Comment Israël installe la théocratie en défense des «droits civiques»


Le mouvement Temple Activist est maintenant plus dominant que jamais et ses efforts pour détruire le complexe de la mosquée Al-Aqsa, le troisième site le plus sacré de l’islam, ont progressé avec une rapidité sans précédent depuis le début de l’année et ont pris une accélération fulgurante ces dernières semaines.

"Cependant, loin d’une influence bénigne, les prophéties de la fin des temps qui motivent ces personnalités influentes sont remplies d’événements futurs qui laissent présager des souffrances indicibles, des pertes massives en vies humaines et des guerres cataclysmiques. Étant donné que tant les chrétiens que les juifs favorables à cette interprétation de la fin des temps croient que des mesures proactives doivent être prises pour inaugurer ces scénarios apocalyptiques par ceux qui en ont la capacité - politiciens, donateurs, etc. - cela rend critique et urgente la tâche de faire comprendre cet aspect souvent négligé qui se cache derrière la politique étrangère actuelle d’Israël et des États-Unis." Whitney Webb

Par Whitney Webb − Le 3 juillet 2019 − Source Mint Press News

webbJERUSALEM – Avec une tendance inquiétante, qui continue d’être négligée par les médias internationaux, le mouvement Temple Activist, qui cherche à détruire la mosquée Al-Aqsa et le Dôme du Rocher à Jérusalem et à le remplacer par le troisième Temple, continue de faire avancer son programme. Les progrès réalisés par le mouvement sont dus en grande partie aux efforts couronnés de succès qu’il a déployés ces dernières années pour se faire passer pour un mouvement de «défense des droits civiques» – garantissant ainsi l’appui des sionistes laïques et religieux – ainsi que celui croissant des pouvoirs exécutif et législatif israéliens.

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Le membre israélien de la Knesset, Yehuda Glick, au centre, s’entretient avec des journalistes après sa visite dans l’enceinte de la mosquée Al Aqsa à Jérusalem, le 29 août 2017. Sebastian Scheiner | AP

Comme indiqué en détail dans la partie I de cette série, le mouvement militant pour le temple est plus dominant que jamais et ses efforts pour détruire le complexe de la mosquée Al-Aqsa, le troisième site le plus saint de l’islam, ont progressé avec une rapidité sans précédent depuis le début de l’année et ont pris une accélération fulgurante ces dernières semaines. Pourtant, ce nouveau visage du mouvement Temple Activist – qui prétend vouloir arracher le contrôle du site sacré aux autorités jordaniennes et palestiniennes au nom de « l’égalité des droits » pour les Juifs israéliens – masque les origines troublantes de cette frange jadis marginale, mais maintenant normalisée.

Commençant véritablement après la guerre des Six jours en 1967, le mouvement Temple Activist en Israël était formé en grande partie par deux groupes de personnes :

1) Un petit groupe de sionistes religieux messianiques, alors peu nombreux, dirigé par le rabbin Shlomo Goren et favorable à l’annexion complète de la Palestine, en particulier Jérusalem avec la mosquée Al-Aqsa ;

2) D’anciens membres des groupes paramilitaires sionistes laïques, Irgun et Lehi, connus pour leur tendance à massacrer des civils palestiniens à des fins politiques, qui sont devenus des messianistes religieux après la victoire d’Israël en 1967 ou sont restés laïcs et ont estimé que le salut des Juifs israéliens nécessitait la conquête militaire de la Palestine et la destruction de ses mosquées et de ses églises – en particulier le site de la mosquée Al-Aqsa, souvent désignée par le Mont du Temple ou Haram El-Sharif (arabe pour «le Noble Sanctuaire»).

Le visage «amical» moderne du mouvement Temple Activist – incarné par des personnalités telles que Yehuda Glick, ancien directeur exécutif de l’Institut du Temple et membre de la Knesset en Israël – cache les origines extrémistes et largement laïques de ce mouvement quasi religieux qui – selon ce que le rabbin Yisroel Dovid Weiss de Neturei Karta, une organisation internationale de juifs ultra-orthodoxes opposés au sionisme, a déclaré à MintPress dans la partie I – est de nature coloniale, c’est-à-dire sioniste, et utilise des images et des slogans religieux pour « justifier l’occupation et essayer de dépeindre celle-ci comme un conflit religieux ».

Comme le montre cette série d’articles au sujet des menaces qui pèsent actuellement sur le complexe historique de la mosquée Al-Aqsa, les origines extrémistes du mouvement Temple Activist et sa normalisation croissante dans la société israélienne sont parallèles à la montée de l’extrême droite, en particulier du Likoud, parti politique dont les racines, très semblables à celles du mouvement Temple Activist, remontent à des paramilitaires sionistes laïques comme Irgun.

Miko Peled, auteur israélien et défenseur des droits de l’homme, a décrit cette tendance à MintPress comme étant «la résurgence du bon vieux temps [les kibboutz de notre enfance, NdT] où les jeunes fanatiques constituaient le fer de lance du projet sioniste». Peled a souligné que ces fanatiques étaient à la base des actions qui se sont ensuite poursuivies, consolidées par l’État israélien, comme dans le contexte du mouvement des colons où, comme Peled l’a noté :

L’establishment [politique israélien] arrive et prend le relais et transforme un "avant-poste" [établi par un petit groupe d’extrémistes] en une colonie, puis en une ville. Le complexe de Haram El-Sharif, ou Mont du Temple, aura le même sort. Ces fanatiques, jeunes et vieux sont à la pointe des idéologues sionistes et font le "sale boulot". Maintenant ils ne semblent plus aussi radicaux, et l’État interviendra bientôt en pleine force.

Pour cette raison, et comme le montre ce rapport, il existe une importante consanguinité entre les partis politiques dominants israéliens et le mouvement Temple Activist, avec une majorité de ministres du gouvernement israélien actuel, dont le Premier ministre Benjamin Netanyahou, et un lobby important et influent de législateurs à la Knesset soutient ouvertement la prise de contrôle de la mosquée Al-Aqsa par le gouvernement, ainsi que sa destruction et son remplacement par un troisième Temple. Les épisodes suivants de cette série montreront en quoi un tel résultat constitue une menace grave pour la paix – pas seulement en Israël / Palestine, mais pour tout le Moyen-Orient – et une motivation majeure mais largement oubliée derrière les objectifs de politique étrangère non seulement du gouvernement actuel d’Israël, mais de l’administration Trump.

Shlomo Goren : l’homme qui a allumé la mèche

La conquête de la vieille ville de Jérusalem par l’armée israélienne en 1967 a été vue par certains de ses soldats comme un signe divin de l’accomplissement des prophéties de la fin des temps. Parmi ceux qui ont été les premiers à arriver dans le quartier historique nouvellement conquis de Jérusalem, se trouvaient trois hommes qui, chacun à leur manière, dirigeraient ensuite un mouvement visant à réaménager ce quartier de Jérusalem en fonction de leur interprétation spécifique – alors largement minoritaire – de la prophétie biblique. Il s’agissait de Shlomo Goren, alors rabbin de l’armée israélienne et plus tard chef des rabbins ashkénaze d’Israël ; Geroshon Salomon, alors soldat et plus tard fondateur des Fidèles du Mont du Temple ; et Yisrael Ariel, rabbin et fondateur de l’Institut du Temple.

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Le rabbin Goren, au centre, porte une Torah et une mitraillette lors d’un assaut israélien sur Gaza en 1956. Photo | AP

Shlomo Goren, euphorique après la prise de contrôle du Mont du Temple par l’armée israélienne, a dirigé la célébration à laquelle assistaient Ariel et Salomon. Selon les souvenirs d’Ariel, les paroles de Goren sur la signification prophétique de la prise de contrôle du Mont du Temple par Israël donneraient un sens à l’événement et inspireraient Ariel, ainsi que Salomon, pour la fondation des organisations consacrées à la vision de Goren d’un troisième temple à la place de la mosquée Al-Aqsa, qui se trouve actuellement sur le Mont du Temple ou Haram El-Sharif.

