Par Oriental Review − Le 2 avril 2020 − Source orientalreview.org
C’est encore un nouveau scandale de dopage qui vient d’éclater aux États-Unis. Cette fois-ci, le coupable est John Gleaves, un coureur cycliste âgé de 36 ans, qui avait la réputation d’être vaillamment opposé à l’utilisation de substances interdites par les athlètes. L’agence anti-dopage étasunienne (USADA) vient de disqualifier Gleaves pour une durée de 4 ans, à partir du 31 août 2019, après un test de dopage réalisé durant les championnats nationaux étasuniens de l’US Masters Track. Ses prélèvements se sont révélés positifs à l’oxandrolone (un stéroïde anabolisant) ainsi qu’au clomiphène (un modulateur métabolique).
Il est particulièrement notable que Gleaves, outre ses activités de cyclisme, est également professeur au sein du département de kinésiologie (l’étude scientifique du mouvement humain) de l’université d’État de Californie, et que l’un de ses domaines de recherche est l’utilisation de substances bannies dans le sport. L’homme était également membre du groupe de travail sur la prédominance du dopage de l’organisation mondiale anti-dopage (WADA), ainsi que membre du conseil consultatif anti-dopage du cyclisme étasunien.
L’athlète étasunien a également tenu le rôle de témoin de la défense dans le procès pour dopage du cycliste Lance Armstrong. Au cours du procès mené contre Armstrong par le département de la Justice étasunien, il avait pris position pour qu’Armstrong ne perde ni ses titres, ni ses gains financiers assortis à ses victoires, en affirmant que les substances interdites sont présentes partout dans le cyclisme, et qu’aucun athlète ne peut affirmer s’entraîner sans elles.
On se demande ce qui a amené Gleaves à développer de telles certitudes et un tel cynisme quant à l’utilisation du dopage : ses études scientifiques, son travail avec le WADA, ou sa propre carrière sportive. Mais une chose est claire — jusqu’à il y a peu, il avait réussi à combiner les trois activités au sein d’une vie bien remplie. La question de savoir dans quelle mesure les études menées par Gleaves et d’autres scientifiques du sport ont été exploitées en pratique aux États-Unis mérite un examen plus approfondi.
L’inquisition des sports
Pour l’instant, la position de l’organisation mondiale anti-dopage reste inconnue. L’instance d’inquisition mondiale pour les athlètes garde le silence quant à son ancien employé qui ne respecte pas les règles. Elle n’est également pas pressée de parler du programme de dopage d’État utilisé pour entraîner les athlètes étasuniens. C’est tout à fait étrange, car, récemment, cette même organisation a fait preuve de réactions ultra rapides, de détermination, et d’allégeance politique dès lors qu’il fallait prendre des décisions. En décembre de l’an dernier encore, par exemple, l’organisation s’était montrée extrêmement sévère en suspendant les athlètes russes de toutes compétitions internationales et olympiques pour une durée de quatre années. Et en février de cette année, la même organisation avait disqualifié le champion de natation, triple vainqueur olympique, et onze fois champion du monde de natation, Sung Yang.
Chacun a entendu les slogans des dirigeants sportifs internationaux et des activistes anti-dopage, comme Gleaves, au sujet d’une pratique propre et honnête du sport, dans laquelle les substances interdites et les stimulants ne seront pas tolérés. Mais à ce qu’il semble, la réalité est que le mouvement sportif professionnel moderne n’est pas en mesure de présenter des performances importantes, ni même d’établir de nouveaux records, sans recourir à un soutien pharmaceutique. Dans les faits, le sport mondial est édifié sur le dopage, et sur les capacités des médecins sportifs de chaque pays à contourner les interdictions officiellement prononcées et les tests de dopage.
Ce n’est un secret pour personne que les États-Unis tiennent les organisations sportives internationales au bout d’une laisse courte. Pour prouver l’ingérence des États-Unis dans les instances sportives mondiales, il suffit de se souvenir de l’affaire des pots-de-vin de la FIFA initiée par les États-Unis. Cette enquête extrêmement biaisée, qui s’était terminée sur une suite de démissions et condamnations de hautes personnalités, avait été menée par Loretta Lynch, procureur général sous Barack Obama.
