L’« indépendance » du Kosovo : les dilemmes de l’agression de l’OTAN en 1999


Par Vladislav B. Sotirović – Le 7 mars 2018 – Source Oriental Review

Les ruines d’une cathédrale orthodoxe serbe à Djakovica (Kosovo), dynamitée en juillet 1999.

Le dixième anniversaire de l’« indépendance » de la République du Kosovo, célébré par les Albanais du Kosovo le 17 février 2018, a une fois de plus réouvert la question de l’intervention militaire de l’OTAN contre la République fédérale de Yougoslavie (RFY) entre mars et juin 1999 comme fondement de la sécession du Kosovo de la Serbie et sa proclamation d’une quasi indépendance le 17 février 2008. Pourtant, le Kosovo est devenu le premier et le seul État européen dirigé par des chefs de guerre terroristes, qui venaient dans ce cas de l’Armée de libération (albanaise) du Kosovo (UCK).

Le but de cet article est d’enquêter sur la nature de la guerre de l’OTAN contre la Yougoslavie en 1999, dont le résultat final est la création du premier État terroriste en Europe – la République du Kosovo.

Terrorisme et indépendance du Kosovo

Les terroristes de l’UCK, avec le soutien des États-Unis et de l’Union européenne ont lancé une violence guerre à grande échelle en décembre 1998, dans l’unique but de provoquer l’intervention militaire de l’OTAN contre la Fédération yougoslave, condition préalable à la sécession du Kosovo par rapport à la Serbie, suivie, ils l’espéraient, d’une indépendance reconnue internationalement. Afin de résoudre la « question du Kosovo » en faveur des Albanais, l’administration Clinton a amené en février 1999 les deux parties en conflit au château de Rambouillet, en France, pour une négociation formelle. En fait dans le but de poser un ultimatum à la Serbie pour qu’elle accepte de facto la sécession du Kosovo. D’un point de vue formel, l’ultimatum de Rambouillet, de jure, 1) a reconnu l’intégrité territoriale de la Serbie, 2) le désarmement de l’UCK terroriste, et 3) ne mentionnait pas l’indépendance du Kosovo vis-à-vis de la Serbie. Cependant, ces conditions cruciales de l’accord final étaient, en substance, extrêmement favorables à l’UCK et à son projet sécessionniste en faveur d’un Kosovo indépendant et, par conséquent, la Serbie les a rejetées. La réponse des États-Unis a été une intervention armée conduite par l’OTAN en tant qu’« intervention humanitaire » afin de soutenir directement le séparatisme albanais du Kosovo. Par la suite, le 24 mars 1999, l’OTAN a lancé son opération militaire contre la RFY, qui a duré jusqu’au 10 juin 1999. La citation qui suit explique pourquoi il n’a pas été demandé au Conseil de sécurité de l’ONU d’approuver l’opération :

« Sachant que la Russie s’opposerait à tout effort visant à obtenir le soutien à l’intervention militaire, l’OTAN a lancé des frappes aériennes contre les forces serbes en 1999, soutenant de fait les rebelles albanais kosovars. » 1.

L’élément crucial de cette opération a été un bombardement barbare, coercitif, inhumain, illégal et par dessus tout impitoyable de la Serbie pendant près de trois mois. L’intervention militaire de l’OTAN contre la RFY – Operation Allied Force – a été présentée par ses partisans comme une opération purement humanitaire, mais de nombreux spécialistes reconnaissent que les États-Unis et leurs États-clients avaient principalement des objectifs politiques et géostratégiques, qui les ont conduits à cette action armée.