Peu de temps après que l’ambiance de célébration a disparu de cette journée fatidique de 1967, Goren – selon plusieurs témoignages – poussa le Commandant en chef de l’armée israélienne, Uzi Narkiss, à saisir l’occasion qui lui était offerte de détruire la mosquée historique à l’aide d’explosifs sous couvert de la guerre. Goren et ses alliés, dont Ariel et Salomon parmi eux, se souviendront amèrement du rejet de la demande de Goren par Narkiss, comme une occasion manquée et, pour certains, un acte de « trahison ». De tels sentiments amers n’étaient pas seulement réservés à Narkiss ou au ministre de la Défense de l’époque, Moshe Dayan, tous deux sionistes laïcs, mais aussi aux autorités rabbiniques de l’État qui, après la capture et l’occupation de Jérusalem en 1967, ont maintenu l’opinion séculaire selon laquelle il était contraire à la loi religieuse juive de permettre aux Juifs de gravir le Mont du Temple.

Bien que la guerre de 1967 n’ait pas entraîné la destruction de la mosquée Al-Aqsa ou du Dôme du Rocher, comme Goren et d’autres l’avaient espéré, Goren a consacré une grande partie de sa carrière future à l’avancement de ce que l’on appelle maintenant souvent le mouvement Temple Activist, qui vise à remplacer le complexe de la mosquée Al-Aqsa par un troisième Temple. Goren pensait spécifiquement que le troisième Temple devait être construit avant que le Messie puisse être révélé, et non après, et que la conquête du site pendant la guerre de 1967 signifiait que le moment était venu de construire un nouveau Temple où la mosquée Al-Aqsa est assise.

Il convient de souligner que les croyances de Goren étaient et restent en contradiction avec les autorités rabbiniques en Israël et à l’étranger. Comme l’écrivait Motti Inbari, spécialiste du fondamentalisme et du messianisme juifs et professeur associé de religion à l’UNC Pembroke, dans The Times of Israel en 2015 :

Selon la loi religieuse juive (halakha), quiconque gravit le Mont sera puni par le karet - peine de mort exécutée par Dieu. Cette décision a été renforcée dans d'innombrables décisions. L'une d'elles a été transmise par le grand rabbinat après la prise du Mont lors de la guerre des Six jours en 1967… Et cette coutume est suivie par la grande majorité des rabbins ultra-orthodoxes.

Goren a connu une ascension fulgurante après la guerre de 1967 et il est devenu le chef des rabbins ashkénaze israéliens, le poste de rabbin le plus important du pays, juste un an après avoir pris sa retraite en tant que premier grand rabbin de l’armée en 1972. Miko Peled, auteur israélien et militant des droits de l’homme, a déclaré à MintPress que le rôle de Goren en tant que grand rabbin avait fait de lui « un important acteur dans le mouvement » sioniste religieux « qui cherchait à coloniser l’ensemble de la Terre d’Israël ce qui signifie l‘Israël biblique« , qui comprend l’ensemble de la Palestine occupée et une grande partie des territoires de plusieurs pays voisins.

L’ascension rapide de Goren à la position la plus importante dans le rabbinat israélien a été entachée d’accusations selon lesquelles il aurait conclu un accord secret avec Golda Meir, Premier ministre d’Israël de l’époque, à qui Goren aurait promis de l’aider à trouver des solutions aux conflits pressants qui avaient surgi entre les actions d’Israël, en tant qu’État, et la loi juive. En tant que grand rabbin, Goren adapterait la loi religieuse juive aux avancées scientifiques et aux conflits militaires, en résolvant de nombreux problèmes qui préoccupaient Meir au début des années 1970.

En tant que grand rabbin d’Israël, Goren a ensuite noué des relations étroites avec Menahem Begin, ancien dirigeant du groupe paramilitaire et terroriste Irgoun et Premier ministre israélien de 1977 à 1983, qui a été qualifié de fasciste et de terroriste par de nombreux intellectuels juifs américains et des personnalités publiques – y compris Albert Einstein. Goren est devenu un lien important entre Begin et le président américain Ronald Reagan à un moment où Begin cherchait activement à courtiser la droite évangélique américaine, en particulier les sionistes chrétiens. Begin et Goren préconisaient depuis longtemps un contrôle complet du Mont du Temple par Israël et partageaient la vision d’un «Grand Israël», dans lequel l’État d’Israël s’étendrait à l’ensemble des territoires palestiniens occupés et à plusieurs pays environnants.

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Menahem Begin, à droite, incline la tête pour recevoir une bénédiction de Shlomo Goren en 1977 à l’aéroport Ben Gourion. Max Nash | AP

Dans un exemple, Goren a affirmé qu’il avait été envoyé par Begin à la Maison Blanche pour transmettre personnellement à Reagan un message concernant le retrait d’Israël de la péninsule du Sinaï et «pour donner à Reagan un aperçu du sentiment moral et spirituel en Israël» qui incluait l’avertissement contre la formation d’un État palestinien, le maintien de Jérusalem «unie» et la reconnaissance de la ville comme exclusivement israélienne.

En tant que grand rabbin d’Israël, «l’activisme» de Goren à l’égard du Mont du Temple a continué sans relâche et a sans aucun doute grandi avec son influence politique croissante, tant en Israël qu’à l’étranger. Ayant mené des extrémistes dans l’ascension du Mont du Temple depuis la conquête de la vieille ville en 1967, Goren étant devenu grand rabbin, a pu poursuivre et intensifier ses efforts en vue de renforcer la présence de sionistes religieux extrémistes sur le Mont du Temple. Après la guerre de 1967, Goren créa également des cartes détaillées du Mont du Temple dans le but de définir l’emplacement où le troisième Temple devait être érigé, à l’endroit où il croyait que les trésors perdus de l’Arche d’Alliance étaient cachés. Ces cartes sont toujours utilisées par les activistes du temple aujourd’hui.

Pourtant, l’activisme de Goren, au nom d’un troisième Temple, s’est avéré beaucoup plus ambitieux pendant son mandat de grand rabbin. En 1981, Goren et le rabbin du Mur occidental Yehuda Getz ont commencé à creuser une série de tunnels sous le Mont du Temple, sans autorisation archéologique, dans le cadre d’une recherche d’artefact supposés de l’Arche d’Alliance. Ils croyaient que trouver celle-ci signifierait que le temps de construire un troisième Temple était venu. L’un des volontaires assistant Getz et Goren était Gersh Salomon, qui avait fondé les Fidèles du Mont du Temple quelques années auparavant.

Les tunnels – réalisés sans surveillance archéologique, comme l’exige la loi israélienne – ont été creusés avec le soutien du Ministère des affaires religieuses d’Israël. Le projet illégal avait également un lien avec le gouvernement, en raison de la participation active de Rafi Eitan au projet. Eitan était un conseiller influent sur la lutte contre le terrorisme et pour la sécurité auprès de trois premiers ministres israéliens – Menahem Begin, Yitzhak Shamir et Shimon Peres – c’était un ancien officier du Mossad et du Shin Bet et un «ami intime et proche de la famille» de l’actuel Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. Il a ensuite acquis une notoriété pour avoir recruté Jonathan Pollard, un ancien analyste du renseignement de la marine américaine, reconnu coupable d’espionnage pour le compte d’Israël, dont Eitan était l’officier traitant.

