Par Allison Weir – Le 11 fevrier 2017 – Source Information Clearing house
Le président Trump a publié un décret suspendant l’entrée aux États-Unis pour les personnes originaires d’Irak, de Syrie, de Libye, de Somalie, du Soudan, d’Iran et du Yémen (le décret est intitulé «Protéger la nation contre l’entrée des terroristes étrangers aux États-Unis»). Ces mêmes pays ont été l’objet de la «Visa Waiver Program Improvement and Terrorist Travel Prevention Act de 2015» [programme d’amélioration des octrois de visas et loi de prévention contre le voyage des terroristes, 2015], sous le président Obama.
Alors que les articles de presse sur le décret de Trump soulignent qu’il s’agit de pays à majorité musulmane, les analystes semblent avoir ignoré une autre caractéristique importante, que ces pays partagent.
À une exception près, tous ces pays ont été pris pour cible, en 2001, par certains hauts fonctionnaires des États-Unis. En fait, cette politique remonte à 1996, 1991, 1980 et même aux années 1950. Dans cet article, nous retracerons cette politique dans le temps et examinerons ses objectifs et ses promoteurs.
Le fait est que l’action de Trump est dans la continuité des politiques influencées par des personnes travaillant pour le compte d’un pays étranger, dont l’objectif a été de déstabiliser et de remodeler une région entière. Ce type d’interventionnisme agressif axé sur le « changement de régime » provoque des réactions en chaîne dont l’escalade de la violence est l’un des maillons.
Nous assistons déjà à des guerres dévastatrices, à un mouvement massif de réfugiés qui déracinent des peuples entiers et remodèlent des parties de l’Europe, un terrorisme désespéré et horrible, et maintenant l’horreur qu’est État islamique. Si cet effort de plusieurs décennies n’est pas interrompu, il sera de plus en plus dévastateur pour la région, notre pays et le monde entier.
Le coup d’État politique de 2001
Le général quatre étoiles Wesley Clark, ancien commandant suprême des forces interarmées, a décrit ce qu’il a appelé le « coup d’État » de 2001, comme un petit groupe de personnes désireuses de déstabiliser et de conquérir le Moyen-Orient, ciblant six des sept pays mentionnés par Obama et Trump .
Clark en a donné les détails en 2007, dans une interview diffusée par Democracy Now et au cours d’une conférence donnée au Commonwealth Club de San Francisco.
Clark y décrit une rencontre fortuite au Pentagone en 2001, dix jours après le 11 septembre, dans laquelle il a pris connaissance du projet de s’en prendre à ces pays.
Après avoir rencontré le secrétaire d’État à la Défense Rumsfeld et le secrétaire adjoint Paul Wolfowitz, Clark est descendu pour dire bonjour aux employés de l’état-major des forces interarmées qui avaient travaillé avec lui dans le passé. Un des généraux l’interpela.
« Monsieur, venez me voir une seconde, dit-il à Clark, « nous avons pris la décision de partir en guerre contre l’Irak. »
Clark fut choqué. Il lui répondit : « Nous partons en guerre contre l’Irak ? Pourquoi faire ? » L’officier lui répondit qu’il ne savait pas. Clark demanda s’ils avaient trouvé des informations reliant Saddam à Al-Qaïda. L’homme lui répond : « Non, non, il n’y a rien de nouveau à ce sujet. Ils ont simplement pris la décision de déclencher une guerre contre l’Irak.»
Quelques semaines plus tard, Clark revient au Pentagone et parle de nouveau au général. Il lui demande si les États-Unis envisagent toujours de faire la guerre contre l’Irak.
Le général répond : « Oh, c’est pire que ça. » Clark raconte alors que le général a pris un morceau de papier sur sa table et a dit : « Je viens de le recevoir de l’étage supérieur aujourd’hui. C’est un mémo qui décrit comment nous allons nous en prendre à sept pays en cinq ans, en commençant par l’Irak, puis la Syrie, le Liban, la Libye, la Somalie, le Soudan et finir par l’Iran. »
Clark demanda : « Est-ce classifié ? », l’autre répondit: « Oui, monsieur. »
Clark dit qu’il a été stupéfait : « Je ne pouvais pas croire que cela puisse être vrai. Mais c’est ce qui s’est vraiment passé. Ces gens ont pris le contrôle de la politique des États-Unis. «
1991
Clark rajoute qu’il se souvint alors d’une rencontre qu’il avait eue en 1991 avec Paul Wolfowitz. En 2001, Wolfowitz était secrétaire adjoint à la Défense alors qu’en 1991 il était sous-secrétaire à la Défense, c’est-à-dire qu’il occupait le troisième échelon du Pentagone.
