Par Neil Clarck – Source Russia Today
Comme tout le monde, vous avez pu voir aux infos que les rebelles affiliés à al-Qaida avaient pris le contrôle de presque toute la dernière ville encore tenue par le gouvernement dans la province d’Idlib, au nord de la Syrie.
C’est une nouvelle très importante car cela veut dire que les régions côtières encore sous contrôle du gouvernement, dont le port de Lattaquié qui est une place forte baathiste, sont directement menacées. C’est une avancée majeure pour la cause islamiste mais le plus frappant dans cet événement est l’absence totale d’inquiétude et de réaction de la part des gouvernements occidentaux.
On pourrait penser que ces gouvernements soient alarmés par les avancées d’al-Qaida, vu le nombre d’Occidentaux tués dans la guerre contre la terreur en Afghanistan.
En fait, le manque d’inquiétude envers les avancées des militants en Syrie montre l’hypocrisie totale de la politique étrangère occidentale. Ses élites prétendent combattre l’islamisme radical alors qu’en Syrie, ils font tout ce qu’ils peuvent pour que celui qui combat contre cet islamisme radical, le gouvernement laïque syrien, soit affaibli et finalement vaincu.
Le mois dernier, le président syrien Assad a attiré l’attention sur la prétendue guerre occidentale contre le groupe État islamique. Il a fait remarquer que qu’il n’y avait que dix raids aériens par jour contre ce groupe de la part de pays qui se disent riches et modernes. «L’armée de l’air syrienne, qui est faible en comparaison de celle de la coalition, conduit en une seule journée beaucoup plus de raids aériens que la coalition qui regroupe soixante pays. Cela n’a pas de sens. Cela montre leur manque de sérieux… Il n’y a aucun effort sérieux pour vaincre le groupe terroriste État Islamique. » a dit Assad.
Au lieu d’essayer de vaincre le terrorisme, l’Occident et ses alliés le soutiennent.
Israël, le pays dont nos propagandistes nous répètent à l’envi qu’il est sur la ligne de front de la guerre contre la terreur, agit en tant qu’allié d’al-Qaida sur le front syrien. Il a lancé une dizaine de raids aériens sur la Syrie depuis 2012 mais pas un seul n’était dirigé contre le groupe islamiste combattant l’armée d’Assad; tous ces raids visaient soit des cibles gouvernementales soit des groupes se battant aux cotés d’Assad contre les terroristes, comme, par exemple, le raid qui a tué un général iranien et six combattants du Hezbollah. (Aujourd’hui, on apprend qu’une autre frappe aérienne a tué quatre militants sur la frontière israélo-syrienne
En mars, il a étét annoncé qu’Israël avait ouvert ses frontières avec la Syrie pour fournir une assistance médicale aux militants d’al-Nusra, groupe affilié à al-Qaida, et, après les avoir soignés, qu’Israël les avait ramenés à la frontière syrienne pour qu’ils continuent leur combat contre un gouvernement syrien séculaire qui protège les chrétiens et autres minorités religieuses.
L’aide apportée par les forces de défense israéliennes aux rebelles syriens sur le plateau du Golan a été documentée par toute une série de rapports de l’ONU.
Mais Israël ne veut visiblement pas que ses activités en Syrie soient mises en lumière.
Un druze syrien qui postait sur internet des informations détaillant la coopération d’Israël avec le front al-Nusra a été arrêté, plus tôt dans l’année, sur la partie du Golan occupée par Israël.
Évidemment, aucune campagne Je Suis Sidqi al-Maqt n’a encore été lancée par les moralistes de la liberté d’expression en Occident. Comme l’a fait remarquer Media Lens, organisation de surveillance des médias: «Il n’y a pas de Je Suis Charlie quand il s’agit de critiquer Israël.»
«Il semble que maintenant Israël se soit allié directement avec al-Qaida en Syrie, écrit Asa Winstanley dans le Middle East Monitor. C’est une alliance tactique pour que la guerre civile se prolonge et que le sang continue à couler.»
Cette alliance entre Israël et al-Qaida, il y a très peu de publicité en Occident, si ce n’est aucune. Nous ne voyons aucun débat dans nos sociétés soi-disant ouvertes et démocratiques pour expliquer pourquoi un de nos grands partenaires aide ceux que l’on nous présente comme nos plus mortels ennemis. A la place, le débat tenu par les néocons pro-israéliens et la fausse gauche, jouant les humanitaires très inquiets pour le peuple syrien, porte sur l’imposition d’un blocus aérien qui affaiblirait encore plus le gouvernement syrien dans sa défense du pays contre le terrorisme. Ils veulent renverser le gouvernement syrien non pas pour son score en termes de droits de l’homme mais à cause de son alliance avec l’Iran et le Hezbollah.
Bien sur, Israël n’est pas la seule puissance du Moyen-Orient à vouloir éliminer Assad. L’Arabie saoudite cherche aussi à le renverser et semble avoir accéléré ses efforts en ce sens depuis l’accession du roi Salman au trône en début d’année. Dans le Washington Post, Liz Sly met les dernières avancées rebelles sur le compte du rôle accru de l’Arabie saoudite et de ses alliés régionaux.
Les armes fournies aux soi-disant rebelles modérés sont, quelle surprise, tombées dans les mains des groupes affiliés à al-Qaida. En mars dernier, le journal britannique Daily Mail a montré des photos de combattants du front al-Nusra posant à coté de missiles américains qu’ils avaient capturés aux rebelles soutenus par les Occidentaux.
«al-Qaida s’empare de villes syriennes grâce à des armes sophistiquées américaines fournies aux modérés. Si vous pensez que cela n’était pas planifié, vous feriez mieux d’y repenser», tweete Edward Dark, un analyste et activiste basé en Syrie.
La chute imminente d’Assad a déjà souvent été faussement proclamée, surtout par les néocons qui ne peuvent pas le sentir. Mais les dernières avancées d’al-Qaida sont très préoccupantes et, à moins que la situation sur le terrain ne change rapidement, alors les jours restants du gouvernement laïc de Damas sont comptés.
Les islamistes seraient déjà sur Damas si le parlement britannique avait voté pour un bombardement de la Syrie en 2013, comme le souhaitaient les néocons. «Si David Cameron avait obtenu ce qu’il demandait, les jihadistes contrôleraient Damas maintenant, a écrit Peter Ford, ancien ambassadeur britannique en Syrie, dans une violente critique de la politique britannique en Syrie éditée par The Guardian. En appeler au renversement du gouvernement laïc syrien, le diaboliser de manière outrageuse, prédire sa chute prochaine comme Cameron et (le ministre des Affaires étrangères) Hague l’ont fait en 2012 et 2013, pour ensuite gémir qu’ils n’y étaient pour rien quand les musulmans britanniques sont partis là bas pour se rallier aux jihadistes est un non-sens total», a déclaré l’ambassadeur.
Cette approche est effectivement un non-sens, mais seulement si l’on prend pour argent comptant les déclarations des responsables politiques qui prétendent faire une guerre implacable à al-Qaida. En réalité leur guerre est loin d’être implacable. Si elle devait l’être, alors les dirigeants occidentaux devraient travailler main dans la main avec Assad contre les jihadistes et non pas le contraire comme ils le font actuellement.
Le fait qu’ils ne semblent pas du tout préoccupés par les récentes avancées d’al-Qaida en Syrie démontre, une fois de plus, que ce n’est pas l’islamisme radical qui inquiète l’Occident, mais un gouvernement laïc, indépendant, qui ne veut simplement pas courber l’échine devant le lobby de la guerre sans fin.
Traduit par Wayan, relu par jj pour le Saker Francophone