Goren, Getz et leur groupe de volontaires ont réussi à atteindre Warren’s Gate, un ancien passage souterrain menant au Mont du Temple. Selon Salomon, «il ne nous fallait que deux jours de plus pour nous rendre à l’endroit où se trouve l’Arche d’Alliance». Cependant, leurs ambitions ont été contrecarrées lorsque les Palestiniens, qui gardaient Al-Aqsa, ont entendu des bruits étranges venant du dessous de la mosquée Al-Aqsa et ont rapidement découvert les fouilles. Une émeute a presque éclaté et les autorités israéliennes ont par la suite scellé le tunnel.

Quelques années plus tard, en 1986, trois ans après avoir quitté son poste de grand rabbin, Goren et d’autres rabbins renommés ont publié un édit religieux appelant à la construction immédiate d’un troisième Temple sur le Mont du Temple et à l’autorisation des prières publiques juives sur le site, un acte historiquement interdit par la loi juive. Avant la fin de sa vie en 1994, Goren avait publié plusieurs autres édits religieux controversés, dont celui qui stipulait que les soldats des forces de défense israéliennes pouvaient désobéir aux ordres du gouvernement qui voudrait expulser les colons extrémistes de Cisjordanie, et un autre affirmant que la loi juive obligeait les juifs à assassiner le dirigeant palestinien Yasser Arafat.

Les Fidèles du Mont du Temple

L’impact de Goren sur le mouvement Temple Activist est unique, car ses actions après la conquête israélienne de la vieille ville de Jérusalem ont été l’étincelle qui a inspiré les deux autres forces les plus remarquables à préparer le terrain pour le mouvement Temple Activist d’aujourd’hui : Gershon Salomon et Yisrael Ariel.

Salomon faisait partie des parachutistes qui ont aidé à «libérer» le Mont du Temple et le Mur des Lamentations en 1967. Il a fondé les Fidèles du Mont du Temple peu de temps après. Après la guerre, il « se voua à la mission de consacrer le Mont du Temple au nom de Dieu, à supprimer les sanctuaires musulmans placés là comme symbole de la conquête musulmane, à la reconstruction du troisième Temple sur le Mont du Temple, et la rédemption pieuse du peuple et de la terre d’Israël « , selon le site Web des Fidèles du Mont du Temple. Il a travaillé directement avec Goren pendant un certain nombre d’années, et avec d’autres très influencés par Goren, comme Ariel, qui ont ensuite rejoint le groupe de Salomon.

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Gershon Salomon, à droite, pose devant la mosquée Al-Aqsa en 1967.

Goren a participé directement aux activités des Fidèles du Mont du Temple à certaines occasions, par exemple en organisant une «conférence» devant le Mont du Temple où Goren, Salomon et d’autres participants ont appelé le gouvernement israélien «à purifier le Mont du Temple de la présence arabe et islamique et profanatrice», comme cela a été décrit plus tard par Salomon.

Le groupe a attiré des membres issus des franges messianiques du sionisme religieux, ainsi que des éléments fascistes plus laïques associés aux précurseurs du parti Likoud des temps modernes. En effet, Motti Inbari a noté que la plupart des membres des Fidèles du Mont du Temple au cours de ses «années d’or» – de la fin des années 1960 à 1987 – étaient d’anciens membres des groupes paramilitaires sionistes Irgun et Lehi, qui ont tous deux des liens profonds avec le Parti du Likoud en Israël.

Pendant des décennies, les principales activités des Fidèles du Mont du Temple ont été de démontrer qu’Inbari, qui avait assisté à plusieurs manifestations du groupe, avait pour but de « provoquer des émeutes frisant l’hystérie parmi le public musulman [palestinien] ». Ces provocations consistent essentiellement à tenter de placer physiquement les pierres angulaires qu’ils ont préparées pour un futur troisième Temple sur le Mont du Temple. L’une des manifestations de pierre angulaire du groupe a abouti à ce que l’on appelle désormais le massacre d’Al-Aqsa en 1990, qui a provoqué une émeute parmi les fidèles palestiniens qui se trouvaient alors à la mosquée. La police israélienne a abattu plus de 20 Palestiniens et en a blessé environ 150 autres.

Pourtant, à partir du milieu des années 1980, une fracture est apparue au sujet du Mont du Temple, entre les fidèles sionistes religieux et les laïcs au sein du groupe. La fracture a été initiée par le rabbin Yosef Elboim et a vu les sionistes religieux, comme le rabbin Yisrael Ariel, quitter les Fidèles du Mont du Temple en masse, car ils pensaient que le mouvement ne pourrait gagner en influence que s’il se concentrait davantage sur l’importance religieuse et rituelle du troisième Temple, que sur son importance en tant que symbole nationaliste et sioniste, une vision défendue par Salomon.

Bien que Salomon utilise fréquemment des images religieuses et bibliques lorsqu’il discute du Temple et considère la construction du Temple comme sa mission divine, il considère finalement le Temple comme un symbole du nationalisme israélien. Cette vision du temple en tant que symbole nationaliste a été exprimée pour la première fois par des membres du groupe paramilitaire sioniste et fasciste Lehi, également connu sous le nom de Stern Gang. Cette vision a aidé Salomon à vaincre certains sionistes laïcs influents au sein du mouvement Temple Activist, bien que cela lui ait fait perdre son influence auprès des sionistes religieux. Pourtant, cette perte de soutien de la part des sionistes religieux a conduit Salomon à nouer des liens avec un autre groupe, les sionistes chrétiens de l’Ouest.

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Des membres fidèles du Mont du Temple montent sur un faux cercueil symbolisant la Palestine lors d’un défilé à Jérusalem en 2007. Alex Kolomoisky | AP

La scission de 1987 entre les Fidèles du Mont du Temple a abouti à la création officielle de l‘Institut du Temple, qui a été fondé par le rabbin Ariel. Il est depuis devenu l’organisation la plus en vue de ce type en Israël. Peu de temps après sa création, l’Institut rejoignit une alliance d’autres groupes dissidents des Fidèles du Mont du Temple et associés, connus sous le nom de Mouvement pour l’établissement du Temple, mais qui n’incluait pas le groupe des Fidèles du Mont du Temple.

L’Underground juif

Tandis que de nombreux anciens membres de l’Irgun et de Lehi ont rejoint le mouvement Temple Activist après sa formation à la fin des années 1960, d’autres ont choisi une approche encore plus extrême que celle proposée par les Fidèles du Mont du Temple. Shabtai Ben-Dov, un ancien membre de Lehi qui croyait que le troisième Temple et le Messie juif ne pouvaient advenir que par la violence et une conquête sanglante, était l’un des «phares» d’un groupe connu sous le nom de Jewish Underground.

Ben-Dov est une figure obscure pour la plupart des Israéliens, mais son impact sur les groupes messianiques juifs en Israël a été profond. Il était un membre enthousiaste de Lehi – ou, comme indiqué plus haut, le « Stern Gang » – un groupe paramilitaire sioniste connu pour son utilisation du terrorisme, ainsi que pour son rôle dans plusieurs massacres de civils ; l’assassinat de responsables britanniques et de l’ONU ; ses tentatives d’alliance formelle avec les nazis ; et son désir de créer un État juif en Palestine basé sur «des principes nationalistes et totalitaires».

Ben-Dov, qui devint de plus en plus religieux à la suite de la fondation de l’État d’Israël et de la dissolution de Lehi, se tourna vers l’écriture et affirma que la vision totalitaire de Lehi pour l’État d’Israël devait être réalisée à travers l’établissement d’une théocratie, dirigée par un roi et le Sanhédrin, un conseil qui a été la principale force politique, judiciaire et religieuse pour les Juifs à l’époque des Romains, lorsqu’ils étaient guidés par les valeurs de «conquête et de guerre sainte». En outre, il croyait – comme Avraham Stern, fondateur de Lehi – que le troisième Temple devait être construit dès que possible et que cela résoudrait tous les problèmes actuels du peuple juif.

