Par Miguel Santos García − Le 13 mars 2022 − Source OneWorld Press
Cuba, qui en connaît un rayon en matière de « petit pays agressé par son grand voisin », a compris que l’Occident dote l’Ukraine fascisto-oligarchique, créée par l’OTAN en 2014, d’armes encore plus puissantes, qui créent de facto une crise de missiles promulguée par les États-Unis.
Le positionnement de Cuba vis-à-vis de l’Ukraine et de la crise des missiles non-déclarée provoquée par les États-Unis en Europe est tout à fait aligné avec le soutien manifesté par ce pays pour le droit international.
Le gouvernement cubain a émit deux déclarations officielles au sujet du dernier chapitre du conflit en cours en Ukraine ; ces deux déclarations expriment fondamentalement la même chose. La première est une déclaration du gouvernement révolutionnaire de Cuba, prononcée le 26 février 2022 à la Havane, et la seconde est une intervention de Pedro Luis Pedroso Cuesta, ambassadeur permanent de Cuba auprès des Nations Unies à New York, le 1er mars 2022. Cette seconde déclaration a été formulée lors d’une session d’urgence spéciale, lors de l’Assemblée Générale de l’ONU, au sujet de la situation en Ukraine, chose dont l’ambassadeur de Cuba a tiré parti pour affirmer franchement la responsabilité de l’OTAN, dirigée par les États-Unis, dans l’escalade récente en Ukraine.
Le gouvernement cubain supervise les véritables vulnérabilités en matière de sécurité intégrée, non seulement pour ce qui concerne directement la nation insulaire, mais également pour ce qui concerne la sécurité de ses alliés. De ce fait, il n’est pas surprenant que Cuba dispose de connaissances étendues au sujet des événements qui se sont produits au cours des 8 années de conflit en Ukraine. Cuba comprend très bien que cette situation critique, qui a affecté l’Ukraine depuis 2014, et qui se poursuit jusqu’en 2022, avec des événements récents comme l’attaque générale lancée par Kiev contre les deux républiques populaires du Donbass doivent être interprétés dans le cadre d’une matrice plus large, pétrie de violence impériale déclenchée par les États-Unis, au cours des 130 dernières années de l’histoire mondiale.
Dans sa déclaration du 26 février 2022, le gouvernement révolutionnaire cubain a exprimé clairement sa position en faveur d’« une solution garantissant la sécurité et la souveraineté de tous », et a également évoqué des préoccupations légitimes en matière humanitaire. De même, Pedro Luis Pedroso Cuesta a répété quelques jours plus tard face à l’ONU que son pays s’est toujours montré cohérent avec les valeurs qu’ils exprime, rappelant que « Cuba est un défenseur du Droit International et reste dévoué à la Charte des Nations Unies, qui défendra toujours la paix et s’opposera sans ambiguïté à l’usage de la force, ou la menace de la force, contre tout État. »
Depuis le début de ce dernier épisode en date du conflit ukrainien, le gouvernement cubain a évité de condamner la Russie pour ses actions de défense face aux machinations de l’OTAN. Cuba a bien compris, du fait de son statut de partenaire attentif de la Russie (et n’a pas manqué de le signaler de manière répétée) que l’on était en train de préparer l’Ukraine pour l’utiliser contre la Russie. Aussi, bien que le gouvernement cubain ait choisi l’abstention lors du vote récent des Nations Unies pour des raisons pragmatiques, les dirigeants de l’île ont clairement énoncé leur soutien au droit de la Russie de se défendre contre la transformation de l’Ukraine en plateforme de guerre chaude et hybride, et ont ainsi assigné la responsabilité du conflit ukrainien aux États-Unis.
Lors de son discours aux Nations Unies, Pedro Luis Pedroso Cuesta a pointé du doigt les États-unis comme principal agresseur dans ce conflit complexe, et a indiqué l’OTAN comme second agresseur du conflit. « Nos préoccupations sont renforcées par la décision récemment adoptée par l’OTAN d’activer, pour la première fois, la Force de Réponse de cette alliance militaire. La détermination manifestée par les États-Unis de poursuivre l’expansion progressive de l’OTAN en direction des frontières de la Fédération russe a conduit à une scénario dont les implications présentent une portée imprédictible ; cela aurait pu être évité. »
Dès le début de l’EuroMaidan, Cuba a compris que l’événement sous-tendait une politique de changement de régime en Ukraine, au moyen d’un coup d’État contre le président légitime de l’époque, Victor Yanoukovitch. L’homme a également raconté comme les États-Unis et l’Union européenne ont instigué une alliance avec les factions fascistes néo-nazies, ainsi qu’avec certains oligarques ukrainiens, pour installer un gouvernement de marionnettes pro-occidentales à Kiev, afin de poursuivre l’expansion de l’OTAN vers la frontière-même de la Russie, chose que l’Ouest avait promis de ne pas faire en 1998.