Wolfowitz est un néoconservateur pro-israélien, qu’un de ses associés a caractérisé comme « prêt à tout quand il s’agit d’Israël ».
Clarck décrit sa visite au bureau de Wolfowitz en mars 1991. Clark dit à Wolfowitz : « Vous devez être plutôt satisfait de la performance des troupes de l’opération Desert Storm. » Wolfowitz lui a répondu: « Pas vraiment, parce que la vérité est que nous aurions dû nous débarrasser de Saddam Hussein et que nous ne l’avons pas fait. »
Wolfowitz lui déclare alors que les États-Unis avaient l’occasion de nettoyer « la Syrie, l’Iran, l’Irak, avant que la prochaine superpuissance ne vienne nous défier ».
Clark déclare qu’il a été choqué par la proposition de Wolfowitz poussant les militaires à lancer des guerres et des changements de régime, et du fait que Wolfowitz pensait que les États-Unis se devaient d’envahir les pays dont ils n’aimaient pas les gouvernements. « J’en avais la tête qui tourne », raconte-t-il.
Clark précise que Scooter Libby participait à cette réunion. Libby est un autre néoconservateur pro-israélien. En 2001, il était le chef de cabinet du vice-président Cheney et travaillait en étroite collaboration avec le Bureau des plans spéciaux, qui fabriquait des arguments de propagande anti-irakiens.
« Ce pays a été pris en otage par un groupe de personnes grâce à un coup d’état politique », révèle Clark dans son discours de 2007. « Wolfowitz, Rumsfeld, Cheney, et vous pourriez nommer une demi-douzaine d’autres collaborateurs du Project for a New American Century. Ils voulaient que nous déstabilisions le Moyen-Orient, que nous le mettions à l’envers, que nous le contrôlions. «
(Le Project for a New American Century était un groupe de réflexion qui a fonctionné de 1997 à 2006 et qui fut remplacé par la Foreign Policy Initiative.)
Clark continue ainsi : « Est-ce qu’ils vous ont clairement annoncé une chose pareille ? Y a-t-il eu un dialogue national à ce sujet ? Les sénateurs et les membres du Congrès se sont-ils levés pour dénoncer ce plan? Y a-t-il eu un grand débat américain à ce sujet ? Absolument pas. Et il n’y en a toujours pas. »
Clark fait remarquer que l’Iran et la Syrie sont au courant d’un tel plan. « Tout ce que vous avez à faire est de lire le Weekly Standard et d’écouter Bill Kristol, alors qu’ils s’en vantent partout dans le monde – Richard Perle fait de même. Ils avaient hâte d’en finir avec l’Irak pour pouvoir envahir la Syrie. »
Clark dit que les Américains n’ont pas voté pour George Bush pour un tel programme. Bush, souligne Clark, avait fait campagne pour « une politique étrangère humble, pas de maintien de la paix, pas de construction de nation ».
D’autres personnes ont décrit ce même groupe et sa responsabilité dans l’invasion de l’Irak, ainsi que sa motivation pro-israélienne.
Les néoconservateurs, Israël et l’Irak
Un article de Haaretz, l’un des principaux journaux d’Israël, publié en 2003, annonce sans ambages : « La guerre en Irak a été conçue par 25 intellectuels néoconservateurs, la plupart juifs, qui poussent le président Bush à changer le cours de l’histoire. » (Haaretz met souvent en évidence l’affiliation juive des acteurs importants, en raison de son rôle auto-proclamé de journal de référence de l’« État juif ».)
Le journal fournit ce qu’il appelle une « liste partielle » de ces néoconservateurs : les fonctionnaires américains Richard Perle, Paul Wolfowitz, Douglas Feith et Eliot Abrams, ainsi que les journalistes William Kristol et Charles Krauthammer. L’article les décrit comme des « amis mutuels qui se soutiennent les uns les autres ».
