Amener le monde au bord de l’anéantissement


Par Rick Sterling – Le 10 avril 2018 – Source Oriental Review

Le président américain Donald Trump avec le secrétaire à la Défense Jim Mattis, à gauche, le vice-président Mike Pence, deuxième depuis la gauche et le chef de cabinet de la Maison Blanche John Kelly, à droite, s’adresse aux médias lors de son arrivée au Pentagone en janvier 2018.

Les néoconservateurs et les faucons occidentaux poussent la situation internationale vers une tension et un danger croissants. Non contents d’avoir détruit l’Irak et la Libye sur la base de fausses affirmations, ils réclament maintenant une attaque américaine directe contre la Syrie.

Prélude dangereux, des avions israéliens volant au-dessus de l’espace aérien libanais ont tiré des missiles contre la base aérienne T4 de Tiyas à l’ouest de Palmyre.

C’est ce qui avait été prédit

Comme rapporté par Tass, le chef d’état-major général de la Russie, Valery Gerasimov, a prédit les événements actuels il y a presque un mois. L’article du 13 mars affirme : « La Russie dispose de faits concrets sur des préparatifs en vue de l’utilisation d’armes chimiques contre des civils par les forces gouvernementales. Après la provocation, les États-Unis projettent d’accuser celles-ci d’utiliser des armes chimiques (…) de fournir de prétendues ‘preuves’ (…) et Washington prévoit de lancer une frappe de missiles et de bombes contre les districts du gouvernement de Damas. »

Gerasimov a noté que des conseillers militaires russes sont dans les installations du ministère syrien de la Défense à Damas et, « dans l’éventualité d’une menace contre les vies de nos soldats, les forces armées russes prendront des mesures de rétorsion pour cibler à la fois les missiles et leurs véhicules de lancement ».

La situation est à l’évidence dangereuse et comporte un risque de déraper dans un conflit international et même une Troisième Guerre mondiale. Si cela se produit, cela signifierait la fin de la civilisation. Tout cela pour que l’Occident puisse continuer à soutenir les groupes armés sectaires qui cherchent à renverser le gouvernement Assad… en violation du droit international et de la Charte des Nations unies.

Le pays le plus puissant au monde est dirigé aujourd’hui par un magnat de l’immobilier, de l’hôtellerie et du divertissement sans expérience politique. En coulisses, il y a un puissant milieu de la politique étrangère, déterminé à maintenir ou à regagner le « leadership » américain unilatéral sur le monde. Ils n’aiment pas que les États-Unis perdent influence, prestige et pouvoir partout dans le monde. Israël et l’Arabie saoudite sont particulièrement contrariés par l’échec de leurs projets de domination régionale.

Ghouta orientale, Damas

La Ghouta orientale est un district de fermes et de villages à la périphérie nord-est de Damas. Au cours des six dernières années, diverses factions armées contrôlaient la zone. Presque tous les jours, elles lançaient des attaques de mortier et tiraient des missiles sur Damas, tuant des milliers de personnes. L’auteur de cet article a personnellement été témoin de deux de ces attaques de mortier en avril 2014.

Fin mars, la plus grande partie de la Ghouta orientale a été reprise par le gouvernement. Avec l’évacuation pacifique des militants armés, les civils ont afflué dans les corridors humanitaires puis les camps pour personnes déplacées du gouvernement. La campagne s’est déroulée rapidement avec un minimum de pertes en vies humaines, les agents de réconciliation russes ont négocié des accords qui permettaient aux militants de conserver leurs armes légères et d’être transférés à Idlib dans le nord du pays. Vanessa Beeley a documenté la situation, y compris le bonheur et le soulagement de nombreux civils lorsqu’ils ont finalement réussi à se mettre à l’abri. L’un d’eux a décrit son sentiment de « renaître ». Robert Fisk était sur place et a rapporté ce qu’il a vu de première main dans des articles titrés Watching on as Islamist fighters are evacuated from war-torn Eastern Ghouta et Western howls of outrage over the Ghouta siege ring hollow.

Comme indiqué au Centre russe de réconciliation à la fin de mars, 105 857 civils se sont rendus dans des zones contrôlées par le gouvernement, tandis que 13 793 militants plus 23 433 membres de leurs familles ont été transportés au nord. Ceux qui voulaient rester, y compris d’anciens combattants, ont été accueillis. Ils ont pu rejoindre la société syrienne avec les mêmes droits et obligations que les autres Syriens.

