine, sa famille et sa maîtresse. L’article affirme : « Le mélange soigneusement préparé par l’administration Biden, sur la base de diplomatie et de menace de sanctions additionnelles, n’a pas dissuadé le président russe Vladimir Poutine d’envahir l’Ukraine et de démarrer une guerre. À présent, un vaste groupe de Républicains de la Chambre pousse le président Biden à intensifier les pressions directement exercées sur Poutine, en s’en prenant à lui personnellement ainsi qu’à son entourage, et en dénonçant leur corruption établie de longue date. » De toute évidence, Washington adoptera toute mesure visant à créer des dissensions entre l’élite de la Russie et à saper la stabilité politique du pays.
Qu’est ce qui se trouve sur le chemin ?
Sans aucun doute, la Russie a pleinement conscience de ses limites. Moscou a également fait de grossières erreurs de calcul. Elle pariait que l’Ukraine n’allait pas rejoindre l’OTAN, et qu’en temps voulu, le bon sens reviendrait à Kiev, avec un dirigeant réaliste et pragmatique qui allait abandonner l’agenda d’« ukrainisation », rétablir les liens avec la Russie (surtout en matière économique), et, chose importante, satisfaire aux aspirations des régions de l’Est ethniquement russes. Mais il s’est avéré que l’« ukrainisation » se trouve sans arrêt galvanisée par le soutien tacite étasunien. Moscou a bien senti que le temps ne jouait plus en sa faveur.
Moscou attend quelque chose de concret de la part du côté étasunien, car ce sont ses intérêts vitaux qui sont en jeu. Les dirigeants du Kremlin, Poutine compris, ont tracé les « lignes rouges » de la Russie avec fermeté. Washington, de l’autre côté, se contente de taper du pied pour faire dévaler quelque débris. Elle estime que le temps joue de toutes façons en sa faveur. Du point de vue russe, cela n’est pas acceptable, car un point de non-retour approche avec le sujet de l’appartenance de l’Ukraine à l’OTAN.
On peut penser que le président Biden ne veut pas partir dans la direction consistant à satisfaire aux intérêts légitimes de la Russie, au vu des poussées et tractions qu’il reçoit sur la scène intérieure des États-Unis, et des divergences d’opinions parmi les alliés européens, mais surtout du fait que l’encerclement de la Russie par des États pro-occidentaux a constitué l’un des objectifs stratégiques des politiques menées par Washington envers la Russie, au cours de toutes les administrations successives depuis Bill Clinton, si bien qu’aujourd’hui il peut apparaître comme opportun de s’y tenir, cela consistant une « cause » qui jouit d’un rare soutien bipartisan dans le centre-ville de Washington, à un stade où les opinions étasuniennes sont plus que jamais divisées.
Dans la situation présente, sciemment ou non, Washington s’est également lié les mains en s’engageant à ne pas négocier sans les Ukrainiens. Si l’on prend tous les facteurs en considération, il s’ensuit que la probabilité de voir la Russie intervenir dans l’Est de l’Ukraine, dans le but d’établir de nouveaux éléments concrets garantissant sa sécurité nationale, est très haute. Une telle intervention ne mettrait pas de côté l’objectif d’un règlement politique de la crise à moyen ou long terme.
Qu’est-ce que cela implique ?
Il est clair que la Russie ne cible pas une annexion du territoire ukrainien. Elle préférera limiter en grande partie son intervention à l’Est de l’Ukraine aux régions peuplées de Russes, et créer une zone tampon. Certains analystes étasuniens ont estimé que dans l’ensemble, toute intervention russe se cantonnera aux territoires s’étendant jusqu’à la rivière Dnepr, qui traverse le Bélarus, l’Ukraine, et se jette dans la Mer Noire. Un tel scénario semble plausible.