L’article comprenait une interview avec le chroniqueur du New York Times, Thomas Friedman, cité comme disant :
« C’est la guerre que les néoconservateurs voulaient. C’est la guerre dont les néoconservateurs ont fait la promotion. Ces gens avaient une idée à vendre quand le 11 septembre est arrivé, et ils l’ont vendue. Oh les gars, ils y sont arrivé. Ce n’est donc pas une guerre que la population exige. C’est une guerre voulue par l’élite. »
L’article poursuit:
« Friedman ironise : « Je pourrais vous donner les noms de 25 personnes (qui sont toutes en ce moment dans un rayon de cinq pâtés de maisons de ce bureau) ; si vous les aviez exilées sur une île déserte il y a un an et demi, la guerre en Irak n’aurait jamais eu lieu. »
Un autre article de Haaretz a décrit comment certains de ces individus, des hauts responsables américains, ont donné aux dirigeants israéliens des conseils sur la façon de gérer les actions américaines et d’influencer les membres du Congrès des États-Unis, en concluant : « Perle, Feith et leurs collègues stratèges marchent sur une corde raide entre leur loyauté au gouvernement américain et celle aux intérêts israéliens. »
Haaretz indiquait aussi que le but réel était bien plus qu’une simple invasion de l’Irak : « À un niveau plus profond, c’est une guerre plus large, pour la formation d’un nouveau Moyen-Orient. » L’article disait que la guerre « avait pour but de concrétiser un nouvel ordre mondial ».
« La guerre en Irak est vraiment le début d’une gigantesque expérience historique… »
Nous voyons maintenant le résultat tragique et violent de cette expérience de changement de régime.
L’Américaine, militante pour la paix et ancienne analyste de la CIA, Kathleen Christison, parlait des néoconservateurs qui ont promu la guerre contre l’Irak, dans un article de 2002. Elle y écrivait : « Bien que beaucoup de choses aient été écrites sur les néocons qui truffent l’administration Bush, leur lien avec Israël a généralement été traité avec beaucoup de prudence. »
L’administration Bush, y écrit-elle « a été gangrénée par des gens qui ont un grand registre d’activisme au nom d’Israël, font la promotion de la stratégie israélienne et la promotion d’un agenda en faveur d’Israël, souvent en désaccord avec la politique américaine existante. »
«Ces gens », écrit-elle, « qui peuvent être qualifiés de partisans israéliens, sont maintenant à tous les niveaux de gouvernement, depuis les chefs de bureau du ministère de la Défense jusqu’au niveau de secrétaire adjoint, à la fois de l’État et de la Défense, du personnel de la Sécurité nationale et du bureau du vice-président. »
L’auteur Stephen Green a écrit un exposé méticuleusement documenté, en 2004, décrivant comment les agences de renseignement des États-Unis avaient enquêté sur certains de ces individus, dont Perle et Wolfowitz, pour des « brèches » de sécurité bénéficiant à Israël.
Pourtant, en dépit d’une série d’actions très discutables suggérant la trahison, ils ont continué à obtenir des autorisations de sécurité de haut niveau, pour eux-mêmes et leurs copains. Le programme néoconservateur est également devenu influent en Grande-Bretagne.
(Au cours de la récente élection présidentielle américaine, les néoconservateurs étaient extrêmement hostiles à Trump, et ont été perturbés de voir leur influence sur son administration être plus faible qu’elle n’aurait été avec Hillary Clinton. Ils doivent être soulagés de le voir ciblant leurs habituels punching balls du Moyen Orient. Il n’est pas évident que les néoconservateurs restent longtemps à l’écart du cercle intérieur de la Maison Blanche : le néoconservateur Michael Ledeen est très proche du récent conseiller à la Sécurité nationale de la Maison Blanche, M. Michael Flynn, et Trump pourrait nommer Elliott Abrams comme secrétaire d’État adjoint.)
Le plan de 1996 contre l’Irak et la Syrie
La stratégie de changement de régime néoconservatrice avait été établie dans un document datant de 1996, intitulé Une rupture sans bavure : une nouvelle stratégie pour sécuriser le Royaume. Il a été écrit pour le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, par un groupe d’étude dirigé par Richard Perle. Bien que Perle et les autres auteurs soient des citoyens américains, le « royaume » en question désignait Israël.