La légitimité du bombardement brutal et coercitif de cibles militaires et civiles dans la province du Kosovo et dans le reste de la Serbie-et-Monténégro a fait immédiatement l’objet d’une controverse, puisque le Conseil de sécurité de l’ONU n’avait pas autorisé l’intervention. Assurément l’action était illégale en vertu du droit international, mais elle a été justifiée formellement par l’administration américaine et le porte-parole de l’OTAN comme légitime pour la raison qu’elle était inévitable car toutes les options diplomatiques pour éviter la guerre étaient épuisées. Toutefois la poursuite du conflit militaire au Kosovo entre l’UCK et les forces de sécurité de l’État serbe menaçait de provoquer une catastrophe humanitaire et de générer de l’instabilité politique dans la région des Balkans. Par conséquent, « dans le contexte des craintes de ‘nettoyage ethnique’ de la population albanaise, une campagne de frappes aériennes, menée par les forces de l’OTAN sous la direction des États-Unis » 2 l’intervention a été exécutée avec pour résultat final le retrait des forces et de l’administration serbes de la province : c’était exactement l’exigence principale de l’ultimatum de Rambouillet.

Un train civil serbe bombardé par l’aviation de l’OTAN au pont de Grdelica le 12 avril 1999. Au moins 15 passagers ont été brûlés vifs.

Il est d’une importance cruciale de souligner au moins cinq faits pour bien comprendre la nature et les buts de l’intervention militaire de l’OTAN contre la Serbie-et-Monténégro en 1999 :

  • Seules les cibles serbes étaient bombardées tandis que l’UCK était autorisée, et même entièrement financée, pour poursuivre ses activités terroristes contre les forces de sécurité serbes ou les civils serbes-et-monténégrins ;
  • Le nettoyage ethnique des Albanais par les forces de sécurité serbes n’était qu’une action potentielle (en fait, uniquement dans le cas d’une intervention militaire directe de l’OTAN contre la RFY), mais pas un fait réel pouvant donner une bonne raison à l’OTAN de lancer un bombardement coercitif contre la RFY ;
  • L’affirmation de l’OTAN que les forces de sécurité serbes ont tué plus de 100 000 civils albanais pendant la guerre du Kosovo de 1998-1999 était un mensonge de pure propagande. En effet, après la guerre, on n’a trouvé que 3 000 corps de toutes les nationalités au Kosovo ;
  • Le bombardement de la RFY a été promu en tant qu’« intervention humanitaire »  ce qui veut dire en tant qu’action légitime et défendable, ce qui, selon le spécialiste, signifie « … une intervention militaire effectuée pour atteindre des objectifs humanitaires plutôt que stratégiques ». 3. Il est cependant tout à fait clair aujourd’hui que l’intervention avait des objectifs ultimes politiques et géostratégiques, mais pas d’objectif humanitaire ;
  • L’intervention militaire de l’OTAN en 1999 a constitué une violation directe des principes de conduite internationale de l’ONU, comme le stipule la Charte des Nations unies :

« Tous les membres s’abstiendront, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’usage de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, ou de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations unies. » 4.

Ce qui s’est passé au Kosovo au début de la campagne militaire de l’OTAN était tout à fait prévisible et surtout de bon augure pour l’administration américaine et les dirigeants de l’UCK : la Serbie a mené une attaque beaucoup plus forte contre l’UCK et les Albanais ethniques qui la soutenaient. Conséquence, le nombre des réfugiés a beaucoup augmenté – de 800 000 selon des sources de la CIA et de l’ONU. Du coup, l’administration américaine a présenté tous ces réfugiés comme les victimes de la politique menée par les Serbes d’un nettoyage ethnique systématique et bien organisé le « faux drapeau » (Plan Fer à cheval), indépendamment des faits :

  • Une écrasante majorité d’entre eux n’étaient pas de véritables réfugiés mais plutôt des « réfugiés de télévision » pour les médias de masse occidentaux ;
  • Beaucoup échappaient simplement aux conséquences des bombardements impitoyables de l’OTAN ;
  • Une partie seulement des réfugiés ont été les véritables victimes de la politique de « revanche sanglante » des Serbes pour la destruction par l’OTAN de la Serbie (mais pas trop du Monténégro) ;
  • Une partie des « réfugiés » ou des « personnes déplacées » ont simplement profité de la guerre pour atteindre certains pays occidentaux (principalement l’Allemagne et la Suisse).

