… les agressions conjointes britannique et française au milieu du XIXe siècle
Par Martin Sieff − Le 11 juillet 2020 − Source Strategic Culture
Les deux nations occidentales les plus puissantes militairement, à la fois libres de projeter leur puissance navale et leur domination maritime partout dans le monde, se réunissent pour punir et renverser les régimes qu’ils jugent coupables d’atteintes aux droits humains et de répression politique au nom des droits humains et de la promotion de la démocratie : qu’y a-t-il de mal ?
C’est bien sûr le nouvel appel du Secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, qui a déjà, au cours de la dernière décennie, exercé sa politique de nation-building et de promotion de régimes éclairés avec des succès brillants en Ukraine, en Libye, en Syrie et en Afghanistan pour étendre le manteau de sa protection, ainsi que les lumières et la paix dans la zone Indo-Pacifique et le reste de l’Asie.
Mais tout cela a déjà été fait auparavant. Et les résultats ont entraîné la mort, l’esclavage, la ruine et la destruction de centaines de millions de personnes totalement innocentes.
De 1840 à 1870, la Grande-Bretagne et la France ont uni leurs forces dans une extraordinaire série d’agressions et d’invasions militaires. Ces deux pays ont envahi la Russie, causant près d’un million de morts civiles et militaires lors de la guerre de Crimée de 1854-55.
Ils ont envahi la Chine – à deux reprises, forçant la nation la plus peuplée du monde à accepter des importations illimitées d’opium qui ont effondré son tissu social et provoqué la guerre civile la plus sanglante de l’histoire humaine – la rébellion de Taiping de 1850 à 1865.
Ils ont fortement encouragé les États du Sud des États-Unis à faire sécession en tant que nation indépendante propriétaire d’esclaves – ouvertement soutenus par les principaux internationalistes libéraux de Londres et de Paris. Cela a déclenché la guerre civile la plus sanglante que l’hémisphère nord ait jamais vue – la guerre civile américaine de 1861-1865.
Le soutien français a également permis à la Grande-Bretagne d’écraser impitoyablement la première guerre indienne de libération nationale – que les historiens britanniques et autres occidentaux pendant plus de 160 ans ont continué d’appeler «la mutinerie indienne». Au moins un million d’Indiens ont été massacrés au cours d’une année d’horreur en 1857.
Le sort de la Chine était encore pire : une estimation du nombre de personnes décédées aux mains des rebelles de Taiping, qui pratiquaient une parodie sombre et bizarre du christianisme comparable à la disposition génocidaire des non-croyants à l’État islamique en Irak et en Syrie (ISIS) atteignant 40 millions.
Avec une audace et une hypocrisie à couper le souffle, les Français, avec les encouragements et l’approbation des Britanniques, ont même renversé le gouvernement indépendant du Mexique et mis en place un archiduc autrichien, le frère de l’empereur Franz-Josef comme nouvel «empereur» du Mexique, soutenu par les esclavagistes des États confédérés d’Amérique (CSA). La France a également paralysé l’empire des Habsbourg d’Autriche qui contrôlait l’Europe centrale dans sa guerre de 1859. Pendant 30 ans, rien ne pouvait arrêter les Britanniques et les Français.
La quantité de souffrances humaines causées par ces guerres d’agression et d’ingérence éhontée dans les affaires intérieures d’autres nations était incommensurable. L’ingérence britannique et française dans les affaires intérieures des États-Unis à cette époque montre en fait des parallèles étonnants avec les efforts infructueux de la Grande-Bretagne, de la France et des États-Unis pour renverser le gouvernement légitime de la Syrie au cours de la dernière décennie.
Ces deux interventions ont montré que la «vieille» OTAN de 1840 à 1870, comme la «nouvelle» OTAN depuis la fin de la guerre froide, était capable des inepties et des erreurs militaires de calcul les plus grossières.
Au lieu de diviser avec succès les États-Unis et, dans la pratique, de les détruire, ce qui était un objectif politique ouvertement exprimé par Robert Gascoigne Cecil, plus tard Lord Salisbury, le mauvais génie directeur de la politique étrangère britannique du milieu des années 1860 jusqu’à sa retraite en 1902, l’intervention américaine a produit un leader américain déterminé à maintenir sa nation et à protéger sa sécurité et son intégrité tout aussi implacablement que l’actuel président syrien Bashar el-Assad. Son nom était Abraham Lincoln.