- Perle était alors président du Conseil à la politique de défense des États-Unis. Il a été auparavant secrétaire adjoint américain à la Défense pour la politique de sécurité internationale.
Selon le rapport, dans le passé, la stratégie d’Israël consistait à amener les États-Unis à utiliser leur argent et leurs armes pour « pousser les Arabes » à négocier. Cette stratégie, déclare le plan, « nécessitait de donner l’argent états-unien à des régimes répressifs et agressifs ».
Le rapport recommande qu’Israël aille au-delà d’une stratégie centrée uniquement sur Israël et la Palestine, et s’occupe de toute la région – qu’elle « donne forme à un environnement stratégique ».
Il demande d’« affaiblir, contenir et même faire reculer la Syrie » et d’« enlever Saddam Hussein du pouvoir en Irak ». Le journal énumère également l’Iran et le Liban comme des pays à traiter (et la Turquie et la Jordanie d’être utilisées comme outils stratégiques).
Le plan souligne qu’il est nécessaire d’obtenir l’appui des États-Unis pour une telle stratégie, et conseille qu’Israël utilise « une langue familière aux Américains en abordant les thèmes des administrations américaines pendant la guerre froide… ».
Perle, Douglas Feith (sous-secrétaire adjoint à la Défense en 2001) et les autres signataires du rapport ont présenté leur proposition comme étant un nouveau concept, mais l’idée pour Israël de remodeler le paysage politique du Moyen-Orient était discutée depuis des années. (Pour être clair, « remodeler le paysage politique » signifie changer les gouvernements, ce qui n’a jamais été accompli sans perte massive de vies et répercussions de grande envergure.)
En 1992, les dirigeants israéliens travaillaient déjà à endoctriner le public au sujet d’un prétendu besoin d’attaquer l’Iran. L’analyste israélien Israël Shahak a écrit dans son livre Open Secrets, que le but était de « provoquer la défaite militaire et politique totale de l’Iran ».
Shahak y raconte : « Dans une des versions, Israël attaquerait l’Iran seul, dans l’autre, il ‘persuaderait’ l’Occident de faire le travail. La campagne d’endoctrinement à cet effet gagne en intensité. Elle est accompagnée de ce que l’on pourrait appeler des scénarios d’horreur semi-officiels, qui prétendent détailler ce que l’Iran pourrait faire à Israël, à l’Occident et au monde entier, si ce pays acquérait des armes nucléaires comme on s’y attend pour d’ici quelques années. »
Les plans israéliens de 1950 et 1982 pour fragmenter le Moyen Orient
Un document intitulé Une stratégie israélienne pour les années quatre-vingt-dix, proposé par l’analyste israélien Oded Yinon, a été publié par l’Organisation sioniste mondiale en 1982 [Version française, NdT].
Le document, traduit par Israël Shahak, demandait la dissolution des États arabes existants en des États plus petits, qui deviendraient des satellites d’Israël.
Dans une analyse du plan, Shahak a fait remarquer: « Alors que l’on parle hypocritement de ‘défense de l’Occident’ face au pouvoir soviétique, le but réel de l’auteur et de l’establishment israélien actuel est clair : faire d’Israël une puissance mondiale impérialiste. »
Puis il ajoute que le ministre israélien de la Défense Ariel Sharon avait prévu de « tromper les Américains après avoir trompé tous les autres ».
Shahak écrit aussi que la refonte du Moyen-Orient au nom d’Israël était discutée depuis les années 1950 : « Ce n’est pas une idée nouvelle, elle ne fait pas surface pour la première fois dans la pensée stratégique sioniste. En effet, la fragmentation de tous les États arabes en unités plus petites a été un thème récurrent. »
Il rappelle que cette stratégie a été documentée dans un livre intitulé Terrorisme sacré d’Israël (1980), écrit par Livia Rokach. S’appuyant sur les mémoires du second Premier ministre d’Israël, l’ouvrage de Rokach décrit, entre autres, une proposition datant de 1954 pour effectuer un changement de régime au Liban.
Le résultat
Revenons au présent, pour examiner la situation dans les « pays préoccupants » nommés par le président Trump la semaine dernière, par le président Obama en 2015 et ciblés par Wolfowitz et compagnie, en 2001.
