Cauchemar au Nicaragua : ce pourrait n’être que le début


Par Andrew Korybko − Le 28 avril 2018 − Source orientalreview.org

On compte au moins 30 morts à l’issue de plusieurs jours de violences généralisées sur tout le territoire du Nicaragua, après que des émeutiers se sont lâchés dans ce qu’ils prétendaient être une « manifestation pacifique et démocratique » contre les projet du gouvernement de réformer le système de sécurité sociale en faillite. De fait, le gouvernement proposait une faible augmentation des cotisations à sa caisse nationale, mais cette proposition est moins rigoureuse que ce que le FMI et la communauté des affaires du pays voulaient : monter l’âge de la retraite de 5 ans, entre autres choses. Les réformes que le pays s’apprêtait à mettre en œuvre sont donc relativement plus douces, et on n’aurait pas du s’attendre à en voir sortir un tel chaos. On pourrait penser que la situation serait encore pire si le gouvernement avait suivi la « solution » beaucoup plus dure du FMI, mais on peut aussi supposer que l’ensemble de cet épisode de sécurité sociale avait été prévu à l’avance comme « événement déclencheur » d’un soulèvement plus important, quelles qu’en soient les décisions elles-mêmes.

Après tout, certains émeutiers brandissaient des armes improvisées, et montraient une rage de tuer totalement hors de proportion avec le refus d’une petite augmentation des cotisations de sécurité sociale. La violence qui a explosé au travers du pays, semble-t-il sur commande, ressemble à un nouveau ballon d’essai de guerre hybride, mesurant la réponse de la société à des perturbations de type changement de régime, ainsi que les réponses gouvernementales à ces violences. Le président Ortega, un ancien socialiste qui avait défendu son pays face aux narco-terroristes soutenus par les USA pendant la « première » guerre froide, a pris la sage décision de suspendre les mesures d’augmentation de cotisations, pour faire cesser l’escalade et afin de séparer les vrais manifestants des émeutiers, mais il se peut que ces derniers fassent à présent profil bas et s’intègrent avec les premiers jusqu’à décider de frapper à nouveau. Il ne fait guère de doute qu’ils y reviendront à l’avenir, au vu de l’importance que prend le Nicaragua dans la nouvelle guerre froide ; leurs commanditaires ne sont pas sans ignorer cette importance.

Émeutes au Nicaragua

Le pays, ancienne zone de conflit par proxy [pendant la guerre froide], reprend de l’importance géostratégique, mais pour des raisons qui n’ont rien à voir avec l’ancien modèle « effet domino », sous-jacent à l’ancien conflit. Le Nicaragua d’aujourd’hui héberge le projet chinois de canal trans-océanique, qui devrait entrer en concurrence avec le canal du Panama, mais qui pour l’instant a peiné à avancer concrètement. Comme presque tous les sujets de relations internationales contemporains, le projet chinois présente également des enjeux pour la Russie. Moscou et Managua ont approfondi leurs partenariats militaires et même spatiaux ces dernières années, ce qui a soulevé des commentaires incroyablement négatifs de la part des médias traditionnels occidentaux, enclins à propager des peurs en réalisant des parallèles avec l’ancienne guerre froide. Comme on pouvait s’y attendre, une propagande digne d’une période de guerre a été répandue récemment, dépeignant le pays comme une « dictature corrompue », « ne prêtant aucune considération aux droits environnementaux » et « supprimant les minorités indigènes » le long de sa côte des Caraïbes.

Il est très probable, que cela arrive à court ou à plus long terme, que des perturbations de type guerre hybride reviennent hanter le Nicaragua si le président Ortega ne prend pas ses distances des partenaires multipolaires que constituent la Chine, la Russie, et le groupe ALBA mené par le Venezuela. Il s’agirait d’une concession stratégique qui répondrait à l’agression asymétrique américaine. Il ressort clairement de tout ceci que Trump poursuit l’« Opération Condor 2.0 », lancée par son prédécesseur, opération unipolaire à l’échelle de l’hémisphère, qui vise à reprendre le contrôle de l’Amérique Latine, et qu’il ne mettra pas fin à cette opération avant d’être parvenu à ses fins.

Cet article constitue une retranscription partielle du programme radio CONTEXT COUNTDOWN, diffusé sur Sputnik News le vendredi 27 avril 2018.

Traduit par Vincent, relu par Cat pour le Saker Francophone

   Envoyer l'article en PDF