Bien que ses convictions ne fussent pas comprises – du moins à l’époque -, les écrits de Ben-Dov inspirèrent beaucoup Yehuda Etzion, un activiste de la colonisation profondément désillusionné par les efforts visant à instaurer la paix entre Israël et l’Égypte, qui aboutit finalement aux accords de Camp David en 1979. Peu de temps avant la mort de Ben-Dov et peu après la formalisation des accords, Etzion se rapprocha de ce dernier, qui réussit à convaincre le jeune Etzion de participer activement au «processus messianique». Quand Etzion demanda à Ben-Dov si la destruction du Dôme du Rocher et de la mosquée Al-Aqsa catalyserait le processus de «rédemption» et inaugurerait l’avènement du messie, Ben-Dov a répondu : « Si vous voulez faire quelque chose qui résoudra tous les problèmes des Juifs, faites-le. »

La planification du tristement célèbre complot du Jewish Underground visant à détruire Al-Aqsa a alors commencé, un complot qui a été contrecarré de justesse quelques années plus tard en 1984. En effet, Etzion et ses co-conspirateurs, qui ont tous été reconnus coupables de terrorisme, avaient fait irruption dans un avant-poste militaire israélien sur les hauteurs du Golan occupé et réussi à voler plus de 2 000 livres d’explosifs, qui avaient servi à construire au moins 27 bombes pour commettre l’acte. Pour des raisons qui seront éclaircies dans un prochain article de cette série, Etzion et ses co-conspirateurs pensaient également que la destruction de la mosquée Al-Aqsa entraînerait d’abord une guerre avec des nations rivales du Moyen-Orient, une guerre dont Israël sortirait victorieux – et alors seulement le troisième Temple et un Israël théocratique pourraient prendre forme.

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La police israélienne porte Yehuda Etzion après avoir gravi le Mont du Temple en 1997. Zoom 77 | AP

Après son arrestation, Etzion a déploré que le complot n’ait échoué que parce que «la génération n’était pas prête». Comme indiqué dans la partie I, il a appelé à la construction d’une «nouvelle force qui grandit très lentement, déplaçant son activité éducative et sociale vers la recherche du leadership politique», une force qui – comme le montrent clairement cet article et la première partie de cette série – a connu un succès spectaculaire.

Bien que terroriste reconnu, partisan de la théocratie et de la «guerre sainte», Etzion est aujourd’hui considéré comme «la figure la plus vénérée des héros du Mont du Temple», selon le journal israélien Haaretz. Etzion a même fait l’objet d’un article plutôt sympathique du New York Times en 2015, alors que la nouvelle image de marque du mouvement Temple Activist battait son plein – pour faire bref . Cet article affirmait qu’Etzion « déplorait la violence à présent utilisée contre les Palestiniens », bien que notant qu’Etzion « ne regrette pas spécialement d’avoir aidé à installer des bombes dans les voitures des maires palestiniens et d’avoir planifié de faire sauter le Dôme du Rocher dans les années 1980, de plus il n’exprime aucun remords. »

Bien que l’idéologie d’Etzion ait peut-être été autrefois marginalisée et que sa violence soit odieuse, elle est devenue de plus en plus dominante. A l’instar du mouvement Temple Activist, la connivence est considérable. Un exemple de celle-ci s’est manifestée il y a quelques mois lorsque Bezalel Smotrich, l’actuel ministre israélien des Transports, qui a ouvertement appelé à la construction d’un troisième Temple, et incité les colons à attaquer violemment les Palestiniens en Cisjordanie occupée, a aussi appelé l’État d’Israël à gouverner avec la loi juive en adoptant une théocratie, à une époque où il était approché pour le poste de ministre de la Justice.

Smotrich n’est qu’un exemple de la manière dont les idées promues par des personnalités telles qu’Etzion ont trouvé leur place dans les couloirs du pouvoir israélien. En effet, le ministre des Affaires stratégiques, de la Sécurité intérieure et de l’Information, Gilad Erdan, l’ancien ministre de l’Éducation, Naftali Bennett, et le Président du Knesset, Yuli Edelstein, sont tous des proches collaborateurs et des partisans d’Etzion et de son mouvement Chai Vekayam (Vivant et Existant).

Carmi Gillon, ancien chef du service de sécurité intérieure israélien, le Shin Bet, a déclaré l’année dernière que les anciens membres de Jewish Underground sont devenus tellement influents qu’ils ont remporté la bataille pour l’avenir d’Israël. Gillon a dit à Haaretz :

Ils sont avant tout dévoués à leur idée. C’est exactement ce que vous voyez avec le Hamas ou le Hezbollah. Une personne religieuse qui croit être commandée d’en-haut ne peut pas transiger sur ce commandement. Une personne laïque est plus pragmatique, pour commencer. Mais ils ont un seul objectif : transformer Israël en un État juif régi par une loi juive religieuse, perpétuer l'occupation et abroger les lois libérales.

La façade «modérée» de l’Institut du Temple

Aujourd’hui, l’Institut du Temple, fondé par Yisrael Ariel, est traité par de nombreuses sources des médias comme le «visage modéré» du mouvement Temple Activist. Pourtant, Ariel – tout comme Salomon, Etzion et d’autres personnalités du mouvement Temple Activist – est depuis longtemps un extrémiste ; comme le dit le dicton : « La pomme ne tombe pas loin de l’arbre. » [les chiens ne font pas des chats, NdT]

Après avoir suivi Shlomo Goren au Mur des Lamentations le jour de sa conquête en 1967, Ariel s’engagea profondément dans le mouvement des colons et devint le rabbin «non officiel» d’une colonie israélienne dans la péninsule du Sinaï. Après le démantèlement de cette colonie dans le cadre des accords de Camp David, qui prévoyaient le retour du Sinaï à l’Égypte, Ariel est retourné à Jérusalem et a rejoint l’un des partis politiques racistes les plus radicaux de l’histoire d’Israël, le Kach.

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Yisrael Ariel supervise la mise en place de rituels pour la reconstruction d’un troisième Temple. Tomer Appelbaum | Haaretz

Le Kach Party a été fondé en 1971 par le rabbin américain Meir Kahane, un terroriste reconnu pour ses positions racistes et extrémistes, qui prônait la suprématie juive, l’expulsion des Palestiniens des territoires occupés et des peines de prison pour des palestiniens accusés d’entretenir des relations intimes avec des femmes juives. En outre, un aspect souvent négligé de sa plate-forme radicale était la complète souveraineté juive sur le Mont du Temple.

Aux élections de 1981, Ariel devint le second adjoint de Kahane et son bras droit en tant que membre du Kach. Il occupa plus tard le poste de suppléant de Kahane à la Knesset et resta actif au sein du parti jusqu’à ce qu’il soit interdit de participer aux élections israéliennes en 1988. Quelques années après l’assassinat de Kahane en 1990, Baruch Goldstein, disciple de Kahane et membre du Kach qui avait assassiné de nombreux Palestiniens en prière dans une mosquée d’Hébron, a été salué par Ariel comme un « martyr » et « notre avocat au paradis », même si les actes de Goldstein conduisaient le parti Kach et ses rejetons à être qualifiés d’organisations terroristes par Israël, les États-Unis et plusieurs autres pays.

Au cours de sa longue association avec le Parti Kach et Meir Kahane, Ariel fonda l’Institut du Temple, l’enregistrant d’abord en tant qu’association en 1984, puis créant une organisation plus formelle en 1987, peu de temps après que d’autres éléments religieux sionistes des Fidèles du Mont du Temple, quittèrent ce groupe en masse.