Il y a plusieurs années, le journaliste Glenn Greenwald commentait la déclaration du général Clark sur le coup d’État de 2001 : « Si vous parcourez cette liste de sept pays, dont on dit que les néoconservateurs avaient prévu de changer les gouvernements, vous voyez assez bien que cette vision… est en train d’être réalisée. »
Greenwald remarquait que les gouvernements de l’Irak, de la Libye et du Liban avaient été renversés. Les États-Unis ont intensifié leurs combats par procuration et les attaques de drones en Somalie; des troupes américaines ont été déployées au Soudan; « et les pays les plus importants de cette liste, l’Iran et la Syrie, sont clairement la cible de toutes sortes d’efforts de changement de régime cachés de la part des États-Unis et d’Israël ».
Voici un schéma de ce qui s’y est passé :
L’Irak a été envahi et le pays détruit. Selon un rapport d’une ONG, datant de 2015, l’invasion et l’occupation de l’Irak par les États-Unis ont entraîné la mort d’environ 1 million d’Irakiens, soit 5% de la population totale du pays, en 2011. Plus de trois millions d’Irakiens ont déplacés, et le carnage continue. La destruction de l’Irak et l’appauvrissement de son peuple sont à l’origine de la plupart des extrémismes d’aujourd’hui et il a été démontré que cela a conduit à la montée d’EI, comme l’a admis l’ancien Premier ministre britannique et coauteur de la guerre en Irak, Tony Blair.
La Libye a été envahie en 2011 et son chef violemment renversé; pendant la vacance de pouvoir post-Kadhafi, un rapport de l’ONU de 2011 a révélé que la torture, les lynchages et les abus y étaient omniprésents. Cinq ans plus tard, le pays est toujours déchiré par une guerre civile et EI aurait profité du chaos pour s’y installer. Un rapport de Human Rights Watch de 2016, déclare : « La crise politique et sécuritaire de la Libye s’est aggravée […] le pays est au bord d’une crise humanitaire, avec près de 400 000 personnes déplacées à l’intérieur du pays. » Les forces belligérantes « continuent impunément à détenir arbitrairement, à enlever et faire disparaître des gens, à les soustraire de force de leurs maisons. Le système de justice pénale interne s’est effondré dans la plupart des régions du pays, exacerbant la crise des droits de l’homme ». [Photos ici]
Soudan : Les États-Unis, engagés dans une soi-disant « construction de la nation » au Soudan, ont prétexté en 2005 que le gouvernement commettait un génocide, et certains joueurs américains ont finalement organisé la sécession du Sud Soudan en 2011 (le néoconservateur israélien Elliott Abrams était l’un de ces joueurs.) Un journaliste en a rapporté le résultat : « [Un] abîme de misère et de sang indescriptible […] Des dizaines de milliers de tués, 1,5 million de déplacés et 5 millions de personnes ayant grandement besoin d’aide humanitaire. »
Somalie : La Somalie a subi un certain nombre d’interventions américaines, et plus récemment une guerre clandestine, menée par Obama, qui utilise des troupes d’opérations spéciales, des frappes aériennes, des entrepreneurs privés et des alliés africains. Les extrémistes somaliens, comme d’autres, citent à plusieurs reprises les crimes d’Israël contre les Palestiniens, autorisés par les États-Unis, comme facteurs de leur extrémisme violent.
Iran: L’Iran a longtemps été la cible d’Israël et les partisans d’Israël mènent une campagne anti-Iran aux États-Unis. Plus récemment, un effort de relations publiques a été fait pour affirmer que l’Iran développe des armes nucléaires, même si les services de renseignement états-uniens et d’autres experts ne soutiennent pas ces accusations. Israël et les États-Unis ont déployé un virus informatique contre l’Iran dans ce qu’on a appelé la première arme numérique du monde. Des jeunes physiciens nucléaires iraniens ont été assassinés par l’allié américain qu’est Israël, et les États-Unis ont institué un blocus contre l’Iran, qui a causé l’insécurité alimentaire et des souffrances massives parmi les civils du pays (un tel blocus peut être considéré comme un acte de guerre). Le député démocrate et partisan israélien Brad Sherman a admis ce qu’était l’objectif des sanctions contre l’Iran : « Les critiques des sanctions font valoir que ces mesures nuiront au peuple iranien. Franchement, c’est exactement pour cela que nous les imposons. »
Yémen : Les États-Unis ont lancé des frappes de drones contre le Yémen pendant des années, tuant de nombreux civils yéménites et même certains Américains. En 2010, quelques semaines après qu’Obama a remporté le prix Nobel de la paix, il a utilisé des bombes à sous-munitions qui ont tué 35 femmes et enfants yéménites. L’administration Obama a tué un Américain de 16 ans en 2011, et il y a quelques jours les forces américaines sous Trump ont tué la sœur du garçon. En 2014, les forces américaines ont attaqué une cérémonie de mariage, et en 2015, l’administration Obama a admis qu’elle faisait la guerre au Yémen. Aujourd’hui, plus de deux millions d’enfants yéménites souffrent de malnutrition. Le régime yéménite que nous attaquons est devenu politiquement actif en 2003 à la suite de l’invasion américaine de l’Irak.