Néanmoins, le résultat final de la campagne contre la RFY a été que le Conseil de sécurité de l’ONU a formellement autorisé les troupes au sol de l’OTAN (sous le nom officiel de KFOR) 5 à occuper le Kosovo et laisser les mains libres à l’UCK pour poursuivre et achever de nettoyer ethniquement la province de tous les non-Albanais. Ce fut le début de l’« indépendance » du Kosovo, formellement proclamée par son Parlement (sans référendum national) le 17 février 2008, et immédiatement reconnue par les plus importants pays occidentaux. 6 Le Kosovo, devint ainsi le premier pays mafieux européen officiel. 7. En plus, les politiques de l’UE et des États-Unis visant à rétablir la paix sur le territoire de l’ex-Yougoslavie n’ont pas réussi à relever ce qui était probablement le défi principal et le plus grave de leur mission proclamée de restaurer la stabilité et la sécurité dans la région : le terrorisme lié à al-Qaïda, en particulier en Bosnie-Herzégovine mais aussi au Kosovo. 8.

Carte ethnique de la Yougoslavie socialiste d’après le recensement de 1981.

Dilemmes

Selon les sources de l’OTAN, l’intervention militaire de l’alliance de mars à juin 1999 contre la RFY avait deux objectifs :

  1. Forcer Slobodan Milosević, président de la Serbie, à un plan politique pour le statut autonome du Kosovo (conçu par l’administration américaine) ;
  2. Prévenir le (supposé) nettoyage ethnique des Albanais par les autorités serbes et leurs forces armées.

Cependant, si l’objectif politique a été en principe atteint, l’objectif humanitaire a eu des résultats tout à fait opposés. En bombardant la RFY dans les trois phrases de frappes aériennes, l’OTAN a réussi à contraindre Slobodan Milosević à signer une capitulation politique et militaire à Kumanovo le 9 juin 1999, à laisser l’administration de l’OTAN gérer le Kosovo et à autoriser pratiquement la terreur islamique conduite par l’UCK contre les Serbes chrétiens. 9. Un résultat direct de l’opération a certainement été négatif, puisque les sorties de l’OTAN ont causé la mort d’environ 3 000 soldats serbes et civils, d’un nombre inconnu d’Albanais de souche. Un effet indirect de l’opération a coûté la mort d’un certain nombre de civils albanais tués, suivi par flux de réfugiés d’Albanais du Kosovo 10 car elle a poussé la police serbe et l’armée yougoslave à attaquer. Nous ne pouvons pas oublier que les crimes de guerre à très grande échelle commis contre les civils albanais au Kosovo pendant le bombardement de la RFY ont été probablement commis, selon certaines enquêtes, par les réfugiés serbes de la région croate de la Krajina (la « République serbe de Krajina » autoproclamée, de 1991 à 1995) qui se sont retrouvés après août 1995 sous les uniformes des forces de police régulières de Serbie pour se venger des terribles atrocités albanaises commises contre les civils serbes dans la région de la Krajina en Croatie seulement quelques années auparavant 11 lorsque de nombreux Albanais du Kosovo combattaient les Serbes en uniforme croate.

Le dilemme fondamental est de savoir pourquoi l’OTAN a soutenu directement l’UCK – une organisation que de nombreux gouvernements occidentaux, y compris celui des États-Unis, qualifiaient déjà auparavant de « terroriste ». On savait que la stratégie de guerre de partisans de l’UCK 12 ne se basait que sur la provocation directe des forces de sécurité serbes à répondre en attaquant les postes de l’UCK avec un nombre inévitable de victimes civiles. Pourtant, ces victimes civiles albanaises n’ont pas été comprises par les autorités de l’OTAN comme un « dommage collatéral » mais comme des victimes d’un nettoyage ethnique délibéré. Néanmoins, toutes les victimes civiles du bombardement de l’OTAN en 1999 ont été présentées comme des « dommages collatéraux » de la « guerre juste » de l’OTAN 13 contre le « régime oppressif » de Belgrade.

