La réponse de l’Iran : pas de guerre et pas de négociations


2015-09-15_13h17_31-150x112Par le Saker – Le 17 août 2018 – Source The Saker

Nous pouvons tous remercier Dieu que les Anglosionistes n’aient pas lancé une guerre contre la RPDC, qu’aucune attaque ukronazie contre le Donbass n’ait eu lieu pendant la Coupe du monde en Russie et que les dirigeants de l’Empire aient apparemment renoncé à leurs plans de lancer une reconquista de la Syrie.  Cependant, chacune de ces retraites par rapport à leur rhétorique hystérique n’a fait que rendre les néocons encore plus frustrés et déterminés à montrer à la planète qu’ils sont toujours l’Hégémon qui ne peut être désobéi impunément. Comme je l’ai écrit après l’attaque de missile ratée sur la Syrie ce printemps, « chaque clic nous rapproche de la détonation ».  Pour reprendre les mots immortels de Michael Ledeen, « Tous les dix ans environ, les États-Unis doivent attraper un petit pays merdique et le jeter contre le mur, juste pour montrer au monde que nous sommes sérieux. » Le problème évident est qu’il n’y a plus de « petits pays merdiques » et que ceux qui sont actuellement l’objet de la colère de l’Empire ne sont ni petits ni merdiques.

Ayant montré à plusieurs reprises que malgré tous ses aboiements hystériques l’Empire doit reculer lorsque l’adversaire ne se recroqueville pas de peur, il a maintenant un besoin désespéré de prouver sa « spécificité » et sa supériorité (raciale ?). La cible évidente du courroux anglosioniste est l’Iran. En fait l’Iran est dans le collimateur de l’Empire depuis que son peuple a osé montrer la porte aux Anglosionistes et, pire encore, a réussi à créer sa propre démocratie, nationale et islamique. Pour punir l’Iran, les États-Unis, l’URSS, la France et tous les autres pays « démocratiques » ont déchaîné leur marionnette (Saddam Hussein) et lui ont offert leur soutien militaire total, et pourtant les Iraniens l’ont emporté, quoique à un coût épouvantable. Cette capacité de l’Iran de l’emporter dans les circonstances les plus terribles est également l’explication la plus probable du fait qu’il n’y a pas eu d’attaque ouverte contre l’Iran ces quatre dernières décennies (il y a eu, bien sûr, beaucoup d’attaques secrètes au cours de toutes ces années).

Je n’énumérerai pas toutes les menaces anglosionistes récentes contre l’Iran – nous les connaissons tous. L’essentiel est que les États-Unis, Israël et l’Arabie saoudite travaillent de nouveau main dans la main pour préparer le terrain pour une guerre majeure selon ce que nous pourrions appeler « les règles Skripal de la preuve », c’est-à-dire « hautement probable ». Et pourtant, malgré tous ces bruits de sabre, le guide suprême iranien, Ali Khamenei, a résumé la position de l’Iran en ces termes : « Il n’y aura ni guerre ni négociations ».

Examinons d’abord la raison iranienne du « pas de négociations ».

L’évidence : « pas de négociations »

L’Ayatollah Ali Khamenei a été très clair dans ses explications sur pourquoi négocier avec les États-Unis n’a aucun sens. Il a écrit sur son compte Twitter :

Le Guide suprême iranien a même publié un graphique spécial pour résumer et expliquer la position iranienne :

Enfin, l’Ayatollah Ali Khamenei a répété son approche fondamentale à l’égard de l’Empire anglosioniste :

Le contraste entre le vent de bêtise manifestant d’un QI du niveau jardin d’enfants, les menaces en provenance de la Maison Blanche et les paroles d’Ali Khamenei ne pourrait être plus grand, en particulier si nous comparons les mots que les deux dirigeants ont décidé de publier, en lettres capitales :

Trump: Au président iranien Rouhani: NE MENACEZ PLUS JAMAIS LES ÉTATS-UNIS OU VOUS SUBIREZ DES CONSÉQUENCES DONT PEU DE GENS ONT SOUFFERT DANS L’HISTOIRE AUPARAVANT. NOUS NE SOMMES PLUS UN PAYS QUI SUPPORTERA VOS PAROLES DÉMENTIELLES DE VIOLENCE ET DE MORT. PRENEZ GARDE !

Khamenei: IL N’Y AURA PAS DE GUERRE ET NOUS NE NÉGOCIERONS PAS AVEC LES ÉTATS-UNIS.