Syrie : Dans un email révélé par Wikileaks, Hillary Clinton a écrit que le « meilleur moyen d’aider Israël » était de renverser le régime syrien.
La Syrie semble être un symbole de la destruction recommandée par les stratèges israéliens. Comme l’a signalé le Guardian britannique en 2002 : « Le désordre et le chaos qui dévastent la région ne seraient pas un malheureux effet collatéral de la guerre contre l’Irak, mais un signe que tout se passe comme prévu. »
La moitié de la population syrienne a été déplacée – 5 millions de personnes ont fui le pays et 6 millions ont été déplacés en interne – et plus de 30.000 sont morts de cette violence. Les grandes villes et les sites anciens sont en ruines et la campagne dévastée. Amnesty International l’appelle « la pire crise humanitaire de notre temps ».
Alors que l’insurrection contre un dictateur impitoyable a sans doute été lancée par des rebelles syriens authentiques, d’autres avec des agendas douteux s’y sont immiscés, certains soutenus par les États-Unis et Israël. Le chef du renseignement militaire israélien a déclaré qu’Israël ne voulait pas qu’EI soit battu. Le ministre israélien de la Défense a reconnu qu’Israël a fourni une aide aux combattants d’EI.
État islamique
Un des facteurs majeurs du chaos syrien et de la montée d’EI a été la destruction de l’Irak, ce qui a été révélé par des entretiens approfondis avec des combattants d’EI par des chercheurs d’Artis International, un consortium pour l’étude scientifique au service du règlement des conflits :
«Beaucoup supposent que ces combattants sont motivés par l’espoir d’un État islamique […] mais cela n’est pas le cas des prisonniers que nous interviewons. Ils sont malheureusement ignorants de l’islam et ont de la difficulté à répondre aux questions sur la charia, le jihad militant et le califat. »
« Plus pertinentes que la théologie islamique, d’autres explications, beaucoup plus convaincantes, disent pourquoi ils ont combattu pour le côté qu’ils ont choisi. »
Un interviewé déclarait : « Les Américains sont venus. Ils ont emmené Saddam, mais ils ont aussi pris notre sécurité. Je n’aimais pas Saddam, nous étions affamés alors, mais au moins nous n’avions pas la guerre. Quand vous êtes arrivé ici, la guerre civile a commencé. »
Le rapport remarque que les combattants « ont grandi pendant la désastreuse occupation américaine post 2003 ».
« Ils sont des enfants de l’occupation, beaucoup avec des pères ayant disparu pendant ces périodes cruciales (à cause de la prison, d’un assassinat, ou de la lutte dans l’insurrection), pleins de rage contre l’Amérique et leur propre gouvernement. Ils ne sont pas alimentés par l’idée d’un califat islamique sans frontières. Au contraire, EI est le premier groupe depuis al-Qaïda à offrir à ces jeunes hommes humiliés et enragés une façon de défendre leur dignité, leur famille et leur tribu. »
Le chef d’État islamique, Abu Bakr al-Baghdadi, a été emprisonné pendant huit mois dans l’infâme Abu Ghraib, une prison irakienne gérée par les États-Unis, connue pour la torture grotesque de ses prisonniers. Les photos publiées à cette époque montrent des soldats américains qui sourient à côté de tas de prisonniers nus et un détenu à capuchon debout sur une étroite boîte avec des fils électriques attachés à ses mains tendues.