Bien sûr, toute situation militaire d’urgence vient avec son lot d’éléments non prédictibles. La Russie va réagir fermement à toute forme d’intervention occidentale en Ukraine — même si Washington l’a exclu. (Dans tous les cas, la capacité des États-Unis à mener une guerre continentale massive à aussi court terme porte à caution.) Les opérations militaires russes seront déterminantes, disposeront d’une énorme puissance de feu, et seront le théâtre du déploiement de systèmes d’armement avancé sur plusieurs fronts, avec pour intention d’atteindre l’objectif politique dans un temps aussi réduit que possible.
Les journalistes étasuniens ont écrit au sujet de la « résistance », mais ce n’est qu’un ramassis de foutaises. L’opération russe sera brève et décisive. La fibre morale ukrainienne du moment fait que les soldats démoralisés, et le peuple, ayant perdu ses illusions, ne feront que se terrer. Il faut se souvenir, avec tout ceci, que malgré les doses importantes d’endoctrinement, le peuple ukrainien conserve de profondes affinités civilisationnelles avec les Russes, qui restent accessibles juste en dessous de la surface.
Chose très importante, la corruption omniprésente dans ce pays laisse tout le champ à l’achat des loyautés des uns et des autres — en réalité, il se peut que les combats soient d’intensité extrêmement réduite dans de nombreux secteurs. Il faut également prendre en compte le fait que la situation politique à Kiev est hautement instable, en témoignent les dernières accusations de sédition formulées contre l’ancien président Petro Poroshenko.
Zelensky a remporté son mandat de président en 2019 sur la base de sa promesse d’œuvrer à un rapprochement avec la Russie. Aujourd’hui, il n’est plus qu’un personnage totalement discrédité. Le peuple se sent trahi. Une défaite militaire écrasante signifiera la fin du chemin pour Zelensky.
La tourmente politique qui va s’ensuivre en Ukraine constitue le facteur « X » de l’intervention russe. Les analystes étasuniens ont délibérément contourné ce point. Pour dire les choses simplement, les Russes comprennent fort bien les tourbillons de la politique ukrainienne, ainsi que les mandataires du pouvoir de ce pays, au vu de l’histoire, la culture, les enjeux politiques et les liens sociétaux qui sont partagés entre les deux pays.
L’objectif ultime des Russes sera d’arriver à une Ukraine fédérée, au travers d’une réforme constitutionnelle gardant intactes la souveraineté, l’unité nationale, et l’intégrité territoriale du pays, les régions de l’Est jouissant d’une autonomie. L’Europe peut accueillir cela comme la meilleure solution pour stabiliser la situation et supprimer le potentiel d’un conflit à venir.
De fait, les attentes de la Russie seront que l’Ukraine ne puisse jamais devenir membre de l’OTAN, une fois que les fondements constitutionnels seront mis en place pour assurer que toutes les politiques d’importance décidées à Kiev seront fondées sur un consensus national.
L’objectif ultime est que, selon la vision de la Russie, la seule manière de sortir de cette crise est que l’Ukraine recouvre sa souveraineté nationale, et cesse de suivre le chemin montré par Washington pour orienter sa destinée. Cela suppose que les agents étasuniens basés à Kiev, qui prennent les décisions pour le compte de l’Ukraine, rentrent chez eux, et que les Ukrainiens reprennent le contrôle de leur patrie, chose qui a cessé d’être le cas après que les renseignements étasuniens ont usurpé le pouvoir au mois de février 2014, en faisant fi de la promesse énoncée par le président élu de l’époque, Viktor Yanoukovitch, de tenir de nouvelles élections avant de décider de l’adhésion de l’Ukraine à l’UE.
Clairement, rien de tout ceci ne va être aussi facile que cela peut paraître, et les débouchés peuvent s’avérer aussi mauvais que vouloir faire le tri entre le blanc et le jaune d’une omelette. Mais la partie intéressante est que des signes existent déjà quant au scepticisme qui se manifeste en Europe par rapport à l’idée de se contenter de suivre les États-Unis au sujet de l’Ukraine.
