Par Andrew Korybko − Le 13 mai 2021 − Source One World
Nikolaï Patrushev, le secrétaire du conseil de sécurité russe, a déclaré cette semaine à Spoutnik que les États-Unis développent en secret des armes biologiques dans certains des laboratoires biologiques qu’ils financent un peu partout dans le monde ; ses propos rebondissent sur les accusations qu’il avait déjà prononcées par le passé quant aux dangers induits pour la Russie et le reste du monde par ces laboratoires dans les anciennes républiques soviétiques.
Nombreux sont ceux à avoir le terme de guerre biologique sur le bout de la langue depuis l’éclatement de l’épidémie de la Covid-19 l’an dernier ; il s’est trouvé de nombreux observateurs à émettre l’hypothèse que le virus constituait une arme biologique qui était sortie par accident d’un laboratoire biologique chinois. Bien que la dernière étude produite par l’Organisation Mondiale pour la Santé (OMS) conclue que cette théorie est très peu probable, les récits en ce sens continuent de perdurer jusqu’à ce jour. Nonobstant leur caractère véridique, ou erroné, cette interprétation des événements a provoqué un intérêt très important quant aux dangers posés par les programmes de développement d’armes biologiques envers l’humanité. C’est en gardant cette idée en tête que chacun devrait écouter avec la plus grande attention ce que Nikolaï Patrushev, secrétaire au conseil de sécurité russe, a trouvé à dire au sujet de ces menaces.
Il a déclaré pour Spoutnik cette semaine qu’“Au cours des dernières années, les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN ont significativement accru les recherches biologiques dans de nombreux pays aux quatre coins de la planète. Les États-Unis développent des plans d’actions séparés pour chaque pays, sur la base des besoins en programme biologiques nationaux, principalement des programmes militaires”. Ces propos rebondissent sur ce qu’il avait affirmé le mois dernier au cours d’une interview avec le populaire quotidien russe Kommersant, dans lequel il avait accusé les États-Unis de développer ce type d’armes à proximité étroite des frontières de la Russie et de la Chine. Contrairement aux affirmations mensongères occidentales quant à l’idée que l’homme exploiterait avec sensationnalisme l’éclatement de la Covid-19 à des fins politiques, il se trouve que Patrushev a commencé à faire état de ces menaces et des risques qu’elles induisent dès 2015, selon RT.
La Russie prend ces dangers au sérieux, au point que Sergeï Lavrov, le ministre russe des affaires étrangères, vient de sceller avec l’Arménie un pacte sur la bio-sécurité, au cours de sa dernière visite dans le pays du Sud-Caucase, qui a l’honneur douteux d’héberger l’un de ces laboratoires étasuniens. La Russie espère également parvenir à des accords similaires avec d’autres ex-républiques d’URSS ayant permis aux États-Unis d’opérer de manière aussi provocatrice au sein de leurs frontières. Le diplomate en chef russe a affirmé au mois de mai dernier que “Nous sommes parvenus à un mémorandum intergouvernemental avec le Tadjikistan, et nous travaillons à un document similaire avec nos collègues d’Ouzbékistan ; nous menons également des consultations avec d’autres pays post-soviétiques, dont le Kazakhstan, l’Arménie, et d’autres pays voisins.”
Le laboratoire biologique étasunien localisé dans la Géorgie voisine constitue une préoccupation permanente pour la Russie. Moscou a fait part de ses préoccupations au sujet de cette installation en 2013, puis de nouveau en 2018, année où les dirigeants russes ont affirmé que le laboratoire était en lien avec plus de 70 décès. Cette même année, le ministre d’État de ce pays du Sud-Caucase a émis publiquement l’hypothèse que le site constituait un centre secret d’armes biologiques. Les États-Unis et la Géorgie réfutent ces allégations, mais dans un contexte d’affirmations non confirmées voulant que la Covid-19 ait pu fuiter d’un laboratoire biologique chinois malgré la dernière étude de l’OMS réfutant cette théorie, on peut comprendre que la Russie veuille à tout le moins s’assurer qu’un tel accident ne puisse jamais se produire à proximité de ses propres frontières.
Comme je l’ai écrit dans un éditorial au mois d’avril 2019 pour CGTN, “Les États-Unis doivent s’expliquer quant à leurs laboratoires biologiques situés dans l’ancienne URSS“, telle est la seule manière d’apaiser les inquiétudes légitimes de chacun, et de prévenir des fuites accidentelles, quels que soient les tests en cours dans ces laboratoires. Néanmoins, ces préoccupations, fondées sur d’honnêtes intentions, ont été déformées et présentées comme des “désinformations” par les grands médias occidentaux, qui affirment que le simple fait de faire mention de ces installations constitue d’emblée une “théorie du complot”, comme d’habitude propagée par les services de sécurité de la Russie. Cela est faux, et il serait tout aussi légitime de la part de l’étasunien moyen d’exiger la transparence quant à tout laboratoire biologique russe localisé aux abords des frontières étasuniennes, s’il en fût jamais construit.
Patrushev ne s’emploie donc pas à mettre en avant un récit de guerre de l’information : il exprime les préoccupations de sécurité légitimes de son pays quant aux obscurs laboratoires biologiques que son rival construit à proximité de ses frontières. Ces installations pourraient être exactement ce qui est dit à leur sujet : des sites innocents servant à tester diverses maladies, ou bien elles pourraient de fait constituer des usines d’armement biologiques. Nul ne le sait précisément tant que les États-Unis et/ou leurs partenaires ex-soviétiques ne s’ouvriront pas à ce sujet quant à ce qui y est réellement réalisé. La Russie demande des réponses au nom du monde entier, et lentement mais sûrement, elle espère les obtenir avant qu’il ne soit trop tard et qu’un accident se produise sur l’un de ces sites, qui pourrait en comparaison faire passer la Covid-19 pour un jeu d’enfants.
Andrew Korybko est un analyste politique étasunien, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.
Traduit par José Martí pour le Saker Francophone
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