Notez d’abord que dans son ignorance typique, Trump ne se rend pas compte que Hassan Rouhani n’est que le président de l’Iran et que la menace n’a absolument aucun sens puisqu’il ne prend pas de décisions en matière de sécurité nationale, ce qui est la fonction du Guide suprême. Si Trump avait pris le temps de vérifier au moins dans Wikipedia, il aurait compris que le président iranien « applique les décrets et répond au Guide suprême de l’Iran, qui est le chef de l’État ». Il n’est donc pas étonnant que les menaces infantiles de Trump se transforment instantanément en un mème internet !

En revanche, Khamenei ne s’est même pas donné la peine de s’adresser personnellement à Trump, il a annoncé sa stratégie au monde entier.

Le mème de Trump, TOUT EN CAPITALES

Évidemment, proférer des menaces TOUTES EN CAPITALES juste pour être traité avec un mépris total par les gens que vous vous efforcez d’intimider et voir vos paroles faire rire Internet ne fera qu’augmenter la rage de Trump et de ses partisans. Lorsque vous essayez désespérément de montrer au monde combien vous êtes dur et effrayant, rien n’est plus humiliant que d’être traité comme un gosse stupide. C’est là aussi que réside le plus grand danger : cette dérision pourrait forcer Trump et les néocons qui le dirigent à prouver au monde que leur « bouton rouge » est encore plus grand que celui de tous les autres.

Il est important de noter que rendre des négociations impossibles est quelque chose que l’administration Trump semble avoir adopté comme politique. C’est les conditions liées aux dernières sanctions contre la Russie qui l’illustrent le mieux, puisque celles-ci, fondamentalement, exigent qu’elle admette qu’elle a empoisonné les Skripal. En fait, toutes les exigences occidentales à l’égard de la Russie (admettre sa culpabilité dans l’affaire Skripal, qu’elle a abattu le MH-17, qu’elle remette la Crimée aux Ukronazis, etc.) sont soigneusement façonnées pour s’assurer absolument que la Russie ne négociera pas. Il en va de même, bien sûr, pour les ridicules exigences de Pompeo envers la RPDC (y compris remettre aux États-Unis 60% à 70% de ses armes nucléaires dans un délai de six à huit mois ; il ne faut pas s’étonner que les Nord-Coréens aient dénoncé une attitude de « gangster ») ou les dernières gesticulations étasuniennes à l’égard de la Turquie. Malheureusement les médias contrôlés par les néocons ont réussi à imposer l’idée que les négociations sont un signe soit de faiblesse, soit de trahison, soit les deux. Par conséquent, pour être « patriote » et « fort », aucun responsable américain ne peut se permettre d’être pris en flagrant délit de négociation avec l’ennemi du jour.

Dans ces conditions, pourquoi quelqu’un voudrait-il négocier avec les États-Unis ?

Franchement, l’approche « pas de négociations » est tout à fait sensée, et alors que les Iraniens sont les seuls à l’avoir dit ouvertement, les Russes l’ont évoqué en de nombreuses occasions (voir ce qu’ils ont dit sur les États-Unis « incapables de passer un accord » ou sur les diplomates américains confondant l’Autriche et l’Australie). Il devrait maintenant être tout à fait évident à tout observateur que a) les Étasuniens ne peuvent pas négocier (en raison de leurs limites intellectuelles, culturelles et politiques) et b) qu’ils n’ont aucun désir de négocier. C’est bien sûr une situation hautement indésirable et dangereuse, mais cela ne ferait qu’aggraver les choses de prétendre que des négociations civilisées avec les États-Unis sont possibles.

Donc si les deux côtés s’entendent sur « pas de négociations », qu’en est-il de la guerre ?

Ce qui n’est pas si évident : pas de guerre ?

C’est là que la position d’Ali Khamenei et plus déroutante, du moins pour moi : lorsqu’il dit qu’il n’y aura pas de guerre, veut-il dire que les menaces étasuniennes ne sont pas crédibles ou que l’Iran a les moyens de dissuader les États-Unis d’attaquer ? Ses mots donnent l’impression qu’il est presque certain qu’il n’y aura pas de guerre. Comment peut-il en être si sûr ? Je suis particulièrement étonné par l’apparente confiance iranienne que les Anglosionistes ne les attaqueront pas lorsque je la compare avec la politique russe évidente de préparation active à la guerre depuis au moins 2014 (voir aussi ici, ici, ici, ici, ici et ici).  Bien sûr, l’Iran se prépare à la guerre avec les États-Unis depuis près de 40 ans alors que les Russes ne se sont éveillés à la réalité que récemment, en comparaison. Je vois plusieurs explications possibles à la déclaration d’Ali Khamenei (il peut y en avoir d’autres, évidemment) :