Le discours prononcé par l’ambassadeur de Cuba indique la situation en Ukraine est plus complexe que ce que les pays occidentaux, États-Unis en tête, essayent de communiquer au monde. Par exemple, l’ambassadeur cubain souligne la manière dont les puissances occidentales ont manqué à leur parole de manière répétée, face à leurs promesses de ne pas étendre l’OTAN après l’effondrement de l’Union soviétique, dans les années 1990. « On ne peut pas considérer la situation actuelle en Ukraine de manière rigoureuse et honnête sans mesurer avec soin les facteurs qui ont amené à l’utilisation de la force et la non-observance des principes légaux et des normes internationales… Ignorer des décennies durant les demandes légitimes exprimées par la Fédération de Russie pour des garanties de sécurité, et supposer que la Fédération de Russie resterait les bras croisés face à une menace directe contre sa sécurité nationale ; cela a constitué une erreur. On ne peut pas parvenir à la paix en encerclant ou en isolant des pays. » Son discours a également indiqué l’échec continu manifesté par Kiev d’établir et de mettre en œuvre les accords de Minsk.
L’ambassadeur cubain s’en est même pris aux termes du texte en cours d’examen aux Nations Unies, exprimant la mauvaise qualité de ce texte, extrêmement vague sur le contexte du conflit et sur ce qui s’est produit en Ukraine depuis 2014, et accusant le document d’apporter encore plus de combustible à l’incendie de la guerre. « Le projet de résolution sur la situation en Ukraine, qui n’a pas été adopté par le Conseil de Sécurité le 25 février dernier, ne visait pas à apporter de contribution véritable à la recherche de solutions à la crise en cours. Le texte qui est examiné par la présente Assemblée Générale présente les mêmes défauts, et n’est pas équilibré comme il devrait l’être. Il ne prend pas en compte les préoccupations légitimes de toutes les parties impliquées. Il ne reconnaît pas non plus la responsabilité de ceux qui ont lancé ou déployé des actions agressives qui ont précipité l’escalade de ce conflit. » Ce document allait par la suite être ratifié par 141 des 193 pays membres des Nations Unies, avec 35 abstentions, dont celle de Cuba.
Cuba a compris que l’Occident dote l’Ukraine fascisto-oligarchique, créée par l’OTAN en 2014, d’armes encore plus puissantes, ce qui crée de facto une crise des missiles, promulguée par les États-Unis. De fait, le discours de Zelensky, le président ukrainien, à Munich, le 19 février 2022, a clairement indiqué que l’Ukraine était en passe de répudier le mémorandum de Budapest 1 Zelensky a foncièrement affirmé que l’Ukraine devait devenir un pays membre de l’OTAN, faute de quoi, a-t-il suggéré, son pays se doterait d’armes nucléaires. La semaine-même où Poutine a lancé l’opération spéciale, qui vise à 1) nettoyer le gouvernement ukrainien de l’emprise des factions néo-nazies, 2) obtenir des assurances écrites que l’Ukraine ne deviendra pas membre de l’OTAN, et 3) que l’Ukraine ne disposera pas d’armes nucléaires. Cependant, la Russie avait demandé aux États-Unis et à l’OTAN en 1998 de ne pas créer le type de scénario qu’ils se sont précisément employés à établir en Ukraine depuis 2014.
Miguel Díaz-Canel Bermúdez, le président cubain, a lui-même tweeté le 7 mars 2022 que « Cuba est tout à fait claire sur la valeur et les principes des normes internationales, qui servent de protection contre l’unilatéralisme, l’impérialisme, l’hégémonisme et les tentatives de soumettre les pays en développement… Le conflit aurait pu être évité si les demandes de garanties de sécurité exprimées par la Russie avaient été adressées avec sérieux et respect. Penser que la Russie allait rester inerte face à l’encerclement militaire offensif pratiqué par l’OTAN, est une chose irresponsable, c’est peu de le dire. Les États-Unis ont amené la Russie à une situation critique. »
Le président cubain a contesté et rejeté les sanctions économiques et financières visant à affaiblir et encercler la grande puissance eurasiatique, en exprimant que « Nous défendons la paix en toutes circonstances, et nous nous opposons sans ambiguïté à l’utilisation de la force contre tout pays, quel qu’il soit. En tant que pays de petite taille, nous comprenons cela mieux qui quiconque. Assiégés depuis plus de 60 ans, nous avons subi terrorisme d’État, agressions militaires, et un blocus brutal. » Le gouvernement cubain ne comprend que trop bien la logique de l’unilatéralisme absolutiste de l’OTAN, dirigé par les États-Unis, qui utilise un arsenal de punitions économiques contre les pays qui refusent la néo-colonisation. Ces instruments de conquête font partie de la guerre économique et financière que les États-Unis et les autres pays membres de l’OTAN utilisent de manière fréquente contre les pays qui, par leur prospérité, mettent au défi le soi-disant « ordre basé sur des règles » qui maintient la suprématie occidentale politico-financière et socio-économique.
Miguel Santos García
Traduit par José Martí pour le Saker Francophone
- Les mémorandums de Budapest sont trois documents signés en termes identiques le 5 décembre 1994, respectivement par la Biélorussie, le Kazakhstan et l’Ukraine ainsi que par les États-Unis, le Royaume-Uni et la Russie qui accordent des garanties d’intégrité territoriale et de sécurité à chacune de ces trois anciennes Républiques socialistes soviétiques (RSS) en échange de leur ratification du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). ↩