Comme Assad, qui a travaillé dur pour empêcher que le peuple syrien ne soit soumis à l’extermination par État Islamique, Lincoln a été sans cesse calomnié et maltraité dans la presse britannique et française, qualifié de boucher et de tyran.
Les empires britannique et français étaient donc en grande partie responsables de la mort de 850 000 personnes lors de la guerre civile américaine. Ils ont sous-estimé Lincoln et n’ont pas réussi, comme leurs successeurs au cours de la dernière décennie qui voulaient détruire la Syrie, à anticiper les mesures efficaces des Russes, diplomatiques et militaires, pour protéger l’État menacé.
Cet «âge d’or» du libéralisme du milieu du XIXe siècle a également vu l’ouverture des frontières et le libre-échange – conduit et appliqué avec enthousiasme par la Grande-Bretagne et la France sous des régimes successifs, à la fois libéraux et soi-disant conservateurs.
Il y avait aussi d’autres aspects sombres épouvantables. En 1906, le cartel de traite des blanches «Zwi Migdal», la première organisation criminelle moderne véritablement internationale, transnationale et même mondiale, avait été mise en place, utilisant les nouvelles technologies des chemins de fer, des bateaux à vapeur et des communications télégraphiques à grande vitesse à travers les continents.
L’organisation a prospéré, attirant des filles juives innocentes, issues de milieux protégés en Russie et dans l’Empire autrichien dans de faux mariages avec des proxénètes respectables qui les ont livrées à des vies, généralement courtes, d’horreur, d’abus et de dégradation dans les bordels de Buenos Aires en Argentine – où l’organisation était basée – et dans des maisons de prostitution similaires dans des ports sous contrôle britannique en Afrique et au moins jusqu’en Inde.
Ce réseau de prostitution était dirigé par des proxénètes juifs à Buenos Aires qui s’attaquaient à leurs coreligionnaires en toute impunité et avant la fin de l’Holocauste, quelque 140 000 filles auraient été réduites en esclavage. Déjà, au 19e siècle, l’ouverture des frontières et le libre-échange avaient des inconvénients évidents.
En outre, le vil commerce d’opium britannique en Chine s’est poursuivi pendant plus d’un siècle, principalement par le port de Hong Kong, mis en place par la Grande-Bretagne après sa victoire navale sur la dynastie Qing lors de la première guerre de l’opium.
Cette «première OTAN» a subi sa première défaite stupéfiante lorsque le tsar Alexandre II a envoyé des escadres de la marine russe aux États-Unis pour dissuader toute intervention britannique et française aux côtés de la Confédération des esclavagistes pendant la guerre civile américaine.
Cette antique OTAN a finalement été détruite lorsque le chancelier prussien Otto von Bismarck, soutenu diplomatiquement par le tsar, a vaincu le deuxième Empire français en battant les armées de l’empereur Napoléon III en 1870.
Une Allemagne unie, protégée de la prédation britannique par des droits de douane élevés du Zollverein, l’Union douanière allemande, puis par les brillantes politiques économiques de Bismarck, a succédé à la France comme puissance dominante sur le continent européen.
La Grande-Bretagne avait perdu la France comme fidèle allié et fidèle «épée» pour faire la guerre à d’autres grandes nations du monde, bien que la troisième République française dans les années 1880 ait continué à étendre son empire colonial dans de vastes régions de l’Afrique subsaharienne et de l’Asie du Sud-Est.
L’ère maniaque destructrice de la «Première OTAN» était terminée. Mais ses leçons pour l’humanité du XXIe siècle ne sont que trop claires : une fois de plus, des slogans inspirants sur les droits de l’homme, et des interventions internationales prétendument du côté du bien sont engagés cyniquement pour projeter le pouvoir et masquer l’agression aux publics trop crédules en Occident.
Les nouveaux dangers à l’ère des armes nucléaires et autres armes de destruction massive sont plus importants que jamais. Comme le président américain Harry Truman aimait à le dire, il n’y a rien de nouveau sous le soleil à part l’histoire que vous ne connaissez pas encore.
Martin Sieff
Traduit par jj, relu par Hervé pour le Saker Francophone
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