Voici les principes de base (académiques) d’une « guerre juste » :

  1. Dernier recours – Toutes les options diplomatiques sont épuisées avant le recours à la force ;
  2. Cause juste – Le but ultime de l’usage de la force est de défendre son propre territoire ou sa population contre les attaques militaires des autres ;
  3. Autorité légitime – Cela implique le gouvernement légitime et constitué d’un État souverain, et non une entité privée (individu) ou un groupe (organisation) ;
  4. Bonne intention – La force, ou la guerre, doit être poursuivie pour des raisons moralement acceptables et non pour des motifs de vengeance ou l’intention d’infliger des dommages ;
  5. Chance raisonnable de succès – Le recours à la force ne devrait pas être appliqué dans une cause désespérée dans laquelle les vies humaines sont exposées sans avantages réels ;
  6. Proportionnalité – L’intervention militaire doit avoir plus d’avantages que de pertes ;
  7. Discrimination – Le recours à la force ne doit viser que des cibles strictement militaires car les civils sont considérés comme innocents ;
  8. Proportionnalité – La force utilisée ne doit pas être supérieure à ce qui est nécessaire pour atteindre des buts moralement acceptables ni supérieure à la cause qui l’a provoquée ;
  9. Humanité – La force mise en œuvre ne peut jamais être dirigée contre les soldats de l’ennemi s’ils sont capturés (les prisonniers de guerre) ou blessés. 14.

Si nous analysons la campagne militaire de l’OTAN de 1999 à la lumière des principes fondamentaux (académiques) de la « guerre juste » les conclusions fondamentales sont les suivantes :

  1. En 1999, l’administration américaine n’a fait aucun effort réel pour régler la crise du Kosovo. Washington n’a posé d’ultimatum politico-militaire à Rambouillet qu’à une seule partie (la Serbie) d’accepter ou non le chantage : 1) retirer toutes les forces militaires et de police du Kosovo ; 2) remettre l’administration du Kosovo aux troupes de l’OTAN ; et 3) autoriser les troupes de l’OTAN à utiliser tout le territoire de la Serbie à des fins de transit. En d’autres termes, le point fondamental de l’ultimatum à Belgrade était que la Serbie deviendrait volontairement une colonie des États-Unis, mais sans la province du Kosovo. Même le président américain de l’époque, Bill Clinton, a confirmé que le refus de l’ultimatum de Rambouillet par Slobodan Milosević était une décision compréhensible et logique. On peut dire que la Serbie en 1999 a fait la même chose que le Royaume de Serbie lorsqu’il a rejeté en 1914 l’ultimatum hongrois, qui était lui aussi absurde et abusif. 15 ;
  2. L’administration de l’OTAN a fait un usage totalement abusif de ce principe puisque aucun pays de l’OTAN n’était attaqué ou occupé par la RFY. Au Kosovo à cette époque, il s’agissait d’une guerre antiterroriste classique menée par les autorités de l’État contre le mouvement séparatiste illégal mais entièrement parrainé par l’Albanie voisine et l’OTAN. 16. Autrement dit, le second principe de la « guerre juste » ne peut pas s’appliquer aux opérations antiterroristes entreprises par les autorités de l’État serbe au Kosovo contre l’UCK mais bien à l’intervention militaire de l’OTAN contre la RFY ;
  3. Le principe de l’autorité légitime ne peut s’appliquer, dans le cas du conflit au Kosovo de 1998-1999, qu’à la Serbie et à ses institutions et à son autorité étatique légitime, qui ont été reconnues comme telles par la communauté internationale et surtout par l’ONU ;
