Le 17 mars 2016 – SputnikNews
Un échange de courriels déclassifiés entre l’ancienne secrétaire d’État américaine Hillary Clinton et son conseiller Sid Blumenthal montre que Clinton était totalement impliquée dans la conspiration occidentale contre le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi et sa monnaie panafricaine le dinar-or, comme le raconte F. William Engdahl.
Un e-mail récemment déclassifié [Wikileaks, NdT] provenant du serveur privé illégal utilisé par l’ex-secrétaire d’État et espoir démocrate à la présidentielle, Hillary Clinton, pendant la guerre contre Mouammar Kadhafi orchestrée à Washington, jette une certaine lumière sur la véritable motivation de l’establishment américain.
«Dans un email de Clinton, nouvellement déclassifié, à Sid Blumenthal, en date du 2 avril 2011, Blumenthal révèle la raison pour laquelle Kadhafi doit être éliminé», écrit F. William Engdahl, auteur américain, chercheur et consultant en risque stratégique, dans son article [ici en français, NdT] pour New Eastern Outlook.
Sous prétexte de citer une source fiable non identifiée, Blumenthal écrit à Clinton : «Selon les informations sensibles disponibles par cette source, le gouvernement de Kadhafi détient 143 tonnes d’or, et un montant similaire en argent… Cet or a été accumulé avant le courant de rébellion et était destiné à être utilisé pour établir une monnaie panafricaine basée sur le dinar-or libyen», ainsi que le chercheur l’expose.
Kadhafi n’a pas été le seul dirigeant arabe qui a cherché à détourner ses revenus pétroliers vers des fonds contrôlés par l’État plutôt que de faire confiance aux banquiers de Londres et de New York, après que la guerre américaine contre le terrorisme ait débuté au Moyen-Orient et en Asie centrale.
«En 2008, la perspective d’un contrôle souverain par un nombre croissant d’États pétroliers arabes et africains de leurs revenus pétroliers et gaziers d’État a suscité de graves préoccupations à Wall Street, ainsi qu’à Londres. On parle d’énormes quantités de liquidités, des trillions de dollars qui ne seraient potentiellement plus contrôlés», poursuit Engdahl.
Pendant ce temps, en 2009, Kadhafi, alors président de l’Union africaine, a offert aux États du continent de passer à une nouvelle monnaie, indépendante du dollar américain, le soi-disant dinar-or.
Selon le chercheur, l’idée exprimée par le leader libyen a reçu les éloges de Ben Ali le Tunisien et de l’Égyptien Moubarak.
Kadhafi a appelé les pays africains à créer une alliance monétaire faisant du dinar-or le principal moyen de paiement du pétrole et d’autres ressources.
«Avec les fonds souverains pétroliers des pays arabes de l’OPEP, d’autres pays africains producteurs de pétrole, en particulier l’Angola et le Nigeria, ont commencé des actions pour créer leurs propres fonds nationaux avec la richesse pétrolière au moment où l’OTAN bombardait la Libye en 2011», écrit Engdahl, ajoutant que ces fonds souverains nationaux étaient censés rendre l’Afrique indépendante du contrôle monétaire colonial.
Le rêve des pays africains était en même temps un cauchemar pour les élites financières occidentales.
À la lumière de cela, il est peu surprenant que Wall Street et la City de Londres aient jeté tout leur poids derrière la campagne dirigée par l’OTAN contre le leader libyen rebelle.
Engdahl attire l’attention sur le fait qu’il y avait quelque chose de très louche derrière l’idée des islamistes libyens soutenus par les États-Unis de créer une banque centrale de style occidental en exil (ainsi que leur propre compagnie pétrolière) au milieu de la lutte acharnée contre le gouvernement de Kadhafi.
Le chercheur cite Robert Wenzel qui a écrit dans l’Economic Policy Journal qu’il n’a «jamais entendu parler d’une banque centrale créée seulement quelques semaines après un soulèvement populaire».
«Cela laisse penser que nous avons un peu plus qu’un tas de rebelles en action et qu’il y a des influences assez sophistiquées», a souligné Wenzel.
Les intérêts sophistiqués mentionnés ci-dessus pourraient avoir été liés aux pontes de Wall Street et aux banquiers londoniens qui ont cherché à éliminer l’idée d’une monnaie panafricaine.
«Le rêve de Kadhafi d’un système monétaire arabe et africain basé sur l’or et indépendant du dollar est malheureusement mort avec lui», note Engdahl.