Les combattants terroristes de Jaish al-Islam dans la Ghouta orientale

Le dernier bastion de l’opposition était la ville de Douma, contrôlée par le groupe Jaish al-Islam, financé par les Saoudiens. Les négociations ont été prolongées parce que Jaish al-Islam ne voulait pas aller à Idlib, qui est dominé par un autre groupe d’opposition, Jabhat al-Nusra – également connu sous le nom de Hayat Tahrir al-Sham.

L’incident chimique

Samedi 7avril, une vidéo et des articles ont été publiés sur une attaque chimique à Douma. La vidéo montrait des douzaines d’enfants morts. Dimanche, l’histoire a fait les grands titres des médias occidentaux dominants. Le président Trump a rapidement conclu : « Le président Poutine, la Russie et l’Iran sont responsables de soutenir l’animal Assad. Grand prix à payer. »

Il n’y a pas eu d’enquête objective. Les affirmations des médias sont basées sur des déclarations et des vidéos de membres de la Syrian American Medical Society (SAMS) et des Casques blancs. Ces deux organisations reçoivent des fonds importants du gouvernement américain [et anglais pour les Casques Blancs, NdSF] et appellent à une intervention occidentale en Syrie.

Les armes chimiques sont apparues comme la justification rapide et facile pour l’agression. Il y a un an, en avril 2017, c’était l’incident de Khan Chaykoun. Cela a débouché sur une attaque américaine quelques jours plus tard. L’enquête qui a suivi a découvert que des douzaines de victimes s’étaient présentées dans les hôpitaux en divers endroits et jusqu’à 100 km de la scène du crime AVANT que l’événement se produise. Étrangement, ce qui indique la partialité de l’équipe d’enquêteurs, ce drapeau rouge indiquant une fraude n’a pas fait l’objet d’une enquête plus approfondie. S’il n’y avait eu que quelques victimes ou un seul endroit, il aurait pu s’agir d’une erreur dans la tenue des registres sur l’horaire. Cependant, dans ce cas, il y a eu des douzaines d’écarts en de multiples endroits, ce qui soulevait clairement la possibilité d’une fraude.

Nous avons maintenant l’incident à Douma, une ville de la périphérie de Damas. L’opposition armée bat en retraite. Ses membres ont essayé de faire pression pour que les États-Unis et l’OTAN interviennent directement depuis 2012. Ils ont accès à des armes chimiques dans la Ghouta orientale et le mobile. Ils ont aussi des douzaines de prisonniers. C’est le groupe qui enferme des centaines de prisonniers, surtout des femmes et des enfants, dans des cages dans les rues de Douma.

Qui profite ?

Le moment des incidents avec armes chimiques mérite également d’être mentionné. Comme c’est documenté ici, il y a un an, le 30 mars 2017, l’ambassadrice Haley a déclaré que la politique américaine ne se concentrait plus sur la destitution d’Assad. Cinq jours plus tard, l’incident chimique à Khan Cheikhoun avait lieu, rapidement suivi par l’accusation du gouvernement syrien, une attaque américaine et le rétablissement de l’exigence « Assad doit partir ». Le 29 mars, Trump a déclaré que les forces étasuniennes se retireraient « très bientôt » de Syrie. Cette déclaration a provoqué des protestations des médias et des milieux politiques. Maintenant, après l’incident des armes chimiques de samedi, les États-Unis menacent de nouveau d’intervenir directement. Les incidents impliquant des armes chimiques ont toujours entraîné l’annulation d’une proposition de changement dans l’hostilité à l’égard de la Syrie.

L’ambassadrice américaine au Conseil de sécurité de l’ONU, Nikki Haley

Les néoconservateurs et les partisans du « changement de régime » en matière de politique étrangère ont diverses théories sur les raisons pour lesquelles le gouvernement Assad se livreraient à des attaques aux armes chimiques. Le sénateur John McCain dit que le président syrien a été « enhardi » par la déclaration précédente de Trump.