  4. Les raisons moralement acceptables invoquées par les autorités de l’OTAN pour justifier son action militaire contre la RFY en 1999 n’étaient pas très claires et surtout non prouvées et détournées à des fins politiques et géostratégiques futures. Nous savons aujourd’hui que la campagne militaire de l’OTAN n’était pas fondée sur des prétentions moralement prouvées de mettre fin à l’expulsion massive des Albanais de souche de leurs foyers au Kosovo, puisqu’un nombre très important de personnes déplacées est apparu pendant l’intervention militaire de l’OTAN, mais pas avant ;
  5. Les conséquences du cinquième principe ont été appliquées sélectivement puisque seuls les Albanais du Kosovo ont profité des perspectives à court et à long terme de l’engagement militaire de l’OTAN dans les Balkans en 1999 ;
  6. Le sixième principe lui aussi n’a été pratiquement appliqué qu’aux Albanais du Kosovo, ce qui était en fait la tâche ultime des administrations américaine et de l’OTAN. Autrement dit, les bénéfices de l’action ont été majoritairement unilatéraux. Cependant, dans une perspective stratégique et politique à long terme, l’action a été bénéfique, avec des pertes minimales pour l’alliance militaire occidentale pendant la campagne ;
  7. Ce sont les conséquences pratiques du septième principe qui ont été les plus critiquées, l’OTAN n’ayant manifestement fait aucune différence entre les cibles militaires et civiles. En outre, l’alliance de l’OTAN a délibérément bombardé beaucoup plus d’objets civils et de citoyens non combattants que d’objets militaires. Pourtant, toutes les victimes civiles du bombardement, de toutes les nationalités, sont été présentées par l’autorité de l’OTAN comme des « dommages collatéraux » inévitables. En fait, c’était une violation manifeste du droit international et d’un des principes de base du concept de « guerre juste » ;
  8. Le huitième principe d’une « guerre juste » n’a certainement pas été respecté par l’OTAN car la force mise en œuvre était de beaucoup supérieure à ce qui était nécessaire pour accomplir les tâches proclamées et, surtout, était bien supérieure à celle de la partie adverse. Cependant, les objectifs moralement acceptables des décideurs politiques occidentaux étaient basés sur des faits erronés et délibérément détournés concernant les victimes albanaises dans la guerre du Kosovo de 1998-1999 car il s’agissait principalement du « faux drapeau » du « massacre brutal de quarante-cinq civils dans le village kosovar de Racak en janvier 1999 ». 17. Ce cas, cependant, est devenu un prétexte formel (casus belli) pour l’intervention de l’OTAN. On sait néanmoins aujourd’hui que ces « civils albanais brutalement massacrés » étaient en fait des membres de l’UCK tués au cours de combats réguliers et non exécutés par les forces de sécurité serbes. 18 ;
  9. Seul le dernier principe d’une « guerre juste » a été respecté par l’OTAN mais pour la seule raison qu’il n’y avait pas de soldat capturé du côté de l’adversaire. Les autorités serbes ont également respecté ce principe car tous les pilotes capturés ont été traités comme des prisonniers de guerre conformément aux normes internationales et ont même été libérés peu après leur emprisonnement. 19.

