…voit les derniers sommets du Golfe, qui ont pourtant montré leur désunion et se sont terminés sans déclaration finale, comme un succès pour l’Arabie Saoudite
Par Moon of Alabama − Le 2 juin 2019
La semaine dernière, l’Arabie saoudite a accueilli trois sommets internationaux à La Mecque. Le premier fut une réunion d’urgence du Conseil de coopération du Golfe (CCG) qui regroupe six pays arabes du Golfe persique. Elle a été suivie d’une réunion de la Ligue arabe entre les 22 pays membres, moins la Syrie qui est actuellement suspendue. Le troisième sommet était celui de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) qui compte 57 États membres.
Les Saoudiens espéraient pouvoir utiliser ces sommets pour affirmer une position unie contre l’Iran. L’Arabie saoudite a accusé l’Iran d’avoir ordonné les récentes attaques de drones par le Yémen sur son gazoduc trans-saoudien. Les États-Unis ont accusé l’Iran d’être à l’origine des attaques récentes contre des pétroliers près des Émirats arabes unis.
Le roi saoudien a ouvert le premier sommet par une attaque contre l’Iran :
Le roi d'Arabie saoudite, le roi Salman, a déclaré jeudi lors d'une réunion d'urgence des pays arabes du Golfe que le développement par l'Iran de capacités nucléaires et de missiles balistiques menaçait la sécurité régionale et mondiale. Il a déclaré que les actions de Téhéran menaçaient le commerce maritime international et les approvisionnements mondiaux en pétrole en une « flagrante violation des traités de l'ONU », suite aux attaques de ce mois-ci contre des pétroliers au large des Émirats arabes unis et des stations de pompage du pétrole dans le Royaume.
Si l’on en croit Nic Robertson de CNN, les Saoudiens ont réussi à unir tous les pays derrière leur position :
Le roi Salman d'Arabie saoudite a réussi à la Mecque ce que beaucoup pensaient improbable - obtenir qu’une vingtaine de nations arabes si disparates s'unissent dans une position commune contre l'Iran. Et bien que cette réalisation n'ait pas été accompagnée de menaces belliqueuses ou de nouvelles lignes rouges, il s'agit d'une étape importante sur une route qui peut encore mener à un conflit régional. Au cours de sommets successifs pouvant s’étendre jusqu’en milieu de nuit, sur les sites les plus saints de l'Islam, le monarque saoudien, vieillissant mais toujours attentif, a obtenu la reconnaissance que l'Iran déstabilisait bien le Moyen-Orient et que son appel à « la communauté internationale pour assumer ses responsabilités. » soit soutenu. Les six pays membres du Conseil de coopération du Golfe et les 21 pays de la Ligue arabe présents ont appelé l'Iran à cesser de « s'ingérer dans les affaires intérieures » de ses voisins et ont dénoncé la « menace de Téhéran pour la sécurité maritime » dans le golfe Persique. ... Ce que nous avons vu à La Mecque, c'est que le statu quo avec l'Iran ne sera plus toléré par les Saoudiens et leurs alliés. Ce qui se passera ensuite dépend de l’Iran. Les pourparlers sont une option, mais le terrorisme, dans la mesure où il est perçu comme tel par les voisins de Téhéran, ne l'est pas.
Les Saoudiens ont dû offrir des lunettes roses à Nic Robertson. En fait, aucun des trois sommets n’a réussi à concrétiser une nouvelle position vis-à-vis de l’Iran. Le communiqué du sommet du CCG ne blâme pas l’Iran pour les attaques récentes et n’utilise que des termes généraux pour exprimer ses préoccupations :
Le Conseil a souligné les positions du Conseil suprême et ses décisions fermes sur les relations avec la République islamique d'Iran, soulignant la nécessité pour l'Iran de respecter les principes fondés sur la Charte des Nations Unies et le droit international, les principes de bon voisinage, le respect de la souveraineté des États, la non-ingérence dans les affaires intérieures et le non recours à la force. Le Conseil a également demandé à l'Iran de cesser de soutenir, de financer et d'armer les milices et les organisations terroristes et de s'abstenir d'alimenter les conflits sectaires, il a appelé le régime iranien à faire preuve de sagesse, à éviter les hostilités et les tentatives pour déstabiliser la sécurité et la stabilité.
Alors qu’Anderson affirme que le comportement de l’Iran « ne sera plus toléré par l’Arabie saoudite et ses alliés », la déclaration du CCG ne fait aucune menace de ce genre. Les membres du CCG savent qu’ils ne peuvent rien faire contre l’Iran car leurs pays sont vulnérables aux représailles. Ils appellent donc les autres à faire quelque chose pour résoudre leurs problèmes :
La résolution appelle la communauté internationale à assumer ses responsabilités en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales, à prendre des mesures fermes contre le régime iranien ainsi que des mesures plus efficaces et plus sérieuses pour empêcher l'Iran de se doter de capacités nucléaires et imposer des restrictions plus strictes à son programme de missiles balistiques.
Dans l’ensemble, le langage de l’actuelle déclaration du sommet du CCG n’est pas très différent de celui utilisé dans les précédents communiqués du CCG :
Ils ont également exhorté Téhéran à réviser ses politiques dans la région en respectant les conventions et traités internationaux pertinents et à cesser d'héberger des groupes terroristes, dont le Hezbollah, sur son sol.
Le communiqué du sommet la Ligue arabe à la Mecque est quelque peu similaire à celui publié par le CCG. Son langage n’est pas différent de celui utilisé dans les déclarations précédentes de la Ligue arabe. Il condamne l’Iran pour son soutien aux Houthis et à la Syrie, mais ne profère aucune menace. L’Irak n’a pas signé le communiqué de la Ligue arabe.
Le communiqué de l’OCI du troisième sommet de La Mecque ne mentionne pas du tout l’Iran. Il se concentre sur la Palestine et rejette l’ « accord du siècle » voulu par les États-Unis, accord qui est censé dépouiller les droits des Palestiniens en échange de quelques maigres promesses économiques.
Sur les six pays du CCG, le Qatar et Oman ont des relations amicales avec l’Iran. L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis sont toujours hostiles au Qatar et ces deux pays échouent dans leur guerre contre le Yémen. La Ligue arabe est plus dysfonctionnelle que jamais. Ses États membres nord-africains sont en proie à des troubles intérieurs et le pays de la Ligue arabe dont l’armée est la plus efficace, la Syrie, est toujours suspendu. L’OCI a condamné le plan Kushner que le prince saoudien, Muhammad bin Salman, et les EAU soutiennent. Le président turc n’a pas participé au sommet de l’OCI en raison de l’hostilité saoudienne envers les Frères musulmans. Le président iranien n’a pas été invité. Le Premier ministre du Qatar, M. al-Thani, n’a été autorisé à participer aux sommets que parce que les États-Unis l’avaient demandé.
En d’autres termes, les deux sommets qui excitaient tant Anderson étaient des « nothingburgers » [du temps perdu]. Leurs déclarations étaient semblables à celles qui ont été faites dans le passé et le CCG et la Ligue arabe n’ont toujours pas la capacité d’agir ensemble sur toute question grave. Qu’ils fassent appel à des étrangers pour s’attaquer l’Iran, c’est tout ce qu’il faut en retirer. Le sommet de l’OCI était carrément hostile aux plans de destruction de la Palestine proposé par les États-Unis et l’Arabie saoudite.
Tant que les médias américains feront une telle « mauvaise analyse » des positions des États étrangers, les politiques qui en découleront continueront d’être irréalistes.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par jj pour le Saker Francophone