Les probabilités croissent de voir la discorde s’installer dans les relations transatlantiques. L’OTAN elle-même n’a jamais constitué l’alliance unifiée et robuste que l’on aime à montrer. La décision prise par Andrzej Duda, le président polonais, d’assister aux JO d’hiver à Pékin est un signe avant-coureur de choses qui vont suivre. (Qui plus est, Poutine se trouvera également à Pékin à ce moment-là.) L’Allemagne s’oppose non seulement à ce que la Russie soit déconnectée du réseau bancaire Swift, mais également aux livraisons d’armes à l’Ukraine par des pays de l’OTAN, ainsi qu’à l’idée examinée par la Lituanie (selon les conseils des États-Unis) de reconnaître diplomatiquement Taiwan plutôt que Pékin !
Les États-Unis ont commis une gaffe stratégique, en encourageant une marque plus profonde de l’OTAN en Ukraine. Énoncer des semi-promesses à un pays non-membre de l’OTAN va abîmer la crédibilité des États-Unis en aval de l’intervention russe. Mais il est désormais impossible que Washington rétropédale, car la perte de crédibilité serait encore pire.
Point qui reste également à voir, comment l’Union européenne va survivre à ce moment. Les Atlantistes ardents de la Commission européenne de Bruxelles, menés par Ursula von der Leyen et Josep Borrell, qui exècre la Russie, sont à pied d’œuvre pour définir l’agenda de l’UE, en faisant fi des importantes divergences d’opinion parmi les États-membres. Avec le départ d’Angela Merkel, un vide est apparu, que ces Eurocrates espèrent bien combler.
Mais cela n’est évidemment pas tenable. Au cours d’une allocution face au parlement européen à Strasbourg, la semaine dernière, Macron, a exhorté l’Europe à investir dans son propre cadre de sécurité collective, et a appelé à un dialogue « franc » de l’UE avec la Russie. En outre, ni l’UE, ni la France n’ont été impliqués dans les conversations directes tenues à Genève entre les États-Unis et la Russie.
On commente beaucoup les menaces de sanctions contre la Russie. Mais des sanctions de cette nature ne vont pas du tout dissuader Moscou. Pour commencer, les sanctions les plus drastiques se sont avérées ne constituer qu’un moyen de coercition bien faible. De fait, les sanctions étasuniennes n’ont produit que des résultats pour le moins discutables en Corée du Nord, à Cuba, en Iran, au Vénézuéla, au Vietnam, etc.
La Russie est une grande puissance. Elle dispose de vastes réserves monétaires, qui s’établissent actuellement au record de 638.2 milliards de dollars — au quatrième rang des montants mondiaux. La Russie présente une bonne réputation en matière de crédit, et elle possède la plus grande partie de ses dettes. Elle n’a pas besoin des investisseurs étasuniens de manière critique. La Russie n’est pas en situation désespérée de devoir vendre sa monnaie.
Après avoir traversé quatre chocs traumatiques au cours des 30 années de son histoire d’après guerre-froide, la Russie sait comment absorber les chocs. Par conséquent, même si le pays peut encaisser un coup très important, et que la monnaie peut connaître une volatilité provoquant une sortie des capitaux comme résultat immédiat de l’annonce des sanctions, ses réserves lui donnent largement de quoi respirer.
En tous cas, il reste à voir jusqu’où les Européens voudront aller sur le terrain des sanctions. L’Allemagne a émis des réserves au sujet de la célèbre « option nucléaire » de Washington, à savoir l’expulsion de la Russie hors du système de paiement Swift. Il faut être clair : toute perturbation au niveau des livraisons d’énergie en provenance de Russie va faire mal aux économies européennes.
Chose que l’on sait peu, la Russie vend du gaz à l’Europe à prix très bas, alors que tout approvisionnement en gaz naturel en provenance des États-Unis pour prendre le pas sur l’Est va impliquer des coûts exorbitants, qui vont faire grimper en flèche les coûts de production industrielle. Les pays d’Europe centrale dépendent à 100 % de la Russie pour satisfaire à leurs besoins en énergie. La dépendance de l’Allemagne s’élève à 40 %.