Conclusions

Les conclusions essentielles de l’article après enquête sur la nature de l’intervention militaire « humanitaire » de l’OTAN au Kosovo en 1999 sont les suivantes :

  1. L’intervention militaire de l’OTAN contre la RFY pendant la guerre du Kosovo de 1998-1999 a été menée principalement à des fins politiques et géostratégiques ;
  2. La déclaration du caractère « humanitaire » de l’opération n’a servi que de cadre moral formel à la réalisation des véritables objectifs de la politique américaine d’après-guerre froide dans les Balkans, établis par les Accords de Dayton en novembre 1995 ;
  3. L’administration américaine de Bill Clinton a utilisé l’UCK terroriste pour faire pression et exercer un chantage sur le gouvernement serbe afin qu’il accepte l’ultimatum de Washington pour transformer la Serbie en une colonie militaire, politique et économique des États-Unis, avec l’adhésion à l’OTAN dans l’avenir en échange de la préservation formelle de l’intégrité territoriale de la Serbie ;
  4. À l’origine, les gouvernements occidentaux ont qualifié l’UCK d’« organisation terroriste » ce qui devrait signifier que sa stratégie de combat par la guérilla visant à provoquer directement les forces de sécurité serbes était moralement inacceptable et ne déboucherait pas sur un soutien diplomatique ou militaire ;
  5. Pendant la guerre du Kosovo en 1998-1999, l’UCK a essentiellement servi de force terrestre de l’OTAN pour déstabiliser directement la sécurité de l’État serbe ;
  6. L’UCK était vaincue militairement au tout début de 1999 par les forces de police serbes régulières, mais elle a été revitalisée par l’OTAN pendant la campagne de bombardements de mars à juin 1999 ;
  7. Les sorties de l’OTAN en 1999 avaient pour objectif principal de forcer Belgrade à donner la province du Kosovo aux administrations étasunienne et européenne afin de la transformer en la plus grande base militaire des États-Unis et de l’OTAN en Europe ;
  8. L’intervention « humanitaire » de l’OTAN contre la RFY en 1999 a violé presque tous les principes de la « guerre juste » et du droit international – une intervention devenue l’un des meilleurs exemples de l’histoire de l’après-guerre froide d’utilisation injuste du pouvoir coercitif à des fins politiques et géostratégiques et en même temps un cas classique de la « diplomatie coercitive » pratiquée par les gouvernements occidentaux ;
  9. Environ 50 000 soldats de l’OTAN déplacés au Kosovo après le 10 juin 1999 n’ont pas rempli les tâches essentielles de leur mission : 1) démilitarisation de l’UCK, puisque cette formation militaire n’avait jamais été correctement désarmée ; 2) protection de tous les habitants du Kosovo, puisque rien que jusqu’en janvier 2001, au moins 700 citoyens du Kosovo ont été assassinés sur une base ethnique (la plupart étaient des Serbes) ; 3) stabilité et sécurité de la province puisque la plupart des Serbes et autres non-Albanais l’ont fuie en raison de la politique de purification ethnique systématique appliquée par l’UCK – une organisation terroriste criminelle au pouvoir au Kosovo après juin 1999.
  • La récompense des États-Unis à l’UCK pour sa loyauté a été d’installer des membres de l’armée aux postes clé de l’actuelle République « indépendante » du Kosovo, qui est devenue le premier État européen administré par les chefs d’une ex-organisation terroriste qui a commencé immédiatement après la guerre à appliquer une politique de nettoyage ethnique de toute la population non-albanaise et d’islamisation de la province.

L’objectif national et politique ultime de l’UCK au pouvoir au Kosovo est d’inclure cette province dans une Grande Albanie – un projet politique élaboré par la première Ligue de Prizren en 1878-1881 et réalisé pour la première fois pendant la Seconde Guerre mondiale. 20.

  • La principale conséquence de l’Occupation du Kosovo par l’OTAN après juin 1999 et jusqu’à aujourd’hui est une destruction systématique de l’héritage culturel chrétien (serbe) et du caractère euro-chrétien de la province, suivie de son islamisation évidente et globale et, donc, de la transformation du Kosovo en un nouvel État islamique slave ;
  • En ce qui concerne la crise du Kosovo en 1998-1999, la première et authentique intervention « humanitaire » a été celle des forces de sécurité serbes contre l’UCK terroriste dans le but de préserver les vies des Serbes ethniques et des Albanais anti-UCK dans la province ;
  • Le Pacte de stabilité pour l’Europe du Sud-Est, tant pour la Bosnie-Herzégovine que pour le Kosovo-et-Métochie, a tenté de sous-estimer le concept traditionnel de souveraineté en donnant une possibilité pratique au contrôle administratif de l’ONU (en fait de l’Occident) sur ces deux territoires de l’ex-Yougoslavie. 21 ;
  • L’intervention « humanitaire » de l’OTAN en 1999 contre la RFY a clairement violé les normes reconnues internationalement de non-intervention, fondées sur le principe de l’« inviolabilité des frontières » qui vont au-delà du concept de « guerre juste » selon lequel l’autodéfense est la raison fondamentale, ou au moins la justification formelle, de l’usage de la force ;
  • Alors que l’OTAN s’est acquittée, du moins elle l’a déclaré, de « la responsabilité internationale de protéger » (les Albanais de souche) en bombardement lourdement la Serbie (et pas trop le Monténégro) en contournant le Conseil de sécurité de l’ONU, il est clair que cet effort de 78 jours pour semer la terreur a été contre-productif car il a « créé autant de réfugiés humains souffrants qu’il n’en a protégés ». 22 ;
  • La question fondamentale qui se pose aujourd’hui à propos des interventions « humanitaires » au Kosovo est : pourquoi les gouvernements occidentaux n’ont-ils pas entrepris une nouvelle intervention militaire « humanitaire » coercitive après juin 1999 pour prévenir un nouveau nettoyage ethnique et une violation brutale des droits de l’homme contre toute la population non albanaise au Kosovo mais surtout contre les Serbes ?
  • Enfin, l’intervention militaire de l’OTAN a été perçue par de nombreux constructivistes sociaux comme une manifestation de « démocratie guerrière »  démontrant comment les idées de la démocratie libérale « sapent la logique de la théorie de la paix démocratique ». 23.