La raison pour laquelle Ariel a agi de la sorte était basée sur son idée que l’érection du troisième Temple devait être poursuivie à tout prix. Le «livre de prières du temple sacré» d’Ariel, cité sur le site Web de l’Institut du Temple, résume ses convictions selon ses propres termes :

Au fil des ans, plus j'étudiais, plus je commençais à comprendre que nous n'avions à rendre des comptes qu'à nous-mêmes et à notre propre inaction : Dieu ne veut pas que nous attendions un jour de miracles. Nous sommes censés agir. Nous devons accomplir ce qui nous a été demandé : faire tout ce qui est en notre pouvoir pour préparer la reconstruction du temple sacré et le renouvellement du service divin.

De plus, Ariel estime que le Temple est au cœur de l’avenir d’Israël en tant qu’État et en tant que panacée pour tous ses problèmes. Il a déclaré ce qui suit en 2005 :

L’État d’Israël ne peut être qu’une chose : un État doté d’un Temple en son centre. Sinon, il n'est pas différent de tout autre État. Tous les problèmes d’aujourd’hui trouvent leur origine dans le péché d’abandon du Mont du Temple et du site du Temple sacré… Le Temple sacré est la solution à tous nos problèmes.

Shabtai Ben-Dov, l’ancien membre de Lehi qui avait conseillé aux membres du groupe terroriste juif radical Jewish Underground de faire sauter la mosquée Al-Aqsa au début des années 1980, a également fait valoir ce même point de vue selon lequel le Temple résoudrait tous les problèmes israéliens.

Alors que la vision du monde d’Ariel et de ses alliés idéologiques peut facilement être qualifiée d’extrémiste, le problème est que, au cours des dernières décennies, l’Institut du Temple qu’il a fondé a joué un rôle central dans le mouvement Temple Activist, et qu’il a obtenu des soutiens croissants du gouvernement israélien, y compris un soutien financier.

Depuis sa création, l’Institut du Temple a élaboré des plans détaillés de sa vision pour un troisième Temple, basés en partie sur les cartes créées pour la première fois par Shlomo Goren en 1967, ainsi que des animations informatiques en 3D et des modèles physiques de ce temple. En outre, il a créé plusieurs artefacts destinés à être utilisés dans le futur temple, notamment une menorah [chandelier à 7 branches] en or, des autels à encens, des vêtements de prêtre et une variété de vases rituels, entre autres. La seule menorah aurait coûté 5 millions de NIS (environ 1,3 million USD).

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Un atelier de l’Institut du Temple à Jérusalem où des tailleurs confectionnent des vêtements pour les prêtres du troisième Temple. Kevin Frayer | AP

Ces artefacts et modèles ont permis à l’Institut du Temple de brouiller ses origines extrémistes en ouvrant un musée dédié au troisième Temple, un musée bénéficiant du parrainage du gouvernement israélien. Ce musée, surnommé le «Disneyland pour l’intégrisme du Temple» par le Times of Israel, reçoit des centaines de milliers de visiteurs chaque année.

Au-delà de la création d’artefacts et de structures destinés à être utilisés dans un futur temple, l’Institut s’est également consacré à la formation d’une nouvelle génération de prêtres lévites pour qu’ils effectuent des sacrifices rituels dans le futur Temple, et a également essayé de recréer une « Génisse rouge » pour le sacrifice du rituel de purification.

Le rabbin Yisroel Dovid Weiss de Neturei Karta – un groupe ultra-orthodoxe de Juifs Haredi fondé en Palestine en 1938, qui croit qu’il est interdit aux Juifs d’avoir leur propre État jusqu’à ce que le messie juif soit révélé – a déclaré à MintPress que ces rituels ne pouvaient pas être accomplis. La génisse, entre autres objets, n’est plus disponible comme ce fut le cas lorsque ces rituels étaient pratiqués il y a près de deux mille ans. Pourtant, l’Institut du Temple s’est efforcé de recréer une génisse rouge à l’aide de techniques avancées en élevage et en insémination artificielle et a prétendu avoir produit une génisse rouge appropriée à notre époque.

Au fil des ans, l’Institut a reçu un soutien croissant de la part du gouvernement israélien, même si ses activités vont à l’encontre de la politique officielle du gouvernement à l’égard du Mont du Temple et constituent également une violation du traité de paix de 1994 conclu entre Israël et la Jordanie qui interdit explicitement aux non-Musulmans de prier sur Haram el-Sharif –  le Mont du Temple – conformément à la doctrine théologique islamique concernant ses lieux les plus saints. Selon Ir Amim, une organisation israélienne à but non lucratif, l’Institut du Temple reçoit un financement direct du gouvernement israélien depuis au moins 2008, soit environ 412 000 NIS (environ 114 775 USD) du ministère israélien de la Culture, des Sciences et des Sports, dirigé par Miri Regev, ainsi que le ministère de l’Éducation d’Israël de 2008 à 2012. Rien qu’en 2012, le bras éducatif de l’Institut du Temple, le Midrasha, a reçu 189 000 NIS (environ 52 650 dollars) du ministère de l’Éducation.

Avant d’obtenir un financement direct du gouvernement, l’Institut du Temple avait reçu des fonds de «personnes appartenant à différents ministères», selon les déclarations faites par Ariel en 1992 en remerciant les membres du gouvernement d’avoir aidé à financer l’Institut et à rembourser ses dettes. Notamment, le financement gouvernemental de l’Institut du Temple ne représente qu’une petite partie de son budget de fonctionnement annuel estimé à un million de dollars. Cependant, le financement direct de l’organisation par le gouvernement suggère que le Likoud, dirigé par Netanyahou, soutient relativement, au moins secrètement, sa mission.

Cela est corroboré par le fait que les personnalités politiques israéliennes ont manifesté leur soutien à l’Institut et à ses objectifs ces dernières années. Par exemple, en 2013, Nir Barkat – alors maire de Jérusalem et membre du parti au pouvoir, le Likoud – a décerné un prix à Ariel pour son travail à l’Institut du Temple. Il a ensuite été révélé que l’Institut du Temple avait reçu un contrat du Ministère de l’éducation. Ce contrat lui a permis de créer un programme d’études sociales obligatoire qui inciterait les enfants du niveau de la maternelle à «désirer ardemment le Temple». Les critiques ont fait valoir que le programme «pourrait amener les étudiants à prendre des mesures violentes pour faire avancer la construction du troisième Temple», selon Haaretz. Les relations de l’Institut avec le gouvernement israélien sont également révélées par le fait qu’Israël autorise les femmes à effectuer leur service national obligatoire, au lieu du service militaire obligatoire, en travaillant comme guides touristiques au musée de l’Institut.

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Un manuel créé conjointement avec le ministère israélien de l’éducation décrit la reconstruction du troisième temple. Crédit | Ir Amim

L’appui gouvernemental à l’Institut du Temple qui agit en tant que contractant pour la mise au point d’un programme éducatif national, a eu pour résultat un soutien croissant du troisième Temple parmi les Israéliens religieux et laïcs.

Miko Peled a déclaré à MintPress que le type de matériel enseigné et normalisé dans les écoles à travers le pays avait été un facteur clé dans la popularisation des objectifs du mouvement Temple Activist :

L'intégration de ces groupes marginaux [Temple Activist] n'est possible que parce que, dans la société israélienne dominante, on souhaite voir le Temple «restauré». Le récit mythique du roi David et du roi Salomon et de son magnifique Temple est enseigné comme une histoire, et même les Israéliens laïcs y voient un symbole de leur identité et un droit. Ceci est enseigné dans les écoles, à travers des chants folkloriques israéliens, etc. De plus, parmi les organisateurs de «tournées» et les membres de Temple Activist, il y a toujours eu des Israéliens non religieux.