Selon divers rapports, un point notable de la visite à venir de Poutine à Pékin sera la signature de l’accord sur le projet de gazoduc Siberia-2, visant à construite une route supplémentaire pour envoyer du gaz en Chine, depuis la péninsule sibérienne de Yamal, où se trouvent les plus importantes réserves de gaz russe, en passant par la Mongolie. La capacité du gazoduc devrait être de 60 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an (ce qui dépasse la capacité de Nord Stream 2.)
Chose significative, les échanges commerciaux entre la Chine et la Russie ont atteint le montant record de 146.88 milliards de dollars en 2021, soit 35.8% de plus que l’année précédente. Il est quasi certain que l’affrontement joué en Ukraine entre la Russie et l’Occident, qui pourrait déboucher sur de nouvelles sanctions contre Moscou, va probablement resserrer davantage les liens du Kremlin avec Pékin. Les deux pays ont promis de faire monter leur niveau d’échanges commerciaux à 200 milliards de dollars d’ici à 2024. Les tendances économiques suggèrent d’elles-mêmes que les deux pays vont sans doute atteindre cet objectif.
Les tensions géopolitiques qui montent pourraient contribuer à gonfler ces montants, en rendant nécessaires aux yeux du Kremlin des liens commerciaux plus étroits avec la Chine. Moscou devra accroître ses capacités d’approvisionnement ailleurs, du fait des sanctions étasuniennes, et la Chine constituera une avenue grande ouverte. Il faut aussi comprendre que la Chine, de son côté, n’a pas les moyens de voir la Russie tomber sous la pression étasunienne.
De toute évidence, les États-Unis n’ont pas réfléchi à ce qui se passerait à chaque échelon de l’escalade. Le Kremlin a menacé Washington d’une totale rupture des relations si les pressions se poursuivent. On peut faire confiance au Kremlin pour rendre les coups. La Russie a mené au mois de mai un test anti-satellite en mettant hors de fonction un satellite. Cela a peut-être constitué un signal selon lequel la Russie est en capacité d’intervenir avec la constellation GPS, dans les domaines non-militaires, chose qui peut affecter des secteurs clés de l’économie étasunienne.
Par dessus-tout, n’importe quelles « sanctions infernales » va inévitablement porter à des conséquences morales sur la scène mondiale. L’économie mondiale en subira les contrecoups, les pays se préoccupant de l’utilisation comme arme du dollar par Washington. Certains pourraient même se sentir poussés à renforcer leur économie. Cela peut avoir des impacts sur les marchés financiers internationaux. Washington avait par le passé reculé lorsque de telles situations s’étaient présentées. (Washington avait décidé de ne pas imposer de sanctions contre l’Inde, selon le traité CAATSA, après l’achat par ce pays de systèmes de missiles S-400 à la Russie.)
De manière paradoxale, grâce aux multiples trains de sanctions occidentales menées par l’Occident depuis 2014, la Russie s’est nettement convertie à l’autarcie. De nos jours, elle n’a plus besoin de faire des achats en Occident ; son industrie de la défense est désormais indépendante pour développer ses nouveaux systèmes d’armement. Les dirigeants du Pentagone ont reconnu que la Russie a pris la tête en matière de technologie de défense, dans des domaines tels que les missiles hypersoniques, et qu’il faudrait entre trois et cinq années pour combler ce retard — c’est-à-dire en supposant que l’industrie de défense russe repose sur ses lauriers (et en supposant que l’industrie de défense étasunienne soit subitement redevenue performante, ce qui, en voyant les aventures à de multiples rebondissements du F-35, nous pousse à douter, NdSF.)
M. K. BHADRAKUMAR est un ancien diplomate de nationalité indienne, dont la carrière diplomatique a trois décennies durant été orientée vers les pays de l’ancienne URSS, ainsi que le Pakistan, l’Iran et l’Afghanistan. Il a également travaillé dans des ambassades indiennes plus lointaines, jusqu’en Allemagne ou en Corée du Sud. Il dénonce la polarisation du discours officiel ambiant (en Inde, mais pas uniquement) : « vous êtes soit avec nous, soit contre nous »
Traduit par José Martí, relu par Wayan, pour le Saker Francophone