Traduit par Diane, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker francophone

Notes

  1. S. L. Spiegel, J. M. Taw, F. L. Wehling, K. P. Williams, World Politics in a New Era, Thomson Wadsworth, 2004, 319
  2. A. Heywood, Global Politics, New York : Palgrave Macmillan, 2011, 320
  3. Ibid., 319
  4. J. Haynes, P. Hough, Sh. Malik, L. Pettiford, World Politics, Harlow : Pearson Education Limited, 2011, 639
  5. Résolution 1244 du Conseil de sécurité de l’ONU du 10 juin 1999. Les responsabilités de base de la KFOR étaient : 1) Protéger les opérations d’aide ; 2) Protéger toute la population du Kosovo ; 3) Créer une sécurité stable dans la province pour que l’administration internationale puisse fonctionner normalement
  6. Cette reconnaissance de l’indépendance autoproclamée du Kosovo par rapport à un pays démocratique de Serbie, avec un régime pro-occidental, a fondamentalement entériné la victoire de la politique radicale de purification ethnique du Kosovo albanais après juin 1999. Les Albanais du Kosovo ont commencé leurs atrocités contre les Serbes immédiatement après la signature de l’Accord de Kumanovo en juin 1999, lorsque l’UCK est revenue au Kosovo avec les troupes d’occupation au sol de l’OTAN. Jusqu’en février 2008, environ 200 000 Serbes ont été expulsés du Kosovo et 1248 non-Albanais ont été tués, et même de manière très brutale dans certains cas. Le nombre de non-Albanais enlevés n’est pas encore connu mais il est probable qu’une majorité d’entre eux ont été tués. Cent cinquante-et-un monuments spirituels et culturels orthodoxes ont été détruits par les Albanais en plus des 213 mosquées construites avec le soutien financier de l’Arabie saoudite. Avant la proclamation de l’indépendance, 80% des cimetières étaient complètement détruits ou partiellement profanés par les Albanais. Sur le droit à l’indépendance du Kosovo, voir M. Sterio, The Right to Self-Determination under International Law : ‘Selfistans’, Secession, and the Rule of the Great Powers, New York−London : Routledge, Taylor & Francis Group, 2013, 116−129. Sur la sécession du point de vue du droit international, voir M. G. Kohen, Secession : International Law Perspectives, New York : Cambridge University Press, 2006
  7. T. Burghardt, ‘Kosovo : Europe’s Mafia State. Hub of the EU-NATO Drug Trail’, 22-12-2010, http://www.globalresearch.ca/kosovo-europe-s-mafia-state-hub-of-the-eu-nato-drug-trail/22486
  8. J. Haynes, P. Hough, Sh. Malik, L. Pettiford, World Politics, Harlow : Pearson Education Limited, 2011, 588
  9. Sur la « paix juste »  voir P. Allan, A. Keller (eds.), What is a Just Peace ?, Oxford−New York : Oxford University Press, 2006
  10. Selon les sources officielles occidentales, jusqu’à 90% de la population albanaise du Kosovo est devenue réfugiée pendant l’intervention militaire de l’OTAN. Ce devrait donc être le plus grand déplacement de civils en Europe après la Seconde Guerre mondiale. Pourtant, tous ces réfugiés sont considérés comme « expulsés » de leurs foyers par les forces de sécurité serbes et l’armée yougoslave
  11. Par exemple, lors de l’opération « Poche de Medak » le 9 septembre 1993, les forces croates, dans lesquelles des Albanais du Kosovo servaient aussi, ont tué environ 80 civils serbes (В. Ђ. Мишина (уредник), Република Српска Крајина : Десет година послије, Београд : Добра воља Београд, 2005, 35)
  12. La guerre de « partisans » ou de « guérilla » est menée par des troupes irrégulières utilisant principalement des tactiques adaptées aux caractéristiques géographiques du terrain. La caractéristique essentielle des tactiques de la guerre de « guérilla » des partisans est qu’elle utilise la mobilité et la surprise mais ne livre pas de bataille frontale avec l’ennemi. Généralement, les civils paient le prix le plus élevé au cours de la guerre de partisans. Autrement dit, c’est une « guerre menée par des irréguliers, ou guérilleros, généralement contre des forces régulières, en uniforme, utilisant les frappes éclair, les embuscades et d’autres tactiques qui permettent à un nombre plus faible de guérilleros de remporter des batailles contre des forces numériquement supérieures et souvent lourdement armées ». (P. R. Viotti, M. V. Kauppi, International Relations and World Politics : Secularity, Economy, Identity, Harlow : Pearson Education Limited, 2009, 544). En ce qui concerne la guerre au Kosovo de 1998 à 1999, la reconstruction de la stratégie de guérilla est la suivante :

