Par Joseph Thomas – Le 15 juin 2019 – Source New Eastern Outlook
Les médias occidentaux ainsi que de nombreux groupes « de droit de l’homme » financés par les États-Unis et l’Europe tirent la sonnette d’alarme au sujet de ce qu’ils prétendent être une vague d’assassinats et d’attaques physiques contre des « activistes ».
La cible particulière de ces revendications est la Thaïlande.
Des articles comme celui du Sydney Morning Herald, intitulés « Ils ont envoyé un groupe de tueurs à gage : Les exilés thaïlandais parlent de leur vie dans la peur », prétendent que :
Les attaques contre les dissidents thaïlandais et les militants pro-démocratie deviennent de plus en plus violentes et se font sentir dans tous les pays de l'ANASE. Et pour les exilés politiques qui critiquent la monarchie - dont beaucoup sont recherchés pour crime de lèse-majesté ou de diffamation royale - les attaques peuvent être mortelles.
L’article mentionne ces « attaques meurtrières » en racontant :
Le soir du Nouvel An, deux corps se sont échoués sur les rives du Mékong, à la frontière entre la Thaïlande et le Laos. Ils avaient été vidés et remplis de béton pour les alourdir. Ils ont été identifiés comme étant des collègues de Surachai Danwattananusorn, un homme qui s'est opposé à la monarchie et aux régimes militaires depuis des décennies. Surachai lui-même est porté disparu depuis le 12 décembre.
L’un des problèmes de l’article du Sydney Morning Herald est l’omission du fait que Surachai lui-même est un meurtrier condamné et appartient à un mouvement qui utilise facilement la violence. Un autre problème est qu’il n’y a aucune preuve de qui est derrière ces attaques et pourquoi.
Il ne reste donc plus que les accusations de “violation des droits de l’homme” que l’Occident utilise si souvent dans le but de contraindre une autre nation ciblée.
Les « militants disparus » soutenaient la violence, la sédition.
L’Union for Civil Liberty, financée par le gouvernement américain par l’intermédiaire de la National Endowment for Democracy (NED), dans un rapport de 1986, reconnaissait le rôle de Surachai dans divers actes de violence à motivation politique, notamment des meurtres et des incendies volontaires.
Le rapport l’admet :
Surachai a mené une foule de 30 000 personnes en colère pour protester contre le fait que les victimes d’inondations dans la province sont négligées par les autorités. La manifestation s'est terminée par l'incendie de la résidence du gouverneur. Surachai et 12 autres personnes ont été arrêtées mais ensuite libérées sous la pression de l'opinion publique. Menacé d'arrestation et de mort, il s'est réfugié dans les jungles sous le contrôle du CPT [Parti communiste thaïlandais]. Surachai aurait été impliqué dans le braquage d’un train par les forces du CPT. Cela a entraîné la disparition de 1,2 million de baht (46 154 dollars) et la mort d'un policier. Il a réussi à s’enfuir de la scène du crime.
Surachai, pour son rôle dans le meurtre a été arrêté, reconnu coupable devant un tribunal et condamné à mort.
Il fut gracié par le roi de Thaïlande. La violence dans laquelle Surachai a été impliqué est maintenant complètement omise par les médias occidentaux qui parlent de lui et d’autres membres de son mouvement aujourd’hui, comme le montre l’article du Sydney Morning Herald cité ci-dessus.
Maintenant âgé de 77 ans, il s’est détourné du « communisme » pour soutenir le milliardaire Thaksin Shinawatra. Son âge avancé et son exode de Thaïlande l’ont rendu inutile. Surachai, en restant « vivant », n’était qu’une force épuisée au passé douteux et n’est qu’un poids mort pour le mouvement. Être « tué » transforme ce poids mort en un « martyr ».
D’autres soi-disant “militants” qui ont fui à l’étranger sont soit directement impliqués dans l’opposition thaïlandaise, dirigée par l’ex-premier ministre milliardaire Thaksin Shinawatra et ses alliés politiques, soit la soutiennent. Il s’agit notamment du Front uni pour la démocratie et contre la dictature (UDD), également connu sous le nom de “chemises rouges”, qui ont commis des actes de violence armée et de terrorisme depuis la destitution de Shinawatra en 2006.
Dans un épisode datant de 2010, les chemises rouges de Shinawatra allaient faire descendre entre 300 et 500 militants lourdement armés dans les rues de Bangkok, provoquant des violences qui ont fait près de 100 morts et détruit des quartiers entiers de Bangkok par des incendies criminels.
Leur penchant pour la violence ne s’adresse pas uniquement à la police, aux soldats et aux civils thaïlandais ou à leurs ennemis politiques. Elle s’est souvent retournée contre eux-mêmes, soit par des luttes intestines, soit par des tentatives d’escalade des tensions politiques en imputant la violence à l’armée ou au gouvernement thaïlandais.
Ainsi, ces “militants disparus” auraient pu tout simplement être victimes de leur propre cercle d’agitateurs violents, notamment pour provoquer la pression politique actuellement exercée sur le gouvernement thaïlandais par les médias occidentaux et les organisations de “droits de l’homme”.
Où sont les preuves ?