L’histoire n’est pas encore finie : une nouvelle alliance monétaire soutenue par l‘or émerge à l’Est, menaçant à nouveau l’hégémonie du dollar américain. Ce groupe, dirigé par la Chine et la Russie, constitue un tout nouveau défi à la domination monétaire de l’Amérique, ainsi que le remarquent des chercheurs.
Traduit par Hervé, vérifié par Wayan, relu par Ludovic pour le Saker Francophone.
Note de Francoise Petitdemange L'écrivaine nous fait l'amitié d'un commentaire sur cet article qui renvoie à son livre "La Libye Révolutionnaire", à lire ci-dessous :
Quand les impérialismes se rebiffent…
Tous comptes faits, trois prétendues démocraties occidentales – États-Unis, Grande-Bretagne, France – ne cessent de vouloir imposer leurs vues politiques et économiques sur le monde, au mépris de la grande majorité des populations. Du passé au présent…
« Depuis le 1er janvier 1999, à minuit, les transactions financières européennes s’effectuent dans une nouvelle monnaie. Et cette nouvelle monnaie – l’euro – devrait être mise en circulation et remplacer les anciennes monnaies – le franc, le mark, la peseta, etc. – en 2002, pour les habitant(e)s de l’Europe. » (Françoise Petitdemange, La Libye révolutionnaire dans le monde (1969-2011), page 384)
Dans le cadre de la création des États-Unis d’Afrique, Muammar Gaddhafi était intervenu, à deux reprises, pour parler de la monnaie que l’Union Africaine devait mettre en place : le dinar-or. La Libye était encore, à ce moment-là, sous un embargo décrété par la France, les États-Unis et la Grande-Bretagne avec l’aval de l’ONU, embargo qui avait commencé au début de 1992, et qui ne prendra fin qu’en septembre 2003.
« Sous l’impulsion de Muammar Gaddhafi, qui avait organisé une conférence dite « Conférence Mondiale de Mathaba en 1996 » sur le « Dinar-or », une autre a lieu, en cette année 2000, et les pays africains, voulant de plus en plus se libérer du moindre joug colonial qui perdure, manifestent leur intérêt pour cette monnaie unique. » (Page 384)
Voilà l’une des raisons principales de la déstabilisation de l’Afrique, qui a commencé, d’une manière urgente, fin 2010 en Côte d’Ivoire, qui s’est poursuivie en Tunisie et en Égypte et qui s’est achevée par la guerre civile doublée d’une guerre coloniale en Libye, en 2011. À noter que la Syrie, pays arabe, qui n’ouvrait pas suffisamment ses portes au capitalisme occidental – selon la France, la Grande-Bretagne, les États-Unis – a été déstabilisée en même temps que la Libye, et que la guerre se poursuit jusqu’à cette année 2016.
L’Afrique ne fut pas la seule à vouloir se libérer des monnaies coloniales. Excédé par des manœuvres occidentales qui plongèrent l’Irak dans d’incessantes guerres (Koweït, Iran, États-Unis-Grande-Bretagn
« Au cours de cette année 2000, Saddam Hussein a fait savoir que l’Irak n’utiliserait plus le billet vert dans ses transactions internationales et le ministre des Finances irakien a confirmé le fait que le dollar allait être remplacé par d’autres devises. Le pétrole irakien ne sera plus échangé contre des dollars mais contre d’autres devises étrangères, dont l’euro, ce qui va privilégier l’Europe et faire basculer le commerce du pétrole de tous les pays membres de l’OPEP vers l’euro : […]. » (Page 386)
Par ailleurs, la guerre contre l’Irak et l’assassinat de Saddam Hussein, après un procès bâclé et une mise à exécution ultra-rapide de la peine de mort prononcée, et la guerre contre la Libye jusqu’à l’assassinat de Muammar Gaddhafi dans les conditions que nous savons, ont mis fin à des procès en cours contre la France qui n’avait pas hésité, au milieu des années 1980, à vendre, en toute connaissance de cause, des poches de sang contaminé non chauffé à… l’Irak, la Libye, l’Argentine, la Grèce, la Tunisie, etc., poches de sang qui, au lieu de sauver des vies, ont décimé des familles dans ces pays.
Pour plus d’éléments, je renvoie à mon ouvrage La Libye Révolutionnaire dans le monde (1969 – 2011), Éditions Paroles Vives 2014.
Françoise Petitdemange
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