    « une patrouille de police passe dans un village, lorsque subitement une fusillade s’ouvre et quelques policiers sont tués et blessés. La police riposte et la suite dépend de la force des unités rebelles engagée. Si le village semble bien protégé et risqué à attaquer par les unités régulières, celles-ci cessent de combattre et demandent un soutien supplémentaire. Il arrive généralement sous la forme d’une unité paramilitaire qui lance un assaut féroce ». (P. V. Grujić, Kosovo Knot, Pittsburgh, Pennsylvania : RoseDog Books, 2014, 193).

  13. La « guerre juste » est considérée comme une guerre dont le but est de satisfaire à certaines normes éthiques et donc (soi-disant) moralement justifiée
  14. A. Heywood, Global Politics, New York : Palgrave Macmillan, 2011, 257
  15. М. Радојевић, Љ. Димић, Србија у Великом рату 1914−1915, Београд : Српска књижевна задруга−Београдски форум за свет равноправних, 2014, 94−95
  16. Par exemple, l’Albanie a fourni des armes aux séparatistes albanais du Kosovo en 1997 tandis qu’environ 700 000 armes à feu ont été « volées » par la foule albanaise selon les journaux de l’armée d’Albanie, mais une grande partie de ces armes s’est retrouvée exactement dans le Kosovo voisin. Les membres de l’UCK étaient formés en Albanie avec l’aide des instructeurs militaires de l’OTAN puis envoyés au Kosovo
  17. R. J. Art, K. N. Waltz (eds.), The Use of Force : Military Power and International Politics, Lanham−Boulder−New York−Toronto−Oxford : Rowman & Littlefield Publishers, Inc., 2004, 257
  18. В. Б. Сотировић, Огледи из југославологије, Виљнус : приватно издање, 2013, 19−29
  19. Sur l’intervention « humanitaire » de l’OTAN en RFY en 1999, plus d’informations dans G. Szamuely, Bombs for Peace : NATO’s Humanitarian War on Yugoslavia, Amsterdam : Amsterdam University Press, 2013
  20. La Grande Albanie, dans le projet, est « envisagée pour être une zone d’environ 90’000 mètres carrés, incluant le Kosovo, la Grèce, la Macédoine, la Serbie et le Monténégro ». J. Haynes, P. Hough, Sh. Malik, L. Pettiford, World Politics, Harlow : Pearson Education Limited, 2011, 588
  21. R. Johnson, ‘Reconstructing the Balkans : The effects of a global governance approach’, M. Lederer, P. Müller (dir.), Criticizing Global Governance, New York : Palgrave Macmillan, 2005, 177
  22. A. F. Cooper, J. Heine, R. Thakur (dir.), The Oxford Handbook of Modern Diplomacy, Oxford−New York : Oxford University Press, 2015, 766
  23. J. Haynes, P. Hough, Sh. Malik, L. Pettiford, World Politics, Harlow : Pearson Education Limited, 2011, 225
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2 réflexions sur « L’« indépendance » du Kosovo : les dilemmes de l’agression de l’OTAN en 1999 »

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