L’autre problème avec l’article du Sydney Morning Herald est qu’il n’y a aucune preuve. En fait, l’article le dit clairement, “il n’y a aucune preuve…” :
Sunai Phasuk, chercheur à Human Rights Watch, a déclaré qu’on ne savait pas qui était derrière ces morts et ces disparitions. L’affirmation disant que des groupe de tueurs à gage se rendent dans les pays voisins est sérieuse et on ne l’avait encore jamais entendue auparavant, mais elle n’est pas prouvée. "Il n'y a pas de preuves parce qu'il n'y a pas d'enquête", dit-il.
Toutefois, l’affirmation de Sunai selon laquelle il n’y a pas d’enquête n’est pas exacte. Dans son article intitulé “la police cherche à identifier les corps remplis de ciment”, le Bangkok Post confirme que la police enquête, mais qu’elle ne tire pas les mêmes conclusions, sans fondement et motivées politiquement, que Sunai.
Le Sydney Morning Herald a écrit toute une histoire insinuant que le gouvernement thaïlandais traquait et assassinait des militants qui non seulement ont fui la Thaïlande depuis longtemps, mais qui sont aussi oubliés depuis longtemps, tout cela sans “aucune preuve” sur laquelle s’appuyer.
La vraie question est de savoir à qui profitent la disparition ou la mort de ces “activistes” ?
Ces militants n’ont aucune influence sur la politique thaïlandaise. Même ceux qui restent en Thaïlande, qui sont de loin les plus importants et les plus influents, n’ont pas été en mesure d’organiser la plus petite protestation, au grand dam de leurs sponsors étrangers.
Le parti d’opposition de Thaksin Shinawatra, Pheu Thai, a perdu le vote populaire au profit du parti pro-militaire Palang Pracharath qui a ensuite formé une coalition plus large que celle de Shinawatra et dont le candidat au poste de Premier ministre, Prayuth Chan-o-Cha, a remporté sans effort le vote au Parlement.
Tout va au mieux pour l’armée thaïlandaise, alors pourquoi enverrait-elle des escadrons de la mort pour tuer des agitateurs oubliés depuis longtemps, âgés et donc peu efficaces, attirant ainsi l’attention accablante que les médias occidentaux accordent actuellement à ces revendications ?
Une telle attention portée par les médias occidentaux a été utilisée pour vendre des interventions militaires américano-européennes dans des endroits comme la Libye et la Syrie. Il n’y a rien à gagner pour Bangkok à attirer ce genre d’attention sur elle-même, mais tout pour une opposition désespérée et en perte de vitesse en projetant une telle image du nouveau gouvernement thaïlandais.
L’opposition thaïlandaise a montré un appétit vorace pour la violence et l’a régulièrement utilisée pour atteindre ses objectifs politiques. Ils sont aujourd’hui les seuls à bénéficier de la mort de ces “activistes” autrement oubliés. Que ces “activistes” aient été oubliés en font des cibles parfaites pour une violence visant à accuser le gouvernement thaïlandais. Leurs dernières “actions” ont donné à l’opposition l’occasion d’utiliser l’argument des “droits de l’homme” pour mettre le gouvernement sur la défensive.
Pour les médias occidentaux et les intérêts qu’ils servent, c’est l’occasion de faire pression sur un ordre politique thaïlandais qui s’éloigne de plus en plus de l’Occident et s’oriente vers le renforcement de ses liens avec l’Eurasie, notamment avec Pékin.
Au fur et à mesure que ces liens se renforcent, l’Occident voit que ses outils traditionnels de coercition sont moins efficaces. Les anciennes tactiques consistant à utiliser les médias occidentaux pour dénigrer l’industrie touristique thaïlandaise ne sont plus efficaces, par exemple, parce que la grande majorité des touristes thaïlandais viennent maintenant d’Asie et en particulier de Chine.
Passer à des accusations plus graves de “violations des droits de l’homme”, c’est menacer Bangkok de conséquences plus graves. Bien sûr, cela signifie aussi de plus grandes incitations pour Bangkok à doubler ses efforts pour établir des liens avec Pékin, Moscou et d’autres capitales de l’ANASE tout en prenant des mesures pour se protéger davantage de la forme toxique de la “diplomatie” occidentale.
Les États-Unis et l’Europe souffrent d’un déficit de crédibilité qui ne cesse de s’aggraver. Si souvent, eux, leurs médias et leurs organisations “de droit de l’homme” ont accusé d’autres nations de tels abus, n’offrant aucune preuve ou, comme dans ce cas, admettant même “qu’il n’y a aucune preuve”, que cela a émoussé l’efficacité de ces tactiques. Couplé avec l’affaiblissement de l’influence économique et militaire de l’Occident en Asie, comparée à celle de la Chine, ils n’ont pas la force nécessaire pour donner crédibilité à leurs menaces à l’égard d’une longue liste de nations.
En continuant de dénoncer cette tactique, non seulement cela épargnera à la Thaïlande le sort de nations comme la Libye et la Syrie, visées par les mensonges occidentaux, mais cela rendra aussi plus facile la responsabilisation de ceux qui ont pris pour cible des nations comme la Libye et la Syrie en premier lieu.
Joseph Thomas
Traduit par Wayan, relu par San pour le Saker Francophone
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