  • Politique : l’Iran essaie de démontrer qu’il fera tout son possible pour éviter une guerre de manière à ce que si une guerre éclate, il serait clair pour tout le monde que l’Iran ne la voulait pas, que l’Iran ne l’a pas déclenchée et que la responsabilité pour les conséquences incombe totalement et uniquement aux États-Unis et à Israël.
  • Ruse : l’Iran sait qu’une guerre se profile, mais essaie de faire semblant de ne pas mieux dissimuler les préparatifs de guerre et d’entraîner l’Empire dans un excès d’optimisme aboutissant à une attaque inefficace et coûteuse.
  • Renseignement : les Iraniens pourraient avoir des renseignements leur indiquant que toutes les menaces étasuniennes ne sont que de la poudre aux yeux afin d’apaiser le lobby israélien et d’avoir l’air « patriotes » en vue des prochaines élections cet automne.
  • Erreur de calcul : les Iraniens pourraient sous-estimer le niveau d’orgueil, d’arrogance et de stupidité des dirigeants étasuniens et conclure de manière erronée que puisqu’une attaque sur l’Iran n’a aucun sens et que les États-Unis ne peuvent pas « gagner », une telle attaque n’aura donc pas lieu.

Pour ma part, chaque fois que je pense à une attaque américaine possible contre l’Iran, je pense à l’attaque israélienne contre le Liban en 2006, qui a eu lieu malgré le fait qu’il était évident pour tout le monde que les Israéliens s’engageaient directement dans un conflit qu’ils ne pouvaient gagner et qui, en fait, a eu pour conséquence l’une des plus épouvantables défaites de l’histoire militaire. Inversement, si le Hezbollah a remporté une victoire vraiment historique, il n’en demeure pas moins que ses dirigeants ne s’attendaient pas à ce que les Israéliens lancent une offensive terrestre de grande envergure. Enfin, l’histoire regorge d’exemples de guerres qui ont été déclenchées en dépit de tous les facteurs objectifs indiquant qu’elles aboutiraient à un désastre.

Il me semble qu’en termes strictement militaires (et non politiques !), Israël pourraient être considéré comme un remplaçant pour les États-Unis et le Hezbollah un remplaçant pour l’Iran et que le résultat de toute future guerre américano-iranienne sera très semblable à celui de la guerre de 2006, quoique à une échelle beaucoup plus vaste (et plus sanglante). Je suis persuadé que les gens au Pentagone le comprennent, mais leurs patrons néocons se soucient-ils même de victimes iraniennes ou, d’ailleurs, étasuniennes ? J’en doute grandement : tout ce qui les intéresse, c’est leur pouvoir et leur idéologie messianique.

S’il n’y avait pas leur arsenal nucléaire, les États-Unis pourraient être considérés comme un pays particulièrement odieux, gouverné par des dirigeants ignorants aux forces armées gonflées et la plupart du temps inefficaces. Hélas, l’arsenal nucléaire américain est très réel (et toujours très performant) et nous savons que les néocons étasuniens de haut niveau ont déjà envisagé par le passé d’utiliser des armes nucléaires tactiques contre la force conventionnelle d’un État non nucléarisé. C’est tordu, mais cela a du sens : si on est un mégalomane imprégné d’un sentiment de supériorité messianique, les normes de conduite internationales ou même civilisationnelles n’ont aucun intérêt (ni même d’importance). À écouter les présidents américains, presque tous (mais en particulier Obama et Trump), il est assez clair que ces gens se considèrent comme le Kulturträger – le vecteur de culture – et le Herrenvolk – la race des seigneurs – du XXIe siècle et que leur messianisme n’est en aucune manière moins illusoire que celui de leurs prédécesseurs nazis (ni, d’ailleurs, celui des papes des 1000 dernières années). Pourquoi les gens qui ont lancé des bombes atomiques sur deux villes japonaises sous le prétexte (entièrement fallacieux) de « raccourcir la guerre » (presque une opération humanitaire !) ne feraient-ils pas la même chose en Iran ?