Alors que l’influence de l’Institut du Temple grandissait et se perfectionnait dans sa capacité à s’adresser à des factions plus modérées ou extrémistes au sein du sionisme religieux, Ariel s’est notamment senti encouragé à exprimer ses convictions extrémistes controversées. Dans une vidéo enregistrée en 2015, il a lancé des appels manifestes au génocide et au meurtre, en se basant sur son interprétation des œuvres du sage juif Maïmonide du XIIe siècle.

Dans cette vidéo, rendue publique par le journaliste canadien David Sheen, Ariel fait plusieurs déclarations scandaleuses, notamment des affirmations selon lesquelles la loi juive obligeait les juifs religieux à assassiner le président de l’époque aux États-Unis, Barack Obama. Il appelait aussi l’armée juive à conquérir tout le Moyen-Orient, en particulier l’Iran, et à détruire toutes les mosquées et les églises.

Ariel a également appelé à l’assassinat de tous les musulmans et chrétiens qui ne renoncent pas à leur religion afin de respecter les «lois Noahides», qui, selon Ariel et d’autres extrémistes, doivent être imposées à toute l’humanité, à l’exception des pratiquants du judaïsme, comme condition de leur existence. Un an plus tard, Ariel a de nouveau attiré l’attention des médias israéliens pour avoir affirmé que le Mont du Temple devait être «rasé et nettoyé» de la mosquée Al-Aqsa pour qu’un troisième Temple puisse être reconstruit.

De l’extrémisme au «mouvement des droits civiques»

Bien que le rabbin Yisrael Ariel soit souvent considéré comme le visage de l’Institut, une génération un peu plus jeune d’activistes du temple, qui ont acquis une grande influence dans la politique israélienne, a renforcé sa notoriété.

Il n’y a pas de meilleur exemple que la figure de Yehuda Glick, qui fut directeur exécutif de l’Institut du Temple  pendant cinq ans, puis membre de la Knesset israélienne pour le parti au pouvoir, le Likoud, en 2016. C’est en grande partie grâce au visage « affable » que Glick et certains de ses contemporains ont su donner au mouvement Temple Activist, que celui-ci a pu passer d’un projet colonialiste extrémiste à un «mouvement pour les droits civiques» promouvant «l’égalité des droits» pour les Israéliens juifs lorsqu’il s’agit de prier sur le Mont du Temple. Pourtant, Glick ne diffère guère, du point de vue idéologique, de la vieille garde, comme en témoignent ses convictions personnelles et ses relations étroites avec des personnalités telles qu’Etzion et Ariel.

Glick, par son rôle éminent à l’Institut du Temple  et à la Fondation du Mont du Temple, était devenu une figure bien connue du mouvement Temple Activist au moment où il a été attaqué à l’arme à feu au début de février 2014, perdant presque la vie au profit de son assaillant, qui aurait été un jeune Palestinien. Les blessures graves de Glick, auxquelles il a survécu, ont servi de base à une campagne médiatique réussie en Israël, qui a permis de décrire le mouvement Temple Activist comme un mouvement de «défense des droits civiques» visant simplement à garantir «des droits égaux», pour prier sur le Mont du Temple, aux Juifs et aux musulmans.

Ce récit a rapidement dépassé Israël, avec des médias connus comme le New York Times décrivant, par euphémisme, Glick comme un « agitateur qui a poussé pour obtenir plus de droits et l’accès des Juifs à un site religieux très contesté à Jérusalem ». Ce qui n’était pas mentionné est l’histoire de son arrestation pour sa participation à des provocations sur le Mont du Temple, l’agression d’une femme palestinienne sur le site contesté et le fait qu’il réside dans une colonie illégale en Cisjordanie.

Pourtant, il y a beaucoup de doutes sur le récit entourant la tentative d’assassinat de Glick, ce qui amène certains critiques à suggérer que l’attentat à sa vie aurait pu être un «montage» visant à créer suffisamment d’indignation publique pour obliger le gouvernement israélien à modifier le régime actuel du statu quo sur le Mont du Temple. En effet, juste une semaine avant s’être presque fait tuer, Glick avait dit à Haaretz que la situation sur le Mont du Temple ne changerait que si un Juif était violemment attaqué par un Arabe.

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Yehuda Glick arrive pour voter lors des élections du parti Likoud à Jérusalem, toujours en convalescence après une attaque présumée, le 31 décembre 2014. Oded Balilty | AP

En réponse à la question du journal israélien – « Quand le changement aura-t-il lieu ? », Glick a répondu :

Dès que les Arabes blesseront quelqu'un sur le Mont du Temple, le Premier ministre se réveillera et il sera trop tard… La violence s'intensifie tous les jours et la police est tout simplement impuissante. L'impuissance de la police mène à la violence… Bibi se lie les mains et les Jordaniens aussi.(emphase ajoutée)

Peu de temps après la tentative d’assassinat, Ali Abunimah a exposé en détail à Electronic Intifada de nombreuses autres divergences concernant les événements ayant entraîné les blessures de Glick, notamment l’exécution extrajudiciaire rapide de son agresseur présumé avant qu’une enquête ou un procès puisse avoir lieu, et certaines des affirmations douteuses formulées par des témoins sur les lieux, en particulier des témoins connus pour leur grande implication dans la cause de Temple Activist. Deux des témoins n’étaient autre que le rabbin Yisrael Ariel, fondateur de l’Institut du Temple, et Moshe Feiglin, alors membre du Likoud à la Knesset et militant déclaré de Temple Activist, qui ont ensuite qualifié l’attaque de Glick d’«inévitable» et d’«attendue».

Un an et demi après l’attaque qui avait menacé sa vie, Glick devint membre de la Knesset pour le parti Likoud d’Israël, occupant le poste laissé par l’ancien ministre de la Défense Mosha Ya’alon, démissionnaire. Bien que Glick ait précédemment occupé un rôle mineur au sein du gouvernement, son ascension à la Knesset en tant que législateur du Likoud lui a donné une plate-forme pour continuer à promouvoir Temple Activist en tant qu’affaire de «droits civiques», que des médias tels que Forward ont accueillie avec beaucoup de sympathie.

« La discrimination sur le Mont du Temple est évidente », a déclaré Glick, selon Forward, peu après son élection à la Knesset. « [Sous contrôle jordanien], le Mont du Temple est devenu un centre d’incitation et de haine au lieu d’un centre de paix. »

Miko Peled a décrit les efforts déployés pour transformer ce qui était autrefois un mouvement radical et marginal en un mouvement de lutte «pour les droits civiques», qui a connu un «très grand succès» et qui a joué un rôle dans le statut de plus en plus dominant dont bénéficie maintenant le mouvement Temple Activist. Peled a déclaré à MintPress :

Tout le discours [de Temple Activist] porte désormais sur leurs droits et le déni du droit du peuple [les Juifs] à la liberté de culte, etc. Cela contribue bien à les promouvoir comme plus modérés et plus amicaux, et comme victimes d'une réalité qui est, encore une fois, discriminatoire envers les Juifs. Ils se rendent compte que ce qui fonctionne pour les Palestiniens, c’est le fait que leur récit est présenté comme une injustice et ils font maintenant la même chose. Vous les entendez se plaindre de ce que le monde, et même la «gauche» israélienne, défendent les droits des Palestiniens, mais, une fois encore, ils ne défendent pas les droits des Juifs.

Puissants partisans du courant dominant

Depuis l’attaque de Glick et le changement de l’objet de Temple Activist en mouvement de «défense des droits civils», les efforts déployés depuis des décennies pour parvenir à un consensus parmi les Israéliens laïques et religieux ont considérablement augmenté. La croissance de ce mouvement, dont une grande partie est détaillée dans la partie I de cette série, a été particulièrement visible dans les allées du pouvoir israélien, avec un grand nombre des plus puissants hommes politiques israéliens, et une majorité du cabinet actuel, qui milite ouvertement pour la souveraineté israélienne sur le Mont du Temple et pour la reconstruction d’un troisième Temple.