Entre-temps, les États-Unis ont vu plusieurs scandales associés à l’utilisation du dopage, d’autres stimulants, et de violations de l’éthique sportive. La nature et la portée de ces violations heurterait même les imaginations les plus débordantes. Mais du fait de l’immense influence des États-Unis sur les règles dans la pratique des sports internationaux, ces scandales n’ont débouché sur aucune sanction d’importance, ni présenté de répercussion significative sur le sport étasunien.
Par exemple, Justin Gatlin, le sprinter et champion olympique étasunien, plusieurs fois reconnu coupable de dopage, a toujours le droit de participer aux événements sportifs. Il va sans dire que nul ne parle de lui retirer ses médailles. Et plus personne ne se souvient plus de l’immense scandale de dopage qui avait éclaté aux États-Unis au milieu des années 2000, relayé par la presse sous le nom de scandale BALCO. On avait découvert que 20 athlètes étasuniens de diverses disciplines (athlétisme, baseball, football américain, boxe) avaient pris des stéroïdes anabolisants interdits développés par le laboratoire portant ce nom.
Aucune sanction sportive internationale n’avait été décidée contre les États-Unis, bien entendu, et les athlètes impliqués dans ce scandale n’avaient été suspendus de compétitions que pour des durées symboliques. L’affaire très médiatisée autour du cycliste étasunien Lance Armstrong, mentionnée ci-avant, qui s’était vu retiré ses médailles pour les années de dopage, n’avait pas non plus débouché sur des sanctions à l’encontre du cyclisme étasunien.
Deux poids, deux mesures
En exploitant des statistiques comparatives officielles de tests de dopage positifs parmi les athlètes de divers pays, l’organisation mondiale anti-dopage, aux ordres des États-Unis, n’a suspendu que la Russie des compétitions. Cependant, selon ces mêmes statistiques, on compte 15 pays devant la Russie en nombre de tests positifs rapportés au nombre total de tests, et les États-Unis ne sont que deux places derrière la Russie. Qui plus est, la Russie est devancée en la matière non seulement par le Mexique, la Thaïlande et l’Inde, qui n’affichent pas de très grandes réussites dans les compétitions sportives, mais également par des nations sportives plus sérieuses, comme la France, le Canada et la Suède. Pourtant, des sanctions internationales sévères n’ont été imposées qu’à la Russie. Qu’est donc que cela, si ce n’est pas de la pratique du deux poids, deux mesures?
Les personnes transgenres
Autre sujet, les personnes transgenres dans le sport étasunien. Selon les règles sportives, les athlètes ayant changé de sexe et prenant des hormones régulièrement se voient de fait exempts de tests antidopage rigoureux. En outre, les hommes qui sont devenus des femmes, et qui remportent des compétitions féminines sont pratiquement in-critiquables et hors de portée des examens médicaux habituels.
Dans le même temps, les femmes transgenres remportent de plus en plus de compétitions féminines. La cycliste transgenre Rachel McKinnon fait sauter les records du cyclisme féminin, et le garçon transgenre Mack Beggs affronte et bat des filles en combat de lutte libre. Ainsi, non seulement les traditions des mouvements sportifs internationaux se voient-elles violées, mais également les lois de la biologie. Les avantages physiques sont disposent les femmes transgenres sur les femmes cisgenres en matière sportive ont été établis par des études crédibles, mais aucune conclusion n’en est tirée.
En guise de conclusion
Nous sommes contraints de reconnaître qu’en matière sportive, comme partout ailleurs, les États-Unis disposent de règles pour eux-mêmes, et d’autres règles pour ceux qui sont assez courageux pour défier leur droiture. Mais, dans le sport moderne, l’usage sans entrave d’une telle approche est de plus en plus comparable à une persécution ciblée, une agression, ou même une guerre totale. Déchaînée sous le prétexte douteux d’une « guerre contre le dopage », c’est bien une guerre contre des athlètes et des compétiteurs spécifiques qui est menée, et en fin de compte, une guerre du sport. Des mesures sélectives, la pratique du « deux poids, deux mesures », et des décisions politisées de la part des organisations sportives internationales finiront inévitablement par affecter le mouvement sportif dans son ensemble, athlètes et fans, et les événements sportifs, commercialisés si lourdement dernièrement, risquent de se transformer de spectacle en farce ouverte.
Traduit par José Martí pour le Saker Francophone