Certes, ils comprennent probablement qu’utiliser des armes atomiques provoquera un retour de bâton politique massif, mais ils sont confiants que peu importe ce qui se passe à la fin, ils seront toujours en mesure de dire « Allez vous faire foutre » au reste de la planète. Après tout, c’est quelque chose qu’Israël et les États-Unis font dans l’impunité presque totale depuis déjà des décennies – pourquoi cesseraient-ils maintenant ? Quant au fait que les Perses affrontent toutes sortes d’envahisseurs depuis pas moins de 2500 ans, cela n’empêchera pas les Anglosionistes d’essayer de les écraser. Après tout, après avoir dévasté un pays que beaucoup voient comme le berceau de la civilisation, l’Irak, pourquoi ne pas faire la même chose à l’Iran ? Irak, Iran – quelle différence ? Ce ne sont que des « nègres des sables » et notre bouton rouge est plus grand que les leurs, n’est-ce pas ?

Faire face à Shaytân-e Bozorg, le Grand Satan (presque seuls ?)

Ce serait une grande erreur de négliger les États-Unis en raison de leur armée incapable ou de leur faillite morale. La vérité est qu’en termes de pouvoir national, ils restent le pays le plus puissant sur la planète (même si nous n’incluons pas les armes nucléaires). Quiconque en doute doit regarder comment les monnaies des pays que les États-Unis visent commencent subitement à plonger : le rouble russe (qui a rebondi depuis), le rial iranien, le bolivar vénézuélien, la lire turque, etc.) ou comment il a fallu peu de temps à Trump pour mettre les Européens (certes invertébrés) à genoux.  Quant à la Russie, malgré toute sa puissance militaire, elle reste un pays demi-souverain dans lequel les « intégrationnistes atlantiques » pro-américains/pro-israéliens continuent à essayer de saboter (souvent avec succès) tout ce que font Poutine et ses partisans. Je ne mettrais pas non plus de grands espoirs dans la Chine, surtout en considérant le manque d’action chinoise significative en Syrie, où la Russie et l’Iran ont fait tout le gros du travail. C’est malheureux, mais le seul allié sur lequel l’Iran peut vraiment compter est le Hezbollah. Alors que ce dernier est considéré comme un « acteur non étatique », il a une redoutable capacité de frapper les maîtres coloniaux des États-Unis, en particulier en termes de missiles. Cela ne protégera pas l’Iran, mais cela pourrait servir de véritable dissuasion pour les Israéliens, notamment depuis que le Secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah a clairement indiqué que le Hezbollah est plus que capable de s’attaquer à Israël. Pour le moment, les Israéliens se préparent déjà pour un nouveau match contre lui et ils réunissent des forces dans le nord pour préparer une guerre contre le Hezbollah.

Est-ce qu’à vos yeux cela veut dire qu’il n’y aura pas de guerre contre l’Iran ?

Je l’espère. Mais pour moi, cela laisse penser qu’une attaque est presque inévitable. Je prédis une telle attaque depuis 2007 et, jusqu’à présent, je me suis totalement trompé (Dieu merci !). Le tout premier article que j’ai écrit pour mon blog s’intitulait « Where the Empire meets to plan the next war » (« Là où l’Empire se coordonne pour planifier la prochaine guerre ») se concluait sur les mots suivants :

« Donc compter encore une nouvelle guerre impériale d’agression, un baril de brut à plus de 100 dollars et des pénuries de pétrole, une inflation galopante, des pertes d’emploi, un marché immobilier et une bourse stagnants et une dette nationale et un déficit gouvernemental dont même Reagan serait fier. Et beaucoup d’Américains morts (sans même parler des Iraniens, n’est-ce pas ?). Mais ne vous en faites pas : il y aura toujours une énorme quantité de drapeaux américains fabriqués en Chine à agiter ! »

Et pourtant, 11 ans plus tard, l’attaque anglosioniste qui semblait si imminente en 2007 n’a pas encore eu lieu. Se pourrait-il que cette fois encore une attaque contre l’Iran puisse être évitée ? L’Ayatollah Ali Khamenei semble vraiment confiant qu’elle ne se produira pas. Je n’en suis pas si sûr, mais j’espère ardemment qu’il a raison.

The Saker

[Cette analyse a été écrite pour Unz Review for the Unz Review]

Traduit par Diane, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker francophone

   Envoyer l'article en PDF   

1 réflexion sur « La réponse de l’Iran : pas de guerre et pas de négociations »

  1. Ping : La réponse de l’Iran : pas de guerre et pas de négociations – Le Saker Francophone – DE LA GRANDE VADROUILLE A LA LONGUE MARGE

Les commentaires sont fermés.