Par souci de brièveté, MintPress a compilé la liste suivante des ministres du gouvernement israélien qui ont manifesté ou exprimé à divers degrés leur appui public à la construction d’un troisième Temple, à la destruction d’Al-Aqsa et / ou à la souveraineté complète sur le Mont du Temple. Certaines des personnes énumérées ci-dessous occupent plusieurs postes ministériels.

Ministres du gouvernement israélien soutenant publiquement Temple Activist, chaque nom comporte un lien qui explicite l’occasion où le soutien public a été exprimé.

  • Miri Regev, ministre de la Culture et du Sport
  • Rafi Peretz, ministre de l’Éducation
  • Bezalel Smotrich, ministre des Transports
  • Uri Ariel, ministre de l’Agriculture et du Développement rural
  • Gilad Erdan, ministre des Affaires stratégiques, ministre de la Sécurité intérieure, ministre de l’Information
  • Yisrael Katz, ministre des Affaires étrangères, ministre du Renseignement et de l’Énergie atomique
  • Yoav Galant, ministre de la Construction
  • Amir Ohana, ministre de la justice
  • Ze’ev Elkin, ministre de Jérusalem, ministre de la Protection de l’environnement
  • Ofir Akunis, ministre de la Science, de la Technologie et de l’Espace
  • Tzachi Hanegbi, ministre des Communications, ministre des Communications régionales

Les ministres énumérés ci-dessus représentent plus de la moitié du gouvernement israélien (11 sur 20) et près de 60% des postes ministériels (16 sur 27) qui ne sont pas actuellement occupés par le Premier ministre israélien Netanyahou, qui occupe actuellement les fonctions de Ministre de la Santé, de la Défense et des Affaires de la diaspora, en plus d’être Premier ministre.

Même s’il peut paraître choquant que plus de la moitié des ministres israéliens actuels soutiennent les principales revendications de Temple Activist, de nombreuses autres personnalités politiques israéliennes à la Knesset, et d’autres ayant des fonctions d’autorité, sont également d’ardents défenseurs de la modification du statut quo au Mont du Temple.

La forte présence de Temple Activist dans les lieux de pouvoir israélien n’a pas été oubliée pour les dirigeants du mouvement. Le rabbin Chaim Richman, responsable du département international de l’Institut du Temple, a déclaré au média Christian Headlines en 2017 :

Aujourd’hui, nous avons un lobby à la Knesset… de nombreux membres de la Knesset parlent constamment du droit des Juifs de prier sur le Mont du Temple. Il existe des membres de la Knesset qui parlent vraiment de la reconstruction du temple sacré. Vous rendez-vous compte qu’il y a 20 ans, ces gens-là n’auraient pas eu le loisir de faire ces choses à la télévision aux heures de grande écoute ? Ils auraient été moqués.

La danse de Netanyahou

Outre son emprise de plus en plus forte sur les assemblées législatives israéliennes, le mouvement Temple Activist s’étend jusqu’au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. Celui-ci, compte tenu de son rôle de Premier ministre, a longtemps évité toute approbation explicite du mouvement activiste, bien que ses actions au cours de sa longue carrière politique de plusieurs décennies offrent suffisamment d’indications pour conclure qu’il est, à tout le moins, favorable au mouvement, et à certains de ses objectifs.

Netanyahou, en raison de sa position politique de premier plan, a publiquement affirmé que son gouvernement cherchait à maintenir le statu quo actuel sur le Mont du Temple, probablement pour éviter d’attiser les troubles et les manifestations. Pourtant, de telles affirmations vont à l’encontre du fait qu’une majorité de ses ministres ont déclaré publiquement qu’ils souhaitaient enlever le contrôle du site sacré à son gardien actuel [la Jordanie].

En outre, Netanyahou lui-même en 2017 a déclaré à la Knesset ce qui suit :

À vous, membres de la Knesset, citoyens d'Israël, et au monde entier, je tiens à préciser que le Mont du Temple et le Mur des Lamentations resteront à jamais sous la souveraineté israélienne.

Dans ce même discours, Netanyahou a qualifié la souveraineté palestinienne sur Jérusalem avant 1967 de «nuage noir» qui était suspendu au-dessus de la ville.

Bien que Netanyahou ait été relativement muet au sujet du troisième Temple, sa pratique de garder le silence après que des membres éminents de son gouvernement et de son parti politique aient promu Temple Activist n’a pas échappé à l’attention des médias israéliens, qui ont répété à maintes reprises que les déclarations de responsables gouvernementaux proches de Netanyahou sont qualifiables d’incitation à la haine par la loi israélienne, une infraction punissable. Certains critiques de Netanyahou ont considéré ce silence comme un soutien tacite aux activistes du temple, de même que les récentes apparitions de Netanyahou lors d’événements où Al-Aqsa et le Dôme du Rocher ont été effacés du paysage de Jérusalem, malgré le statut iconique de ces lieux.

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Netanyahou assiste à un événement adossé à une image du Mont du Temple avec une mosquée sans dôme, le 13 juin 2019. Olivier Fitoussi | AP

Pourtant, Netanyahou ne dit rien non plus sur nombre de ses plus proches associés politiques embrassant les vues de Temple Activist, mais également sur le soutien considérable que certains de ses plus importants donateurs politiques ont apporté aux militants du mouvement. Une enquête menée par Haaretz en 2015 a révélé que le principal donateur de Netanyahou, Kenneth Abramowitz – un milliardaire américain qui dirige également les Amis américains du Likoud – avait donné plus de 1,3 million de dollars à l’institution basée en Israël qui finance toutes les organisations activistes de Yehuda Glick.

En plus de financer Netanyahou, Abramowitz a également fait un don à Yisrael Katz et à Gilad Erdan, respectivement ministres actuels des Affaires étrangères et des Affaires stratégiques, de la Sécurité intérieure et de l’Information, qui soutiennent la fin du statu quo sur le Mont du Temple. Le journaliste et universitaire palestinien Ramzy Baroud a déclaré à MintPress que Gilad Erdan était «la principale personne qui défend ce mouvement [Temple Activist] au sein du gouvernement israélien et de la politique israélienne».

Un autre financier important de Netanyahou – le magnat américain du casino, Sheldon Adelson, semble également soutenir Temple Activist. Par exemple, Israël Hayom – le journal israélien financé par Adelson – a publié de nombreux articles en faveur du mouvement, y compris des articles en première page appelant à la destruction de la mosquée Al-Aqsa. De plus, Adelson est devenu de plus en plus proche du politicien israélien Naftali Bennett, qui a tout le temps réclamé un contrôle accru du Mont du Temple par Israël au cours des dernières années. Adelson aurait même favorisé Bennett, contre Netanyahou, pour le poste de Premier ministre à un moment donné.

Bennett, qui était ministre de l’Éducation jusqu’à récemment, lors de son mandat à ce ministère a inséré du matériel éducatif de Temple Activist dans les programmes scolaires obligatoires, dont certains ont été élaborés par l’Institut du Temple dans le cadre d’un contrat avec le ministère de l’Éducation dirigé par Bennett. En outre, ce dernier – après avoir échoué à obtenir suffisamment de sièges aux élections israéliennes d’avril dernier – envisage de joindre ses forces à celles de Moshe Feiglin, l’un des politiciens israéliens les plus engagés pour le troisième Temple.