Juan Cole, un universitaire favorable aux attaques contre la Libye en 2011, a une théorie différente. Il dit que « les armes chimiques sont utilisées par des régimes désespérés qui soit sont surpassés en nombre par l’ennemi, soit sont réticents à accepter des pertes chez leurs soldats. L’attaque aux bombes baril avec des armes chimiques sur Douma semble pour cette raison avoir été une tactique attrayante pour le régime. Elle avait le potentiel d’effrayer la population de Douma afin qu’elle déserte l’Armée de l’islam. » Contrairement à sa théorie, les armes chimiques ont été abondamment utilisées par les États-Unis au Vietnam et en Irak, alors qu’ils étaient loin d’être désespérés. Comme en témoigne l’afflux de civils dans les zones contrôlées par le gouvernement, la plus grande partie de la population civile est heureuse d’échapper à l’Armée de l’islam (« Jaish a-Islam »), sectaire et violente. Cole semble baser ses théories sur une couverture médiatique occidentale inexacte, tout comme il l’avait fait pour la Libye, où les affirmations sensationnelles sur un massacre imminent à Benghazi se sont révélées frauduleuses par la suite.

À qui profite cette couverture médiatique sensationnelle sur un incident impliquant des armes chimiques est parfaitement clair : à ceux qui cherchent à diaboliser le gouvernement syrien et son président et qui veulent que le gouvernement étasunien intervienne militairement. Chaque fois qu’il y a un incident, il est rapidement accepté et utilisé par les gouvernements et les organisations qui ont cherché un « changement de régime » en Syrie depuis de nombreuses années.

Manipuler l’opinion publique

La manipulation de l’opinion publique occidentale sur le conflit syrien en recourant à de faux événements n’est pas de la théorie : elle a été prouvée. Un bon exemple est le faux enlèvement du reporter de NBC Richard Engel en décembre 2012. Engel et son équipe avaient été prétendûment enlevés et menacés de mort par des partisans de la shabiha du président syrien. Après des jours de captivité, l’équipe américaine aurait été secourue par des « rebelles » de l’Armée syrienne libre après une fusillade. Il a été confirmé en 2015 que c’était un hoax perpétré par l’ASL et ses partisans. Tout le simulacre avait été réalisé par les « rebelles ». Le but était de diaboliser le gouvernement Assad et ses partisans et de romancer et accroître le soutien à l’opposition armée. Ni Engel ni NBC n’ont avoué la réalité jusqu’à ce qu’elle soit révélée des années plus tard, mettant en évidence leur duplicité et leur collusion dans la tromperie.

Il y a quatre ans et demi, le 21 août 2013, le plus célèbre incident aux armes chimiques a eu lieu. Le gouvernement syrien a été immédiatement accusé d’avoir lancé une attaque au gaz sarin qui avait tué des centaines d’enfants et de civils. Des enquêtes ont été menées pendant les six mois qui ont suivi. Les conclusions de Seymour Hersh, Robert Parry et du site d’investigation whoghouta.com ont conclu que l’attaque n’était très certainement PAS le fait du gouvernement, mais effectivement de l’une des factions « rebelles » avec le soutien des services de renseignement turcs. Deux parlementaires turcs ont tenu une conférence de presse et ont révélé publiquement quelques éléments de preuve. L’intention alors, comme aujourd’hui, était de fournir une justification et une incitation à une intervention directe des États-Unis et de l’OTAN.

Conclusion

Aujourd’hui, une attaque majeure est possible, fondée sur les allégations d’une source clairement partiale. Qu’en est-il du droit international et de l’application de la loi ? Pourquoi menacer de recourir à la violence avant une enquête objective sérieuse sur l’incident chimique ? Si les accusations contre la Syrie sont vraies, pourquoi ne pas mener une enquête sérieuse, en particulier maintenant que la zone a été libérée aujourd’hui (9 avril) et qu’un accès en toute sécurité peut y être garanti ?

Les roulements des tambours de guerre se font entendre. Après plus d’un an de dénigrement et de désinformation incessants sur la Russie, les populations sont-elles prêtes à entrer en guerre avec la Russie à propos de la Syrie ? Les faucons néoconservateurs et leurs alliés israéliens et saoudiens semblent le vouloir. Leurs plans et leurs prévisions pour l’Irak, la Libye et le Yémen étaient des fantasmes illusoires, avec le prix payé en sang par les peuples de ces pays ainsi qu’en richesses par les Américains. Malheureusement, les médias et les politiciens qui ont promu et lancé ces guerres n’ont pas eu à rendre de comptes. Aujourd’hui, ils veulent intensifier l’agression en attaquant la Syrie, en faisant couler beaucoup plus de sang encore et en risquant une confrontation avec un pays capable de riposter.

Rick Sterling est un journaliste vivant dans la région de San Francisco Bay. Son adresse de contact : rsterling1@gmail.com

Traduit par Diane, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saler francophone

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2 réflexions sur « Amener le monde au bord de l’anéantissement »

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