Le meurtre d’une célèbre activiste environnementale, Berta Caceres, rappelle le rôle d’Hillary Clinton dans le soutien au coup d’État d’extrême-droite de 2009 qui a renversé le président élu, un progressiste, et a transformé le Honduras en champs de la mort.
Par Dennis J Bernstein – Le 8 mars 2016 – Consortium news.
Une résurgence bien visible des escadrons de la mort au Honduras, avec le meurtre de la célèbre activiste pour les droits indigènes, Berat Caceres, frappe comme un rappel du rôle de la secrétaire d’État qui a protégé le coup d’État de 2009 au cours duquel le président de gauche, Manuel Zelaya, a été renversé, ouvrant la voie à la réinstauration d’un régime d’extrême-droite dans ce pays pauvre d’Amérique centrale.
Caceres, la récente lauréate du prestigieux Prix Goldman pour l’Environnement, fut assassinée chez elle, à La Esperanza, Imtibuca, dans les hauts plateaux situés près de la frontière du Salvador. Son bon ami et associé, Gustavo Castro, fut atteint par deux balles mais a survécu et est maintenant emprisonné par le gouvernement du Honduras.
Castro a tenu Caceres dans ses bras alors qu’elle mourait puis a fait le mort pour éviter sa propre exécution. Il lui est, depuis, interdit de quitter le Honduras.
Le gouvernement du Honduras a prétendu que le meurtre de Caceres était dû à un cambriolage qui a mal tourné, assertion rejetée par ses proches amis et associés comme ridicule, une vaine tentative de couvrir l’assassinat.
Le COPINH, l’organisation pour les droits indigènes avec laquelle Caceres travaillait, considère son meurtre à bout portant comme un assassinat. Au cours de sa conférence de presse au lendemain du meurtre, l’organisation a dénoncé les nombreuses menaces de mort auxquelles avait été confrontée Caceres avant son assassinat.
«Au cours des dernières semaines, la violence et la répression contre Berta, la COPINH et les communautés qu’ils soutiennent a augmenté, déclare la COPINH. À Rio Blanco, le 20 février, Berta, la COPINH et la communauté de Rio Blanco ont subi des menaces et des violences alors qu’ils manifestaient pacifiquement contre la construction d’un barrage hydroélectrique par la compagnie hondurienne financée internationalement, DESA».
» En conséquence du soutien de la COPINH à la lutte de Rio Blanco […] Berta a reçu d’innombrables menaces de mort et la Commission interaméricaine pour les droits de l’homme lui a accordé des mesures de précaution. Le 25 février, une autre communauté aidé par la COPINH à Guise, Intibuca, a été violemment déplacée et détruite.»
Caceres a reçu le Prix Goldman pour l’Environnement pour sa conduite de la campagne pacifiste, très suivie, dans le but d’arrêter la construction d’un des plus grands barrages au monde, celui d’Agua Zarca, qui aurait privé le peuple des Lenca d’accès à l’eau, à la nourriture et aux médicaments. Lorsque Caceres gagna le prix Goldman l’année dernière, elle le reçut au nom «des martyrs qui ont donné leur vie dans la lutte pour la défense des ressources naturelles».
Ses amis et collègues, des intellectuels et des activistes, sont offusqués par le meurtre et nombreux sont ceux qui relient le sien, ainsi que celui de nombreux autres activistes du Honduras, à l’époque où Hillary Clinton était secrétaire d’État. Ils disent que Clinton a joué un rôle important en soutenant le coup d’État de 2009 mené par les oligarques du pays, qui a renversé le président progressiste élu, Manuel Zelaya. La destitution de Zelaya a ouvert la voie à la restauration d’un régime d’extrême-droite et d’un libre échange hors de contrôle. Le Honduras devint rapidement le pays avec le taux d’homicide le plus élevé au monde.
Lorsque l’armée hondurienne a renversé Zelaya, la communauté internationale, dont les Nations Unies, l’Organisation des États américains et l’Union européenne ont condamné le coup d’État et demandé la réinstallation de Zelaya. Mais la secrétaire d’État Clinton s’est alliée avec les républicains d’extrême-droite au Congrès pour justifier l’éviction de Zelaya à cause de ses bonnes relations avec le président vénézuélien de gauche Hugo Chavez.
Dans ses mémoires intitulés Hard Choices [Des choix difficiles, NdT], Clinton se félicite d’avoir empêché Zelaya de retourner au Honduras, comme si c’était une victoire importante pour la démocratie au lieu du début d’une nouvelle ère de violence et de répression par les escadrons de la mort.
«Nous avons planifié le retour à l’ordre au Honduras, écrit-elle, et nous nous sommes assurés que des élections libres et justes puissent être tenues rapidement et légitimement, ce qui rendra le problème Zelaya caduc.» En d’autres termes, plutôt que de soutenir le droit d’un président élu à servir son mandat jusqu’au bout, Clinton a autorisé son renversement pour faire place à un régime intérimaire d’extrême-droite, suivi d’élections que les oligarques pourraient peut-être gagner.
Depuis lors, la violence est devenue incontrôlable, poussant des dizaines de milliers de Honduriens désespérés, dont des enfants non accompagnés, à fuir vers le nord, vers les États-Unis, d’où Clinton soutiendra plus tard leur déportation expresse vers le Honduras.
Mardi, j’ai parlé avec Berverly Bell, de Other Worlds, qui a travaillé en étroite collaboration avec Caceres et Gustavo Castro. Elle était très inquiète au sujet de la sécurité de Castro et d’autres collègues de Caceres. Elle m’a décrit la situation ainsi :
«Une personne fut témoin de l’assassinat, Gustavo Castro Soto, le coordinateur de Ostros Mundos Chiapas. Gustavo, un Mexicain, était venu à La Esperanza, la ville de Berta, pour l’accompagner et a passé la nuit chez elle, sa dernière nuit à elle. Gustavo lui-même a reçu deux balles et a survécu en faisant le mort. Berta est morte dans ses bras.»
» Gustavo fut immédiatement détenu par le gouvernement hondurien pendant plusieurs jours pour le questionner. Puis il fut relâché et accompagné par l’ambassadeur du Mexique et le consul à l’aéroport de Tegucigalpa. Au moment de franchir les douanes, les autorités honduriennes ont essayé de l’attraper. Le gouvernement mexicain a réussi à intervenir et a placé Gustavo sous protection à l’ambassade du Mexique.»
Mais, selon Bell, l’histoire ne s’arrête pas là : «Le gouvernement hondurien a averti que Gustavo ne devait pas quitter le pays. En une violation fragrante de la souveraineté internationale, le gouvernement hondurien a capturé Gustavo à l’ambassade et l’a ramené à La Esperanza pour interrogatoire.»
Dans une lettre du 6 mars à ses proches amis, Gustavo Castro écrit : «Les escadrons de la mort savent qu’ils ne m’ont pas tué et je suis sûr qu’ils veulent finir le boulot.»
Dennis J Berstein.
Article original paru dans Consortium news.
Traduit par Wayan, relu par Diane pour le Saker Francophone.