Outre ses liens étroits avec des donateurs et des politiciens qui soutiennent Temple Activist, les relations de Netanyahou avec d’éminents chefs religieux ont laissé entendre qu’il soutiendrait la construction d’un troisième Temple. Lors d’une rencontre en 1990 avec le rabbin Mencahem Schneerson – alors dirigeant du mouvement Chabad Lubavitch, une organisation juive orthodoxe internationale qui a acquis une notoriété mondiale et a également suscité la controverse – Netanyahou a demandé à Schneerson, souvent appelé simplement « le Rabbi », des conseils sur des questions personnelles et politiques.

Schneerson, qui, jusqu’à sa mort, était un ardent défenseur de la conviction messianique religieuse selon laquelle des actions physiques pourraient accélérer la réalisation de la prophétie de la fin des temps et la venue du Messie, a conseillé à Netanyahou de « faire quelque chose pour hâter sa venue [du Messie] ». Netanyahou a répondu : «Nous le faisons, nous le faisons…», alors le Rabbi l’a interrompu en disant «Apparemment, cela ne suffit pas», lui demandant de faire davantage, et obtenant finalement un «Oui» de Netanyahou. Après cette réunion, Schneerson a déclaré que Netanyahou allait plus tard « remettre ses clés à Moshiach [le Messie] », suggérant que la carrière politique de Netanyahou aboutirait à la construction d’un troisième Temple, condition préalable à l’apparition du Messie selon les enseignements de Schneerson.

Étant donné que Schneerson a fortement encouragé la construction d’un troisième Temple de son vivant et a souvent reçu des maquettes de celui-ci comme offrandes et cadeaux par des dévots, cet échange a contribué à faire croire que Netanyahou soutiendrait le même esprit de messianisme religieux et la même vision proposée par les activistes du temple.

Toutefois, l’enregistrement fuité d’une réunion privée entre Netanyahou et d’autres membres du Likoud montre que Netanyahou n’approuve pas personnellement la construction d’un troisième Temple, mais ferme les yeux sur ceux qui le font au sein de sa coalition au pouvoir et de ses donateurs, par pur opportunisme politique. Dans cet enregistrement fuité en 2015, le Premier ministre a déclaré que si Israël voulait détruire Al-Aqsa, «cela ne nécessiterait pas un effort considérable… mais cela irait à l’encontre de tout ce que nous défendons».

Pourtant, au cours des années qui ont suivi cette réunion, le Premier ministre a pris des mesures suggérant qu’il ne pensait peut-être plus que la destruction d’Al-Aqsa serait «contre tout ce que nous défendons», d’autant plus que Temple Activist est beaucoup plus influent maintenant qu’en 2015. Ces revendications de possession et de droit ont augmenté depuis le début de l’administration Trump aux États-Unis, qui – comme le montrera le prochain épisode de cette série – contient également de nombreux personnages qui se sont engagés à construire un troisième Temple sur le Mont du Temple, mais pour des raisons différentes.

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Netanyahou pose avec Yehuda Glick, qui tient son «guide» de Temple Activist sur le Mont du temple

Lors de son discours en mai dernier pendant la cérémonie d’inauguration de l’ambassade américaine à Jérusalem – une initiative politique annoncée par de nombreux activistes du temple, et Netanyahou lui-même comme ayant «accompli la prophétie» concernant le troisième Temple – Netanyahou a fait de nombreuses allusions au temple et à son Mont en rapport avec la souveraineté israélienne sur le Mont du Temple à la présence physique d’un temple.

Selon Miko Peled, sur les récentes nominations ministérielles de Netanyahou à la Temple Activist, Peled a déclaré à MintPress :

Récemment, Netanyahou a introduit deux nouveaux membres dans son cabinet - Bezalel Smotrich et Rafi Peretz. Ils viennent du cœur du mouvement de colonisation, sioniste religieux, messianique, du Temple. Ils sont clairs sur leurs objectifs politiques et n'hésitent pas à les énoncer.

Ils parlent de donner aux «Arabes d'Israël», comme ils appellent les Palestiniens, trois options : se rendre et vivre sans droits dans un État juif, partir ou mourir. Ils ne cachent pas leur désir de construire un temple à la place d'Al-Aqsa. Netanyahou ne les a fait venir que parce qu'il est d'accord avec eux, partage leur vision, mais ne peut pas l'exprimer comme ils le font de peur de perdre son statut international d'"homme d'État".

Bien que Netanyahou puisse partager leur vision, comme l’a affirmé Peled, d’autres initiatives politiques qu’il a prises depuis les élections d’avril suggèrent qu’il n’est probablement pas prêt à adopter une telle vision, du moins en ce qui concerne le Mont du Temple. Par exemple, alors qu’il intégrait Smotrich à son cabinet, Netanyahou avait refusé à celui-ci les positions ministérielles qu’il avait souhaitées, qu’il s’agisse du ministère de la Défense ou de la Justice, précisément à cause des propos de Smotrich au sujet du Mont du Temple.

Banaliser l’apocalypse

L’espoir de Yehuda Etzion en 1985, qui, après avoir échoué dans sa tentative de détruire Al-Aqsa, décrivait, depuis sa cellule de prison, « la nouvelle force qui grandit très lentement, déplaçant son activité éducative et sociale vers un nouveau leadership » dans l’establishment politique israélien est maintenant clairement exaucé. Grâce aux efforts d’Etzion et d’autres activistes du temple tels que Yisrael Ariel et Yehuda Glick, le mouvement Temple Activist est devenu plus dominant que jamais auparavant dans la culture et la politique israéliennes, en grande partie grâce au succès retentissant du mouvement depuis 2014 en tant que mouvement promouvant les «droits civiques», malgré ses origines enracinées dans l’’extrémisme religieux et le terrorisme.

Dans la partie I de cette série, nous avons détaillé l’urgence avec laquelle l’establishment politique israélien et les activistes du temple poursuivent leur programme visant Al-Aqsa et le Mont du Temple, révélant – comme l’a décrit Ramzy Baroud – que le soutien au troisième Temple au sein de la société israélienne est maintenant « plus grand que jamais auparavant ».

Pourtant, comme le montrera le prochain épisode de cette série, rien de tout cela ne serait possible sans le ferme soutien du gouvernement des États-Unis, où de puissants politiciens et individus – en particulier au sein de l’administration Trump – partagent la vision des activistes du temple, bien que beaucoup d’entre eux, en tant que sionistes chrétiens, le font pour des raisons radicalement différentes. Le fort recours, parmi certains groupes – qu’ils soient chrétiens ou juifs – à l’utilisation de la force politique comme moteur de l’eschatologie est devenu de plus en plus un dénominateur commun entre la politique américaine et israélienne ces dernières années, ce qui a fortement altéré la politique étrangère des deux pays.

Cependant, loin d’une influence bénigne, les prophéties de la fin des temps qui motivent ces personnalités influentes sont remplies d’événements futurs qui laissent présager des souffrances indicibles, des pertes massives en vies humaines et des guerres cataclysmiques. Étant donné que tant les chrétiens que les juifs favorables à cette interprétation de la fin des temps croient que des mesures proactives doivent être prises pour inaugurer ces scénarios apocalyptiques par ceux qui en ont la capacité – politiciens, donateurs, etc. – cela rend critique et urgente la tâche de faire comprendre cet aspect souvent négligé qui se cache derrière la politique étrangère actuelle d’Israël et des États-Unis.

Whitney Webb est une journaliste de MintPress News basée au Chili. Elle a collaboré avec plusieurs médias indépendants, notamment Global Research, EcoWatch, le Ron Paul Institute et 21st Century Wire, entre autres. Elle a fait plusieurs apparitions à la radio et à la télévision. Elle est lauréate 2019 du prix Serena Shim pour son intégrité sans compromis dans le journalisme.

Traduit par jj, relu par San pour le Saker Francophone

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