Un interrogateur d’Abou Ghraib a ensuite révélé que les Israéliens les avaient formés à l’utilisation des techniques utilisées contre les Palestiniens. Le général Janis Karpinski (responsable de l’unité qui dirigeait la prison) et d’autres ont dit que des Israéliens ont été impliqués dans les interrogatoires. Il a été signalé que le chef de la société de sécurité impliquée dans les tortures à la prison d’Abou Ghraib avait des liens étroits avec Israël et avait visité un camp d’entraînement israélien en Cisjordanie.
Un autre facteur important dans la montée de l’extrémisme anti-occidental est le soutien largement inconditionnel à l’oppression violente d’Israël contre les Palestiniens. Selon un rapport de l’ONU : « L’ampleur des pertes humaines et des destructions à Gaza au cours du conflit de 2014 a été catastrophique et a […] choqué le reste du monde. »
Le professeur John Mearsheimer et le professeur Stephen Walt de Harvard ont écrit que les politiques américaines promues par le lobby israélien ont donné « aux extrémistes un puissant outil de recrutement, ont accru le bassin de recrutement des terroristes et sympathisants potentiels et contribuent au radicalisme islamique dans le monde ». Ben Laden avait cité le soutien américain aux crimes israéliens contre les Palestiniens parmi ses raisons de combattre les États-Unis. Ceux-ci donnent à Israël plus de 10 millions de dollars par jour.
Réaction aux décisions exécutoires de Trump
Des milliers de personnes, dans tous les États-Unis, se sont opposées à l’arrêté sur l’immigration de Trump, à cause de l’extrême difficulté dans laquelle cela met des multitudes de réfugiés. L’accent mis sur les musulmans (Trump a dit que les chrétiens pourraient être exemptés) a provoqué l’indignation contre cette discrimination religieuse et ce profilage injuste (la grande majorité des musulmans s’oppose fermement à l’extrémisme).
Des individus venant de tout le spectre politique, de Code Pink aux frères Koch, ont décrié cet arrêté. Les Koch ont publié une déclaration contre cet ordre exécutoire :
« Nous pensons qu’il est possible de garder les Américains en sécurité, sans exclure les personnes qui souhaitent venir ici pour contribuer au pays et chercher une vie meilleure pour leur famille. L’interdiction de voyager est une mauvaise approche et sera probablement contre-productive. Notre pays a énormément bénéficié de l’accueil de gens venant de toutes les cultures et de tous les milieux. C’est une caractéristique des sociétés libres et ouvertes. »
Le sénateur démocrate de New York, Chuck Schumer, qui a défendu la guerre en Irak et suggère que Dieu l’a envoyé pour protéger Israël, a étouffé des larmes lors d’une conférence de presse et a trouvé que cette décision de Trump est « médiocre et anti-américaine ».
La Ligue anti-diffamation (ADL), connue pour être un fervent défenseur pro-israélien (et qui a l’habitude de considérer les critiques de la politique israélienne comme de l’« antisémitisme »), a promis une « lutte implacable » contre cette loi d’immigration.
Certains craignent que l’action de Trump n’aggrave le terrorisme, plutôt qu’elle ne nous en protège. Beaucoup d’autres approuvent l’ordre, par conviction qu’il va les protéger de la violence extrémiste (comme mentionné ci-dessus, l’administration Obama a entrepris une action similaire, quoique plus douce, pour une raison similaire).
Je suggère que tout le monde – tant ceux qui déplorent cette décision pour des raisons humanitaires, que ceux qui la défendent par souci de sécurité des Américains – examinent le contexte historique décrit ci-dessus et les politiques américaines qui ont mené à cette situation.
Pendant des décennies, les administrations démocratique et républicaine ont adopté des politiques largement identiques concernant le Moyen-Orient et Israël–Palestine. Nous en voyons les résultats, et la plupart d’entre nous sont profondément mécontents.
Je soutiens que, tant pour les obligations humanitaires que pour les besoins de sécurité, il est urgent que nous trouvions un chemin différent.
Alison Weir est directrice générale de If Americans Knew, présidente du Council for the National Interest, et auteur de Against Our Better Judgement : The Hidden History of How the US was used to create Israel.
Traduit par Wayan, relu par nadine pour le Saker Francophone